Décision n° 1-AT-A-2025

le 2 janvier 2025

Demande présentée par John Lawrence Aucoin contre WestJet concernant ses besoins liés à son handicap

Numéro de cas : 
24-32589

Résumé

[1] John Lawrence Aucoin a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) concernant les difficultés qu’il a rencontrées lors de son vol avec WestJet de Halifax (Nouvelle-Écosse) à Las Vegas (Nevada), via Toronto (Ontario) en mars 2016.

[2] M. Aucoin est quadriplégique et se déplace au moyen d’un fauteuil roulant électrique. Il affirme qu’il n’a pas été transféré correctement de son fauteuil roulant et que celui-ci a été endommagé à l’aller de son itinéraire. Bien que les frais de réparation de son fauteuil roulant aient été remboursés, M. Aucoin soutient qu’il a supporté des frais de transport pour se rendre à l’atelier de réparation de fauteuils roulants et en revenir.

[3] M. Aucoin demande les mesures correctives suivantes :

  • un remboursement de 64 USD pour frais de transport;
  • une indemnité de 1 000 USD pour perte de temps de vacances;
  • une indemnité de 5 500 CAD pour souffrances et douleurs;
  • la possibilité de se déplacer dans son fauteuil roulant dans la cabine passagers de l’aéronef.

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office ne peut ordonner aucune de ces mesures correctives. Par conséquent, l’Office exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 37 de la Loi sur les transports au Canada (LTC) et refuse d’entendre la demande de M. Aucoin.

Analyse et déterminations

[5] Bien que sa demande puisse être fondée, M. Aucoin n’a raisonnablement aucune chance d’obtenir réparation de la part de WestJet pour les raisons suivantes :

  • M. Aucoin n’a plus le droit de réclamