Décision n° 425-R-2011

le 9 décembre 2011

EXAMEN de la méthode utilisée par l’Office des transports du Canada pour déterminer le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées.

No de référence : 
T 6275-17

CONTEXTE

[1] En 2009, l'Office des transports du Canada (Office) a entrepris de faire l'examen de sa méthode d'établissement du coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées. Cet examen a été entrepris parce que plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis le dernier examen de la méthode et que, selon l'Office, un organisme de réglementation se doit d'entreprendre périodiquement ce genre d'examen important des méthodes qu'il utilise.

[2] Dans ce contexte, l'Office a estimé qu'il était opportun d'entreprendre l'examen de sa méthode existante d'établissement du coût du capital afin d'évaluer si elle constituait toujours l'approche la plus raisonnable, la plus fiable et la plus pragmatique possible pour calculer le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées. Les objectifs poursuivis par l'Office consistaient à déterminer s'il existait une autre méthode d'établissement du coût du capital nettement supérieure à sa méthode ou s'il était possible de modifier sa méthode de façon à l'améliorer nettement, et à adopter la méthode dont l'Office se servirait pendant au moins cinq ans.

[3] L'examen s'est déroulé en deux phases : une phase d'étude et une phase d'audiences. Dans la phase d'étude, après des consultations menées auprès d'une grande diversité d'intervenants en vue de définir le cadre de référence de l'étude, un consultant indépendant a examiné les méthodes et les principes existants en matière d'établissement du coût du capital, la méthode d'établissement du coût du capital utilisée par l'Office et celles utilisées par d'autres organismes de réglementation économique.

[4] Cette phase s'est soldée par le dépôt du rapport intitulé Examen des méthodes réglementaires d'établissement du coût du capital, produit par le Brattle Group (le rapport Brattle). Dans ce rapport, les points forts et les points faibles de méthodes et de modèles existants d'établissement du coût du capital sont passés en revue, et les éventuelles questions ou implications liées à la mise en œuvre de ces modèles sont évaluées.

[5] Dans la décision no LET-R-185-2010, l'Office a lancé la phase d'audiences de l'examen et la tenue de consultations auprès d'une grande diversité d'intervenants, y compris des compagnies de chemin de fer, des expéditeurs, des producteurs et d'autres parties, sur certaines questions récurrentes que l'Office avait relevées aux fins de discussion. Les parties intéressées ont eu l'occasion d'exprimer leurs points de vue sur ces questions et sur d'autres qu'elles jugeaient pertinentes au regard de cet examen de l'Office, et de commenter le rapport Brattle.

[6] Les parties énumérées ci-dessous ont présenté des commentaires.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). Ronald M. Giammarino, Ph.D., et Murray Carlson, Ph.D., professeurs de finance à la Sauder School of Business de l'Université de la Colombie-Britannique, ont témoigné à titre d'experts. CN est une compagnie de chemin de fer de classe 1 de compétence fédérale qui fait du transport de marchandises.

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP). Bruce E. Stangle, Ph.D., et George Kosicki, Ph.D., d'Analysis Group Inc., ont témoigné à titre d'experts. CP est une compagnie de chemin de fer de classe 1 de compétence fédérale qui fait du transport de marchandises.

Canadian Canola Growers Association (CCGA). La CCGA est une organisation de producteurs. Elle représente environ 50 000 producteurs de canola et s'exprime sur des questions et des politiques nationales et internationales qui influent sur la rentabilité de ses membres.

Coalition des expéditeurs par rail (CER). Lawrence Kryzanowski, Ph.D., professeur titulaire de finance et titulaire de la chaire de recherche en finance de l'Université Concordia, a témoigné à titre d'expert. La CER regroupe des associations de l'industrie du transport depuis 2005, et ses membres représentent plus de 80 pour cent des revenus de CN et de CP. La CER présente au gouvernement des observations sur des questions qui touchent le transport de marchandises par rail au Canada.

Western Canadian Shippers Coalition (WCSC). Lawrence I. Gould, Ph.D., professeur de finance à l'Université du Manitoba, a témoigné à titre d'expert. La WCSC représente des entreprises et des associations qui exercent leurs activités dans le domaine du transport de produits tirés des ressources naturelles du Canada : orge, ciment, produits chimiques, charbon, bois d'œuvre, métaux, papier journal, produits dérivés des oléagineux, pâtes et papiers, soufre, blé, granules de bois, etc. La WCSC déclare que ses membres fournissent plus de 320 000 emplois directs et indirects aux Canadiens des collectivités de l'Ouest et expédient chaque année pour plus de 35,5 milliards de dollars de produits.

Department of Transportation, Province d'Alberta (Alberta)

Infrastructure et Transports, Province du Manitoba (Manitoba)

Ministry of Highways and Infrastructure, Province de la Saskatchewan (Saskatchewan)

ÉTABLISSEMENT DU COÛT DU CAPITAL PAR L'OFFICE

[7] Le coût du capital est une estimation du rendement global sur l'investissement net requis par les porteurs de titres de créance et les actionnaires pour que les coûts liés à la dette puissent être acquittés et que les investisseurs puissent obtenir un rendement du capital investi correspondant aux risques assumés pour la période considérée.

Cadre réglementaire

[8] Dans le contexte de la réglementation, le coût du capital est estimé pour un vaste éventail d'industries et pour un éventail tout aussi vaste d'objectifs économiques réglementaires, dont certains ont une portée très large et d'autres, plus restreinte. Les mandats et les degrés d'importance rattachés à l'établissement du coût du capital diffèrent en fonction des autorités de réglementation et des industries visées. Ces différences influent sur les choix de méthode que chaque organisme de réglementation envisage, tout comme le font l'histoire de la réglementation et les facteurs législatifs et économiques prédominants dans le contexte de chaque autorité.

[9] L'article 5 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, modifiée (LTC) établit la politique nationale des transports pour le Canada et prévoit, en partie, que la réglementation et les mesures publiques stratégiques sont utilisées pour l'obtention de résultats de nature économique que la concurrence et les forces du marché ne permettent pas d'atteindre de manière satisfaisante. En conséquence, l'Office calcule chaque année le coût du capital à des fins réglementaires dans le contexte de la réglementation économique des compagnies de chemin de fer au Canada, laquelle repose principalement sur les forces du marché pour régir les relations entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs. L'Office est chargé d'établir le coût du capital pour certaines fins déterminées seulement; contrairement à d'autres organismes de réglementation, l'Office n'est pas tenu d'établir le coût du capital pour toutes les activités d'exploitation de la partie réglementée.

[10] Plus précisément, le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées intervient dans un certain nombre d'applications légales et réglementaires prescrites par la LTC, et l'Office calcule le coût du capital pour trois fins principales : 1) le transport du grain de l'Ouest, 2) l'interconnexion et 3) d'autres fins réglementaires particulièresNote 1.

[11] Le plus important des trois calculs, d'un point de vue pratique, est le calcul du coût du capital pour le transport du grain de l'Ouest. Dans ce cas, le coût du capital calculé établit un rendement approprié pour les dépenses d'investissement des compagnies de chemin de fer et constitue une composante de l'indice des prix composite afférent au volume (IPCAV). L'IPCAV entre quant à lui dans le calcul annuel du plafond de revenu pour le transport ferroviaire du grain de l'Ouest (soit le plafond de revenu).

[12] Le coût du capital à utiliser pour l'établissement des coûts et des prix d'interconnexion est aussi calculé chaque année. L'Office l'applique dans son modèle pour déterminer le coût des activités d'interconnexion ou des processus intermédiaires qui emploient du capital, comme les investissements dans l'infrastructure, le matériel roulant et son entretien et le matériel de travaux.

[13] Le coût du capital est également calculé pour des fins réglementaires autres que le transport du grain de l'Ouest et l'interconnexion. Le coût du capital est un des éléments essentiels dans l'estimation des coûts unitaires des activités ferroviaires et des processus intermédiaires, lesquels servent à leur tour à établir le coût d'un mouvement ou d'un service ferroviaire. Ces autres fins réglementaires comprennent notamment l'établissement des prix qu'un fournisseur de services ferroviaires voyageurs doit payer pour utiliser le réseau ferroviaire, les installations et les services ferroviaires d'une autre compagnie de chemin de fer; l'établissement du prix à payer pour les droits de circulation sur le réseau d'une autre compagnie de chemin de fer; l'établissement de prix de ligne concurrentiels et de prix communs; la répartition des coûts d'entretien et de construction des franchissements routiers; le règlement des différends concernant le service et le bruit quand le coût est un facteur à prendre en considération; la prestation d'une assistance technique liée au coût dans les procédures d'arbitrage de l'offre finale entre expéditeurs et transporteurs.

[14] En ce qui a trait à l'établissement du coût du capital, l'Office souligne les points suivants :

  • Des différences fondamentales existent entre les régimes réglementaires : les industries peuvent être non réglementées, déréglementées ou lourdement réglementées. Certains organismes de réglementation établissent les approbations de projets d'investissement et les prix pour une grande partie des activités des compagnies de chemin de fer réglementées, certains réglementent les industries où une grande diversité d'intervenants sont actifs, d'autres réglementent les marchés émergents et d'autres encore établissent des prévisions du coût du capital pour plusieurs années.
  • En ce qui concerne l'établissement du coût du capital, l'Office joue un rôle réglementaire restreint par comparaison avec les divers autres organismes de réglementation et leurs applications du coût du capital. Essentiellement, l'Office réglemente, pour au plus un an à l'avance, de petits sous-ensembles bien développés des activités de deux compagnies bien établies, dotées d'une assise financière solide dans une industrie stable.
  • L'Office a pour objectif réglementaire d'établir des taux de rendement du capital justes et raisonnables pour les compagnies de chemin de fer réglementées aux seules fins des applications légales et réglementaires dont il a la responsabilité. L'Office n'a donc pas à tenir compte des autres utilisations que les compagnies de chemin de fer, les expéditeurs ou les autres parties, comme les arbitres, pourraient faire de ces taux dans leurs propres desseins, par exemple au cours de négociations commerciales ou de procédures d'arbitrage.

Méthode actuelle

[15] Les principes que l'Office observe actuellement afin d'établir le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées ont été établis dans les décisions suivantes :

Décision relative aux questions liées à la méthode d'établissement du coût du capital de la Commission canadienne des transports pour les chemins de fer réglementés; et relative aux projets de modifications au Règlement sur le calcul des frais ferroviaires en ce qui concerne le coût du capital, rendue par le prédécesseur de l'Office, le Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports, le 31 juillet 1985 (la décision de 1985);

Décision no 125-R-1997 relative aux questions ayant trait à la méthode d'établissement du coût du capital l'Office des transports du Canada en ce qui concerne les compagnies de chemin de fer réglementées, rendue le 6 mars 1997 (la décision de 1997);

Décision no 52-R-2004 relative aux questions reliées à la détermination par l'Office des transports du Canada des taux du coût du capital-actions ordinaire des compagnies de chemin de fer réglementées, rendue le 2 février 2004 (la décision de 2004).

[16] Toutes ces décisions reposent sur un principe établi dans le Règlement sur le calcul des frais ferroviaires, entré en vigueur le 10 décembre 1980. L'alinéa 7 b) du Règlement exige expressément que, au moment d'établir les taux du transport des marchandises, l'Office applique un taux de rendement « à la fraction variable de la valeur comptable nette des éléments d'actif ».

[17] L'Office fonde ses principales déterminations du coût du capital sur des documents confidentiels présentés par les deux compagnies de chemin de fer de classe 1 du Canada qui transportent des marchandises, CN et CP. Les documents présentés par les compagnies de chemin de fer reposent sur les données de leur dernier exercice, qui va du 1er janvier au 31 décembre dans les deux cas.

Processus actuel d'établissement du coût du capital

[18] Le processus d'établissement du coût du capital comporte quatre étapes distinctes :

  1. détermination de l'investissement net;
  2. détermination de la structure du capital;
  3. détermination du coût des composantes de la structure du capital, qui comprend le coût des capitaux empruntés, le coût de l'impôt reporté et le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires;
  4. calcul du coût du capital.
Investissement net

[19] L'investissement net représente la valeur comptable brute de l'actif net de la compagnie de chemin de fer moins l'amortissement cumulé. Cette première composante détermine la part des activités de la compagnie de chemin de fer qui consiste à offrir des services de transport ferroviaire et qui relève de la compétence de l'Office. L'investissement net comprend un montant représentant le fonds de roulement. CN et CP soumettent annuellement les données concernant l'investissement net, en fonction des valeurs comptables tirées de leurs plus récents états financiers, auxquelles certains rajustements approuvés ont été faits. Ces données sont vérifiées par l'Office.

Structure du capital 

[20] La structure du capital désigne la combinaison des divers types de capitaux utilisés pour financer l'investissement net. En termes généraux, le financement peut être obtenu par l'emprunt, l'émission de titres de créance, l'impôt reporté et les capitaux propres. Chaque année, CN et CP soumettent leurs structures du capital réelles d'après les valeurs comptables tirées de leurs plus récents états financiers, auxquelles certains rajustements approuvés par l'Office ont été faits. Les structures sont vérifiées par l'Office.

Coût de la structure du capital

[21] Le coût des capitaux empruntés correspond au coût réel de la dette, c'est-à-dire les intérêts payés aux institutions financières ou aux titulaires d'obligations pour les prêts consentis aux compagnies de chemin de fer, tels qu'ils sont consignés dans les plus récents états financiers des compagnies de chemin de fer et soumis à l'Office. Ces données sont vérifiées par l'Office. Un coût de 0 pour cent est attribué à l'impôt reporté.

[22] Les compagnies de chemin de fer font également des estimations concernant le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. L'Office évalue les estimations, y apporte les changements nécessaires afin de se conformer à la méthode approuvée et calcule le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide de trois modèles économiques : le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), le modèle de l'actualisation des flux monétaires (modèle DCF) et le modèle de la prime de risque sur capitaux propres (modèle ERP). L'Office décide alors du modèle ou de la combinaison de modèles qui cadre le mieux avec l'état des marchés des capitaux de l'année en cours. Depuis la décision de 1997, l'Office a appliqué chaque année les résultats du MEDAF seulement.

[23] Une provision pour l'impôt sur le revenu, reposant sur les taux d'imposition fédéral et provincial réglementaires des compagnies de chemin de fer, est ajoutée au coût des capitaux propres pour établir la valeur avant impôt du rendement obtenu par les actionnaires. Aucune provision pour l'impôt sur le revenu n'est prévue sur les intérêts payés parce qu'ils sont déductibles du revenu imposable.

[24] Parallèlement à la détermination du coût du capital applicable au transport du grain de l'Ouest, l'Office évalue aussi chaque année s'il y a lieu de rajuster le coût du capital en fonction du risque. Avant la décision de 1997, l'Office appliquait un rajustement en fonction du risque afférent au transport de grain de -1 pour cent au coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Depuis cette décision, aucun rajustement en fonction du risque afférent au transport de grain n'a été appliqué. Toutefois, l'Office examine et détermine chaque année s'il y a lieu d'appliquer un tel rajustement.

Coût moyen pondéré du capital

[25] La proportion que représente chaque type de financement dans la structure du capital sert à pondérer chaque coût, et la somme donne le coût du capital exprimé en pourcentage. Le taux appliqué à la valeur comptable nette des actifs concernés donne le coût du capital exprimé en dollars.

STRUCTURE DE LA DÉCISION

[26] Le présent document est formé de trois parties : la décision et deux annexes, qui ensemble constituent la décision intégrale.

[27] La décision est essentiellement constituée de l'analyse faite par l'Office et des conclusions qu'il a tirées en ce qui concerne les différents aspects de l'établissement du coût du capital étudiés au cours de l'examen.

[28] L'annexe A, Méthode d'établissement du coût du capital de l'Office, décrit la méthode d'établissement du coût du capital adoptée par l'Office conformément à la présente décision, y compris les formules et les sources de données.

[29] L'annexe B, Synthèses des questions de méthodologie, explique le contexte et la pertinence de chacune des questions examinées et donne un résumé détaillé des présentations soumises par les participants. L'annexe présente aussi les pratiques d'autres organismes de réglementation et des extraits du rapport Brattle.

COMMENTAIRES GÉNÉRAUX ET POSITIONS DES PARTICIPANTS

[30] En plus de répondre à des questions précises soulevées dans le document de consultation et qui seront traitées plus loin dans la présente décision, certains participants ont formulé des commentaires généraux sur la méthode d'établissement du coût du capital utilisée par l'Office et sur les taux qui en ont découlé, et se sont dits préoccupés par la perspective de continuer à utiliser la méthode actuelle ou par les répercussions des éventuels changements qui seraient apportés à la méthode. Ces opinions générales sont résumées ci-dessous.

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[31] De l'avis de CP, la méthode actuelle de l'Office donne un résultat qui ne correspond pas à la norme que l'Office a établie dans son document de consultation, selon laquelle « [l]e coût du capital est défini comme le rendement global sur l'investissement net requis par les actionnaires et les porteurs de titres de créance afin que les coûts liés à la dette puissent être acquittés et que les investisseurs puissent obtenir le rendement adéquat du capital investi correspondant aux risques assumés pour la période considérée ».

[32] CP soutient que, depuis toujours, l'Office définit un coût du capital réglementé très bas qui ne correspond guère aux taux que l'Office essaie de reproduire. Invoquant l'exemple le plus récent et le plus éloquent, CP affirme que le taux après impôt établi pour 2009 était très en deçà du taux auquel CP pouvait émettre des titres d'emprunt. Selon CP, cet écart est encore plus manifeste quand les taux du coût des capitaux propres établis par l'Office au cours des dix dernières années sont comparés aux taux systématiquement supérieurs établis par le Surface Transportation Board (STB) des États-Unis pour les compagnies de chemin de fer américaines.

[33] CP avance que ce déséquilibre menace la durabilité de son infrastructure et sa capacité de servir ses clients. CP fait valoir qu'elle a besoin d'un rendement qui soit suffisant pour attirer les capitaux qui lui permettront de remplacer et de moderniser son équipement et d'accroître ses services en fonction de la demande. CP déclare que des rendements inadéquats l'empêchent d'investir comme il se doit en vue d'améliorer la productivité, la fluidité et la fiabilité, ce qui a pour effet de rendre les produits canadiens moins concurrentiels. D'après CP, le fait de garantir un rendement juste et raisonnable est la seule façon de maintenir un système de transport national compétitif économique et rentable, comme le prévoit la politique nationale des transports.

[34] Faisant plus particulièrement allusion au coût des capitaux propres établi par l'Office, CP soutient que ce coût correspond essentiellement au coût des capitaux empruntés, et que l'application de toute méthode donnant un coût des capitaux propres aussi faible ne peut pas être compatible avec l'objectif qui consiste à assurer un rendement juste et raisonnable.

[35] Selon CP, une estimation du coût du capital trop basse se traduit par des revenus insuffisants et le sous-investissement dans les actifs productifs en ce qui concerne le plafond de revenu, l'arbitrage de l'offre finale, les prix d'interconnexion et les autres activités réglementées. CP affirme que le sous-investissement attribuable à un coût du capital trop faible entraîne comme conséquences une baisse de la productivité, la réduction des niveaux de service et la prolongation des arrêts de service causés par une infrastructure inexploitable.

[36] Pour redresser ce qu'il considère comme un coût du capital irrationnellement bas, CP propose une méthode de rechange qui permettrait d'établir une estimation du coût du capital cadrant mieux avec la conjoncture économique de l'industrie canadienne du transport ferroviaire, ce qui inciterait davantage les compagnies de chemin de fer à investir et aiderait à rehausser la productivité de l'industrie au Canada.

[37] En réponse aux arguments présentés par d'autres participants selon lesquels la forte rentabilité des compagnies de chemin de fer signifie que la méthode actuelle de l'Office leur assure une rétribution adéquate, CP déclare avoir affecté environ 17 pour cent de ses revenus en moyenne à des programmes d'immobilisations de 2005 à 2010, et avoir enregistré des flux de trésorerie disponibles négatifs plus de la moitié du temps au cours des 20 dernières années.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[38] CN formule des observations complètes au sujet de chacune des questions que l'Office avait retenues aux fins de discussion et suggère des solutions de rechange dont les fondements théoriques lui apparaissent supérieurs.

[39] CN soutient qu'étant donné que le coût du capital correspond au rendement que les investisseurs s'attendent à réaliser et qui est au moins comparable à celui d'investissements comportant le même risque, ce coût n'a pas à être modifié à cause de ses répercussions sur les clients. CN affirme que les tribunaux ont confirmé ce principe et estime qu'il serait inapproprié pour un organisme de réglementation de choisir une méthode ou des paramètres en fonction de cette préoccupation, ou de prôner un rendement inférieur pour lever l'incertitude que comporte une méthode.

[40] CN avance également que le régime du plafond de revenu n'a pas pour avantage d'offrir des revenus garantis comme dans le cas des services d'utilité publique, mais qu'il s'accompagne néanmoins de tous les risques associés aux entreprises commerciales, parce que les revenus inférieurs au plafond de revenu ne peuvent être recouvrés, tandis que ceux supérieurs au plafond de revenu doivent être rendus par la compagnie qui doit en outre payer une pénalité.

Western Canadian Shippers' Coalition

[41] La WCSC indique que les membres de son groupe ont en commun la dépendance à l'égard des fournisseurs de transport ferroviaire de marchandises dominant le marché. La WCSC soutient que, sur les marchés mondiaux des produits de base, ses membres livrent concurrence à des producteurs des États-Unis, de l'Asie, de l'Europe, de la Scandinavie, de l'Australie et de l'Amérique du Sud, et que les coûts et la fiabilité du transport ferroviaire de marchandises déterminent la réussite ou l'échec de ces entreprises.

[42] La WCSC estime que l'examen de la méthode d'établissement du coût du capital pourrait avoir des conséquences financières considérables pour la collectivité des expéditeurs de marchandises par rail du Canada et pour l'économie nationale. La WCSC affirme qu'en raison de leur dépendance, ses membres sont les plus grands utilisateurs du processus d'arbitrage de l'offre finale, lequel, s'il n'est pas idéal, constitue quand même le seul recours raisonnablement efficace des producteurs de marchandises en vrac.

[43] Selon la WCSC, il est important de ne pas affaiblir les avantages que cette mesure de protection confère aux expéditeurs. La WCSC ajoute que tout changement négatif apporté à la méthode d'établissement du coût du capital se répercutera sur l'efficacité de l'arbitrage de l'offre finale et renforcera la position dominante sur le marché dont profitent déjà les transporteurs ferroviaires nationaux. La WCSC déclare aussi que, de manière semblable quoiqu'à plus grande échelle, des risques pourraient également peser sur l'interconnexion en tant que mesure favorisant la concurrence dans certaines activités d'expédition.

[44] La WCSC soutient qu'aucune raison évidente ne justifie la modification de la méthode actuelle de l'Office. Elle expose une théorie économique et exprime une opinion pour étayer les principes et les aspects techniques qui sous-tendent la méthode, et est en désaccord avec les compagnies de chemin de fer sur les méthodes qu'elles proposent. La WCSC affirme que la méthode de l'Office est raisonnable et juste pour toutes les parties, et que le coût du capital établi par l'Office permet aux compagnies de chemin de fer d'avoir accès à des fonds d'investissement suffisants et de préserver leur viabilité financière. Par ailleurs, la WCSC fait valoir que, si la méthode doit être revue de temps en temps, l'adaptation des principes établis est généralement préférée à un changement de méthode.

[45] Selon la WCSC, l'examen devrait s'intéresser aux méthodes mais aussi aux conséquences que d'éventuels changements pourraient avoir sur le réseau de transport ferroviaire de marchandises du Canada en général. La WCSC cite le Comité d'examen des services de transport ferroviaire de marchandises, qui a récemment écrit dans son rapport final que [traduction] « les compagnies de chemins de fer continuent d'exercer un pouvoir sur certains de leurs consommateurs et… il existe des secteurs et des régions où les options de concurrence sont limitées, voire absentes. Ce pouvoir sur le marché des compagnies de chemins de fer entraîne un déséquilibre dans les relations commerciales entre les compagnies de chemins de fer et les autres intervenants. ».

[46] La WCSC juge qu'il est important d'examiner ce pouvoir sur le marché non seulement dans le contexte des niveaux de service, mais également dans celui de l'établissement des prix. Affirmant que ni l'une ni l'autre des compagnies de chemin de fer de classe 1 n'est en difficulté financière, la WCSC attribue cette bonne situation à l'application de ce que l'industrie de la finance appelle la discipline tarifaire. La discipline tarifaire, selon la description donnée par la WCSC, est la capacité, conférée par le pouvoir sur le marché, d'accroître les prix régulièrement quel que soit l'état général de l'économie ou l'incidence que l'augmentation des prix peut avoir sur la compétitivité des clients et sur les taux de rendement qu'ils obtiennent.

[47] La WCSC se dit préoccupée par les changements méthodologiques proposés par CN et CP. Elle avance que, sans aucune modification des activités, hausse de l'efficience, croissance ou expansion et sans aucun avantage pour les clients, les coûts du transport ferroviaire de marchandises pourraient augmenter de 504 millions de dollars par année. La WCSC n'explique pas comment elle est parvenue à ce chiffre, mais elle estime qu'il s'agirait d'une manne providentielle, déclenchée littéralement par un trait de crayon, qui viendrait directement des poches des producteurs qui soutiennent la reprise économique au Canada.

[48] D'après la WCSC, apporter des changements non souhaitables à une méthode d'établissement du coût du capital stable et efficace, qui accorde déjà des avantages exceptionnels équivalant à plus de deux fois le coût des capitaux propres à des compagnies de chemin de fer en bonne santé financière, serait difficile à justifier et à financer.

[49] Par ailleurs, la WCSC affirme que CP a surestimé la baisse du coût des capitaux propres établi par l'Office ces dix dernières années, et qu'elle a omis de correctement attribuer ce recul à la baisse des taux d'intérêt. La WCSC soutient que les experts financiers s'entendent généralement pour dire que les taux d'intérêt sont une composante essentielle du coût des capitaux propres.

[50] La WCSC mentionne également des incohérences et des erreurs dans les affirmations de CP selon lesquelles le coût des capitaux propres est établi à un niveau inférieur à celui des capitaux empruntés et inhabituellement faible par comparaison avec le coût établi pour les compagnies de chemin de fer de classe 1 des États-Unis. De plus, selon la WCSC, il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que le coût des capitaux propres établi d'après un ensemble de quatre compagnies de chemin de fer américaines soit égal au coût des capitaux propres établi pour CN ou CP pour les raisons suivantes : les compagnies de chemin de fer sont différentes, les marchés des capitaux sont différents, les compagnies de chemin de fer canadiennes ne composent pas avec les mêmes sortes de problèmes que les compagnies américaines, et CN ainsi que CP ont pu mobiliser des capitaux facilement et sont financièrement viables. La WCSC a fourni des données qui, selon elle, montrent clairement que CN et CP ont constamment réalisé des rendements supérieurs au coût du capital établi par l'Office et touchent actuellement des revenus qui excèdent de beaucoup le coût des capitaux propres.

Canadian Canola Growers Association

[51] La CCGA estime de manière générale que l'Office utilise actuellement une méthode raisonnable, qui respecte les trois critères qu'il a retenus pour l'évaluation des méthodes d'établissement du coût du capital.

Department of Transportation, Province d'Alberta

[52] L'Alberta indique qu'après avoir étudié le rapport Brattle et les décisions antérieures rendues par l'Office sur l'établissement du coût du capital, elle ne voit aucune autre méthode qui soit nettement supérieure au MEDAF et qui justifierait la modification de la méthode employée actuellement.

[53] L'Alberta craint que le recours à une méthode DCF plutôt que l'utilisation exclusive du MEDAF n'ait des effets déraisonnables et défavorables sur les expéditeurs de grain de l'Ouest et n'accroisse indûment les revenus que CN et CP tirent du transport du grain de l'Ouest.

Infrastructure et Transports, Province du Manitoba

[54] Le Manitoba redoute que l'examen de la méthode d'établissement du coût du capital ne se solde par l'adoption d'autres méthodes qui pourraient faire augmenter les coûts pour les agriculteurs et les expéditeurs par rail, alors que les grandes compagnies de chemin de fer du Canada sont très rentables et en pleine croissance. Pour étayer cette affirmation sur la rentabilité, le Manitoba produit des données des années 2005 à 2011 montrant un rendement réalisé ou attendu constamment supérieur à 10 pour cent, et révélant la mesure dans laquelle le rendement des actions des compagnies de chemin de fer a dépassé le rendement des indices des bourses de Toronto et de New York.

[55] Selon le Manitoba, les revenus que les compagnies de chemin de fer tirent du transport du grain sont directement déduits des revenus touchés par les producteurs de grain, parce que le prix du grain, contrairement aux prix que pratiquent les compagnies de chemin de fer, n'est pas déterminé ni influencé par le coût de production : il obéit plutôt au jeu de l'offre et de la demande à l'échelle mondiale sur le marché de chaque culture.

[56] Reconnaissant que la loi impose à l'Office l'obligation de déterminer un taux de rendement adéquat pour les compagnies de chemin de fer, le Manitoba soutient que l'Office a aussi, dans l'intérêt du public, l'obligation de s'assurer que le rendement autorisé ne dépasse pas le rendement minimal exigé par les compagnies de chemin de fer. Pour cette raison, le Manitoba soutient en outre que toute ambiguïté ou incertitude dans l'établissement du coût du capital devrait être tranchée en faveur d'un rendement inférieur.

[57] Le Manitoba affirme par ailleurs que le modèle global de prévision des coûts de l'Office surestime invariablement les coûts ferroviaires parce qu'il ne tient pas compte des gains de productivité. En revanche, le STB rajuste ses données sur les coûts ferroviaires tous les trimestres en fonction des gains de productivité; les rajustements effectués montrent systématiquement que la productivité des chemins de fer s'accroît et que les coûts diminuent. Selon le Manitoba, cette pratique du STB fait ressortir une question fondamentale qui n'a pas encore été abordée dans le cadre de l'examen de la méthode d'établissement du coût du capital.

[58] De l'avis du Manitoba, l'accroissement de la productivité joue un rôle important dans la rentabilité des compagnies de chemin de fer au regard du transport du grain, et il faudrait en reconnaître les effets. Le Manitoba soutient que les coûts des compagnies de chemin de fer ont diminué pour trois raisons : 1) l'utilisation de silos à grande capacité, 2) le chargement de rames de 50 wagons et plus, et 3) l'abandon de voies ferrées. Le Manitoba ajoute que ces coûts ont été transférés aux gouvernements provinciaux (coûts de l'entretien des routes et soutien des compagnies de chemin de fer d'intérêt local), aux agriculteurs (coûts de transport par camion accrus) et aux sociétés céréalières (coûts de construction d'installations à grande capacité). Le Manitoba presse l'Office de tenir compte de cette question au moment de calculer le coût du capital.

[59] Le Manitoba se prononce en faveur de la méthode d'établissement du coût du capital utilisée actuellement par l'Office; il soutient que la modification de cette méthode devrait être envisagée uniquement dans le cadre d'un examen des coûts plus vaste, au cours duquel le plafond de revenu pour le mouvement du grain serait rajusté en fonction de la productivité. Le Manitoba estime que la réalisation d'un tel examen des coûts est encore plus importante pour le gouvernement, car cet examen permettrait de rajuster les revenus fondés sur les coûts en fonction des gains de productivité substantiels et des changements dans les conditions du marché survenus au cours des 18 dernières années en ce qui concerne les coûts d'exploitation des chemins de fer.

Ministry of Highways and Infrastructure, Province de la Saskatchewan

[60] La Saskatchewan reconnaît que le gouvernement fédéral a établi divers régimes réglementaires pour assurer l'équilibre entre le pouvoir sur le marché des expéditeurs et celui des compagnies de chemin de fer, le plus récent de ces régimes dans le cas du grain de l'Ouest étant celui du plafond de revenu. La Saskatchewan admet également que, bien que la réglementation des tarifs ferroviaires ait été mise en place dans le but de protéger les expéditeurs, il faut aussi faire en sorte que les compagnies de chemin de fer reçoivent une rémunération adéquate pour les services qu'elles fournissent, y compris un taux de rendement convenable à offrir à leurs investisseurs.

[61] Après avoir examiné et évalué les diverses possibilités proposées dans le rapport Brattle, la Saskatchewan soutient qu'il n'a pas été démontré clairement qu'une autre méthode était nettement supérieure, et ne voit donc pas pourquoi l'Office modifierait la méthode qu'il emploie actuellement.

[62] Selon la Saskatchewan, l'une des meilleures façons de déterminer si une société offre des taux de rendement convenables à ses investisseurs consiste à examiner la rentabilité globale de la société et le prix auquel se négocient ses actions par comparaison avec les résultats obtenus dans le passé. Si les investisseurs sont satisfaits de la rentabilité d'une société, le cours des actions de la société montera. À l'inverse, si les investisseurs sont déçus des bénéfices dégagés par une société, le cours des actions baissera. Comme l'a fait le Manitoba, la Saskatchewan a produit des données montrant que CN et CP ont systématiquement affiché un rendement réalisé ou attendu supérieur à 10 pour cent de 2005 à 2011.

[63] La Saskatchewan croit qu'il est aussi important de veiller à ce que le taux de rendement d'une société soit comparable à celui d'autres sociétés du même secteur d'activité. À cet égard, la Saskatchewan a présenté des données qui montrent que le taux de rendement des compagnies de chemin de fer canadiennes est généralement supérieur à celui des compagnies de chemin de fer américaines de 2005 à 2009.

[64] La Saskatchewan avance que le coût du capital sert essentiellement au calcul des tarifs applicables au transport du grain de l'Ouest sous le régime du plafond de revenu qui, précise-t-elle, représente une portion relativement faible (6,4 pour cent pour CN et 10,6 pour cent pour CP en 2009) des revenus totaux de ces deux compagnies. La Saskatchewan estime qu'il est important d'examiner les résultats financiers et le taux de rendement propres au régime du plafond de revenu pour déterminer s'ils se comparent avantageusement aux résultats financiers globaux des compagnies de chemin de fer. La Saskatchewan fait observer que, selon les conclusions du document de consultation sur les wagons-trémies publié le 15 octobre 2007, le taux de contribution à la couverture des coûts fixes pour le grain expédié sous le régime du plafond de revenu se situerait entre 45 pour cent (compte tenu du rajustement pour l'entretien des wagons-trémies) et 60 pour cent (compte non tenu du rajustement) pour la campagne 2007-2008. Selon la Saskatchewan, il est raisonnable de déduire que le modèle d'établissement du coût du capital utilisé par l'Office donne un taux de rendement supérieur au taux de rendement global de chaque compagnie de chemin de fer.

[65] La Saskatchewan estime que les répercussions des changements proposés seront importantes. Elle a donc fourni sa propre évaluation des répercussions financières qui se produiraient si l'Office cessait d'utiliser le MEDAF au profit de la méthode DCF, ou encore s'il déterminait le coût du capital en faisant la moyenne des résultats obtenus à l'aide du MEDAF et de la méthode DCF. D'après son évaluation, et dans l'hypothèse où chaque augmentation d'un point de pourcentage du coût du capital pondéré accroît le plafond de revenu d'environ 14,1 millions de dollars, la Saskatchewan avance que l'utilisation du MEDAF donne un coût du capital s'établissant à environ 91,1 millions de dollars aux fins du calcul du plafond de revenu pour la campagne 2009-2010. Elle ajoute que le recours à la méthode DCF aurait eu pour effet d'accroître le plafond de revenu d'environ 88 millions de dollars, et que le coût du capital aurait alors été d'environ 179,1 millions de dollars. Le simple calcul de la moyenne des deux méthodes aurait fait augmenter le plafond de revenu d'environ 44 millions de dollars.

Analyse de l'Office

[66] L'Office a limité son analyse des commentaires généraux formulés par les participants à quelques déclarations principales qu'il considère important de clarifier ou de confirmer.

[67] CP affirme que la méthode de l'Office produit un coût des capitaux propres qui n'est pas différent du coût des capitaux empruntés, mais cette affirmation est inexacte. En ce qui concerne les campagnes de 2005-2006 à 2011-2012, l'examen de ces deux coûts après impôt révèle que le coût non pondéré approuvé des capitaux propres est, dans tous les cas, supérieur au coût des capitaux empruntés pour CP.

[68] Selon CN, les tribunaux ont confirmé que les organismes de réglementation doivent établir un coût du capital qui correspond au rendement que les investisseurs dans les compagnies de chemin de fer s'attendent à réaliser par comparaison avec ce qu'ils pourraient toucher s'ils faisaient d'autres investissements comportant un risque équivalent. Sur ce fondement, CN avance que les organismes de réglementation ne doivent pas tenir compte des répercussions sur les clients lorsqu'ils établissent le coût du capital, parce qu'une telle façon de faire serait inappropriée.

[69] En ce qui a trait aux commentaires contraires formulés par des participants, y compris la Saskatchewan, au sujet des répercussions que pourraient avoir les décisions éventuelles de l'Office quant aux composantes de la formulation du coût du capital, l'Office réitère que son objectif est de déterminer un rendement équitable au moyen d'une méthode raisonnable, fiable et pragmatique.

[70] Le Manitoba a présenté un commentaire selon lequel l'Office ne devrait pas entreprendre l'examen de sa méthode d'établissement du coût du capital ni songer à la modifier avant d'avoir procédé à un examen des coûts qui tiendrait compte des gains de productivité des compagnies de chemin de fer. L'Office fait remarquer qu'il n'est pas chargé d'effectuer l'examen des coûts demandé par le Manitoba, mais que la loi lui confère en permanence le mandat et la responsabilité d'établir le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées, ce qui nécessite de procéder à un examen périodique de la méthode utilisée, comme il a été fait dans le cadre du présent processus de consultation.

[71] Le Manitoba et la Saskatchewan affirment en outre que le modèle d'établissement du coût du capital défini par l'Office produit des rendements supérieurs au taux de rendement global de chaque compagnie de chemin de fer. L'Office fait remarquer que cet argument ne tient pas compte du fait que le taux établi par l'Office s'applique uniquement à certains recours législatifs, et que c'est seulement aux fins de ces recours que l'Office doit établir le coût du capital. L'Office n'est pas chargé de réglementer les rendements produits par les compagnies de chemin de fer réglementées. Il a le mandat d'établir un coût du capital qui génère un rendement équitable et qui correspond aux tarifs et aux revenus admissibles maximaux prévus par la LTC.

Questions et constatations de l'office

[72] Dans son document de consultation, l'Office a défini trois critères sur lesquels il se fonderait pour évaluer la méthode qu'il conviendrait d'employer pour établir le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées.

  1. La méthode doit être raisonnable, c'est-à-dire qu'elle doit 1) être cohérente avec l'objectif, en offrant aux compagnies de chemin de fer réglementées un rendement juste et raisonnable, et 2) être transparente en se fondant le plus possible sur une formule ou méthode structurée en réduisant au minimum l'utilisation des facteurs de jugement.
  2. La méthode doit être fiable, c'est-à-dire qu'elle doit 1) être fondée sur des renseignements vérifiables, 2) être à même de produire des résultats cohérents dans des conditions analogues, et 3) être robuste et réagir raisonnablement à diverses conditions économiques et financières.
  3. La méthode doit être pragmatique, c'est-à-dire qu'elle doit 1) être fondée sur des renseignements facilement accessibles ou des renseignements qui peuvent être obtenus à peu de frais, 2) être simple à mettre en œuvre à la fois pour l'organisme de réglementation et les parties réglementées, et 3) reconnaître le contexte de réglementation et les exigences législatives au moyen desquelles l'Office exerce ses responsabilités (délai pour rendre les décisions, nature des parties réglementées, contexte dans lequel le coût du capital est appliqué).

[73] Tout en appliquant ces critères dans sa démarche d'analyse et de constatations à l'égard des questions relevées dans le document de consultation et d'autres questions soulevées par les participants à la consultation, l'Office tient également compte de ce qui suit : 1) le contexte de réglementation dans le cadre duquel l'Office calcule le coût du capital, comme il été mentionné précédemment, 2) les théories financières et économiques qui s'appliquent aux questions à l'étude, 3) les présentations des participants, 4) l'expertise de l'Office même, 5) les pratiques d'autres organismes de réglementation, le cas échéant, et 6) le rapport Brattle.

Questions ayant trait aux investissements nets des compagnies de chemin de fer

Question 1 : Utilisation de la valeur marchande plutôt que de la valeur comptable pour obtenir la valeur des actifs ou des investissements nets des compagnies de chemin de fer

L'Office devrait-il continuer d'utiliser l'actif (investissement net) évalué selon la valeur comptable, ou devrait-il plutôt opter pour l'actif évalué selon la valeur du marché?

[74] Cette question a été soulevée par CN durant les consultations.

Question 1 : Résumé des positions des participants

[75] CN plaide en faveur de l'utilisation de la valeur marchande (coût de remplacement) pour l'évaluation de l'actif (investissement net), en même temps qu'elle propose d'utiliser aussi la valeur marchande aux fins de la détermination de la structure du capital. Elle affirme que le coût d'option s'offrant à l'investisseur ne serait couvert que si la structure du capital et l'actif étaient tous deux évalués selon leur valeur marchande.

[76] La WCSC n'est pas en accord avec CN sur sa position; selon elle, l'explication étayant la présentation de CN prouve justement le contraire, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas évaluer l'actif selon sa valeur de marché. La WCSC soutient en outre que CN est dans l'erreur lorsqu'elle essaie d'appliquer aux sociétés réglementées des principes de finance qui s'appliquent normalement aux compagnies non réglementées.

[77] Les sections 4.1 et 4.2 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 1 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[78] L'utilisation de la valeur comptable pour déterminer l'investissement net des compagnies de chemin de fer est à la base même de la méthode d'établissement du coût employée par l'Office et constitue une prescription législative et réglementaire. Au sujet de la détermination des sommes à payer aux compagnies de chemin de fer par une société de transport publique, l'alinéa 152.2(2)b) de la LTC exige que le coût du capital fixé par l'Office soit appliqué aux actifs financiers évalués à la valeur comptable de la compagnie de chemin de fer hôte qui offre des services à la société de transport publique. En ce qui concerne l'IPCAV, l'actif est défini et implicitement compris dans la formule législative du programme, comme l'expose l'article 151 de la LTC. De plus, l'alinéa 7(b) du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires exige que l'Office, lorsqu'il établit des taux du transport de marchandises, applique le coût du capital associé « à la fraction variable de la valeur comptable nette des éléments d'actif ».

[79] La perspective d'opter pour l'actif évalué selon la valeur du marché sans aucun lien avec le coût du capital préoccupe l'Office à plus d'un titre. Cette décision aurait des incidences importantes et profondes sur l'établissement des coûts unitaires des activités ferroviaires, les prix d'interconnexion et les diverses données servant à l'évaluation du plafond de revenu pour le mouvement du grain de l'Ouest. Si les coûts unitaires étaient évalués au moyen de la valeur marchande de l'actif, les coûts réglementaires reflèteraient moins les coûts additionnels engagés au fil des ans par les compagnies de chemin de fer dans le cadre de la prestation du service ferroviaire que les coûts hypothétiques auxquels reviendrait l'acquisition de leurs actifs aujourd'hui. De toute évidence, une telle pratique ne serait pas raisonnable.

[80] Par ailleurs, la décision d'évaluer l'investissement net selon la valeur marchande ne satisferait pas aux critères du caractère fiable et pragmatique. CN ne décrit pas comment les valeurs marchandes seraient calculées pour ces comptes. L'Office n'est pas convaincu que les compagnies de chemin de fer pourraient déterminer les valeurs de marché pour ces comptes et à quel point elles seraient instables, le cas échéant. L'Office craint également d'avoir à consacrer des ressources considérables à la vérification de ces valeurs.

[81] Dans les années 1960, lors des premières audiences qui ont permis de définir la méthode de calcul du coût du capital de l'Office, le CTCF a réagi à une proposition similaire faite par CN d'utiliser la valeur actuelle des actifs aux fins de l'ensemble de l'établissement des coûts conformément aux exigences de la Loi sur les chemins de fer. Le CTCF a énoncé ce qui suit dans les motifs de l'ordonnance No R-6313 au sujet de la réglementation des coûts (août 1969, p. 351) :

[traduction] Nous partageons l'avis d'EBS (EBS Management Consultants, Inc.) selon lequel cette proposition ne serait pas utile sur le plan de la réglementation. L'utilisation de la valeur monétaire actuelle pourrait être acceptable pour la planification d'entreprise, mais elle ajouterait de nouveaux éléments d'incertitude au processus de réglementation et sa pertinence serait autant mise en doute que celle de la méthode actuelle de calcul de l'investissement sur la base de la valeur historique. Poussée à son extrême logique, cette façon de faire inclurait le calcul du coût de reconstitution pour l'ensemble des installations existantes. L'investissement dans les compagnies de chemin de fer qui en résulterait n'aurait que peu d'intérêt pour le Canadien National dans sa forme actuelle.

[82] En outre, l'Office fait observer que le STB a récemment rejeté une proposition de l'Association of American Railroads (AAR) d'envisager la possibilité d'utiliser le coût de remplacement (valeur marchande) plutôt que le coût historique pour calculer l'investissement net aux fins de la détermination du taux de rendement de l'investissement, dans le cadre du calcul annuel du niveau de suffisance des revenus du STB.

[83] Dans sa décisionNote 2, le STB a fait ressortir trois obstacles importants à l'application d'une méthode fondée sur la valeur marchande : 1) la nécessité d'estimer le coût de remplacement des immobilisations ferroviaires comme les ponts, les tunnels, les terrains, les voies et les terrassements, 2) la nécessité d'estimer le coût « réel » du capital pour éviter de comptabiliser en double les effets de l'inflation, et 3) la nécessité de déterminer quelles immobilisations ferroviaires ne seraient pas remplacées pour éviter d'offrir un rendement du coût de remplacement d'immobilisations n'ayant pas à être remplacées.

Question 1 : Conclusion de l'Office

[84] L'Office conclut que l'évaluation de l'actif selon la valeur du marché ne satisfait à aucun de ses trois critères d'évaluation de la méthode. Par conséquent, l'Office rejette la possibilité d'utiliser la valeur du marché pour déterminer l'investissement net.

QUESTIONS AYANT TRAIT À LA STRUCTURE DU CAPITAL

Question 2 : Pondérations de la structure du capital – Valeur comptable ou valeur marchande

L'Office devrait-il utiliser la valeur comptable ou la valeur marchande lorsqu'il détermine les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires dans la structure du capital des compagnies de chemin de fer?

[85] À l'heure actuelle, l'Office établit une structure du capital réelle pour chacune des compagnies de chemin de fer au moyen de la valeur comptable pour déterminer les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. On peut également déduire une structure du capital réelle en déterminant la valeur marchande respective de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. La valeur marchande des actions ordinaires se calcule en multipliant le cours des actions par le nombre total d'actions en circulation. La valeur marchande de la dette à long terme peut être estimée à l'aide de plusieurs facteurs : la valeur comptable de la dette à long terme, la durée de la dette, le taux d'intérêt nominal de la dette, le taux d'intérêt actuel du marché pour des dettes comparables et les pondérations rattachées aux dettes ayant des dates d'échéance différentes. Le calcul de la valeur marchande de la dette à long terme exige une analyse de données, des calculs et des hypothèses complexes; par ailleurs, la valeur marchande de certains types de titres de créance n'est pas directement observable.

Question 2 : Résumé des positions des participants

[86] CP est d'avis qu'il faudrait utiliser les pondérations reposant sur la valeur marchande, parce que cette pratique cadrerait avec l'utilisation de données évaluées à la valeur marchande dans le MEDAF et le modèle DCF pour déterminer le coût des capitaux propres, et parce que ces pondérations seraient plus pertinentes étant donné que les nouveaux fonds (emprunt ou actions) devraient être levés sur le marché aux prix courants.

[87] CN plaide en faveur de l'utilisation de la valeur marchande et des estimations de la valeur marchande, faisant valoir que la valeur comptable ne couvrirait pas suffisamment le coût d'option des investisseurs dans le cas où elle différerait de la valeur marchande.

[88] La WCSC affirme que la valeur comptable est la mesure appropriée pour déterminer la structure du capital, et que tant et aussi longtemps qu'une société est censée réaliser le rendement de l'actif exigé (l'actif étant évalué selon sa valeur comptable), elle sera en mesure de mobiliser des capitaux pour faire de nouveaux investissements et de conserver sa viabilité financière. La WCSC soutient également qu'étant donné le manque de stabilité des pondérations fondées sur la valeur de marché, leur utilisation accroîtrait considérablement la variabilité du coût moyen pondéré du capital.

[89] La CCGA affirme que la méthode qu'utilise actuellement l'Office lui paraît raisonnable et que l'établissement de la valeur marchande des titres d'emprunt faisant l'objet de peu d'opérations de négociation nécessite une analyse approfondie.

[90] La CER recommande l'utilisation de la valeur comptable. Pour ce faire, elle traite la question sous l'angle du ratio cours/valeur comptable (C/VC), où le cours correspond à la valeur de marché de l'action. Si une société réalise un juste rendement des nouveaux actifs, le ratio C/VC sera égal à un, puisque le cours sera encore égal à la valeur comptable. La CER affirme que l'idée selon laquelle chaque entité réglementée doit faire en sorte de maintenir la valeur marchande de ses actions au-dessus de leur valeur comptable est contradictoire, car elle suppose que chaque entité réglementée doit projeter de réaliser un rendement des nouveaux capitaux engagés supérieur au rendement exigé.

[91] L'Alberta fait valoir que la valeur comptable devrait continuer d'être utilisée, parce qu'elle constitue une mesure plus transparente et en raison des difficultés et des compromis associés au calcul de la valeur marchande de la dette à long terme.

[92] Le Manitoba affirme que la valeur comptable devrait continuer d'être utilisée en raison des problèmes de circularité qui peuvent survenir lors de l'utilisation de la valeur marchande.

[93] Les sections 2.2 et 2.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 2 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Conformité avec les actifs

[94] En examinant s'il devrait déterminer les pondérations de la structure du capital d'après la valeur marchande ou la valeur comptable, l'Office est conscient que le coût du capital s'applique aux actifs définis par la réglementation, comme il est mentionné à la question 1.

[95] La LTC exige que l'Office utilise la valeur comptable nette pour établir certains prix, mais elle ne prescrit pas la méthode que l'Office doit utiliser pour établir les pondérations de la structure du capital. L'Office reconnaît toutefois que l'adoption d'une méthode qui permet de rapprocher intégralement la structure du financement et l'investissement net présente des avantages évidents.

Structure du capital à la valeur marchande

[96] L'examen de cette question réalisé par l'Office repose sur certains principes de base s'appliquant à la valeur marchande des capitaux propres et des capitaux empruntés.

[97] Le montant que la société reçoit en échange de l'émission initiale d'actions ordinaires s'ajoute à la valeur comptable de ses capitaux propres et constitue la somme d'argent dont elle dispose réellement pour financer les investissements dans de nouveaux éléments d'actif.

[98] Pour les sociétés cotées en bourse, comme le sont CN et CP, la valeur des actions peut fluctuer lors des échanges sur le marché secondaire après cette transaction initiale, en fonction du rendement de la société et d'une foule d'autres facteurs liés au marché, ce qui finit par influer sur les niveaux d'offre et de demande des actions, et peut donc jouer sur leur prix à tout moment.

[99] De même, certains emprunts à long terme contractés sous forme d'obligations font l'objet de transactions sur le marché secondaire. Le prix et le rendement du marché de ces instruments d'emprunt sont assujettis aux fluctuations qui sont fonction de l'échéance et des conditions générales du marché, y compris des taux d'intérêt en vigueur, de la cote de crédit de l'émetteur de l'obligation et d'autres facteurs.

[100] En général, lorsque les taux d'intérêt sont en baisse, le prix des obligations en circulation dont le taux d'intérêt nominal est plus élevé que le taux d'intérêt en vigueur augmente, ou encore ces obligations se négocient plus cher que leur valeur nominale. L'inverse est également vrai : lorsque les taux d'intérêt montent, les obligations en circulation dont le taux d'intérêt nominal est inférieur accusent une baisse de prix, ou elles se vendent moins cher que leur valeur nominale. Ainsi, le rendement du marché de ces obligations (le taux de rendement, soit l'intérêt divisé par le cours de l'obligation) en vient à correspondre à celui des nouvelles émissions à intérêt faible ou élevé.

[101] Les hausses ou les baisses de la valeur marchande des actions ordinaires et des obligations enregistrées dans le marché secondaire n'ont aucun effet direct sur la société. Autrement dit, le capital dont une société dispose ne varie pas après la transaction initiale, peu importe la valeur marchande de ses actions ou obligations. En outre, dans le cas des obligations, le remboursement initial et le paiement des intérêts annuels par la société demeurent inchangés.

[102] La question est donc d'évaluer à quel point il conviendrait pour l'Office d'utiliser une structure du capital à la valeur marchande pour calculer le coût du capital dans le cadre de ses déterminations réglementaires relatives aux coûts.

[103] Cherchant à savoir si l'utilisation de la valeur marchande serait raisonnable, l'Office constate que la valeur marchande totale des capitaux propres d'une société, obtenue par la multiplication du cours actuel de ses actions par le nombre d'actions en circulation, qui donne la valeur de sa capitalisation boursière, peut en tout temps différer grandement de la valeur comptable de ses capitaux propres. L'écart ainsi mesuré est le ratio cours/valeur comptable. Plus le ratio est élevé, plus le marché est disposé à acquérir les actifs de la société à un prix supérieur à la valeur comptable.

[104] D'après la WCSC et la CER, le rendement attendu des actions ordinaires (à leur valeur comptable) est un déterminant fondamental du cours de l'action, c'est-à-dire qu'un ratio cours/valeur comptable de 1 signifie qu'une société a réalisé un rendement équitable des nouveaux actifs, et tout rendement supérieur aux attentes des investisseurs ferait monter le prix de l'action. Conscient de la norme de rendement équitable, l'Office est d'accord avec le WCSC et la CER sur le fait qu'il est contradictoire dans un contexte réglementaire d'établir un coût du capital qui permette à une entité réglementée, dans le cadre des activités visées par la réglementation, d'obtenir un rendement supérieur au taux de rendement exigé des fonds investis.

[105] Par ailleurs, il convient de noter que les prix fixés par l'Office ne visent qu'une fraction relativement restreinte des revenus perçus par les compagnies de chemin de fer. Dans la mesure où les compagnies de chemin de fer arrivent à exercer un certain pouvoir sur le marché dans le cadre de leurs activités non réglementées, ce qui influerait sur le cours de leurs actions, l'Office, en évaluant le prix des actions selon une méthode fondée sur le marché, étendrait les effets de ce pouvoir sur le marché non réglementé aux activités réglementées, au point d'éventuellement nuire à l'atteinte des objectifs de certaines dispositions législatives et réglementaires. L'Office estime que ce ne serait pas raisonnable.

[106] Les provinces se sont dites préoccupées par le risque que l'utilisation de la valeur marchande des capitaux propres introduise des éléments d'instabilité et de circularité. L'Office partage ces craintes. La valeur marchande des capitaux propres est appelée à être instable dans un marché volatil où le cours des actions est soumis à des fluctuations considérables. En raison de l'instabilité, le rapport de proportion entre les capitaux propres et les capitaux empruntés ne cesse de fluctuer, à la hausse ou à la baisse, ce qui est susceptible d'entraîner une hausse ou une baisse inappropriée du coût du capital pondéré à court terme. Quant à la circularité, l'Office convient qu'une relation circulaire est observée lorsque le coût du capital repose sur une structure du capital à la valeur marchande. L'Office constate que l'introduction délibérée de tels éléments d'instabilité et de circularité dans ses calculs réglementaires irait également à l'encontre du critère de fiabilité et ne serait donc pas raisonnable.

[107] L'Office constate en outre que, toutes choses étant égales par ailleurs, un taux de rendement du marché en hausse (en baisse) des instruments d'emprunt à long terme entraîne une hausse (baisse) globale du coût du capital. Toutefois, l'obligation contractuelle initiale liée à la dette ne change jamais, quoi qu'il puisse se produire dans le marché secondaire d'obligations. On peut donc en déduire que lorsque les taux d'intérêt sont en hausse (en baisse), l'utilisation du prix du marché et du rendement du marché des instruments d'emprunt revient à surestimer (sous-estimer) le coût du capital, par rapport à l'utilisation de la valeur comptable et des coûts structurels. L'Office constate que l'utilisation de la structure du capital à la valeur marchande ne respecte pas le critère de la fiabilité pour ce qui est de l'emprunt.

[108] Toujours au sujet des capitaux empruntés, les problèmes pragmatiques de mise en œuvre que pose l'utilisation d'une structure du capital établie selon la valeur marchande constituent un autre point important. L'estimation de la valeur marchande est fort complexe, mais pas irréalisable. Elle fait néanmoins une large part à la formulation d'hypothèses et à l'exercice d'un jugement subjectif, ce qui soulève la question de la transparence. Les capitaux empruntés proviennent d'une multitude d'instruments (obligations, effets, débentures, papier commercial, facilités de crédit renouvelable, contrats de location-acquisition, conventions d'achat, etc.); dans certains cas, la valeur marchande n'est pas directement observable. Le processus d'estimation de la valeur marchande des capitaux empruntés comprend des analyses de données, des calculs et des hypothèses hautement complexes permettant d'obtenir une valeur qui n'est tout au plus qu'une estimation et qui est difficilement reproductible. Ce problème soulève la question de la transparence.

[109] À cet égard, l'Office constate que la méthode du STB utilisant la valeur marchande des capitaux empruntés pose des problèmes de transparence, ce que la Western Coal Transportation League a soulevé récemment dans ses plaintes alléguant que les calculs du coût des capitaux empruntés présentés par l'AAR ne sont pas reproductibles.

[110] L'estimation de la valeur marchande des capitaux empruntés peut être considérée comme un exercice nécessaire et pertinent pour les organismes de réglementation qui constituent un groupe composé de compagnies de chemin de fer, ou pour ceux qui essaient d'établir une structure du capital présumée applicable à un grand nombre de sociétés réglementées, ou même pour ceux qui déterminent le coût du capital à l'avance pour plusieurs années. Cela dit, l'Office fait des déterminations annuelles qui ne s'appliquent essentiellement qu'à deux compagnies de chemin de fer de marchandises de classe 1 bien documentées. L'Office estime qu'en raison de l'imprécision, de la distorsion et du degré de difficulté associés à l'utilisation de la valeur marchande des capitaux empruntés dans la structure du capital, la valeur marchande n'est pas le choix approprié sur le plan du caractère raisonnable, fiable et pragmatique.

[111] Plusieurs méthodes peuvent permettre de déterminer la structure du capital selon les divers contextes. Dans les marchés financiers, la valeur marchande peut être préférable à la valeur comptable pour évaluer les sociétés et pour évaluer et estimer des projets. Le rapport Brattle souligne toutefois que, pour la plupart des sociétés réglementées, le rendement des capitaux propres est fondé sur la valeur comptable de l'investissement dans la société, et non sur la valeur de marché des actifs investisNote 3. La WCSC déclare en outre que les sociétés se fondent souvent sur la valeur comptable pour se procurer des fonds additionnels et pour maintenir leur structure du capital à un niveau cible, en raison de l'instabilité de la valeur marchande. Par ailleurs, comme elles s'appuient sur la valeur comptable pour lever des fonds additionnels, elles doivent aussi utiliser des pondérations fondées sur la valeur comptable pour calculer le revenu nécessaire pour couvrir le coût d'investissement.

[112] CN et CP présentent des arguments en faveur de l'utilisation d'une structure du capital à la valeur marchande dans la perspective de lever de nouveaux fonds en vue d'acquérir aujourd'hui une entreprise et de refléter le coût d'option des investisseurs lorsque la valeur comptable s'écarte de la valeur de marché.

[113] Lorsqu'il est calculé à ces fins, le coût du capital peut en effet être établi à partir d'une structure du capital à la valeur marchande. Cela dit, lorsque l'Office évalue le coût du capital aux fins de la réglementation, il ne vise pas à déterminer seulement le coût du nouveau capital, mais plutôt le coût du capital requis annuellement par chacune des compagnies de chemin de fer à la fois pour acquitter les frais liés à l'investissement qui compose l'actif (viabilité financière) et pour attirer des capitaux (pour renouveler et accroître le capital-actions).

Question 2 : Conclusion de l'Office

[114] L'Office remarque que les méthodes d'établissement des coûts aux fins de la réglementation s'inspirent des pratiques comptables, parce qu'elles privilégient la stabilité à l'instabilité, le connu à l'hypothétique et l'empirisme à la théorie. Il constate également que l'adoption d'une structure du capital fondée sur la valeur marchande comporte plusieurs failles importantes.

[115] Il y a tout d'abord le fait qu'une telle structure du capital ne correspond plus à l'investissement net évalué à la valeur comptable que l'Office est chargé d'utiliser pour fixer un certain nombre de prix réglementaires. En outre, elle obligerait à procéder à une estimation rigoureuse des valeurs marchandes et du rendement de marché qui nécessiterait la formulation de nombreuses hypothèses et une analyse des données complexe, les valeurs marchandes de certains types d'instruments d'emprunt n'étant pas directement observables. Enfin, une telle structure risquerait d'accroître la volatilité du coût du capital et d'en diminuer la fiabilité.

[116] La conformité de la structure du capital avec l'investissement net assure que les compagnies de chemin de fer reçoivent une rémunération adéquate (c.-à-d. ni trop faible, ni trop élevée) en échange du capital qu'elles investissent dans les actifs ferroviaires. Les structures du capital évaluées à la valeur marchande peuvent être utiles pour certaines pratiques d'évaluation et à des fins commerciales, mais il faut reconnaître que le total obtenu au moyen d'une structure du capital à la valeur marchande est volatil et ne correspond pas nécessairement à la valeur comptable nette des actifs. Il ne convient pas d'utiliser la valeur marchande pour évaluer la somme de capital réellement reçue par une compagnie de chemin de fer et ses obligations relatives à ce capital, qui sont justement ce sur quoi l'Office se concentre lorsqu'il détermine le coût du capital. Pour réaliser ses objectifs réglementaires, l'Office doit absolument maintenir le lien entre la structure du capital et l'actif canadien net, car le coût du capital qu'il établit est utilisé dans le cadre des programmes de trafic ferroviaire canadiens (plafond de revenu pour le mouvement du grain de l'Ouest, réglementation relative aux prix d'interconnexion, plaintes liées au service du réseau ferroviaire intérieur ou de l'expéditeur, etc.).

[117] L'Office conclut donc que l'adoption d'une structure du capital à la valeur marchande ne constituerait pas un progrès notable par rapport à la méthode actuelle sur le plan du caractère raisonnable, fiable et pragmatique. Par conséquent, l'Office continuera de s'appuyer sur une structure du capital fondée sur la valeur comptable.

Question 3 : Traitement de l'impôt reporté

L'Office devrait-il continuer d'inclure l'impôt reporté dans la structure du capital en lui attribuant un poids, et dans l'affirmative, quel taux faudrait-il lui imputer?

[118] L'Office inclut actuellement l'impôt reporté dans la structure du capital évaluée à la valeur comptable en lui attribuant un poids, et lui impute un coût nul.

Question 3 : Résumé des positions des participants

[119] CP soutient que le fait d'utiliser les pondérations établies selon la valeur marchande – qui est la solution qu'il propose – élimine la nécessité d'inclure l'impôt reporté dans la structure du capital, puisque les incidences économiques des politiques d'amortissement qui génèrent un passif d'impôts reportés se reflèteront dans la valeur de marché des capitaux propres. Selon CP, quand on utilise la valeur comptable, on ne doit considérer ni le passif d'exploitation ni son pendant en termes de ressources, p. ex. le passif d'impôts reportés, comme faisant partie intégrante de la structure du capital, mais plutôt comme partie des capitaux propres. CP ajoute que la méthode qu'utilise actuellement l'Office pour le traitement de l'impôt reporté amène à calculer un coût du capital déraisonnablement bas et neutralise les incitations à l'investissement qui découlent de la politique d'amortissement accéléré des autorités publiques.

[120] CN fait valoir que si c'est la valeur comptable qui sert à la détermination de la structure du capital et qu'elle est une estimation non biaisée de la valeur de marché, on doit inclure l'impôt reporté dans la valeur totale de l'actif et lui attribuer un taux de rendement qui fasse en sorte que le coût moyen pondéré du capital soit réalisé sur la valeur comptable intégrale de l'actif.

[121] La WCSC affirme que lorsqu'on détermine les prix que pourront pratiquer les entreprises réglementées, on fixe ces prix de manière à faire reposer le fardeau de l'impôt sur le revenu sur les clients de ces entreprises plutôt que sur les entreprises et leurs actionnaires. Une hausse (une diminution) de l'impôt augmente (réduit) le prix que doit payer le client, mais n'a aucun effet sur le rendement du capital investi. La WCSC affirme que suivant la méthode de la normalisation, qu'elle décrit comme la pratique comptable reconnue et appropriée en ce qui a trait à l'impôt reporté, la réduction des impôts payés par les compagnies de chemin de fer ne se répercute pas sur les prix payés par leurs clients, ce qui équivaut pour ces derniers à faire périodiquement des prêts aux sociétés ferroviaires d'un montant égal au montant de la provision pour impôts différés.

[122] La CCGA soutient que l'on devrait imputer un coût nul à l'impôt reporté, car il s'agit d'un élément temporaire.

[123] L'Alberta et le Manitoba sont toutes deux d'avis que l'impôt reporté est une charge sans effet sur la trésorerie qui permet aux compagnies de chemin de fer de jouir d'une source de liquidités à coût nul.

[124] Les sections 3.2 et 3.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question3 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[125] Le report d'impôts résulte du fait qu'une société peut, en se prévalant des déductions pour amortissement, amortir ses immobilisations à des fins fiscales plus rapidement qu'elle ne le fait à des fins réglementaires (comptables). La communication d'information dans un cadre de réglementation se fait selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR). Un de ces principes veut que les produits et les charges ayant contribué à générer ces produits soient rapprochés dans la période où ils sont constatés. Autrement dit, les éléments d'actif devraient être amortis sur une période correspondant à peu près à leur vie utile. Toutefois, en raison des différences entre le traitement des produits et des charges aux fins de la réglementation, tel qu'il est décrit dans le Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001), DORS/2001-512, et le traitement aux fins fiscales, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), une société peut comptabiliser un produit ou une charge d'une certaine manière à une fin donnée, sans devoir les comptabiliser de la même manière à une autre fin.

[126] Les différences de traitement de l'information font en sorte que le montant des impôts exigibles variera selon que les états financiers ont été préparés à des fins réglementaires ou à des fins fiscales. En conséquence, les entreprises sont tenues de créer un poste au bilan au titre des impôts reportés, afin de décrire fidèlement leur situation financière.

[127] Comme les compagnies de chemin de fer réalisent des investissements importants, l'amortissement a une incidence considérable sur l'impôt reporté.

[128] On reconnaît deux méthodes acceptables pour le calcul de l'amortissement. La première est la méthode de l'amortissement constant, qui cadre avec les dispositions du Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (et avec la Classification uniforme des comptes administrée par l'Office). La seconde est la méthode de l'amortissement accéléré, laquelle est autorisée en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu suivant certaines modalités. Selon la méthode de l'amortissement constant, le coût d'un actif est amorti également tout au long de la vie utile de l'actif; selon la méthode de l'amortissement accéléré, le taux d'amortissement du coût de l'actif est plus élevé au début de la vie utile de l'actif qu'à la fin. Sur le plan fiscal, l'amortissement accéléré permet aux sociétés de reporter l'impôt qu'elles sont tenues de payer : les bénéfices imposables sont moins élevés au cours des premiers exercices, mais ils augmentent en contrepartie au cours des exercices ultérieurs.

[129] Voici une synthèse de ce qu'affirment les auteurs du rapport Brattle au sujet des répercussions de chacune des méthodes d'amortissement pour les compagnies de chemin de fer :

En règle générale, la différence entre les deux méthodes se situe sur le plan de la chronologie, c'est-à-dire que la comptabilisation de l'amortissement dans les états financiers et la comptabilisation de l'amortissement dans la déclaration fiscale ne se font pas nécessairement de manière synchronisée. Bien souvent, l'amortissement fiscal est plus élevé que l'amortissement comptable dans les premières années de la vie utile de l'actif et l'est moins dans les dernières années, bien que l'amortissement total soit égal au bout du compte. En conséquence, les impôts exigibles sont bas au début de la vie utile de l'actif et plus élevés vers la fin; les compagnies de chemin de fer réalisent ainsi une économie d'impôt au début de la vie utile de l'actif en raison de l'asymétrie des flux monétaires résultant des deux méthodes d'amortissementNote 4.

[130] En ce qui a trait à la structure du capital, différentes méthodes peuvent être employées aux fins du traitement de l'impôt reporté : 1) la méthode de la normalisation, qui peut être appliquée de deux façons différentes; 2) la méthode de l'imputation à l'exercice.

[131] Selon la méthode de la normalisation, l'impôt reporté est soit ajouté à la base tarifaire, où on lui impute un coût nul – normalisation de type 1 – soit soustrait de la base tarifaire (investissement net) – normalisation de type 2. Selon la méthode de l'imputation à l'exercice, l'impôt reporté sert à réduire d'une somme rigoureusement équivalente la charge d'impôts de l'exercice ou des exercices où les incidences fiscales sont constatées. La WCSC, la CCGA, l'Alberta et le Manitoba plaident en faveur de la méthode de la normalisation. La méthode de l'imputation à l'exercice, préconisée par CN et CP, réduit les charges fiscales pour l'exercice en cours, ce qui, par ricochet, accroît le bénéfice net et les capitaux propres.

[132] Brigham et Nantell ont analysé les répercussions des deux méthodesNote 5. Selon les résultats de leur étude, le coût du capital des sociétés qui recourent à la méthode de l'imputation à l'exercice est plus élevé que le coût du capital des sociétés qui emploient la méthode de la normalisation. En outre, les auteurs parviennent à la conclusion que la méthode de l'imputation à l'exercice ne concorde pas avec la théorie classique de l'établissement de tarifs parce qu'elle favorise les clients actuels au détriment des clients futurs en majorant le revenu net pour la période courante. Les auteurs affirment qu'en revanche [traduction] « la méthode de la normalisation prévoit l'établissement d'une provision pour impôt reporté à laquelle on impute un coût nul, et tous les clients de la société, actuels et futurs, tirent profit de l'existence de ce capital à coût nul ».

[133] Un autre aspect qui s'apparente au précédent et qu'il convient de considérer dans le cas de la méthode de l'imputation à l'exercice est la nécessité de tenir compte simultanément du rajustement fiscal appliqué actuellement au coût des capitaux propres. À l'heure actuelle, l'Office rajuste le coût des capitaux propres issu du MEDAF d'après le taux d'imposition réglementaire des compagnies de chemin de fer (c.-à-d. le taux d'imposition maximal) et non d'après le taux d'imposition effectif (c.-à-d. le taux d'imposition réel) afin de dégager une valeur avant impôt. Ce faisant, l'Office s'assure que les bénéfices sont suffisants pour atteindre le rendement des capitaux propres autorisé après le paiement de l'ensemble des impôts.

[134] Toutefois, inclure l'impôt reporté dans les capitaux propres et rajuster ce total d'après le taux d'imposition réglementaire donnerait lieu à un coût des capitaux propres qui surcompenserait l'impôt sur les bénéfices, en ce sens que le même taux réglementaire d'imposition que celui appliqué aux capitaux propres serait appliqué au capital à coût fiscal nul issu de l'impôt reporté. Si l'Office devait adopter une telle méthode, des questions pourraient être soulevées à l'égard de ses trois critères d'évaluation de la méthode d'estimation des capitaux propres. Les arguments à l'appui de l'utilisation du taux d'imposition effectif plutôt que du taux d'imposition réglementaire pourraient soulever des questions d'ordre pragmatique au sujet de la méthode à employer et du moment où il convient d'effectuer des rajustements, de même que des questions plus fondamentales au regard du caractère raisonnable et de la fiabilité de la méthode.

[135] À la lumière de ces éléments, l'Office conclut que la méthode de l'imputation à l'exercice ne respecte pas ses critères d'évaluation.

[136] Les deux méthodes de normalisation – ajout de l'impôt reporté à la structure du capital, assorti d'un coût nul (normalisation de type 1) ou exclusion de l'impôt reporté de la base tarifaire et de la structure du capital (normalisation de type 2) – ont des répercussions opposées sur le coût du capital. L'ajout de l'impôt reporté assorti d'un coût nul dans la structure du capital exerce des pressions à la baisse sur le coût du capital, tandis que l'exclusion de l'impôt reporté de la structure du capital tire le coût du capital relativement vers le haut.

[137] En théorie, même si l'exclusion de l'impôt reporté génère un coût du capital plus élevé, ce coût est appliqué à un actif de plus petite envergure, et il n'y a donc pas de différence en termes de dollars entre les deux méthodes de normalisation. Le coût du capital exprimé en dollars est exactement le même dans les deux cas.

[138] Toutefois, il est important de souligner que les deux méthodes ne sont pas équivalentes dans le contexte de l'IPCAV, dont la valeur est établie chaque année par l'Office. Pour ce qui est de l'IPCAV, le mandat de l'Office n'est pas d'établir le coût du capital en dollars mais plutôt de fixer le coût du capital qui entrera dans le calcul du revenu maximal admissible. Si le coût du capital change, le revenu maximal admissible change également. Plus précisément, dans le cas de l'IPCAV, le coût du capital est appliqué aux immobilisations liées au transport du grain. La valeur de ces éléments d'actif (qui forment un sous-ensemble de l'investissement net servant à calculer le coût du capital et qui font partie intégrante de la formule réglementaire depuis l'instauration du programme) ne peut être rajustée de manière à exclure la valeur des actifs financés grâce à l'impôt reporté. Par conséquent, la normalisation de type 2 n'est pas une méthode pragmatique, car elle ne peut être mise en œuvre par l'Office aux fins de la réglementation.

[139] Les compagnies de chemin de fer font valoir que l'impôt reporté devrait être compris dans les capitaux propres et qu'on devrait lui attribuer un taux de rendement équivalent, car, dans le cas contraire, les sociétés ne tirent plus d'avantage de la mesure fiscale incitative du gouvernement. Les expéditeurs, l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan s'opposent à cette idée; ces derniers considèrent que l'impôt reporté est une source de liquidités à coût nul pour les compagnies de chemin de fer, ces liquidités étant issues des bénéfices amenés par les clients.

[140] Pour concilier ces deux perspectives, l'Office s'est attardé aux répercussions de l'impôt reporté sur les liquidités à coût nul. L'Office fait observer que l'impôt reporté augmente d'une somme rigoureusement équivalente les liquidités à coût nul, car il réduit les bénéfices imposables de la société et, par ricochet, le montant de l'impôt à payer. Seuls les bénéfices sont source d'obligations fiscales pour les sociétés, et les bénéfices constituent une mesure de l'excédent des produits par rapport aux charges. La société ne tire pas de bénéfices des emprunts ou des investissements des actionnaires; les bénéfices proviennent plutôt de la clientèle.

Question 3 : Conclusion de l'office

[141] L'impôt reporté constitue une source de fonds issus des bénéfices; à l'heure actuelle, la loi fiscale permet aux sociétés de conserver ces fonds et d'en faire usage jusqu'à ce que les impôts afférents deviennent exigibles à une date ultérieure. Ces fonds ne sont pas associés à l'obligation de verser des intérêts à un porteur de titre de créance ni à l'obligation d'offrir un certain rendement à un actionnaire. Par conséquent, en attribuant un coût de financement nul à ces éléments de la structure du capital, l'Office est cohérent avec son mandat. Il ne serait pas raisonnable de procéder autrement, c'est-à-dire de permettre aux compagnies de chemin de fer de toucher un rendement sur une portion de la structure du capital associée à un coût de financement nul.

[142] Par ailleurs, comme l'interprétation des dispositions fiscales et de leurs objectifs ne fait pas partie du mandat de l'Office, l'Office ne voit pas clairement comment la mesure fiscale incitative du gouvernement devient moins avantageuse si les actionnaires n'ont pas le droit de toucher un rendement sur ces fonds. Plus précisément, en faisant profiter les clients de ces obligations fiscales allégées par le truchement de baisses de tarifs (un résultat que les forces de la concurrence devraient favoriser lorsqu'elles sont suffisamment présentes), la demande d'activités nécessitant des ressources dont l'amortissement fiscal peut être accéléré sera aussi favorisée.

[143] La méthode utilisée actuellement par l'Office pour traiter l'impôt reporté a été adoptée dans le cadre de la décision de 1985, dans laquelle l'Office affirme que l'impôt reporté constitue une source de capital à coût nul pour les compagnies de chemin de fer. Dans cette décision, l'Office concluait ainsi :

[...] du point de vue coût, les impôts cumulés reportés sont essentiellement un prêt sans intérêt et […], à ce titre, ils doivent être considérés comme des capitaux obtenus à un coût nul, car l'objectif est d'établir un niveau d'indemnisation équitable [...]. [Si le Comité allouait] le coût des capitaux propres pour ces soldes, les actionnaires se retrouveraient avec des bénéfices excédentaires […]

[144] L'Office conclut que les éléments à considérer à l'égard de l'impôt reporté dans le cadre de la présente décision sont les mêmes que ceux considérés en 1985. Les mesures fiscales incitatives augmentent le fonds de roulement généré par les bénéfices; ces fonds devraient être utilisés de manière productive et ne justifient pas l'attribution d'un rendement aux investisseurs. Par conséquent, l'Office détermine qu'accorder un poids à l'impôt reporté dans la structure du capital et lui attribuer un coût nul constitue la meilleure façon de traiter l'impôt reporté selon les trois critères de l'Office. L'Office continuera donc de procéder de cette manière.

QUESTIONS AYANT TRAIT À L'ESTIMATION DES DIVERS COÛTS

Question 4 : Détermination du coût des capitaux empruntés

L'Office devrait-il déterminer le coût de la dette à long terme en utilisant le coût historique de l'endettement tel qu'il apparaît dans les états financiers de l'exercice le plus récent des compagnies de chemin de fer? Dans la négative, comment l'Office devrait-il déterminer le coût de la dette à long terme?

[145] L'Office détermine le coût de la dette à long terme d'après le coût historique de l'endettement tel qu'il figure dans les états financiers de l'exercice le plus récent des compagnies de chemin de fer (du 1er janvier au 31 décembre). CN et CP ont fait valoir qu'étant donné l'augmentation des coûts de financement, il faudrait estimer d'une quelconque façon le coût des emprunts futurs.

[146] En outre, l'étude d'une structure de capital déterminée selon la valeur de marché a amené certains participants à soulever la question des mesures du rendement de la dette à long terme axées sur le marché.

Question 4 : Résumé des positions des participants

[147] CP plaide en faveur de l'utilisation de la valeur marchande pour évaluer le coût des capitaux empruntés, soutenant que cette mesure représente une estimation plus fidèle du coût actuel de ses emprunts. Plus précisément, CP recommande d'utiliser le rapport du rendement à l'échéance au rendement moyen d'un indice composé de titres obligataires de sociétés ayant la même note et une durée moyenne pondérée qui s'accorde avec celle des titres d'emprunt en circulation de CP.

[148] L'argument de CN est essentiellement le même que CP, c'est-à-dire que dans un contexte de hausse des taux d'intérêt, le coût historique de l'endettement ne sera pas suffisant pour que l'on obtienne du financement sur les marchés. CN recommande d'établir le coût des capitaux empruntés en fonction des rendements courants déterminés d'après les opérations récentes sur des titres de CN ou d'après des émissions présentant le même risque de crédit et ayant la même durée.

[149] La WCSC recommande d'établir le coût des capitaux empruntés selon les intérêts (coût structurel) figurant dans les états financiers des compagnies de chemin de fer. Elle défend sa position en indiquant que comme les rendements du marché n'ont aucun effet sur l'obligation contractuelle de verser un montant d'intérêt annuel et de rembourser le principal à l'échéance, si l'on calculait les rendements des obligations au moyen des taux du marché, les actionnaires des compagnies ferroviaires réaliseraient un profit inattendu.

[150] La CCGA estime que l'utilisation du coût historique (ou valeur comptable) de l'endettement qui figure dans les rapports annuels des compagnies de chemin de fer est une pratique raisonnable. Elle allègue qu'une société aura plus tendance à lancer un emprunt lorsque les taux d'intérêt sont bas, et qu'il est ardu de prévoir les coûts d'emprunt dans des marchés volatils. La CCGA indique en outre qu'il peut être difficile de déterminer le volume d'émissions que peuvent lancer des sociétés dans une année donnée, ou encore la durée de ces émissions ou même la monnaie dans laquelle elles sont libellées.

[151] La CER recommande que l'on détermine le coût de la dette à long terme en se fondant sur le coût historique de l'endettement tel qu'il figure dans les états financiers des compagnies de chemin de fer. La CER est d'accord avec la WCSC lorsqu'elle affirme que l'utilisation du rendement du marché pour déterminer le coût des capitaux empruntés se soldera par un profit inattendu pour les actionnaires. En effet, lorsque les rendements prévus augmentent, les créanciers de la société emprunteuse ne reçoivent pas de paiements additionnels. Ce sont plutôt les actionnaires de la société qui profitent de toute augmentation de la mesure du coût des capitaux empruntés.

[152] L'Alberta soutient que l'on devrait calculer le rendement de la dette à long terme à l'aide de la méthode du rendement à l'échéance.

[153] Le Manitoba propose que l'Office mesure le coût des capitaux empruntés en se servant des données les plus récentes sur le coût structurel de l'endettement. Le Manitoba se prononce contre l'utilisation des taux d'intérêt prévus pour représenter le coût des capitaux empruntés. Il indique en effet que ces prévisions peuvent n'avoir aucun rapport avec les coûts de financement réels des compagnies de chemin de fer; elles seront en outre moins transparentes et varieront davantage.

[154] Les sections 5.2 et 5.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 4 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Mesure du rendement des obligations

[155] Certains participants proposent que l'Office modifie sa méthode actuelle, qui consiste à déterminer le coût de la dette à long terme en utilisant le coût structurel de la dette tel qu'il figure dans les livres des compagnies de chemin de fer. Ces participants souhaiteraient que l'Office adopte plutôt une approche fondée sur le marché pour évaluer le coût des capitaux empruntés et qu'il utilise à cette fin le rendement des obligations, ce qui lui permettrait soit de déterminer les coûts actuels sur le marché des titres de créance, soit de prévoir le coût futur des capitaux empruntés.

[156] Pour évaluer cette proposition, l'Office a d'abord examiné les trois méthodes couramment employées pour mesurer le rendement des obligations, à savoir : 1) utiliser le taux d'intérêt nominal de l'obligation (méthode actuellement employée par l'Office); 2) calculer le rendement courant de l'obligation; 3) calculer le rendement de l'obligation à l'échéance. Les trois méthodes sont largement employées dans les domaines de l'économie et des finances pour évaluer le rendement des obligations, mais dans des buts différents. Ces méthodes ont également été proposées séparément par les participants comme méthodes de calcul du coût des capitaux empruntés.

[157] Le taux d'intérêt nominal (ou rendement nominal) correspond au taux d'intérêt que l'émetteur de l'obligation est tenu de payer au porteur chaque année jusqu'à l'échéance par rapport à la valeur nominale de l'obligation. Le taux d'intérêt nominal est le plus souvent utilisé pour déterminer les engagements financiers d'une société. Dans sa forme la plus simple, il s'agit du rapport du paiement d'intérêt annuel à la valeur nominale de l'obligation.

[158] Le taux d'intérêt nominal a pour avantage d'être relativement simple à calculer, et les résultats issus de cette méthode ne dépendent pas d'estimations spéculatives quant aux marchés de titres de créance secondaires peu liquides, marchés souvent instables et n'offrant pas toujours des signaux de prix. En outre, le taux d'intérêt nominal est un concept bien compris, facile à mettre en œuvre et à vérifier. Les données nécessaires au calcul du taux d'intérêt nominal sont facilement accessibles et publiées dans une variété de rapports mis à la disposition du public, allant des états financiers des sociétés (coût structurel) aux rapports sur les différentes industries et aux documents produits par les sociétés de courtage.

[159] En revanche, le principal désavantage associé à l'utilisation du taux d'intérêt nominal est que cette méthode est rétrospective, car le calcul est fondé sur les emprunts en cours. Le calcul n'intègre aucun signal de prix, il ne reflète pas les conditions actuelles du marché pour les nouvelles émissions de titres d'emprunt et il ne tient pas compte des gains ou pertes en capital éventuels des investisseurs qui acquièrent l'obligation sur un marché secondaire.

[160] Le rendement courant correspond au rapport du paiement d'intérêt annuel en dollars au prix courant du marché. Le rendement courant sera inférieur au taux d'intérêt nominal lorsque le prix du marché est supérieur à la valeur nominale de l'obligation (vente à prime) et supérieur au taux d'intérêt nominal lorsque la valeur de l'obligation sur le marché est inférieure à la valeur nominale du titre (vente à escompte). Essentiellement, le rendement courant fait état de la relation inverse entre le prix d'une obligation et son rendement. Il est généralement employé pour estimer rapidement le prix d'une obligation sur le marché à un moment donné.

[161] Le rendement courant est facile à calculer, simple à comprendre et vérifiable, mais cette méthode exige que le marché soit liquide et qu'il fournisse des signaux de prix donnant une indication claire de la situation du marché. De plus, la variation des prix au fil du temps peut donner lieu à des estimations plus instables. Si un instrument d'emprunt à long terme est négocié sur les marchés secondaires, les données nécessaires au calcul du rendement courant seront aisément accessibles. En l'absence de données sur les prix (ou dans le cas d'un instrument d'emprunt qui n'est pas négocié), il faut recourir à un modèle pour estimer le rendement d'instruments d'emprunt présentant un risque similaire et ainsi déduire le prix. Le rendement courant met en relation le paiement d'intérêt annuel en dollars et le prix de l'obligation sur le marché (et non sa valeur nominale), mais il ne tient pas compte des autres revenus que peut en tirer le porteur (gains en capital, paiements d'intérêt réinvestis).

[162] Le rendement à l'échéance représente le taux d'intérêt qui égalise la valeur actualisée des flux monétaires tirés d'une obligation à long terme au prix du marché de cette obligation, majoré des intérêts courus. Il s'agit de la méthode la plus exhaustive pour calculer le rendement du marché obligataire, car le rendement à l'échéance tient compte à la fois des paiements d'intérêts annuels et de la perte ou du gain en capital que réalisera le porteur de l'obligation s'il conserve le titre jusqu'à l'échéance. On peut dire que le rendement à l'échéance correspond au taux d'actualisation qui égalise les flux monétaires futurs au prix de l'obligation sur le marché. Parmi les trois méthodes, l'estimation du rendement à l'échéance est la plus complexe en raison de la formule du taux de rendement interne des flux monétaires, des données nécessaires au calcul et des problèmes liés aux marchés peu liquides évoqués dans les paragraphes sur le rendement courant.

[163] En raison de la relation inverse directe entre la valeur marchande d'une obligation et son rendement, si on envisage d'adopter une mesure du rendement du marché pour estimer le coût des capitaux empruntés dans le cadre de l'établissement du coût du capital, il faudra voir si la structure du capital est fondée sur la valeur marchande ou sur la valeur comptable de la dette. L'Office fait observer que, à moins que la valeur marchande d'un instrument d'emprunt n'ait pas du tout fluctué par rapport à la valeur nominale, ni le rendement courant, ni le rendement à l'échéance ne fera adéquatement état du coût applicable aux obligations financières de la société telles qu'elles figurent dans ses états financiers. En revanche, l'utilisation du taux d'intérêt nominal (coût structurel) constitue une méthode de calcul simple et largement transparente qui permet de mesurer avec précision les obligations financières des compagnies de chemin de fer.

[164] Tant le rendement courant que le rendement à l'échéance pourraient être des déterminants (axés sur le marché) adéquats du coût des capitaux empruntés, ils pourraient être compatibles avec l'utilisation d'une structure de capital à valeur marchande et ils pourraient être utilisés pour prévoir le coût futur des capitaux empruntés. Par contre, comme il s'agit dans les deux cas d'une mesure du rendement ou du coût d'une obligation par rapport au prix du marché, l'Office conclut que ni le rendement courant, ni le rendement à l'échéance ne constitue une mesure convenable et précise aux fins du calcul du coût structurel de l'endettement s'inscrivant dans une structure de capital fondée sur la valeur comptable. Dans un contexte où l'on souhaite évaluer le coût de la dette dans une structure de capital fondée sur la valeur comptable, ces deux méthodes ne répondent pas aux critères de l'Office et ne sont pas nettement supérieures à la méthode du taux d'intérêt nominal.

Coût structurel de l'endettement par rapport au coût actuel ou projeté de la dette

[165] Une autre question fondamentale se pose, soit celle de savoir si les conditions du marché devraient être prises en considération au moment d'établir la valeur et le coût de la dette à long terme. Dans la mesure où l'objectif consiste à calculer le coût de renonciation actuel de la dette à long terme, la réponse est oui. Toutefois, la valeur marchande de la dette et son rendement sur le marché ne semblent pas être directement liés au coût des capitaux empruntés de la société qui doit rembourser la dette; ces données fournissent uniquement une estimation des taux d'intérêt qui s'offrent actuellement à la société.

[166] Dans ce contexte, l'Office considère donc qu'utiliser le rendement des capitaux empruntés d'une société sur le marché en guise de coût des capitaux empruntés n'est pas une pratique qui, sur le plan théorique, cadre avec l'objectif réglementaire consistant à offrir un rendement équitable et raisonnable aux compagnies de chemin de fer réglementées sur le capital qu'elles ont investi. Appliquer la valeur marchande et le rendement du marché à l'ensemble des capitaux empruntés d'une société donnerait en fait une image faussée des obligations financières actuelles de la société. L'utilisation du rendement du marché serait une façon de faire convenable uniquement si on adoptait la pratique de prévoir le coût futur des capitaux empruntés.

[167] CP affirme que dans les dernières campagnes agricoles, les taux historiques n'ont pas été révélateurs des conditions réelles du marché et que le coût rattaché à l'émission de nouveaux titres de créance était plus élevé que le coût historique de l'endettement. Dans sa présentation visant la campagne agricole 2010-2011, CP a indiqué que le coût de l'endettement déterminé par l'Office ne reflétait pas les taux d'intérêt de 2010. CP a de nouveau soulevé ce point durant les séances de consultation tenues dans le cadre du présent examen de la méthode d'établissement du coût du capital. CP a comparé les résultats de l'Office à ses estimations, et elle affirme que le taux d'intérêt qui s'offrait à elle sur le marché était plus élevé que le coût moyen pondéré du capital établi par l'Office pour la campagne agricole 2010-2011.

[168] CP rattache ces deux allégations à un instrument d'emprunt précis émis en 2009. L'Office estime que l'affirmation de CP (selon laquelle le coût du financement par emprunt était plus élevé que le coût du capital établi par l'Office) n'est pas justifiée. L'Office a déterminé que le coût moyen pondéré du capital pour la campagne agricole 2009-2010 (la bonne campagne à considérer puisque l'emprunt en question a été lancé en novembre 2009) était de 6,58 pour cent, un pourcentage plus élevé que le taux d'intérêt associé à l'instrument d'emprunt évoqué par CP. En outre, la valeur nominale de cet emprunt représentait seulement une portion des obligations financières totales de CP, et l'Office, dans son calcul du coût des capitaux empruntés, lui a associé une pondération (à la valeur comptable) et un taux conformes.

[169] Outre cet argument, CP présente des calculs indiquant que le coût des capitaux empruntés à la valeur marchande était plus élevé que le coût calculé par l'Office en 2008 et en 2009. En ce qui concerne l'année 2009, CP affirme que d'après ses calculs fondés sur les données du marché, le coût des capitaux empruntés est de 7,71 pour cent, comparativement à 5,74 pour cent selon les résultats de l'Office.

[170] En réponse à cet argument, l'Office note que cette estimation de CP (7,71 pour cent) est supérieure à l'estimation que la société avait elle-même fourni antérieurement à l'égard du coût d'un instrument d'emprunt effectivement émis. L'Office ajoute que, d'après les calculs de CP fondés sur la valeur marchande, les résultats de l'Office étaient plus élevés que les valeurs de marché des quatre autres années pour lesquelles CP a fait le calcul.

[171] À la lumière de ces faits, l'Office estime qu'utiliser les données globales du marché (dans le cas présent, les rendements à l'échéance de fin de mois calculés par Bloomberg pour les obligations de sociétés notées BBB – la catégorie dans laquelle se retrouve CP – dont l'échéance est de 10 ou 15 ans) donne lieu à une généralisation abusive dans le contexte réglementaire en cause.

[172] L'Office reconnaît que le coût structurel de la dette peut différer du coût associé à l'émission de titres de créance dans l'année qui suit, et qu'il s'agit là d'un point valable quand vient le temps de prévoir un taux de rendement dans un cadre de réglementation. Toutefois, cette préoccupation n'est réellement pertinente que dans le cas des sociétés qui, dans un contexte où les coûts d'emprunt sont en hausse, veulent renouveler un emprunt assorti d'un faible taux d'intérêt ou réaliser d'importantes dépenses en capital financées par emprunt dans la prochaine année.

[173] La méthode du coût structurel employée actuellement par l'Office, qui consiste à diviser le taux d'intérêt nominal de l'obligation par la valeur nominale de l'obligation, donne une mesure précise du coût de la dette à long terme des sociétés, mais avec un an de retard. Par contre, cette méthode ne permet pas d'évaluer le coût du financement par emprunt pour l'année à venir. Par conséquent, l'approche actuelle de l'Office convient mieux à l'évaluation des obligations financières totales de la société, plutôt qu'à l'évaluation du taux d'intérêt qu'exigeraient les investisseurs si la société émettait d'autres titres de créance ou à l'évaluation du taux d'intérêt qu'obtiendrait une société qui voudrait reconduire un emprunt arrivant à échéance. En pareilles circonstances, le coût des nouveaux capitaux empruntés pour l'année à venir, s'il pouvait être estimé de manière fiable, refléterait mieux, en principe, le coût du financement par emprunt pour la société.

[174] Puisque l'Office établit chaque année le coût du capital, tout titre de créance émis une année donnée sera pris en considération dans les calculs de l'Office l'année suivante. De plus, si on compare les prévisions du coût des capitaux empruntés approuvées par l'Office pour une période donnée au coût réel des capitaux empruntés pour cette même période – voir la figure 1 – on constate que le retard d'un an dans la comptabilisation des nouveaux emprunts n'a donné lieu en moyenne qu'à une surestimation mineure du coût des capitaux empruntés au cours des dix dernières années.

Figure 1 : Coût moyen pondéré réel et prévu des capitaux empruntés, CN et CP

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[175] Le graphique fait clairement ressortir que dans les dix dernières années, l'effet du coût des capitaux empruntés au cours d'une année s'est révélé minime, ce qui amène l'Office à conclure que dans le contexte d'une industrie réglementée bien développée, les questions concernant l'endettement futur anticipé ne sont pas particulièrement pertinentes dans le calcul du coût du capital. Cette conclusion est importante, car tout changement visant à tenir compte de l'endettement futur anticipé pourrait atténuer la transparence et la fiabilité de la méthode.

[176] Si l'Office voulait tenter d'estimer le coût associé à l'émission de titres de créance dans l'année à venir, il devrait d'abord établir une méthode de calcul. CP est d'avis que le coût rattaché aux obligations à 10 et à 15 ans de sociétés jouissant d'une note similaire à celle de la compagnie de chemin de fer représente une projection convenable du coût futur des capitaux empruntés. Toutefois, le fait que les propres calculs de CP fondés sur le marché surestimaient le coût des capitaux empruntés en 2009 par rapport au coût réel payé par CP soulève d'importantes préoccupations au regard de la fiabilité de cette approche. L'Office craint également que le processus d'évaluation de la valeur marchande des capitaux empruntés et de vérification des présentations des parties, ainsi que procède la STB, n'exige d'importantes ressources et ne soit pas pragmatique, tout comme les méthodes consistant à calculer ou à vérifier des estimations d'après les taux d'intérêt actuellement offerts aux sociétés jouissant d'une note comparable.

[177] De la même façon, pour estimer l'assise financière à laquelle appliquer le coût projeté des capitaux empruntés fondé sur le marché, l'Office pourrait devoir évaluer le plan d'investissement et le plan financier des compagnies de chemin de fer et même estimer la structure de capital présumée, des étapes qui reposent toutes sur d'importantes spéculations et qui soulèvent discussions et controverses. Une grande part de l'information serait probablement confidentielle; par conséquent, le processus ne serait pas transparent. La vérification de ces projections ne serait pas une mince tâche et tout rajustement effectué par l'Office pour corriger les propositions inexactes serait extrêmement difficile à mettre en œuvre. De façon générale, l'Office juge que le résultat final d'un tel exercice, s'il pouvait bel et bien être mis en œuvre, ne serait pas clairement supérieur au résultat de la méthode employée actuellement.

[178] Par ailleurs, appliquer les coûts de financement projetés à une structure financière mesurée selon la valeur comptable exacerberait le problème initial. Puisque la plupart des engagements financiers des compagnies de chemin de fer sont fixes sur une période d'un an, cette méthode reviendrait à appliquer un coût potentiellement artificiel à la structure du capital. Si le coût réel différait du coût projeté, alors des gains inattendus seraient réalisés soit par les actionnaires, soit par les expéditeurs. De plus, un élément d'incertitude s'ajouterait inutilement au processus et pourrait engendrer un biais de prédiction.

[179] Une autre option consisterait à appliquer le coût projeté des capitaux empruntés uniquement aux emprunts reconduits, autrement dit à limiter l'examen des coûts futurs aux engagements financiers qui pourraient être renouvelés dans la prochaine année (c.-à-d. les emprunts qui devraient être reconduits avant la fin de la période visée par le mandat de l'Office au regard du coût du capital) et à appliquer le coût structurel de la dette à tous les autres emprunts.

[180] Cette façon de faire procurerait des résultats fiables uniquement si la dette venant à échéance était toujours relancée comme un nouvel emprunt et non refinancée en partie ou en totalité par capitaux propres. Les mêmes problèmes évoqués précédemment au regard de la projection de la structure de capital se poseraient alors. En plus de ces inconvénients et des difficultés associées à la mise en œuvre, cette méthode ouvre la porte à la manipulation des échéances, ce qui pourrait réduire la transparence de l'approche. Il faudrait établir des critères clairs et objectifs pour déterminer quand et comment mesurer l'endettement futur, comme dans toute méthode permettant de prévoir adéquatement le coût futur des capitaux empruntés, et définir un mécanisme de rajustement au besoin. Il est possible que l'effort supplémentaire ne se traduise que par une amélioration modeste, car les nouveaux emprunts ou les emprunts reconduits sur une période d'un an pourraient ne pas être suffisamment importants pour influer sur le coût global des capitaux empruntés.

Question 4 : Conclusion de l'Office

[181] Dans la mesure où la méthode pour évaluer le rendement de la dette à long terme doit chercher à refléter le coût réel du financement par emprunt, l'Office conclut que parmi les trois approches examinées, la méthode du taux d'intérêt nominal est la plus raisonnable, la plus fiable et la plus pragmatique.

[182] L'Office conclut qu'en raison des difficultés connexes évoquées, la méthode consistant à faire une projection de l'endettement futur et du coût futur des capitaux empruntés n'est pas nettement supérieure à la méthode employée actuellement.

[183] L'Office détermine qu'il calculera également le coût des capitaux empruntés d'après le coût de financement mentionné dans les rapports de chaque société, et il tiendra compte uniquement des emprunts existants et du coût actuel des capitaux empruntés.

Question 5 : Méthode d'évaluation du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires

Quelle méthode ou combinaison de méthodes l'Office devrait-il utiliser pour évaluer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires?

[184] L'Office évalue le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide de trois modèles (MEDAF, modèle DCF et modèle ERP). Tous les ans depuis le début des années 1990, l'Office a déterminé que le MEDAF offrait la représentation la plus fidèle de la situation des marchés des capitaux. Certains participants ont proposé que l'Office accorde une attention particulière au modèle DCF et qu'il prenne aussi en considération d'autres modèles.

Question 5 : Résumé des positions des participants

[185] CP propose que l'Office établisse une moyenne des estimations du coût des capitaux propres issues du MEDAF et du modèle DCF à périodes multiples, et elle propose une méthode détaillée pour ce faire. CP soutient que le modèle tel qu'il est utilisé actuellement par l'Office présente certaines lacunes importantes et que si l'Office adoptait la méthode qu'elle propose, il obtiendrait une estimation plus stable du coût des capitaux propres.

[186] CN est d'avis que le MEDAF est le modèle qui répond le mieux aux trois critères définis par l'Office, mais elle fait observer que le modèle DCF repose sur des fondements théoriques solides et qu'on devrait s'en servir pour vérifier la cohérence des estimations issues du MEDAF. CN ajoute qu'elle n'aurait pas d'objection à ce que l'Office fasse une moyenne non pondérée des résultats du MEDAF et des résultats du modèle DCF, mais il reconnaît que les prévisions moyennes à l'égard du taux de croissance des bénéfices utilisées dans le modèle DCF ne sont pas susceptibles d'être maintenues indéfiniment, et que l'utilisation directe d'un taux de croissance couvrant même aussi peu que cinq ans donnera lieu à une surestimation du coût des capitaux propres.

[187] La CCGA est en faveur de l'utilisation du MEDAF, mais elle affirme aussi que le fait d'examiner les résultats du modèle DCF et du modèle ERP offre à l'Office un moyen additionnel de confirmer la cohérence des estimations du MEDAF.

[188] La CER affirme qu'en ce qui concerne la méthode actuelle de l'Office qui consiste à examiner trois modèles puis à utiliser son jugement pour déterminer le plus performant, le rapport Brattle ne fait pas la démonstration convaincante que l'Office devrait renoncer à cette souplesse.

[189] La WCSC estime que l'Office devrait continuer d'estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide du MEDAF sans attribuer un poids au modèle DCF. La WCSC met en doute l'exactitude des taux de croissance estimés figurant dans le modèle DCF.

[190] L'Alberta croit que l'Office devrait continuer de recourir au MEDAF. En se fondant sur le rapport Brattle, la province estime qu'il n'existe pas de modèle clairement plus performant et qu'on ne pourrait pas apporter d'améliorations au MEDAF.

[191] Le Manitoba juge que le MEDAF est raisonnable, fiable et pragmatique, et il affirme que le modèle DCF est source de problèmes du fait que les prévisions de croissance actuelles ne sont pas susceptibles d'être maintenues à long terme.

[192] La Saskatchewan estime qu'aucune autre méthode ne s'est révélée clairement supérieure au MEDAF actuellement employé par l'Office et que ce dernier devrait donc continuer de s'en remettre à ce modèle.

[193] Les sections 6.3, 6.4 et 13 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 5 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[194] L'Office procède à une analyse en deux étapes de la méthode à utiliser pour déterminer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. D'abord, il examine la pertinence de chacune des méthodes de calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Ensuite, il détermine s'il convient d'utiliser un seul modèle ou plutôt une combinaison de modèles.

Pertinence de chacun des modèles d'estimation du coût des capitaux propres

[195] L'Office analyse la pertinence des différentes méthodes réglementaires d'établissement du coût du capital en fonction du triple critère du caractère raisonnable, fiable et pragmatique. Après avoir examiné le MEDAF, le modèle DCF et le modèle ERP en fonction de ces trois critères, l'Office est parvenu aux conclusions énoncées ci-dessous.

Caractère raisonnable

[196] Le MEDAF est une méthode raisonnable. Il repose sur une théorie économique et financière solide, et sa logique est intuitive. Pour qu'un investisseur veuille bien investir dans un actif jugé risqué, il doit pouvoir obtenir le taux de rendement sans risque majoré d'une prime en guise de compensation pour le risque couru. Cette prime est représentée, d'une part, par la prime de risque du marché et, d'autre part, par le risque non diversifiable associé à une action particulière. Par conséquent, le modèle est en phase avec l'objectif poursuivi, c.-à-d. qu'il établit un rendement équitable et raisonnable. Sa formule est transparente, et si les périodes définies pour les variables du modèle sont fixées d'avance, les facteurs de jugement sont alors réduits au maximum.

[197] Le modèle DCF est jugé plus ou moins raisonnable. Il a le potentiel d'établir un rendement équitable et raisonnable pour les compagnies de chemin de fer réglementées; toutefois, le caractère raisonnable de ce rendement dépendra de facteurs de jugement, comme le ou les taux de croissance des bénéfices présumés aux fins des calculs, la période sur laquelle on suppose que ce ou ces taux s'appliquent et le type de modèle DCF employé (à une période, à deux périodes ou à périodes multiples).

[198] Le modèle DCF à une période repose sur l'hypothèse non réaliste que les dividendes vont croître indéfiniment à un taux constant. Dans le modèle DCF à deux périodes et le modèle DCF à périodes multiples, il est supposé que le taux de croissance des dividendes tendra vers un taux dit final qui, une fois atteint, demeurera constant indéfiniment. Le fait de varier les hypothèses posées quant aux taux de croissance des dividendes et aux périodes sur lesquelles ces taux devraient s'appliquer peut avoir une incidence importante sur le coût des capitaux propres estimé à l'aide du modèle DCF.

[199] Le modèle ERP est lui aussi plus ou moins raisonnable. Il a le potentiel d'établir un rendement équitable pour les compagnies de chemin de fer : le modèle repose sur une formule et est donc très transparent. L'utilisation de facteurs de jugement est réduite au maximum si les paramètres du modèle – l'actif sans risque et la période sur laquelle la prime de risque du marché est estimée – sont fixés à l'avance. En revanche, le modèle ERP ne permet pas de dégager un rendement propre à la société. S'il n'y a pas de facteur de risque propre à la société, alors il est supposé que le coefficient bêta du marché est de 1,0, et cette hypothèse s'est révélée infondée dans le cas des compagnies de chemin de fer réglementées.

Caractère fiable

[200] Le MEDAF est jugé fiable. Le modèle est fondé uniquement sur des données vérifiables et il produira des résultats assez cohérents en présence de conditions analogues. La sensibilité du modèle à une vaste gamme de conditions économiques et financières dépendra de la période sur laquelle les paramètres et les variables sont estimés. Le modèle est très sensible aux taux sans risque courants. Par contre, la sensibilité du modèle aux conditions actuelles du marché des actions sera fonction de la longueur de la période prise en considération dans le calcul de la prime de risque du marché.

[201] Le modèle DCF est plus ou moins fiable. Le cours de l'action et le dividende courant sont des données connues et vérifiables. Cependant, les estimations des taux de croissance, qui sont des variables clés du modèle DCF, ne sont pas vérifiables. Dans le cas du modèle DCF à périodes multiples, il faut estimer plus d'un taux de croissance, et ces estimations pourraient viser des périodes très éloignées. Le modèle réagit uniquement de manière indirecte à l'évolution de la conjoncture, par le truchement des cours des actions, des bénéfices (ou flux monétaires) réalisés et des taux de croissance présumés pour chaque société.

[202] Le modèle ERP est plus ou moins fiable. Le modèle est fondé sur des données vérifiables. Il produira des résultats similaires en présence de conditions analogues, et il est plus ou moins sensible aux conditions économiques et financières. Sa sensibilité à une vaste gamme de facteurs dépendra de la longueur de la période sur laquelle les moyennes des différents paramètres sont calculées. Comme il s'agit d'un modèle axé entièrement sur le marché, il est peu sensible aux facteurs économiques et financiers propres aux sociétés.

Caractère pragmatique

[203] Le MEDAF est fondé sur des données aisément accessibles. Sa mise en œuvre est simple, tant pour l'organisme de réglementation que pour les parties réglementées, et le modèle convient bien au contexte de réglementation dans lequel il est appliqué. Étant donné la période visée par le modèle, il peut être facilement estimé. Par conséquent, le MEDAF est jugé pragmatique.

[204] Le modèle DCF est plus ou moins pragmatique. La plupart des données sur lesquelles il repose sont aisément accessibles sans frais, en particulier dans le cas du modèle à une période. Les prévisions des analystes à l'égard des taux de croissance des dividendes sur cinq ans sont accessibles gratuitement et facilement. Toutefois, il n'est pas possible d'avoir accès à des prévisions allant au-delà de cinq ans, et même si c'était possible, on ne pourrait pas s'attendre à ce que ces prévisions soient très précises. Le modèle DCF est simple à mettre en œuvre à la fois pour l'organisme de réglementation et les parties réglementées, pour autant que la source des taux de croissance et les périodes pour chaque volet du modèle soient fixées d'avance.

[205] Le modèle ERP est plus ou moins pragmatique. Il est fondé sur des données aisément accessibles à peu de frais. Des trois modèles, il s'agit probablement du plus facile à appliquer pour l'organisme de réglementation et pour les parties réglementées. Par contre, le modèle ERP n'est pas le plus compatible avec le cadre de réglementation dans lequel s'inscrivent les responsabilités de l'Office. L'Office a pour mandat de calculer le coût du capital des compagnies de chemins de fer réglementées, et le modèle ERP ne comporte aucun volet propre à ce type de société.

[206] À la lumière de son analyse des trois modèles, l'Office conclut que le MEDAF répond aux trois critères définis : il est raisonnable, fiable et pragmatique. Le modèle DCF répond un peu moins bien aux trois critères, car il repose sur l'hypothèse problématique que la société suivra indéfiniment un taux de croissance constant. Le modèle ERP ne répond pas non plus parfaitement aux trois critères, car il suppose que le coefficient bêta de chaque société est le même que celui du marché dans l'ensemble (c.-à-d. égal à 1), une hypothèse qui s'est révélée infondée dans le cas des compagnies de chemin de fer réglementées.

[207] Voici comment le rapport Brattle résume la comparaison entre le MEDAF et le modèle DCF selon les critères du caractère raisonnable et de la fiabilité :

Le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), par exemple, est fondé sur une théorie économique transparente et ayant fait l'objet de recherches poussées. Ses résultats peuvent être reproduits aisément, car les données nécessaires sont faciles à obtenir auprès de nombreuses sources publiques. Cela dit, la mise en œuvre du MEDAF implique la prise d'une série de décisions subjectives susceptibles d'être vivement contestées et d'entraîner des résultats considérablement différents. À l'inverse, le modèle de l'actualisation des flux monétaires (discounted cash flow – DCF), dans sa forme la plus simple, peut être mis en œuvre de façon relativement objective, quoiqu'il puisse s'avérer ardu de contre-vérifier les renseignements sur les taux de croissance requis qui apparaissent dans les ensembles de données accessibles au public. Qui plus est, le modèle DCF est très sensible aux estimations des taux de croissance, qui peuvent varier grandement selon les analystes, et cette variation augmente souvent en période de grande incertitude économique. Ainsi, la fiabilité des méthodes DCF peut être mise en doute en temps de tourmente économique ou lorsqu'une industrie est en transition. De même, le niveau de simplification de la version du modèle DCF qui repose sur une hypothèse de croissance constante ne fait qu'accroître les préoccupations relatives à la fiabilité. Par exemple, supposer que les flux monétaires croîtront à un taux constant à l'infini est une simplification extrême, qui rend le modèle hautement sensible à l'hypothèse du taux de croissance. Si le taux de croissance constant est déterminé en fonction des prévisions de croissance sur cinq ans, comme c'est souvent le cas, la fiabilité du modèle risque de diminuer considérablement en période de croissance anormalement élevée ou basse. De plus, l'application de la méthode peut donner des résultats instables au fil du temps, des estimations élevées du coût du capital pouvant succéder brutalement à des estimations faibles.

[208] À la lumière de cette analyse, il est clair que le MEDAF constitue une méthode adéquate pour estimer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer à des fins réglementaires, car il répond aux trois critères définis par l'Office. L'Office conclut que ni le modèle DCF ni le modèle ERP ne répond aussi bien aux trois critères que le MEDAF. Dans le cas du modèle DCF, il faut poser des hypothèses à l'égard des taux de croissance dans l'avenir et projeter un taux de croissance qui demeurera constant sur un horizon infini. Le modèle ERP ne comporte pas de facteur propre à la société et repose sur l'hypothèse que le risque associé à la société est égal au risque du marché dans l'ensemble, une hypothèse que l'on sait incorrecte.

Modèle unique ou combinaison de modèles

[209] Comme l'Office juge qu'un des modèles d'estimation du coût des capitaux propres – le MEDAF – est nettement supérieur aux autres du fait qu'il répond à tous les critères définis, tandis que le modèle DCF et le modèle ERP n'y répondent pas parfaitement, l'utilisation exclusive du MEDAF mérite une attention sérieuse. Toutefois, l'Office prend en considération la proposition du rapport Brattle selon laquelle il y a des avantages à examiner les données issues d'un certain nombre de modèles :

Bon nombre d'organismes de réglementation examinent les estimations produites par plusieurs modèles avant de fixer le coût du capital à attribuer. Certains, comme le Surface Transportation Board, déterminent explicitement quel facteur de pondération assigner à chaque modèle, tandis que d'autres utilisent une vaste gamme d'estimations pour orienter leur décision. L'analyse des données issues de nombreux modèles reste la meilleure pratique à adopter, parce que certains modèles réussissent mieux que d'autres à rendre compte des divers aspects du processus d'évaluation.

[210] En revanche, l'Office juge que l'affirmation de la CER offre une certaine validité. La CER fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Combiner le coût des capitaux propres découlant de méthodes d'estimation inférieures et le coût des capitaux propres issu de méthodes d'estimation supérieures, comme le préconise le rapport Brattle (page 6), ne fait qu'accroître l'erreur d'estimation et le risque de biais, et cela n'augmente pas vraiment l'exactitude (le caractère équitable) du coût des capitaux propres estimé.

[211] L'Office s'est penché sur ces deux points de vue qui s'opposent. Il reconnaît que la différence majeure entre les deux approches réside dans le fait qu'elles offrent des avantages potentiels qui sont inconciliables : pouvoir garder une marge de manœuvre dans le choix de la méthode ou faire preuve de transparence et de précision dans l'établissement du coût des capitaux propres.

[212] Utiliser uniquement le MEDAF, comme le préconisent quatre des huit participants de l'industrie (Alberta, Manitoba, Saskatchewan et WCSC), diminuerait l'incertitude à l'égard du cadre de réglementation dans lequel les taux sont appliqués puisque tous les intervenants sauraient, sans équivoque, quelle méthode est employée pour calculer le coût des capitaux propres.

[213] Une autre solution, privilégiée par CN et la CCGA, serait de recourir au MEDAF, mais d'examiner également les estimations issues du modèle DCF et du modèle ERP afin de vérifier que le MEDAF produit des estimations toujours raisonnables. Toutefois, comme l'Office ne dispose pas de critères objectifs sur lesquels s'appuyer pour évaluer si les estimations générées par ces trois modèles sont raisonnables, cette solution pose problème. Étant donné que les modèles reposent sur des méthodes différentes, les écarts entre les estimations pourraient être très grands, et il n'existe pas de consignes reconnues permettant de déterminer si les divergences dépassent ce à quoi on peut s'attendre. En outre, même si on jugeait que les différences entre les estimations du MEDAF et les estimations du modèle DCF et du modèle ERP sont pour une raison ou pour une autre anormales, il n'est pas clairement établi comment les résultats devraient être rajustés et sur quoi l'Office devrait se fonder pour ce faire.

[214] Enfin, la troisième proposition consiste à adopter une combinaison de deux modèles ou plus et d'attribuer une pondération claire et précise à chacun d'eux. Il s'agit de la formule recommandée par CP, qui propose que l'Office fasse la moyenne des estimations du coût des capitaux propres issues du MEDAF et du modèle DCF à périodes multiples. CN est également en faveur, en quelque sorte, de cette approche puisqu'elle affirme qu'elle n'aurait pas d'objection à ce que l'Office calcule la moyenne non pondérée des résultats du MEDAF et du modèle DCF. Si on adoptait cette façon de faire, il faudrait préciser les estimations à combiner et les poids attribués à chaque modèle. Comme il n'existe pas de consignes théoriques sur la combinaison des estimations du coût des capitaux propres provenant de différents modèles, la pondération devient alors entièrement subjective.

Question 5 : Conclusion de l'Office

[215] Le MEDAF est le seul modèle d'estimation du coût des capitaux propres accepté (à tout le moins partiellement) par l'ensemble des intervenants. Le MEDAF repose sur de bons fondements théoriques, il est couramment utilisé à des fins réglementaires, il a été le choix systématique de l'Office dans les 19 dernières années et il admet une logique intuitive et rationnelle pour la caractérisation des différents volets du risque (actif sans risque, risque du marché des actions, risque non diversifiable propre à la société). Les trois composantes du modèle réagissent différemment à l'évolution du marché (rapidement dans le cas du taux sans risque, modérément dans le cas du risque propre à la société et lentement dans le cas du risque du marché des actions); l'estimation du coût des capitaux propres combine donc des éléments sensibles et des éléments stables. Enfin, recourir uniquement au MEDAF réduirait l'incertitude à l'égard du cadre de réglementation dans lequel les estimations de l'Office sont appliquées.

[216] En conséquence, l'Office détermine que, dans un souci de certitude et de transparence accrues, il utilisera uniquement le MEDAF pour estimer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer réglementées. Il cessera donc d'évaluer chaque année les résultats de trois modèles et de faire appel à son jugement pour déterminer la pondération appropriée à accorder à chacun des modèles.

Question 6 : La version du MEDAF à utiliser

[217] En ce qui concerne le MEDAF, certains participants aux séances de consultation ont proposé que d'autres versions que la version classique soient prises en considération.

Question 6 : Résumé des positions des participants

[218] CN affirme que même si le MEDAF classique cadre avec les objectifs de l'Office, le MEDAF international (MEDAFI) pourrait fournir des estimations additionnelles qui serviraient de complément aux résultats de l'Office, puisque CN livre concurrence sur les marchés mondiaux pour l'obtention de capitaux.

[219] CN fait également valoir que le MEDAF classique représente un cadre statique reposant sur le postulat d'un horizon d'investissement fixe et qui ne reflète pas la nature dynamique du contexte d'investissement dans lequel la compagnie de chemin de fer évolue. Par conséquent, CN est d'avis que la meilleure option est le MEDAF intertemporel.

[220] Le Manitoba recommande d'utiliser le MEDAF à trois facteurs de Fama-French plutôt que le MEDAF classique, soutenant que ce modèle constitue une amélioration au MEDAF en ce sens qu'il ignore l'hypothèse implicite selon laquelle le coefficient bêta est l'unique mesure du risque associé au titre d'une société par rapport au marché.

[221] La section 8.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 6 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[222] Les fondements théoriques et les exigences de mise en œuvre de ces autres versions du MEDAF ont été analysés par rapport au MEDAF classique (inconditionnel), d'après les critères établis par l'Office, à savoir que toute méthode doit être raisonnable, fiable et pragmatique.

[223] Les autres versions du MEDAF examinées, sauf peut-être le modèle à trois facteurs de Fama-French, reposent sur de solides fondements économiques; pourtant, toutes comportent des faiblesses découlant d'un certain nombre d'hypothèses simplificatrices qui pourraient ne pas s'avérer. Le MEDAF international (MEDAFI) pourrait être considéré comme une méthode convenable pour estimer le rendement qui doit être offert par les sociétés qui exercent des activités et mobilisent des capitaux sur les marchés financiers libres, mais les véritables formes fonctionnelles de la relation sont extrêmement complexes et, pour des raisons pratiques, il faut poser des hypothèses simplificatrices additionnelles pour être en mesure d'obtenir des paramètres mesurables. Le MEDAF intertemporel tente de tenir compte du fait que les investisseurs ont des goûts, des préférences et des craintes, et qu'ils se prémunissent en conséquence au fil du temps. Toutefois, les types d'opérations de couverture ne sont pas bien définis dans le modèle actuellement. Le modèle de Fama-French est l'objet de critiques, car d'aucuns affirment que les facteurs SMB (small minus big) et HML (high minus low) ne sont pas fondés sur une théorie économique claire. Les auteurs affirment par contre que ces facteurs pourraient se substituer aux variables de couverture qui ne figurent pas dans le MEDAF classique et qui font office de facteurs additionnels dans les versions intertemporelle et internationale du modèle. Si on s'appuie uniquement sur la théorie de l'économie financière, il est difficile de déterminer si une des versions du MEDAF est plus raisonnable que les autres.

[224] Les données nécessaires à l'estimation de la plupart des paramètres du MEDAF classique sont vérifiables et peuvent être facilement obtenues auprès de sources publiques ou directement auprès des compagnies de chemin de fer. En revanche, dans le cas du MEDAFI, il faut connaître le rendement des indices boursiers sur les marchés mondiaux, une information qui n'est pas facilement accessible. Le MEDAF intertemporel intègre des paramètres additionnels pour lesquels il n'y a pas consensus quant à la forme fonctionnelle acceptable, même si les données nécessaires pour estimer les facteurs additionnels inconnus étaient accessibles. Par conséquent, l'Office conclut que le MEDAFI et le MEDAF intertemporel ne respectent pas le critère de la fiabilité.

[225] Toutes les autres versions du MEDAF peuvent uniquement être mises en œuvre si les difficultés méthodologiques sont surmontables. Dans sa forme classique, le MEDAFI est extrêmement difficile à estimer car les chercheurs universitaires ne s'entendent pas sur les formes fonctionnelles convenant à l'estimation de la prime de risque du marché international et de la sensibilité du rendement au risque de change et au risque lié à l'inflation. Par conséquent, le MEDAFI classique ne répond pas au critère de la méthode pragmatique. À l'heure actuelle, le MEDAF intertemporel est essentiellement un sujet de recherche pour les universitaires, car il n'y a pas consensus quant aux facteurs à inclure dans le portefeuille de couverture. CN propose que les facteurs additionnels du MEDAF intertemporel, qui représentent ce portefeuille de couverture, soient estimés d'après l'écart entre le taux sans risque à court terme et le taux sans risque à long terme, mais il n'offre aucune justification théorique ou empirique à l'appui de sa proposition. Pour les raisons susmentionnées, le MEDAF intertemporel ne répond pas non plus au critère de la méthode pragmatique.

[226] L'estimation du MEDAF à trois facteurs de Fama-French présente également certaines difficultés. La définition des facteurs SMB et HML par un analyste serait un travail de longue haleine, car toutes les sociétés qui composent l'indice boursier devraient être classées selon qu'il s'agit d'une société à grande ou à faible capitalisation et selon que le ratio valeur comptable/cours des capitaux propres de la société est élevé ou faible. Les paramètres en question pourraient aussi être obtenus sans frais par le truchement d'Internet, mais le modèle perdrait alors de sa transparence par rapport à son développement et l'Office deviendrait dépendant d'un tiers pour l'obtention continue des données. Par conséquent, le modèle de Fama-French ne peut être considéré raisonnable et pragmatique.

Question 6 : Conclusion de l'Office

[227] L'Office conclut que seule la version classique (inconditionnelle) du MEDAF constitue une méthode raisonnable, fiable et pragmatique. Les autres versions du MEDAF proposées par les participants aux séances de consultation pourraient se révéler prometteuses à long terme, mais elles ne sont pas encore suffisamment au point pour être appliquées à des fins réglementaires. L'Office refuse donc de les utiliser.

Question 7 : Évaluation et application d'une prime de risque associée au transport du grain

L'Office devrait-il continuer à évaluer chaque année la pertinence d'appliquer un rajustement au coût des capitaux propres-actions ordinaires pour refléter le risque afférent au transport du grain, et dans l'affirmative, sur quoi l'Office devrait-il se fonder?

[228] En vertu de la décision de 1997, l'Office évalue chaque année la pertinence d'appliquer un rajustement au coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires pour refléter le risque afférent au transport du grain. En outre, tous les ans depuis 1997, l'Office a déterminé qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer le rajustement en question.

Question 7 : Résumé des positions des participants

[229] CP affirme que de nombreux facteurs agronomiques et géopolitiques influent sur la volatilité des volumes de grains produits et expédiés d'une année à l'autre, mais elle admet qu'une grande part des incertitudes et des risques dont il est question dans la décision de 1997 ne s'appliquent plus aujourd'hui. CP maintient également que [traduction] « l'inclusion d'un rajustement au titre du risque afférent au transport du grain serait contraire à l'objectif de l'Office, qui consiste à se doter d'une méthode raisonnable, fiable et pragmatique ». CP s'oppose en outre à toute allégation voulant qu'il soit approprié d'appliquer un ajustement à la baisse pour le transport du grain, et elle ajoute que les risques et incertitudes associés au grain qui touchent les producteurs génèrent aussi des risques pour CP.

[230] CN soutient que les circonstances ayant mené à la décision de 1997 de l'Office à cet égard n'ont pas changé et que toute allégation voulant que le risque soit différent serait incompatible avec les principes définis par l'Office, car étant donné qu'il est impossible de mesurer le risque systémique associé au transport, l'évaluation serait totalement subjective et discrétionnaire.

[231] La WCSC fait également valoir qu'il est pratiquement impossible de mesurer tout écart entre le risque systémique associé au transport du grain et le risque systémique global auquel sont confrontées les compagnies de chemin de fer, car il n'y a pas de prix du marché associés aux titres de participation non négociés d'une entreprise de transport du grain.

[232] La CCGA fait valoir qu'il n'est pas justifié d'inclure une prime de risque pour le transport du grain dans le calcul puisque le coût du capital est déterminé sur la base de la société.

[233] L'Alberta et le Manitoba soutiennent que l'Office devrait continuer d'évaluer s'il convient d'effectuer un rajustement au titre du transport du grain et expliquent en détail pourquoi le transport du grain devrait être considéré comme un facteur de réduction du risque.

[234] La section 7.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 7 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[235] Après avoir entendu les éléments de preuve et examiné sous quel angle il conviendrait d'évaluer le risque afférent au transport du grain, le CTCF a déterminé dans la décision de 1985 que ce risque devait être évalué par rapport au transport de certaines autres marchandises. Cet élément de comparaison a été utilisé par la suite dans le cadre de tous les examens annuels réalisés pour étudier la pertinence de procéder à un rajustement au regard du risque afférent au transport du grain.

[236] Dans la décision de 1997, l'Office a déterminé que depuis l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest (LTGO) et la fin du régime de subvention, le transport du grain n'était pas moins risqué que le transport d'autres produits de base. L'Office a cependant jugé prudent de continuer de surveiller les risques afférents au transport du grain, car cette modification législative aurait pu entraîner des changements préoccupants dans l'industrie du grain et dans le système de manutention du grain.

[237] Certains de ces changements possibles avaient trait au volume, d'autres à l'intensification de la concurrence et d'autres encore au parc de wagons. Dans la décision de 1997, l'Office a constaté que l'incertitude en soi constitue un élément de risque et a admis la possibilité que les quantités de grain transportées diminuent des suites de l'élimination des subventions. Une quinzaine d'années ayant passé depuis la fin du régime de la LTGO, l'Office estime que le temps est venu de vérifier si ces inquiétudes se sont concrétisées et d'évaluer s'il est raisonnable de continuer à surveiller la situation.

[238] Le tableau à la figure 2 résume les résultats de l'analyse que l'Office a menée pour savoir si les volumes de grain avaient diminué depuis l'abrogation de la LTGO. Le tableau présente les données sur le volume pour le transport du grain par chemin de fer réglementé et les expéditions des silos primaires dans l'Ouest du Canada de 1995 à 2010. Il montre que même si le volume de grain expédié par chemin de fer a quelque peu diminué après l'abrogation de la LTGO en 1997, les baisses de volume n'ont été que temporaires (la baisse étant surtout attribuable aux conditions météorologiques qui ont réduit le volume de récoltes), et que les volumes enregistrés au cours des cinq dernières années sont comparables aux volumes antérieurs à la décision de 1997.

Figure 2 : Transport du grain réglementé et expéditions des silos primaires (en volume)
Période Transport du grain
réglementé
(millions de tonnes)
Campagne agricole Expéditions des silos
primaires (millions de tonnes)
1995 29,600 1995-1996 29,994
1996 28,400 1996-1997 35,748
1997 32,900 1997-1998 33,649
1998 26,300 1998-1999 29,781
1999 25,100 1999-2000 32,498
2000-2001 29,200 2000-2001 33,488
2001-2002 22,100 2001-2002 26,331
2002-2003 16,400 2002-2003 19,503
2003-2004 24,500 2003-2004 27,737
2004-2005 24,300 2004-2005 27,242
2005-2006 28,400 2005-2006 30,355
2006-2007 28,600 2006-2007 32,019
2007-2008 26,800 2007-2008 31,415
2008-2009 31,200 2008-2009 33,584
2009-2010 31,900 2009-2010  

[239] Au sujet des inquiétudes selon lesquelles le transport par camion pourrait remplacer le transport ferroviaire pour le mouvement du grain dans le nouveau régime, il convient de faire remarquer que le spectre de la concurrence du camionnage n'est pas propre au transport du grain, bien qu'il y ait lieu de supposer que, les expéditeurs n'étaient pas incités à se tourner vers d'autres modes de transport que le transport ferroviaire pour le mouvement du grain lorsqu'était en vigueur l'ancienne structure tarifaire garantie en vertu de la LTGO. Cela dit, il faut reconnaître que le transport ferroviaire demeure l'un des modes d'acheminement des marchandises en vrac les plus économiques sur de longues distances, et que l'augmentation du volume de camionnage au chapitre du transport du grain découlerait en bonne partie des efforts déployés par les compagnies de chemin de fer pour accroître leur efficience conformément à la LTC. En raison de l'élimination de lignes d'embranchement peu rentables et de la fermeture subséquente de silos-élévateurs, les producteurs sont de plus en plus nombreux à avoir besoin des services de camionnage pour acheminer le grain au silo-élévateur à grande capacité le plus près. Toutefois, la hausse du volume de camionnage attribuable à la fermeture des silos-élévateurs ne nuit aucunement aux activités fondamentales des compagnies de chemin de fer, lesquelles avaient déjà cessé d'offrir ce service.

[240] Par ailleurs, toutes les incertitudes (risques) entourant la perspective d'un changement de propriété du parc de wagons céréaliers du gouvernement fédéral ont été dissipées en 2006 lorsque le gouvernement a décidé de conserver la propriété du parc. En outre, dans l'éventualité où le parc de wagons du gouvernement changerait de propriétaire et où la transaction modifierait les coûts des compagnies de chemin de fer, des mécanismes prévus dans la LTC pourraient remédier à la situation.

[241] Au vu des données présentées, l'Alberta et le Manitoba estiment que le coût des capitaux propres devrait être rajusté à la baisse pour refléter le fait que les investisseurs considèrent les sociétés en monopole réglementées comme étant beaucoup moins risquées que les sociétés en concurrence non réglementées, et que le même écart de risque s'applique pour les segments du marché du transport ferroviaire en situation de monopole et pour les segments en situation de concurrence. Les deux provinces font aussi valoir que les compagnies ferroviaires ont un risque réduit parce que contrairement à d'autres marchandises transportées par train, le volume de grains transporté et les revenus tirés du transport du grain ne sont pas liés à la situation économique globale.

[242] Ces arguments ne sont pas dénués de fondement, mais il est difficile de déterminer à quel point le coefficient bêta attribué aux deux compagnies de chemin de fer admet déjà certains effets qui, nous estimons, devraient être pris en compte, pas plus qu'il n'apparaît clairement comment distinguer le risque non diversifiable auquel sont exposées les entreprises réglementées spécialisées dans le transport du grain. Les compagnies de chemin de fer ont également avancé que la réglementation elle-même, empreinte d'incertitude et de contraintes, ferait augmenter les risques pour les sociétés réglementées.

Question 7 : Conclusion de l'Office

[243] Selon l'Office, rien ne permet d'affirmer avec certitude que le transport du grain est plus ou moins risqué que le transport d'autres produits de base. L'Office n'a pas non plus trouvé de méthode pratique et transparente pour évaluer les risques et utiliser les données obtenues de façon à établir une estimation raisonnable du coût des capitaux propres pour le transport du grain.

[244] L'Office a analysé les préoccupations qui l'ont mené à prendre l'engagement exposé dans la décision de 1997, et les résultats auxquels il est parvenu révèlent que le nouveau cadre réglementaire en vertu de la LTC est bien établi, et que les risques potentiels et les conséquences redoutées de l'abrogation de la LTGO ne se sont généralement pas concrétisés.

[245] Par conséquent, l'Office conclut que le transport du grain n'est ni plus ni moins risqué que le transport d'autres produits de base. L'Office soutient en outre qu'il est conforme à ses trois critères d'évaluation de la méthode de ne plus évaluer annuellement s'il convient d'appliquer un rajustement au coût des capitaux propres pour tenir compte des risques associés au transport du grain.

Questions ayant trait à des composantes du medaf

Question 8 : Pertinence des données du marché

L'Office devrait-il continuer à utiliser des données du Canada ou devrait-il utiliser une combinaison de données du Canada et des États-Unis pour établir les variables à utiliser dans chacun des modèles de calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires?

[246] L'Office se fonde exclusivement sur des données canadiennes pour établir les variables de chacun des modèles utilisés pour calculer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Il a été suggéré d'utiliser des données américaines ou une combinaison de données du Canada et des États-Unis.

Question 8 : Résumé des positions des participants

[247] CP affirme que les deux compagnies de chemin de fer sont inscrites à la Bourse de New York (NYSE), qu'elles exercent une grande part de leurs activités au sud de la frontière et qu'elles sont en concurrence avec les autres compagnies de chemin de fer nord-américaines de classe 1 pour l'obtention de capitaux propres. Selon CP, on pourrait donc utiliser une combinaison de données du Canada et des États-Unis pour établir les variables nécessaires pour calculer le coût des capitaux empruntés et le coût des capitaux propres.

[248] CN est d'avis que les possibilités d'investissement à l'étranger devraient être prises en considération dans les estimations du coût du capital et que, dans cette optique, le marché nord-américain, soit le marché financier des États-Unis, est celui qui convient le mieux.

[249] La WCSC indique que l'Office devrait continuer d'utiliser exclusivement des données du Canada pour établir les variables servant au calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires parce qu'il existe des différences majeures entre les deux marchés, que de nombreux autres pays devraient aussi être pris en compte dans un marché élargi, et que l'Office réglemente et détermine le coût du capital pour les activités ferroviaires canadiennes exclusivement.

[250] La CCGA fait valoir que l'Office réglemente des sociétés qui sont constituées et qui exercent leurs activités au Canada, il est approprié que l'Office s'appuie sur des données canadiennes pour calculer le coût des capitaux propres, et elle fait observer que les marchés financiers canadiens sont suffisamment vastes et liquides pour permettre un arbitrage efficace entre ces marchés et les marchés financiers mondiaux.

[251] La CER cite la conclusion d'un rapport rédigé par un de ses spécialistes, selon lequel le marché américain ne permet pas d'expliquer de manière statistiquement significative la portion du rendement des services publics du Canada qui n'est pas attribuable au marché canadien. La CER note également que certains organismes de réglementation des États-Unis refusent d'inclure des sociétés canadiennes dans les groupes de référence qu'ils utilisent, leur raisonnement étant que les compagnies canadiennes sont assujetties à un cadre réglementaire très différent qui les rend moins comparables aux compagnies américaines.

[252] L'Alberta soutient que l'Office devrait utiliser une combinaison de données canadiennes et de données américaines ou encore effectuer des analyses distinctes, parce que les actions des deux compagnies de chemin de fer canadiennes sont négociées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York et que, par conséquent, le rendement devrait être le reflet des exigences des investisseurs de part et d'autre de la frontière.

[253] Le Manitoba affirme que l'Office devrait continuer d'utiliser des données canadiennes parce que les investissements dans le transport du grain visés par la réglementation de l'Office sont entièrement effectués au Canada.

[254] Les sections 9.2 et 9.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 8 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Indicateurs de marché appropriés

[255] En principe, le portefeuille de marché dont le MEDAF doit tenir compte n'est pas seulement constitué d'éléments d'actif négociés à une bourse donnée, mais englobe tous les actifs risqués que peuvent détenir les investisseurs. Il comprend l'ensemble des actifs provenant de tous les pays et il inclut entre autres les obligations, les sociétés fermées, l'immobilier, le capital humain, les métaux précieux et les œuvres d'art. Le portefeuille de marché est si vaste qu'il est impossible à mesurer, d'où la nécessité de recourir à un indicateur pour mesurer le rendement du marché. Il importe avant tout de déterminer quel indicateur de marché est le plus représentatif.

[256] L'argument selon lequel l'Office devrait tenir compte de l'arbitrage entre le risque et le rendement de CN et de CP sur les marchés à l'extérieur du Canada est fondé. Toutefois, l'Office estime que l'adoption d'une perspective internationale « globale » est irréalisable en raison de la complexité des calculs requis et de l'accès difficile aux données. De plus, rien ne prouve que l'intégration des marchés mondiaux soit suffisante pour assurer la pertinence d'un tel exercice, car il est difficile ou onéreux pour les Nord-Américains d'acquérir des actions négociées sur les marchés mondiaux, outre les fonds communs de placement.

[257] Il a été avancé que le marché des États-Unis, soit le marché financier le plus vaste et celui qui dispose du plus de liquidités à l'échelle mondiale, représenterait le mieux les possibilités qui s'offrent aux investisseurs (particulièrement aux investisseurs canadiens) sur le marché mondial. Selon un tel scénario, le coût des capitaux propres serait établi uniquement au moyen des taux sans risque et des taux de rendement du marché financier des États-Unis, lequel ferait office de marché de substitution à l'ensemble des marchés financiers.

[258] La comparaison des différents indices boursiers révèle que l'indice américain S&P 500 (S&P) est beaucoup plus large que l'indice canadien composite S&P/TSX (TSX). Si le TSX est fortement influencé par les secteurs de la finance et de l'énergie (qui composent plus de 50 pour cent de l'indice), le S&P est plus diversifié, les secteurs de la finance et de l'énergie n'étant à l'origine que de 28 pour cent de l'indiceNote 6. Ainsi, le S&P est influencé par un plus large éventail d'industries, ce qui peut avoir d'importantes répercussions selon la situation économique. Examiner les résultats d'un indice plus large permet parfois d'avoir un meilleur portrait d'ensemble en période d'instabilité économique.

[259] L'Office estime cependant que, en dépit des arguments théoriques, il n'est pas raisonnable d'établir le coût du capital aux fins de la réglementation canadienne à l'aide des données américaines exclusivement et sans égard aux marchés financiers canadiens. Selon l'Office, la plupart des observateurs partageraient cet avis.

[260] Il importe ensuite de savoir si le marché canadien pourrait à lui seul servir à estimer de façon appropriée le coût des capitaux propres pour CN et CP. La position actuelle de l'Office sur l'utilisation de l'indice TSX comme indicateur de marché se fonde sur la décision de 2004 :

En ce qui concerne une source de données appropriée qui sera utilisée pour estimer le bêta de CN et CP, l'Office est d'accord avec CN pour ce qui est de l'utilisation d'un indice général pré-pondéré selon la valeur. Afin de refléter le Toronto Stock Exchange, septième plus grand marché des valeurs mobilières au monde et troisième plus grand marché en Amérique du Nord, l'Office estime que l'indice composé S&P/TSX, qui couvre environ 95 pour cent du marché canadien de capitalisation des actions, est une mesure de marché générale acceptable, convenable pour calculer les valeurs du bêta canadien à des fins réglementaires.

[261] En outre, plusieurs participants ont fait observer que CN et CP semblent n'avoir aucune difficulté à mobiliser des capitaux de part et d'autre de la frontière, ce qui suppose que le coût actuel des capitaux propres pour chacune des sociétés, calculé au moyen de données canadiennes uniquement, reflète en effet les préférences des investisseurs des deux côtés de la frontière.

[262] La firme Morningstar/Ibbotson (Morningstar), spécialisée dans le coût du capital, estime que l'indicateur de marché devrait être axé sur l'endroit où le capital est déployé, indépendamment de l'endroit où celui-ci a été mobilisé, et elle donne un exemple à l'appui de cet argument dans son SBBI Valuation YearbookNote 7. Selon l'Office, l'idée qu'un investisseur qui envisage d'investir dans un marché étranger puisse tenir compte des risques et du rendement à prévoir dans le marché étranger uniquement sans se préoccuper des risques et du rendement dans son propre marché est contraire au comportement des investisseurs. Par conséquent, l'Office n'est pas convaincu par l'exemple hypothétique présenté et n'adhère pas à la conclusion qui en découle selon laquelle il ne faudrait pas tenir compte du marché où les capitaux ont été mobilisés.

[263] Le coût des capitaux propres doit refléter le rendement des capitaux propres investis dans des actifs comportant un risque équivalent. Le principal argument contre l'utilisation de données exclusivement canadiennes est le fait qu'elles ne sont pas pleinement représentatives des possibilités qui s'offrent à un investisseur potentiel dans CN et CP. Ces sociétés sont inscrites à la Bourse de Toronto (TSE) et à la Bourse de New York (NYSE). Elles sont donc en concurrence avec d'autres sociétés pour obtenir des capitaux dans le marché canadien et dans le marché américain.

[264] Certains avancent que l'utilisation de données provenant exclusivement du marché canadien dans les calculs du MEDAF ne rend pas assez compte des possibilités qui s'offrent à l'investisseur, sur les marchés étrangers entre autres, et que le taux de rendement requis devrait tenir compte des marchés de l'extérieur du Canada puisque CN et CP livrent concurrence sur les marchés étrangers pour obtenir des capitaux. À cet égard, l'Office reconnaît qu'un organisme de réglementation doit garder à l'esprit, lorsqu'il fixe le taux de rendement d'une activité réglementée, qu'une société doit répondre aux attentes des investisseurs en matière de rendement, compte tenu des autres possibilités d'investissement comportant des risques équivalents dans le marché.

[265] Dans le cadre de l'examen de cette question dans la décision de 2004, l'Office a fait les constatations suivantes :

  • Les États-Unis et le Canada ont des régimes réglementaires, des structures d'imposition, des politiques monétaires et des contextes de marché très différents;
  • Le taux du coût du capital-actions ordinaires établi par l'Office est appliqué respectivement aux actifs canadiens de CN et de CP;
  • Selon Ibbotson AssociatesNote 8, le coût du capital particulier au pays dans lequel les capitaux propres sont utilisés devrait être déterminé sans aucun égard à l'endroit où les capitaux propres ont été levés. Les facteurs comme le marché des actions, le système politique et la réglementation du marché propres au pays où l'investissement est déployé sont ceux qui ont un effet sur le risque associé à l'investissement et ils diffèrent des risques associés aux mêmes capitaux propres déployés ailleurs;
  • Un investisseur éclairé saurait que CN et CP sont des entreprises canadiennes, assujetties aux lois et aux règlements d'impôt sur le revenu, comme le sont les industries canadiennes de produits de base qui composent la majeure partie de leur clientèle. L'investisseur éclairé saurait aussi que, en général, ces compagnies de chemin de fer sont intrinsèquement liées à l'économie canadienne, peu importe où les capitaux propres sont levés;
  • Les prévisions du coût des capitaux propres déterminées par l'Office sont utilisées lors de l'élaboration du taux du coût du capital principalement pour les programmes canadiens de trafic ferroviaire (c.-à-d. le plafond des revenus du grain de l'Ouest, la réglementation sur les prix d'interconnexion, les plaintes sur les services internes ferroviaires/d'expédition, etc.).

[266] Si les énoncés précédents s'appliquent toujours dans une large mesure, l'applicabilité de ce raisonnement s'est considérablement modifiée depuis. Dans sa quête d'un modèle d'évaluation du taux de rendement des capitaux propres qui rende compte des occasions d'investissement comparables offertes aux investisseurs, l'Office doit reconnaître que certains éléments de preuve laissent penser que CN et CP se fient beaucoup plus aux investisseurs américains aujourd'hui qu'au moment de la décision de 2004, comme le montre la figure 3.

Figure 3 : Proportion des actions de CN et de CP négociées sur le marché canadien et sur le marché américainNote 9

425-R-2011/main-exhibit3-fr.gif" alt="Figure 3 : Proportion des actions de CN et de CP négociées sur le marché canadien et sur le marché américain" width="590" height="389" />

[267] La figure 3 montre que la proportion d'actions de CN et de CP négociées sur le marché canadien était supérieure jusqu'en 2008, année où la proportion d'actions de CN et de CP négociées sur le marché américain est devenue plus élevée. À l'heure actuelle, 52 pour cent des actions de CN et de CP sont négociées sur le marché des États-Unis, et 48 pour cent sur le marché du Canada. Il est donc raisonnable de penser que les marchés financiers des États-Unis sont actuellement au moins aussi importants que les marchés financiers du Canada pour CN et CP. Par conséquent, l'Office reconnaît qu'il semble raisonnable en principe de se fonder sur un marché financier combiné qui comprenne le Canada et les États-Unis pour établir le coût des capitaux propres pour CN et CP.

[268] Au sujet de la comparabilité des risques entre les marchés canadien et américain, la WCSC, la CCGA et l'Alberta ont avancé certains arguments relatifs aux importantes différences structurelles entre les marchés financiers des deux pays. En raison des différences entre le Canada et les États-Unis sur le plan de la réglementation, des structures d'imposition et des risques de change, le marché américain n'est pas complètement accessible aux investisseurs canadiens, et vice versa. Ces différences pourraient agir sur l'environnement des activités commerciales, et par le fait même sur les risques auxquels sont exposées les sociétés actives dans les différents pays.

[269] En revanche, les obstacles réglementaires entravant les sociétés canadiennes qui négocient leurs actions sur les bourses américaines ont été atténués. Par ailleurs, l'investissement canadien s'est accru sur les marchés étrangers, en partie grâce aux programmes d'incitation fiscale à l'épargne-retraite qui ont contribué à lever les restrictions relatives à la proportion admissible d'investissements étrangers de portefeuille pour les investisseurs. C'est l'ensemble des marchés étrangers qui sont visés, et pas uniquement les marchés américains.

[270] Cela dit, il est communément reconnu que les marchés financiers canadien et américain n'ont pas complètement convergé et que le degré d'intégration du marché canadien au marché américain n'a pas encore été mesuré avec fiabilité. À ce sujet, l'Office constate que bien que le degré d'intégration des marchés canadien et américain demeure inconnu, il est possible d'examiner s'ils sont raisonnablement corrélés entre eux.

[271] La figure 4 illustre la variation en pourcentage d'une année à l'autre du rendement de marché des indices boursiers TSX et S&P entre 1957 et 2010. La figure montre que les deux marchés sont raisonnablement corrélés. En général, les sommets et les creux se produisent aux mêmes moments et s'étalent sur une durée sensiblement égale, bien qu'ils n'aient pas nécessairement la même ampleur, ce qui témoigne bien des différents degrés de risque dans les deux marchés.

Figure 4 : Variation en pourcentage d'une année à l'autre des indices boursiers TSX et S&PNote 10

425-R-2011/main-exhibit4-fr.gif" alt="Figure 4 : Variation en pourcentage d'une année à l'autre des indices boursiers TSX et S&P" width="590" height="299" />

[272] Pour examiner le risque d'un marché par rapport à l'autre, l'Office a estimé le coefficient bêta du risque relatif associé aux fluctuations de l'indice TSX en effectuant une régression par rapport aux fluctuations de l'indice S&P, au moyen d'observations hebdomadaires datant de 2006 à 2011. Selon ce calcul, le coefficient bêta du Canada, ajusté aux fins de la convergence, est de 0,88. Ce résultat signifie que le marché canadien est moins instable que le marché américain et confirme que les données canadiennes permettent d'obtenir un coût des capitaux propres moins élevé que les données américaines. On pourrait également affirmer que cette instabilité moindre tient compte de l'effet de tous les facteurs propres au pays qui en viennent à influer sur l'évaluation du risque comparable associé aux activités des sociétés canadiennes au Canada, et qu'elle témoigne mieux de la relation entre le risque et le rendement du milieu commercial canadien que les données américaines.

[273] À la lumière de ces constatations, l'Office estime qu'il ne convient plus de restreindre l'estimation du coût du capital uniquement à l'arbitrage entre risque et rendement observé sur le marché canadien, plus particulièrement compte tenu des raisons suivantes : 1) le coût des capitaux propres est une estimation des rendements d'une société auxquels les investisseurs s'attendent au vu du profil de risque et de rendement; 2) CN et CP livrent concurrence à d'autres sociétés pour l'obtention de capitaux dans le marché canadien et dans le marché américain; 3) les échanges commerciaux et les capitaux circulent librement entre le Canada et les États-Unis; 4) les investisseurs du Canada et des États-Unis peuvent entrer sur les marchés financiers des deux pays en n'étant assujettis qu'à un minimum de restrictions.

[274] Selon l'Office, bien que le degré d'intégration du marché canadien au marché américain n'ait pas été mesuré de façon fiable, il est certes important. Bon nombre d'obstacles à la circulation des capitaux qui se dressaient à l'époque de la rédaction de la décision de 2004 n'existent plus, et les capitaux circulent aujourd'hui librement entre les deux pays. Dans un tel contexte, CN et CP sont en concurrence avec des sociétés du Canada et des États-Unis pour obtenir des capitaux. Ainsi, l'Office conclut que la détermination du coût des capitaux propres pour les deux compagnies de chemin de fer devrait tenir compte de la relation entre le risque et le rendement observée sur le marché canadien et sur le marché américain.

Problèmes liés à la mise en œuvre

[275] S'il apparaît raisonnable en principe que le coût des capitaux propres de CN et de CP reflète les attentes en matière de risque et de rendement de part et d'autre de la frontière, la mise en œuvre de la méthode d'évaluation du coût présente plusieurs difficultés.

[276] Pour y remédier, l'Office doit d'abord revenir sur le MEDAF international (MEDAFI) et rejeter une fois de plus ce modèle. Le recours au MEDAFI pour obtenir une estimation du coût des capitaux propres correspondant aux attentes des investisseurs des marchés des actions américain et canadien obligerait à tenir compte des différences entre les deux pays en matière de réglementation, de structures d'imposition et de risque de change. Il faudrait concevoir une méthode permettant de quantifier l'effet de ces différences réglementaires et de ces expositions au risque de change et de faire les rajustements nécessaires. Un tel exercice serait difficile, s'accompagnerait probablement d'un recours important aux facteurs de jugement et ne cadrerait pas nécessairement avec l'objectif fixé par l'Office d'adopter une méthode pragmatique.

[277] Il est possible de simplifier le MEDAFI, conformément à certaines hypothèses restrictives, de façon à ce qu'il se rapproche du MEDAF traditionnel et satisfasse au critère du caractère pragmatique. Ce MEDAF nord-américain simplifié (MEDAF-NA) pourrait être défini comme suit :

425-R-2011/main-eq-277.gif" alt="Équation mathématique - voir la description détaillée pour plus d'information" width="278" height="24" />
Texte alternatif pour la formule MEDAF nord-américain simplifié (MEDAF-NA)

où :

Re est le rendement attendu des capitaux propres;

Rf,DC est le taux sans risque dans le marché intérieur;

Rm,NA est le rendement obtenu dans le marché combiné de l'Amérique du Nord;

ßNA est le risque systématique des titres d'une société par rapport au marché nord-américain.

[278] Cela dit, lorsqu'il s'agit des composantes individuelles du MEDAF, même la mise en œuvre d'une version simplifiée du MEDAF-NA présente plusieurs problèmes pratiques. Au moment de la sélection des variables représentatives et compatibles aux fins du MEDAF pour le marché combiné de l'Amérique du Nord, il faut : 1) définir les instruments de chaque pays qui sont les plus à même de représenter chaque variable; 2) déterminer le poids de chacune des variables propres à chaque pays pour arriver à un résultat combiné.

[279] Pour ce qui est du taux sans risque, étant donné que les actions de CN et de CP sont négociées sur les marchés financiers de part et d'autre de la frontière, un seul taux sans risque (Rf,DC dans le MEDAFI simplifié) semble inapproprié. Le taux sans risque pour les investisseurs au Canada correspond au taux des obligations du gouvernement du Canada, tandis que pour les investisseurs aux États-Unis il correspond au taux des obligations du gouvernement américain.

[280] La façon de s'y prendre pour mesurer le rendement total obtenu sur le marché boursier combiné de l'Amérique du Nord (Rm,NA) vient compliquer la méthode de calcul de la prime de risque du marché aux fins du MEDAF-NA. À l'heure actuelle, il n'existe pas d'indice boursier largement accepté qui reflète les possibilités offertes aux investisseurs des deux côtés de la frontière.

[281] L'indice nord-américain MSCI pourrait être considéré comme représentatif du marché nord-américain. Morgan Stanley, le créateur de l'indice, décrit le MSCI comme un indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière et sélectionné selon des critères de taille et de liquidité qui comprend 500 sociétés à forte et à moyenne capitalisation, soit 91 pour cent de sociétés américaines et 9 pour cent de sociétés canadiennes. L'Office préfère toutefois ne pas utiliser l'indice MSCI, car il ne reflète pas adéquatement les possibilités d'investissement qui s'offrent aux investisseurs canadiens. Il ne semble pas non plus être un indice de rendement total et il a donc pour effet de sous-évaluer le rendement du marché attendu. Enfin, les valeurs historiques de l'indice ne remontent qu'à 1969, ce qui peut ne pas constituer une période suffisamment longue pour bien rendre compte des attentes des investisseurs dans une diversité de conjonctures. Les effets de ces problèmes sur les mesures annuelles des indices sont inconnus et permettent de penser que l'indice n'est pas représentatif des rendements du marché combiné de l'Amérique du Nord, et qu'il ne serait donc pas raisonnable de l'utiliser.

[282] Il serait possible de créer un nouvel indice boursier représentatif plutôt que de recourir à l'indice MSCI pour représenter le marché combiné de l'Amérique du Nord. Cependant, la création d'un tel indice est une entreprise fort complexe qui nécessiterait la prise en compte de nombreux facteurs de jugement, ce qui n'irait pas sans désaccords et conflits. L'Office rejette une telle approche étant donné qu'elle poserait trop de problèmes.

[283] Compte tenu de ces difficultés, l'Office conclut qu'il est irréalisable d'arriver à une estimation du coût des capitaux propres de l'une ou l'autre des compagnies de chemin de fer qui soit le juste reflet des attentes des investisseurs canadiens et américains en matière de risque et de rendement, que ce soit au moyen du MEDAFI ou du MEDAF-AN simplifié.

[284] L'Office estime plutôt que la solution qui correspondrait le mieux aux critères établis serait d'estimer le coût des capitaux propres séparément pour les marchés du Canada et des États-Unis et de pondérer les deux. Le coût des capitaux propres déterminé pour le marché du Canada serait établi au moyen des taux sans risque obtenus d'après les rendements des obligations du gouvernement du Canada, des rendements du marché découlant du TSX, et des coefficients bêta obtenus par la régression des rendements des titres d'une société par rapport aux rendements du TSX. De même, le coût des capitaux propres pour le marché des États-Unis serait évalué au moyen des taux sans risque obtenus d'après les rendements des obligations du gouvernement des États-Unis, des rendements du marché découlant du S&P, et des coefficients bêta obtenus par la régression des rendements des titres d'une société par rapport aux rendements du S&P.

[285] En ce qui concerne les facteurs de pondération, l'Office s'oppose à l'utilisation du PIB des deux pays ou de la capitalisation boursière de la Bourse de Toronto et de la Bourse de New York, car ces deux mesures pourraient entraîner une surpondération du taux combiné en faveur du marché américain. Il ne serait pas non plus indiqué d'utiliser en guise de coefficient de pondération la répartition des actions des compagnies de chemin de fer entre les détenteurs résidents des deux pays, car ces données ne sont pas facilement accessibles. Une méthode plus raisonnable, fiable et pragmatique consisterait à pondérer le coût des capitaux propres au moyen des données de chaque pays en fonction du volume d'actions négociées annuellement à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York pour chacune des compagnies. L'Office estime que cette marche à suivre est celle qui satisfait le mieux à ses critères d'évaluation de la méthode, étant donné que le volume d'actions échangées représente les possibilités d'investissement réelles des deux côtés de la frontière et que les données sont faciles à obtenir.

Question 8 : Conclusion de l'Office

[286] L'Office reconnaît que l'intégration des marchés financiers de l'Amérique du Nord est de plus en plus forte et que les compagnies de chemin de fer mobilisent des capitaux à l'échelle d'entreprise dans les marchés canadien et américain, peu importe que les capitaux soient utilisés exclusivement dans un marché ou un autre. L'Office admet en outre que dans un tel contexte, CN et CP doivent répondre aux attentes de rendement des investisseurs dans les deux marchés. Par conséquent, l'Office conclut que l'utilisation des données canadiennes et américaines dans les calculs du MEDAF est justifiée et raisonnable et qu'elle permet de mieux évaluer le risque comparable.

[287] L'Office appliquera ce concept de façon transparente, de sorte que la mise en œuvre demeurera uniforme et répondra à ses trois critères. Pour ce faire, l'Office déterminera le coût des capitaux propres séparément pour les marchés du Canada et des États-Unis et calculera la moyenne pondérée des deux coûts obtenus pour connaître le taux combiné d'après les proportions relatives du volume d'actions de CN et de CP négociées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York tout au long de l'année civile ayant précédé la campagne agricole à venir.

Question 9 : Taux sans risque

Compte tenu des répercussions au chapitre de la stabilité et de la capacité de réaction, et du fait que l'Office établit annuellement le coût des capitaux propres, l'Office devrait-il établir les taux sans risque en utilisant des obligations à court terme, des obligations à long terme, ou une combinaison des deux? De plus, quel horizon prévisionnel devrait-il utiliser pour chaque type d'obligation?

[288] L'Office utilise les taux de rendement d'une combinaison d'obligations négociables du gouvernement du Canada dont l'échéance est à court terme (entre 1 et 3 ans) et à long terme (10 ans ou plus), en guise d'approximation des taux de rendement sans risque du MEDAF. Le choix des obligations a une incidence sur le calcul du coût des capitaux propres. L'utilisation des deux types d'obligations ou encore d'une combinaison des deux présente certains avantages et certains inconvénients sur le plan de la stabilité et de la capacité de réaction.

Question 9 : Résumé des positions des participants

[289] CP propose d'utiliser des titres à longue échéance pour établir les taux sans risque, car ces titres concordent avec l'horizon d'investissement à long terme de l'industrie ferroviaire. En outre, CP soutient que la combinaison d'échéances courtes et éloignées engendre une sous-estimation du coût des capitaux propres.

[290] CN est d'avis qu'il ne faut pas s'attendre à ce que le MEDAF de court terme et le MEDAF de long terme génèrent un coût du capital approprié dans un contexte où les taux d'intérêt futurs sont incertains. CN affirme que d'après les récents travaux de recherche, les flux monétaires à long terme commandent une prime de risque supérieure à celle prédite par le MEDAF de court terme, et qu'il est donc justifié d'intégrer une « prime de terme » au MEDAF de court terme. CN conclut que le MEDAF, dans lequel le taux sans risque actuel est estimé d'après le rendement des obligations à long terme du gouvernement du Canada et le taux sans risque historique, d'après le rendement historique des obligations à court terme du gouvernement du Canada, peut être mis en œuvre pour calculer le coût du capital tout en tenant compte des risques additionnels associés aux flux monétaires à long terme générés par les activités réglementées et non réglementées de CN.

[291] La WCSC affirme que le taux sans risque devrait cadrer avec la période visée par la réglementation, mais estime qu'à la lumière de l'objectif réglementaire de la stabilité des taux, la pratique actuelle de l'Office est raisonnable.

[292] La CCGA croit qu'un taux combiné convient davantage et rend mieux compte des activités de financement des compagnies de chemin de fer et des coûts connexes, et elle juge que la méthode actuelle de l'Office est appropriée.

[293] La CER soutient que, d'après les résultats des tests empiriques réalisés sur le MEDAF, des problèmes d'inexactitude se posent par rapport à l'efficience de l'allocation. La CER est d'avis que l'utilisation des obligations à long terme du Canada comme substitut de l'actif sans risque est à l'origine de ces problèmes.

[294] Les provinces d'Alberta et du Manitoba penchent en faveur de l'utilisation du rendement des obligations du gouvernement du Canada de 1 à 3 ans, qui constitue selon elles le meilleur indicateur du taux sans risque, plutôt que de l'utilisation de taux à plus court terme souvent instables ou de taux à plus long terme influencés par l'inflation future.

[295] Les sections 10.2 et 10.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 9 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Échéances

[296] Les actifs à court terme et les actifs à long terme sans risque présentent habituellement des profils de rendement différents. Les taux de rendement des obligations à court terme sont moins élevés et plus instables que ceux des obligations à long terme, car ils réagissent plus fortement aux fluctuations du marché. En revanche, les taux de rendement des obligations à long terme sont plus élevés et plus stables, de sorte que la décision d'adopter le MEDAF de court terme ou le MEDAF de long terme revient à choisir entre un taux de rendement caractérisé par une bonne capacité de réaction aux fluctuations du marché ou un taux reconnu pour sa stabilité. L'Office a examiné l'effet de diverses échéances sur la stabilité et la capacité de réaction en utilisant le coût historique des capitaux propres pour CN et CP, comme l'illustre la figure 5.

[297] La figure 5 montre que le coût des capitaux propres suit de près la courbe de rendement. Pour les années allant jusqu'à 2006 et suivant 2008, les obligations à plus longue échéance auraient fait monter le coût des capitaux propres. Il ressort en outre clairement de la figure que la courbe de rendement s'est inversée en 2006, l'allongement des échéances s'étant traduit par une diminution des coûts du capital. Une courbe de rendement inversée a toujours été l'un des principaux signes d'une grave récession, comme celle qui est survenue en 2008. La courbe intitulée « Office » représente le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires calculé à l'aide de la méthode actuelle de l'Office, lequel utilise la moyenne des rendements des obligations à court terme et des obligations à long terme. La courbe se situe presque à mi-chemin entre les courbes de rendement de 1 à 3 ans (à court terme) et de 10 ans ou plus (à long terme) et suit de près la courbe de rendement des obligations de 3 à 5 ans. Ces résultats permettent de penser que les rendements des obligations de 3 à 5 ans pourraient constituer un substitut approprié du taux sans risque, dans une perspective où l'Office continuerait de chercher un juste milieu entre la capacité de réaction et la stabilité du taux utilisé pour le calcul du coût des capitaux propres.

Figure 5 : Effet de diverses échéances sur le coût des capitaux propres – CN et CPNote 11

Figure 5 : Effet de diverses échéances sur le coût des capitaux propres – CN et CP

Remarques

  1. Pour les États-Unis, le taux des obligations de 1 à 3 ans est une moyenne des taux des obligations à 1 an et des obligations à 3 ans.
  2. Pour les États-Unis, le taux des obligations de 3 à 5 ans est une moyenne des taux des obligations à 3 ans et des obligations à 5 ans.
  3. Pour les États-Unis, le taux des obligations à 10 ans ou plus correspond au taux des obligations à 10 ans.
  4. La pratique actuelle de l'Office a permis d'obtenir les taux de rendement des États-Unis, les données canadiennes ayant été remplacées par des données américaines.

[298] Le tableau à la figure 6 présente l'écart-type des estimations du coût des capitaux propres pour les années 2002 à 2010 d'après les quatre échéances des instruments d'emprunt apparaissant à la figure 5. L'écart-type d'une série d'observations mesure à quel point celles-ci peuvent s'écarter de la valeur moyenne. Un écart-type élevé dénote des observations plus volatiles, tandis qu'un écart-type moins élevé traduit une plus grande stabilité.

Figure 6 : Écart-type des estimations du coût des capitaux propres pour les années 2002 à 2010
Échéance Écart-type
Coût des capitaux propres – Canada et États-Unis Moyenne pondérée
CN CP
3 mois 0,63 0,65
De 1 à 3 ans 0,48 0,51
De 3 à 5 ans 0,42 0,44
10 ans ou + 0,52 0,55

[299] Comme on pouvait s'y attendre, les bons du Trésor à 3 mois présentent les valeurs d'écart-type les plus élevées, ce qui permet de penser que cette échéance produit le coût des capitaux propres le plus sensible aux conditions actuelles. Les obligations à 10 ans ou plus génèrent un coût des capitaux propres plus stable que les bons du Trésor à échéance de 3 mois ou les obligations de 1 à 3 ans. L'Office constate toutefois que dans l'ensemble, ce sont les obligations à échéance de 3 à 5 ans qui produisent les résultats les plus stables.

[300] L'Office n'est pas en accord avec CP sur l'affirmation selon laquelle le taux à long terme est le plus approprié au MEDAF parce que les compagnies de chemin de fer disposent d'un horizon d'investissement à long terme pour leurs actifs. La théorie sur laquelle repose le MEDAF traditionnel requiert que l'instrument d'emprunt soit sans risque et n'exige pas qu'il corresponde à l'horizon d'investissement de la société. En principe, le taux de rendement des instruments d'emprunt à long terme, dans le cas présent les obligations négociables du gouvernement du Canada à échéance de 10 ans ou plus, est ce qui s'éloigne le plus d'un taux réellement sans risque, car il subit les effets de l'inflation et de la plus-value en capital.

[301] En théorie, le rendement des instruments d'emprunt dont l'échéance est la plus courte, soit les bons du Trésor à 3 mois du gouvernement du Canada dans le cas présent, se rapprocherait le plus d'un taux de rendement réellement sans risque dans l'économie, car il est le moins touché par l'inflation. Pour cette raison, plusieurs estiment qu'il constitue le taux sans risque qui convient le mieux à l'utilisation du MEDAF. Comme le montre le tableau à la figure 6, il permet aussi d'obtenir l'estimation du coût des capitaux propres qui réagit le plus fortement à la conjoncture économique. L'Office constate que l'utilisation de cet instrument pourrait se traduire par une diminution des plaintes au sujet du coût des capitaux propres trop élevé ou trop faible, puisque le taux serait le fidèle reflet de la conjoncture. Cela dit, un taux hautement réactif est aussi synonyme d'une instabilité qui, comme le fait remarquer l'Office, n'incite pas les compagnies de chemin de fer ou les expéditeurs et les producteurs à la planification.

[302] Les obligations du gouvernement du Canada à échéance de 1 à 3 ans, qui seraient le second choix d'un taux réellement sans risque, ont aussi été examinées. Elles se rapprochent davantage de la période visée par la réglementation pour laquelle s'applique le coût des capitaux propres. Si elles réagissent moins fortement que les bons du Trésor à 3 mois, elles ne présentent pas la même stabilité que les obligations à plus long terme.

[303] Cela dit, la méthode actuelle qui consiste à utiliser comme taux sans risque la moyenne des rendements des obligations du gouvernement du Canada à échéance de 1 à 3 ans et de 10 ans ou plus combine les avantages de l'utilisation d'un taux à court terme (capacité de réaction) et ceux de l'utilisation d'un taux à long terme (stabilité). Toutefois, l'Office fait aussi ressortir le passage suivant à la page 28 du rapport Brattle :

Que la version du MEDAF choisie soit celle de long ou de court terme, il est à tout le moins conseillé de maintenir une certaine cohérence entre les divers paramètres. Par exemple, il n'est pas indiqué de combiner une PRM estimée au moyen d'une estimation du taux sans risque à long terme et un taux sans risque à court terme (il faut éviter d'inclure deux taux sans risque distincts dans l'équation du MEDAF). De même, du point de vue de la théorie économique, il est préférable d'exécuter le MEDAF en utilisant un taux sans risque à court terme et un taux sans risque à long terme plutôt que de faire la moyenne des deux taux sans risque et des PRM correspondantes. En effet, la moyenne de deux taux sans risque ne correspond généralement pas à un taux sans risque existant pour les investisseurs. D'un point de vue pratique, le calcul d'estimations à l'aide du MEDAF de court terme et du MEDAF de long terme permet à l'analyste d'examiner les deux résultats et de déterminer quel poids accorder à chaque version du MEDAF. [non souligné dans l'original]

[304] Par ailleurs, le rendement des obligations négociables du gouvernement du Canada à échéance de 3 à 5 ans serait tout aussi efficace que la moyenne des rendements des obligations négociables de 1 à 3 ans et de 10 ans ou plus pour assurer l'équilibre entre la capacité de réaction et la stabilité dans l'établissement du coût des capitaux propres. Cette façon de procéder produit également des estimations du coût du capital plus stables que la moyenne et elle a l'avantage de ne pas soulever le problème de la cohérence théorique qui se pose lorsque l'on combine des séries d'obligations à court terme et à long terme.

Estimation du taux sans risque prospectif

[305] En plus de sélectionner l'instrument d'emprunt approprié, il a fallu examiner quelles observations particulières pourraient servir à estimer le taux sans risque. Chaque année, l'Office procède à trois différentes estimations du coût des capitaux propres pour chacune des compagnies de chemin de fer de classe 1, soit : 1) pour déterminer le plafond de revenu pour le transport du grain de l'Ouest, 2) pour déterminer les prix d'interconnexion, 3) à toute autre fin de réglementation. À l'exception du taux de rendement sans risque, tous les éléments nécessaires à ces trois estimations du coût du capital sont ceux qui sont déterminés annuellement dans le cadre du calcul du coût du capital pour le transport du grain de l'Ouest.

[306] Pour effectuer les calculs relatifs au transport du grain de l'Ouest et à l'interconnexion, où le coût des capitaux propres est déterminé de façon prospective, l'Office doit prévoir le taux sans risque pour une période future. Ces calculs diffèrent de tous les autres calculs effectués aux fins de la réglementation, dans lesquels le coût des capitaux propres est déterminé rétrospectivement et le taux sans risque réel pour la période antérieure peut être obtenu directement d'après les données publiées. Lorsqu'il s'agit d'estimer les taux sans risque à utiliser pour faire les estimations prospectives du coût des capitaux propres servant à déterminer le plafond de revenu pour le transport du grain et les prix d'interconnexion, l'alternative consiste à utiliser soit les rendements publiés, soit les rendements prévus.

[307] Dans le cas de la première approche, le taux sans risque observé fait office de substitut du taux sans risque de la période future à laquelle il s'appliquera, suivant l'hypothèse que le taux observé se rapprochera sensiblement du taux en vigueur dans un proche avenir. Actuellement, l'Office surveille les taux quotidiens pendant une période définie précédant la détermination et choisit un des taux de cette période qui à son avis correspondra le mieux au taux d'intérêt en vigueur dans la période à venir. Une autre façon d'estimer le taux prospectif est de faire la moyenne des taux quotidiens pendant une période définie précédant la détermination, ce qui permet de réduire l'intervention de facteurs de jugement et d'accroître la transparence. À l'analyse des deux méthodes, l'Office constate que les taux obtenus au moyen de chacune diffèrent légèrement d'une année à l'autre, mais que les taux sans risque sont fort similaires au fil du temps.

[308] En ce qui concerne l'approche fondée sur le rendement prévu, l'une des méthodes normalisées et couramment acceptées en théorie de la finance est d'utiliser le « taux à terme » pour prévoir le taux d'intérêt d'une période future. Selon certaines hypothèses, le taux à terme représenterait le mieux les taux d'intérêt futurs auxquels les marchés s'attendent. Il est calculé à partir de la courbe de rendement des obligations sans coupon publiée par la Banque du Canada (aussi connue sous le nom de « courbe des taux au comptant »), à l'aide d'une méthode de calcul normalisée fondée sur la théorie de l'arbitrage, comme il est décrit dans l'ouvrage Fixed Income Analysis for the Chartered Financial Analyst Program de Frank J. Fabozzi.

[309] Une comparaison a été faite entre les trois méthodes de prévision du taux sans risque et la méthode d'établissement du coût du capital pour le plafond de revenu encaissable pour le transport du grain de l'Ouest. Les rendements réels des obligations négociables du gouvernement du Canada à échéance de 3 à 5 ans affichés pendant la campagne agricole visée ont été comparés avec la moyenne des rendements quotidiens évalués et observés durant une période variable précédant la campagne agricole, avec la moyenne des rendements quotidiens enregistrés durant le mois de janvier précédant la campagne agricole et avec le taux à terme en vigueur pendant la campagne agricole (données publiées par la Banque du Canada).

[310] L'Office a dégagé ce qui suit de la comparaison des trois méthodes, tel que l'expose la figure 7. Lorsqu'il s'agit de prévoir le taux sans risque, l'utilisation du taux actuel permet généralement d'obtenir des approximations beaucoup plus semblables au taux sans risque réel que l'utilisation du taux à terme : l'écart moyen du taux actuel est d'environ 0,17 point de base et celui du taux à terme, de 0,69 point de base. Les résultats montrent également qu'en moyenne, les taux obtenus pendant la période de janvier avoisinaient ceux obtenus en moyenne durant une période d'observation variable. Des résultats similaires ont été observés lorsque les instruments d'emprunts étaient des obligations négociables du gouvernement du Canada à échéance de 1 à 3 ans et de 10 ans ou plus.

Figure 7 : Comparaison des taux sans risque actuels et prévus et des taux sans risque réels

Moyenne des rendements quotidiens des obligations négociables du gouvernement du Canada à échéance de 3 à 5 ans
Campagne agricole Taux réel1 Estimation des taux sans risque futurs Écarts par rapport au taux réel
Période variable2 Janvier3 Prévisions4 Période variable2 Janvier3 Prévisions4
2002-2003 4,00 4,50 4,56 5,49 0,50 0,56 1,49
2003-2004 3,70 4,34 4,15 4,47 0,64 0,45 0,78
2004-2005 3,54 3,52 3,52 4,48 -0,02 -0,02 0,94
2005-2006 3,98 3,59 3,37 4,07 -0,39 -0,61 0,09
2006-2007 4,14 4,05 3,95 3,90 -0,09 -0,19 -0,23
2007-2008 3,61 4,03 4,08 3,93 0,43 0,48 0,33
2008-2009 2,25 2,99 3,45 3,89 0,74 1,20 1,64
2009-2010 2,36 1,96 1,96 2,19 -0,40 -0,40 -0,17
2010-2011 2,12 2,26 2,21 3,42 0,14 0,09 1,30
Moyenne 3,30 3,47 3,47 3,98 0,17 0,17 0,69

Remarques

1) Moyenne des taux quotidiens réels publiés par la Banque du Canada pendant la campagne agricole.

2) Taux observés durant des périodes variables précédant la campagne agricole (rendements quotidiens publiés dans le Globe and Mail).

3) Moyenne des rendements quotidiens pour le mois de janvier précédant la campagne agricole (publiés par la Banque du Canada).

4) Calcul du taux à terme effectué par l'Office pendant la campagne agricole; estimation au moyen de la méthode de calcul du taux à terme susmentionnée, telle que décrite par Fabozzi.

[311] La méthode fondée sur le calcul du taux à terme est largement acceptée par les chercheurs universitaires, elle peut fournir des prévisions qui concordent exactement avec les périodes visées par la réglementation et elle repose sur l'utilisation de données accessibles au public. Toutefois, les résultats de la comparaison ci-dessus ne permettent pas de la considérer comme nettement supérieure à l'approche fondée sur le rendement publié pour ce qui est du caractère raisonnable et fiable.

[312] Quant aux deux autres méthodes de prévision du taux sans risque, si elles sont toutes deux acceptables, l'Office estime que celle qui est fondée sur une période définie est préférable. En effet, puisqu'elle utilise des rendements quotidiens précis et accessibles à tous les participants, elle élimine le recours aux facteurs de jugement et assure donc une meilleure transparence et une prévisibilité accrue dans le processus d'établissement du coût des capitaux propres.

Question 9 : Conclusion de l'Office

[313] L'Office conclut que les rendements produits par un instrument d'emprunt à moyen terme, plus particulièrement les obligations négociables du gouvernement à échéance de 3 à 5 ans, permettent de parvenir à un équilibre acceptable entre la capacité de réaction et la stabilité. Cette méthode assure aussi un degré d'exactitude théorique plus élevé que la méthode actuellement en vigueur. Par conséquent, pour effectuer les calculs visant à établir le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires au Canada dans le cadre du MEDAF, l'Office utilisera le rendement des obligations négociables de 3 à 5 ans du gouvernement du Canada comme substitut du taux sans risque, estimant qu'il respecte le mieux ses critères. Pour établir le coût des capitaux propres aux États-Unis, l'Office utilisera les obligations négociables du gouvernement des États-Unis de 3 ans et de 5 ans afin d'obtenir des estimations séparées du coût des capitaux propres et fera tout simplement la moyenne des deux.

[314] L'Office utilisera la moyenne des rendements quotidiens des obligations négociables de 3 à 5 ans du gouvernement du Canada observés durant le mois de janvier précédant la campagne agricole (données publiées par la Banque du Canada) comme substitut du taux sans risque prospectif afin de calculer le coût du capital pour le transport du grain de l'Ouest à l'aide du MEDAF canadien. En ce qui concerne le coût du capital servant à établir les coûts et les prix d'interconnexion pour une année donnée, l'Office se fondera sur la moyenne des rendements quotidiens observés durant le mois de septembre de l'année précédente (données publiées par la Banque du Canada). Quant au calcul du coût du capital à d'autres fins de réglementation, la valeur utilisée sera fonction du rendement moyen observé durant l'année civile pour laquelle le calcul est réalisé (données publiées par la Banque du Canada).

[315] Aux fins du MEDAF américain, deux taux sans risque prospectifs distincts seront calculés d'après le rendement des obligations négociables du Trésor américain à 3 ans et à 5 ans. Pour établir le coût du capital applicable au transport du grain de l'Ouest, l'Office calculera des moyennes distinctes pour les obligations négociables du Trésor américain à 3 ans et à 5 ans, d'après les rendements quotidiens observés durant le mois de janvier précédant immédiatement la campagne agricole (données publiées par la Réserve fédérale). Pour établir le coût du capital servant à fixer les coûts et les prix d'interconnexion pour une année donnée, l'Office se fondera sur les moyennes des rendements quotidiens observés durant le mois de septembre de l'année précédente (données publiées par la Réserve fédérale). Pour établir le coût du capital à utiliser pour d'autres fins réglementaires, les valeurs utilisées seront fonction des rendements moyens observés durant l'année civile pour laquelle le calcul est réalisé (données publiées par la Réserve fédérale).

Question 10 : Période sur laquelle la prime de risque du marché est estimée

Sur quelle période l'Office devrait-il se fonder pour établir la prime de risque du marché aux fins de l'estimation du MEDAF?

[316] Depuis la publication de la décision de 1997, l'Office se fonde sur une moyenne mobile de 45 ans pour estimer la prime de risque du marché (PRM) dans le MEDAF. Il a été proposé que l'Office calcule la moyenne sur une période plus longue.

Question 10 : Résumé des positions des participants

[317] CP estime que la PRM devrait être calculée sur une longue période de temps. À son avis, une PRM à long terme est plus stable et offre la meilleure estimation du rendement futur car de nombreux types d'événements historiques se reproduisent périodiquement. CP recommande d'utiliser une prime de risque qui tient compte de toutes les données du marché aisément accessibles. Il propose que l'Office utilise les données couvrant la période allant de 1926 à aujourd'hui et qu'il puise la PRM dans le document Canadian Risk Premia Over Time Report, publié tous les ans par MorningstarNote 12.

[318] CN fait valoir que plus les données sont nombreuses, plus on peut se fier à l'estimation de la prime de risque, pourvu que les données portent sur une période où les déterminants fondamentaux du risque n'étaient pas différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. D'après CN, rien ne porte à croire que les données fondamentales présentent de telles ruptures structurelles, et toutes les données disponibles devraient donc être utilisées. CN affirme par ailleurs que l'utilisation d'une période mobile pourrait donner lieu à des estimations irrégulières et inexactes.

[319] La WCSC soutient que la prime de risque du marché devrait être calculée sur une longue période pour laquelle on a accès à des données de grande qualité, et elle se dit confiante quant à la qualité et à l'étendue des données couvrant les 54 dernières années.

[320] La CCGA estime que la période de 45 ans utilisée actuellement par l'Office pour établir la PRM constitue un échantillon statistiquement valide et que la période est suffisamment longue pour atténuer les répercussions associées à une année en particulier. La CCGA affirme qu'il n'est pas clairement établi qu'une période plus longue générerait une prime de risque beaucoup plus exacte.

[321] La CER est d'avis que la méthode de calcul des primes de risque réalisées sur une longue période donne lieu à une surestimation, et elle prône l'utilisation des estimations de professionnels de l'investissement et d'économistes sondés au sujet du rendement futur du marché.

[322] Dans le contexte du recours au modèle ERP aux fins du calcul du coût des capitaux propres, l'Alberta et le Manitoba ont exprimé des préoccupations à l'égard de l'utilisation d'une approche prospective plutôt qu'historique pour établir la prime de risque.

[323] Les sections 11.1.2 et 11.1.3 de l'annexe B exposent plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 10 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[324] L'estimation de la PRM à l'aide d'une moyenne des PRM historiques est une méthode bien acceptée. Des chercheurs universitaires se sont penchés sur cette méthode dans leurs travaux et ont notamment analysé les avantages et les désavantages associés à l'utilisation d'une courte ou d'une longue période.

[325] L'utilisation d'une longue période permet d'accroître la stabilité des séries de données et de tenir compte d'un plus grand nombre de fluctuations économiques survenues dans le passé. Pour évaluer les risques, les investisseurs analysent l'évolution du marché en remontant aussi loin que les données le permettent; plus la période d'analyse est longue, plus les données fournissent de l'information au sujet des cycles économiques antérieurs et de leurs répercussions sur les rendements. C'est pourquoi certains croient qu'utiliser une longue période génère une estimation plus exacte de la prime de risque exigée par les investisseurs.

[326] En revanche, d'autres affirment que si on utilise une longue période, on accorde alors une importance trop grande à des événements survenus dans un passé éloigné et qui pourraient n'avoir aucun rapport avec la conjoncture actuelle. Ainsi qu'on peut le lire dans le rapport Brattle (page 30), « les rendements des périodes récentes constitueraient une meilleure mesure des attentes des investisseurs, car l'économie et les marchés financiers ont connu une évolution considérable au fil du temps ».

[327] Par ailleurs, l'Office ne perd pas de vue les critères de la méthode fiable et de la méthode pragmatique, ce qui soulève des questions quant à la disponibilité et à la qualité des données servant à l'estimation.

[328] L'Office demeure d'avis que l'estimation de la PRM devrait être fondée sur une période assez longue pour couvrir un grand nombre de cycles économiques, de périodes de rendement faible et élevé, de périodes de volatilité et de stabilité, ainsi que pour refléter les répercussions des événements inhabituels et des changements importants qu'a subis le monde moderne.

[329] L'Office est d'accord avec ceux qui affirment qu'il serait important de tenir compte des changements structurels (c.-à-d. tout signe de changement dans les déterminants fondamentaux du risque du marché) lors de la sélection de la période d'analyse aux fins du MEDAF. L'Office fait d'ailleurs observer que, si on examine le rendement total historique du TSX et du S&P 500 (figures 8a et 8b), rien ne porte à croire qu'un changement structurel est survenu entre 1924 et aujourd'hui dans le cas du TSX et entre 1936 et aujourd'hui dans le cas du S&P 500.

Figure 8a : Rendement annuel de l'indice composé de rendement total S&P/TSXNote 13

425-R-2011/main-exhibit8a-fr.gif" alt="Figure 8a : Rendement annuel de l'indice composé de rendement total S&P/TSX" width="590" height="342" />

Figure 8b : Rendement annuel de l'indice de rendement total S&P 500Note 14

425-R-2011/main-exhibit8b-fr.gif" alt="Figure 8b : Rendement annuel de l'indice de rendement total S&P 500" width="590" height="348" />

[330] L'Office s'est également attardé à l'argument mis de l'avant par CP, qui soutient que la méthode actuelle de l'Office, à savoir utiliser une période de 45 ans, exclut plusieurs périodes où le marché canadien des actions a produit des rendements anormalement faibles ou élevés, ce qui ne rend pas bien compte de la PRM.

[331] Dans le cadre de la décision de 1997, l'Office a déterminé qu'il convenait d'utiliser une période d'analyse de 45 ans et, par souci d'uniformité, il a continué de procéder ainsi depuis. En 1997, il était difficile d'avoir accès à des données fiables au-delà d'une période de 45 ans. Toutefois, le bassin de données fiables couvre désormais une période plus vaste. À la lumière de cette nouvelle réalité et des arguments en faveur de l'utilisation de la plus longue période possible, l'Office a réexaminé sa pratique consistant à calculer la moyenne sur une période mobile de 45 ans.

[332] La CCGA et l'Alberta préconisent le statu quo. Toutefois, on pourrait répliquer qu'en l'absence d'une rupture structurelle dans les déterminants du risque du marché, le choix d'une période d'analyse mobile de 45 ans constitue une décision arbitraire qui repose sur peu de fondements économiques objectifs, voire aucun. Chaque année, les compagnies de chemin de fer ont affirmé qu'en procédant de cette façon, l'Office fait un usage sélectif des données historiques et introduit une dose d'imprécision et un biais par défaut dans l'estimation du coût des capitaux propres.

[333] Les compagnies de chemin de fer recommandent plutôt d'utiliser toutes les données historiques existantes. Plus précisément, CP propose d'utiliser les données sur le rendement du marché et le rendement des obligations pour la période allant de 1936 à aujourd'hui, comme le fait Morningstar aux fins de l'estimation de la PRM du Canada.

[334] La proposition de CP comporte toutefois des lacunes si on l'analyse en fonction des critères de l'Office, car les données jugées fiables sur les obligations d'État négociables nécessaires aux comparaisons des rendements sans risque pour chaque année ne couvrent pas la même période que les données jugées fiables sur le rendement du marché, tant pour le marché canadien que pour le marché américain. Plus précisément, l'Office considère que les données sur les obligations du Canada de 3 à 5 ans sont fiables à partir de 1951 seulement et les données sur les obligations du Trésor américain à 3 ans et à 5 ans, à partir de 1954.

Question 10 : Conclusion de l'Office

[335] Puisque rien ne permet de conclure avec certitude qu'il y a une rupture structurelle dans la série de données sur la prime de risque du marché, et afin de respecter les trois critères définis, l'Office utilisera le plus de données historiques possible sur le rendement, dans la mesure où ces données sont fiables. En conséquence, l'Office détermine qu'il utilisera une période d'analyse englobant les données sur le rendement de 1951 à aujourd'hui pour estimer la PRM dans le MEDAF canadien et une période d'analyse englobant les données sur le rendement allant de 1954 à aujourd'hui pour estimer la PRM dans le MEDAF américain.

Question 11 : Méthode de calcul de la moyenne pour obtenir la PRM

Les participants aux séances de consultation ont soulevé la question de savoir si la PRM devrait être calculée à l'aide d'une moyenne arithmétique ou géométrique.

Question 11 : Survol de la position de la CER

[336] Un seul participant, la CER, a formulé des observations à l'égard de cette question. À son avis, les obligations à long terme affichent un rendement moyen de type géométrique plutôt qu'arithmétique, et utiliser la moyenne arithmétique peut générer des estimations trompeuses.

[337] La section 11.2.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de la CER à l'égard de cette question.

Question 11 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode et conclusion

[338] L'Office a examiné les estimations de la PRM fondées sur une moyenne arithmétique et les estimations de la PRM fondées sur une moyenne géométrique pour les années 2000 à 2009. L'Office a constaté un écart considérable entre les estimations. Il a ensuite effectué une autre analyse visant à déterminer si les rendements annuels du marché des valeurs mobilières et les primes sur capitaux propres (rendement des actions moins rendement des obligations) affichaient une corrélation sériale. Pour ce faire, il a fait subir le test de corrélation sériale de Ljung-Box (statistique Q) aux données de 1924 à 2009 sur les rendements. À la lumière des résultats de l'analyse, l'Office a déterminé que ni les rendements du marché des valeurs mobilières, ni les primes sur capitaux propres n'affichaient une corrélation sériale.

[339] Comme l'utilisation d'une moyenne géométrique n'est justifiée qu'en présence d'une corrélation sériale des rendements, la moyenne arithmétique répond mieux aux critères d'évaluation définis par l'Office. L'Office continuera donc d'utiliser une moyenne arithmétique.

Question 12 : Taux des obligations dans le calcul de la PRM : rendement en intérêt ou rendement total?

Les participants aux séances de consultation ont soulevé la question de savoir si le taux de rendement sans risque historique servant au calcul de la PRM devrait correspondre au rendement en intérêt ou au rendement total des obligations examinées.

[340] À l'heure actuelle, l'Office utilise le rendement total.

Question 12 : Survol des positions des participants

[341] CP est d'avis que l'Office devrait estimer le rendement des obligations d'État d'après le rendement en intérêt plutôt que le rendement total afin d'établir le taux de rendement sans risque historique nécessaire au calcul de la PRM. Selon CP, le fait que l'Office emploie le rendement total constitue une des deux principales lacunes de la méthode d'estimation de la PRM. CP affirme que la portion du rendement des obligations qui ne comporte réellement aucun risque est le rendement en intérêt, et il propose que l'Office s'en remette au document Canadian Risk Premia Over Time Report publié tous les ans par Morningstar pour obtenir la PRM.

[342] La WCSC soutient que la prime de risque [du marché] projetée correspond à la moyenne des écarts entre le rendement réalisé de l'indice boursier et le rendement réalisé des obligations d'État à chaque période, et que le rendement total de ces obligations devrait être pris en considération dans le calcul plutôt que le rendement en intérêt uniquement.

[343] La section 11.3.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de chacun des participants ayant soumis des présentations sur cette question.

Question 12 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Déterminants du risque des obligations

[344] Pour analyser la question, l'Office a d'abord examiné les déterminants du risque d'un instrument sans risque. En théorie, le taux sans risque correspond au taux de rendement d'un investissement que tous les investisseurs considèrent sans risque. Puisqu'il n'existe pas de tel instrument, il faut estimer le taux sans risque à l'aide d'un substitut. Le meilleur substitut sera celui qui réduit au minimum ou qui élimine complètement les deux sources d'incertitude suivantes :

  1. risque de défaillance : risque que l'émetteur de l'obligation n'honore pas son engagement de verser des montants d'intérêt et de rembourser le capital selon le calendrier établi et l'échéance du titre.
  2. risque de réinvestissement : risque découlant de l'incertitude entourant le taux de rendement attendu des intérêts procurés par l'obligation.

[345] Des deux risques, le risque de défaillance est le plus important. Théoriciens et spécialistes s'entendent pour dire que l'utilisation du rendement des obligations ou des bons du Trésor émis par un pays développé doté d'un marché des capitaux solide et jouissant d'une bonne cote de crédit permet de réduire au minimum, ou même de supprimer, le risque de défaillance. Ces bons ou obligations font donc couramment office de substituts.

[346] Le risque de réinvestissement désigne le risque que les revenus futurs doivent être réinvestis à un taux d'intérêt inférieur. Le risque de réinvestissement est particulièrement fort durant les périodes de bas taux d'intérêt, quand les intérêts sont réinvestis à un taux inférieur au taux de rendement à l'échéance affiché au moment de l'acquisition de l'obligation.

Composition du rendement de l'obligation

[347] Pour évaluer le rendement d'un instrument portant intérêt, le rendement total de l'obligation peut être décomposé en trois volets :

  1. rendement en intérêt : rendement généré par les flux monétaires périodiques versés par l'émetteur au porteur de l'obligation (intérêts).
  2. rendement du réinvestissement : rendement issu du réinvestissement des intérêts.
  3. rendement du cours : rendement généré par les gains ou pertes en capital lorsque les obligations sont acquises et vendues sur les marchés secondaires.

[348] Lorsqu'un investisseur décide d'acheter une obligation, il peut évaluer de manière rationnelle le rendement qu'il en tirera. Au moment où la décision d'investissement est prise, le marché fixe le prix de l'obligation en tenant compte de ce rendement anticipé. Toutefois, la seule portion du rendement total qui peut être anticipée avec certitude (à supposer que le risque de défaillance est nul) est le rendement en intérêt. Le rendement du cours, qui représente la variation du cours de l'obligation sur la période d'investissement, ne peut être anticipé de façon irréfutable au moment de l'acquisition de l'obligation. Par conséquent, un certain degré d'incertitude entoure ce rendement. De même, le rendement qui pourrait être tiré du réinvestissement des intérêts est incertain. À la lumière de ces éléments, l'Office estime que le rendement en intérêt est ce qui se rapproche raisonnablement le plus du rendement sans risque et qu'il cadre avec les fondements théoriques du MEDAF.

Estimation du rendement en intérêt

[349] Pour évaluer adéquatement tous les facteurs associés à l'utilisation du rendement en intérêt, l'Office a examiné les formules, les sources de données et les modalités de mise en œuvre possibles relativement au calcul du rendement en intérêt des titres du gouvernement du Canada et du gouvernement des États-Unis servant à établir la PRM.

[350] Généralement, le rendement en intérêt correspond au rendement courant de l'obligation déterminé à l'aide du cours de l'obligation au début de la période. Comme l'ont évoqué le Brattle Group (page 25 du rapport Brattle) et d'autres chercheursNote 15 Note 16, le rendement en intérêt peut être exprimé ainsi :

425-R-2011/main-eq-350-fr.gif" alt="Rendement en intérêt indice t est égal à taux d’intérêt divisé par cours indice t" width="340" height="47" />

[351] Dans cette équation, t représente le moment où le rendement est observé, soit au début, au milieu ou à la fin de l'année. Lorsque t correspond au début de l'année, le rendement en intérêt équivaut au rendement courant. Par exemple, suivant cette formule, le rendement annuel en intérêt d'une obligation de 1,00 $ assortie d'un taux d'intérêt de 8 pour cent et qui se vend 0,95 $ au début de l'année serait de 0,08/0,95, ou 8,42 pour cent.

[352] Pour analyser cette question, une série de rendements en intérêt ont été calculés pour les obligations à 10 ans ou plus de la Banque du Canada : la PRM publiée par Morningstar est retranchée du rendement moyen d'une action ordinaire à la Bourse de Toronto (TSE). Ensuite, à l'aide de la formule du rendement en intérêt fondée sur le cours au début de l'année, l'Office a calculé une deuxième série de rendements en intérêt pour des obligations de même échéance au moyen des rendements de janvier publiés par la Banque du Canada. La comparaison des deux séries de rendements en intérêt révèle une excellente correspondance, le coefficient de corrélation simple étant de 0,996 (le coefficient de corrélation parfaite est 1,0).

[353] Les deux séries ont également été comparées à l'aide de moyennes mobiles cumulatives des rendements des obligations. Les différences mises en lumière par cette analyse sont encore plus petites. La corrélation entre les deux séries est presque parfaite (0,99996). Par conséquent, l'Office juge que cette méthode d'estimation du rendement en intérêt produit des résultats fiables.

Comparaison du rendement en intérêt et du rendement total

[354] La figure 9 donne le rendement en intérêt et le rendement total annuels des obligations du Canada à 10 ans ou plus entre 1936 et 2009. Elle illustre la volatilité relative des estimations du rendement total. La volatilité est essentiellement le fruit des effets de prix d'une période à l'autre et des gains (ou pertes) en capital qui en découlent. Les années où les pertes en capital ont été supérieures aux intérêts sont celles où le rendement total glisse sous la barre du 0. Le rendement en intérêt est toutefois beaucoup moins instable et il ne peut, par définition, être négatif (en valeur nominale). La différence dans le degré de volatilité des deux types de rendement est clairement mise en évidence par l'analyse des obligations du Canada à 10 ans ou plus. Le résultat est le même dans le cas des obligations du Canada de 3 à 5 ans et dans le cas des obligations des États-Unis.

Figure 9 : Rendements en intérêt et rendements totaux historiques des obligations du Canada à 10 ans ou plusNote 17

425-R-2011/main-exhibit9-fr.gif" alt="Figure 9 : Rendements en intérêt et rendements totaux historiques des obligations du Canada à 10 ans ou plus" width="590" height="267" />

[355] La figure 10 compare les rendements totaux historiques et les rendements en intérêt correspondants d'après les moyennes mobiles cumulatives. On constate que le rendement en intérêt suit une courbe beaucoup plus lisse et qu'il offre donc un résultat plus stable.

Figure 10 : Moyennes mobiles cumulatives des rendements totaux et des rendements en intérêt des obligations du Canada à 10 ans ou plusNote 18

425-R-2011/main-exhibit10-fr.gif" alt="Figure 10 – Moyennes mobiles cumulatives des rendements totaux et des rendements en intérêt des obligations du Canada à 10 ans ou plus" width="590" height="386" />

Question 12 : Conclusion de l'Office

[356] L'Office considère que le rendement en intérêt est un indicateur plus fiable de la portion du rendement de l'obligation qui est réellement sans risque et, par conséquent, il juge que le rendement en intérêt cadre mieux dans le MEDAF. En outre, ainsi qu'en témoigne la figure 10, le rendement en intérêt offre une estimation plus stable du rendement sans risque historique. L'Office juge par ailleurs que la méthode est plus facile à comprendre et à mettre en œuvre, qu'elle repose sur des calculs plus simples et plus transparents que ceux exigés par la méthode du rendement total et que les données nécessaires (lorsque le rendement en intérêt est équivalent au rendement courant) sont aisément accessibles au grand public. Étant donné le triple critère de la méthode raisonnable, fiable et pragmatique, l'Office conclut que le rendement en intérêt est une méthode nettement supérieure.

[357] Par conséquent, pour évaluer le taux de rendement des obligations d'État nécessaire au calcul du taux sans risque historique servant à estimer la PRM, l'Office utilisera le rendement en intérêt plutôt que le rendement total.

Question 13 : Intervalle de rendements et période d'analyse

Pendant l'examen, l'Office s'est penché sur l'intervalle de rendements et la période d'analyse appropriés à utiliser dans l'estimation du coefficient bêta.

[358] Même si aucun participant ne conteste l'intervalle de rendements et la période d'analyse utilisés par l'Office et que les paramètres actuels cadrent avec les pratiques financières courantes, l'Office a profité de l'examen pour étudier plus à fond la question.

Question 13 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[359] Dans sa décision de 2004, l'Office a choisi une période d'analyse de cinq ans (dans la mesure du possible) des rendements hebdomadaires ou mensuels aux fins de l'estimation du bêta pour CN et CP.

[360] L'Office s'est toujours fondé sur les données hebdomadaires, plutôt que sur les données mensuelles, pour calculer chaque année le coût du capital.

[361] L'Office a examiné l'étude documentaire et l'analyse des bêta pour un portefeuille de sociétés ferroviaires américaines présentées dans le rapport Brattle, et il parvient à la conclusion suivante (p. 42) :

Bien qu'on s'inquiète moins du manque d'observations suffisantes pour les rendements quotidiens, on considère parfois ces données comme trop bruitées pour fournir des estimations fiables. On s'inquiète également du fait que les répercussions de la microstructure du marché [le fait que les cours quotidiens déclarés peuvent varier selon qu'il s'agit du cours acheteur ou du cours vendeur] puissent fausser les estimations quotidiennes du bêta […] L'erreur d'échantillonnage supplémentaire propre aux bêta mensuels (qui s'appuient sur beaucoup moins de points de données) semble dominer les autres sources de variation et produire une estimation moins stable que selon l'horizon hebdomadaire.

[362] Dans le but d'évaluer la validité continue de l'intervalle de rendements et de la période d'analyse qu'il utilise actuellement aux fins de l'estimation du bêta, l'Office a comparé d'autres intervalles de rendements et périodes d'analyse pour CN et CP, et a utilisé les rendements quotidiens, hebdomadaires et mensuels des compagnies de chemin de fer par rapport au rendement du TSX, pour des périodes d'analyse de un an, trois ans et cinq ans.

[363] L'analyse sur cinq ans révèle que les rendements quotidiens donnent parfois des coefficients bêta négatifs – ce qui amène au résultat paradoxal que les rendements attendus de CN et de CP diminueraient avec l'augmentation du risque – et que leurs valeurs de signification statistique sont proches de zéro. L'utilisation des rendements quotidiens est donc rejetée. L'analyse a aussi révélé que les bêta estimés d'après les rendements hebdomadaires ont presque invariablement une signification statistique supérieure à celle des bêta estimés d'après les rendements mensuels. Les bêta hebdomadaires correspondent aussi mieux aux attentes a priori et sont moins volatils. Ces résultats donnent à penser qu'il vaut vraiment mieux utiliser des observations hebdomadaires plutôt que mensuelles aux fins de l'estimation du bêta.

[364] Par ailleurs, l'Office observe qu'une période d'analyse de trois ans produit des résultats similaires. Il n'a pas procédé à de telles analyses pour des périodes de plus de cinq ans, les données sur les opérations concernant CN et CP étant insuffisantes.

[365] L'Office remarque qu'une période d'analyse d'un an produit parfois des estimations du coefficient bêta contraires au sens commun, en raison peut-être d'un nombre insuffisant d'observations. Les périodes d'analyse de trois ans et de cinq ans produisent des estimations stables du bêta, et les tests de fiabilité statistique ne révèlent aucun avantage net d'une période par rapport à l'autre, ce qui semble indiquer que l'une ou l'autre peut être utilisée.

Question 13 : Conclusion de l'Office

[366] L'analyse de l'Office confirme que les bêta estimés d'après les rendements hebdomadaires sont plus stables et ont une plus grande signification statistique que les bêta estimés d'après les rendements quotidiens ou mensuels. Il est donc préférable d'utiliser les rendements hebdomadaires. Par ailleurs, même si l'Office est parvenu à la conclusion que les périodes d'analyse des rendements hebdomadaires de trois ans et de cinq ans produisent toutes deux des estimations stables du coefficient bêta, l'Office continuera d'utiliser une période d'analyse des rendements hebdomadaires de cinq ans.

Question 14 : Rajustement du bêta pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne

Deux questions concernant le coefficient bêta ont été soulevées au cours des consultations : faut-il rajuster les estimations du bêta pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne et, le cas échéant, quelle est la formule de rajustement appropriée?

Question 14 : Survol de la position de la CER

[367] Seule la CER a formulé des commentaires à l'égard du rajustement du bêta. La CER souhaite que l'Office réexamine sa méthode, qui consiste à rajuster le coefficient bêta pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne. Elle affirme que les données ne portent pas vraiment à croire que les coefficients bêta de CN et de CP tendent à revenir à la moyenne du bêta du marché, soit 1,0. La CER ajoute que si un rajustement doit être effectué, la méthode de Vasicek est préférable à celle de Blume (type de rajustement opéré actuellement par l'Office).

[368] La section 12.2.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de la CER à l'égard de cette question.

Question 14 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

Rajuster ou non le bêta

[369] L'Office a étudié les estimations du bêta pour CN et CP (données canadiennes et données américaines pour la période allant de 2001 à 2010) dans le but d'évaluer leur tendance à revenir à la moyenne. En raison de problèmes liés à la disponibilité des données, l'Office n'a pas pu examiner les estimations canadiennes antérieures à 2006; par conséquent, l'échantillon de données canadiennes était trop petit pour que l'Office puisse déterminer s'il existait une telle tendance. Toutefois, les résultats fondés sur les données américaines portent à croire que les bêta tendent à revenir à la moyenne (voir la figure 11).

Figure 11 : Coefficients bêta de CN et de CP, marché américain, 2001-2010Note 19

425-R-2011/main-exhibit11-fr.gif" alt="Description détaillée : figure 11" width="590" height="309" />

Note : Comme le Canadien Pacifique Limitée (conglomérat) a été scindé en cinq entreprises distinctes en octobre 2001, les données ayant servi à calculer les coefficients bêta de CP de 2001 à 2005 diffèrent de par l'entité qu'elles couvrent. Plus précisément, le coefficient bêta de 2001 est fondé presque exclusivement sur des données du conglomérat, tandis que le coefficient bêta de 2005 repose essentiellement sur des données de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique.

[370] En outre, la CER et le Brattle Group indiquent tous deux que la tendance à revenir à la moyenne de 1,0 n'est pas la seule raison de rajuster le bêta, les autres raisons étant la sensibilité aux taux d'intérêt des sociétés réglementées, la conformité avec les méthodes utilisées par les analystes et les fournisseurs de données commerciales, et le risque d'erreur dans l'estimation du bêta. L'Office décide de maintenir sa pratique de rajustement du bêta, car elle respecte les trois critères définis.

Méthode de rajustement

[371] Le bêta est généralement estimé au moyen de la régression linéaire simple du rendement de l'actif par rapport au rendement du marché. Cette méthode comporte certains problèmes, qui ont été discutés dans les ouvrages universitaires. Pour commencer, les bêta établis d'après les données du marché historiques ne respectent peut-être pas les exigences théoriques d'un MEDAF prospectif et, plus important encore, les estimations du bêta d'une seule société peuvent comporter des erreurs d'échantillonnage considérables, les erreurs-types étant généralement supérieures à 0,2. Par conséquent, des estimations du bêta très faibles ou très élevées sous-évalueront ou surévalueront généralement le bêta réel.

[372] Divers modèles ont été mis au point en vue de corriger ces problèmes, les plus courants étant les rajustements de Blume (1971, 1973) et de Vasicek (1973). Blume a découvert que les bêta tendaient à revenir à leur valeur moyenne, ou au bêta du marché de 1,0. Les bêta historiques élevés (supérieurs à 1,0) surévaluent généralement les bêta des périodes futures, tandis que les bêta historiques faibles (inférieurs à 1,0) les sous-évaluent généralement. Dans son analyse, Blume a fait la régression des bêta estimés d'une période par rapport aux bêta estimés de la période précédente. Répétant cette analyse pour différentes périodes, Blume a pu élaborer une tendance à converger qui pouvait être mesurée par la formule suivante :

425-R-2011/main-eq-372.gif" alt="Équation mathématique - voir la description détaillée pour plus d'information" width="179" height="18" />
Texte alternatif pour la formule

est le bêta prospectif;

est le bêta historique.

[373] L'application de l'équation de Blume a pour effet d'abaisser les bêta historiques élevés et d'augmenter les bêta historiques faibles, et de corriger le biais d'ordre. Blume affirme que tous les bêta estimés au moyen de techniques de régression fondées sur des données historiques devraient être rajustés de cette façon. Plus le bêta s'approche de 1,0, moins l'ampleur du rajustement sera grande. L'équation de Blume est souvent simplifiée pour prendre la forme d'un rajustement 1/3 + 2/3. L'Office utilise ce rajustement de Blume simplifié.

[374] En réponse aux problèmes associés à l'estimation du bêta brut, Vasicek a proposé une technique qui tient compte de la précision statistique de l'estimation du bêta. Il propose un rajustement qui cherche à corriger un point faible du rajustement de Blume, à savoir l'application du même rajustement à chacun des titres. Vasicek préconise plutôt l'application d'un rajustement propre à chaque titre qui dépend de la qualité statistique de la régression. Le rajustement est fondé sur l'erreur-type du bêta estimé; le bêta d'une société dont l'erreur-type est élevée devrait faire l'objet d'un rajustement plus important que le bêta d'une société dont l'erreur-type est faible. La formule qui suit décrit le rajustement de Vasicek :

425-R-2011/main-eq-374.gif" alt="Équation mathématique - voir la description détaillée pour plus d'information" width="314" height="53" />
Texte alternatif pour la formule

ßs1 est le bêta rajusté de Vasicek du titre s;

ßs0 correspond au bêta historique du titre s;

ß0 désigne le bêta du marché, de l'industrie ou du portefeuille de sociétés comparables;

(sß0)2 est la variance des bêta du marché, de l'industrie ou du portefeuille de sociétés comparables;

(sßs0)2 représente la variance du bêta historique du titre s.

[375] Le poids accordé au bêta historique de la société dépend de la signification statistique du bêta estimé de la société. Si le bêta de la société a une erreur-type faible, il aura plus de poids dans la formule de Vasicek, et s'il a une erreur-type élevée, il aura moins de poids. Dans tous les cas, les facteurs de pondération s'additionneront pour donner un.

[376] Pour examiner cette question, l'Office a appliqué les rajustements de Blume et de Vasicek aux bêta estimés de CN et de CP pour 2005 à 2010. L'Office a remarqué qu'en moyenne, les rajustements de Blume et de Vasicek produisent des estimations similaires, et semblables aux bêta non rajustés. Ces constatations appuient la théorie du Brattle Group, selon laquelle les bêta rajustés des compagnies de chemin de fer ne s'éloignent pas significativement des bêta non rajustés parce que leurs bêta sont généralement près de 1,0.

[377] Des deux méthodes, celle de Blume est la plus simple et la plus facile à comprendre et à mettre en œuvre. La mise en œuvre du rajustement de Vasicek, même s'il pourrait être considéré comme plus précis d'un point de vue théorique que celui de Blume, présente de graves difficultés. Le calcul des variables ß0 et (sß0)2 peut être exigeant à maints égards. L'analyste doit d'abord choisir le bêta à utiliser aux fins de la comparaison, à savoir celui du marché, celui de l'industrie ou celui d'un portefeuille de sociétés comparables. Le choix dépend, en partie, de la disponibilité des données sur les bêta respectifs. Intuitivement, le bêta du marché de 1,0 semble le choix idéal en raison de sa simplicité, mais en pratique, ce choix serait presque impossible, car il faudrait calculer le bêta de toutes les sociétés intégrées à l'indice du marché (300 sociétés dans le cas de l'indice composite S&P/TSX) et établir la variance des bêta des sociétés ((sß0)2). D'un point de vue pratique, l'utilisation du bêta du marché est donc irréalisable.

[378] L'Office a testé le bêta d'un portefeuille de sociétés comparables, un choix qui comporte aussi son lot de difficultés. Pour calculer le bêta (sans facteur d'endettement) d'un portefeuille de sociétés comparables à CN et à CP, il faut estimer le ratio capitaux empruntés/capitaux propres de toutes les compagnies de chemin de fer faisant partie du portefeuille. L'Office a utilisé, dans son analyse, un bêta de l'industrie ferroviaire pour l'année 2011 publié par l'Université de New York, qui représente le bêta moyen sans facteur d'endettement de 14 compagnies de chemin de fer, y compris CN et CP. De tels bêta de l'industrie n'étant pas disponibles pour les années antérieures, l'Office a dû poser comme hypothèse que les valeurs étaient les mêmes pour les calculs de 2005 à 2010. De plus, la disponibilité dans les années à venir des données sur les estimations du bêta de l'industrie est incertaine. Par conséquent, le rajustement de Vasicek ne répond pas au critère du modèle pragmatique défini par l'Office.

[379] La plupart des fournisseurs de données financières, comme Bloomberg et Value Line, donnent par défaut des bêta rajustés selon la méthode Blume. D'après le rapport Brattle, du point de vue de la théorie de la prise de décision, cette estimation est en général inférieure au rajustement de Vasicek, qui calcule une pondération particulière adaptée à la valeur informative des données. Toutefois, le rajustement de Vasicek nécessite plus de calculs et n'a pas été beaucoup plus fructueux que le rajustement simplifié de Blume, ce qui explique peut-être pourquoi le rajustement de Vasicek est rarement utilisé par les analystes aux fins des applications d'affaires et de réglementation et n'est pas mentionné comme norme par la plupart des fournisseurs de données.

Question 14 : Conclusion de l'Office

[380] Parce qu'il utilise essentiellement le bêta pour prévoir le coût du capital dans une future période, l'Office estime qu'il convient d'employer une méthode que la plupart des fournisseurs de données financières utilisent, dans la mesure où les attentes des investisseurs reposent sur les analystes financiers. En outre, parce que le rajustement de Blume est plus transparent que celui de Vasicek, l'Office conclut qu'il respecte davantage son critère du modèle raisonnable. Par conséquent, l'Office continuera d'utiliser la méthode Blume pour rajuster le bêta.

Question 15 : Coefficient bêta avec neutralisation et réintégration du facteur d'endettement

Les participants aux séances de consultation ont soulevé la question de savoir si l'équation de Hamada était valide pour neutraliser et réintégrer le facteur d'endettement dans l'estimation du bêta.

Question 15 : Survol de la position de la CER

[381] La question a été soulevée par la CER, et il s'agit de l'unique participant à avoir formulé des commentaires à cet égard. La CER affirme que l'équation de Hamada présente de multiples difficultés.

[382] La section 12.3.2 de l'annexe B expose plus en détail la position de la CER à l'égard de cette question.

Question 15 : Analyse de l'Office en fonction des critères d'évaluation de la méthode

[383] Le processus de neutralisation consiste à séparer le risque financier du risque commercial. L'Office recourt à la technique de neutralisation et de réintégration du facteur d'endettement uniquement dans des circonstances exceptionnelles, quand la société n'est pas cotée en bourse et que le coefficient bêta de cette société ne peut être calculé directement.

[384] CN et CP étant des sociétés ouvertes, l'Office calcule des bêta du marché propres aux sociétés, qui sont, par nature, des bêta avec facteur d'endettement, en ce sens que le bêta du marché est le bêta de la société et qu'il exprime le ratio capitaux empruntés/capitaux propres de la société. Par conséquent, la neutralisation et la réintégration du facteur d'endettement dans l'estimation du bêta est une question qui ne s'applique pas dans le cas de CN et de CP.

[385] Même si la CER critique cette pratique, les économistes et les experts financiers utilisent couramment l'équation de Hamada pour neutraliser et réintégrer le facteur d'endettement dans l'estimation du bêta, en partie parce qu'il s'agit de la seule façon connue d'estimer le bêta d'une société non cotée.

Question 15 : Conclusion de l'Office

[386] L'Office n'a pas trouvé d'autre façon d'estimer le bêta d'une société non cotée, que ce soit en pratique ou dans les ouvrages universitaires. Par conséquent, étant donné que cette méthode d'estimation répond aux critères définis, l'Office continuera de l'utiliser, au besoin, pour calculer le coût des capitaux propres d'une société fermée.

CONCLUSION

[387] L'annexe A décrit la méthode qui sera employée par l'Office dans le cadre de son mandat législatif pour déterminer le coût du capital à compter de la campagne agricole 2012-2013.

[388] La méthode exposée à l'annexe A sera appliquée par l'Office au moins jusqu'en 2018. L'Office pourra, à sa discrétion et de manière transparente, modifier la méthode si une situation exceptionnelle le justifie.

Notes

Note 1

Le coût du capital est calculé chaque année dans les deux premiers cas pour CN et CP, et au besoin pour les autres compagnies de chemin de fer dans le dernier cas.

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Note 2

Surface Transportation Board Decision – STB Ex Parte No. 679, Association of American Railroads – Petition Regarding Methodology for Determining Railroad Revenue Adequacy, 23 octobre 2008.

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Note 3

Rapport Brattle, page 71.

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Note 4

Voir le rapport Brattle, p. 20-21.

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Note 5

E. Brigham et T. Nantell. « Normalization Versus Flow-through for Utility Companies Using Liberalized Tax Depreciation », The Accounting Review [en ligne], vol. 49, no 3 (juillet 1974), p. 436-447. Accessible auprès de Business Source Complete, Ipswich (MA). Consulté le 23 décembre 2010.

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Note 6

Standard & Poor's.

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Note 7

Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills, and Inflation: Valuation Edition 2004 Yearbook, Chicago (Illinois), page 165.

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Note 8

Stocks, Bonds, Bills and Inflation; Valuation Edition, 2002 Yearbook.

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Note 9

Yahoo! Canada Finance.

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Note 10

Données sur l'indice S&P500 : Yahoo Finance; données sur le S&P/TSX : Statistique Canada, série v122620 de CANSIM (base de données); données sur l'indice composite Standard and Poor's/Bourse de Toronto, fin de séance (indice, 1975 = 1000).

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Note 11

Données sur les obligations du Canada : Banque du Canada; données sur les obligations des États-Unis : Réserve fédérale américaine.

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Note 12

Aux fins du calcul de la prime de risque du marché canadien, Morningstar utilise le rendement en intérêt des obligations négociables du gouvernement du Canada à 10 ans ou plus en guise de substitut du taux de rendement sans risque historique.

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Note 13

Source des données canadiennes : avant 2007 – Institut canadien des actuaires, Rapport sur les statistiques économiques canadiennes; après 2007 – données sur le marché des actions : TMX eReview; données sur les obligations : Banque du Canada.

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Note 14

Source des données américaines : Standard and Poors.

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Note 15

Stephen Campisi, « A Sector-Based Approach to Fixed Income Performance Attribution », The Journal of Performance Measurement, vol. 15, no 3 (printemps 2011), p. 25.

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Note 16

Carl Bacon, Practical Portfolio Measurement and Attribution (Second Edition), Wiley Finance, 2008, p. 182.

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Note 17

Source des données : Base de données CANSIM de Statistique Canada, série v122487 (Canada); rendement moyen des obligations négociables du gouvernement du Canada de plus de 10 ans (pourcentage).

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Note 18

Ibid.

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Note 19

Source des données : Yahoo Finance.

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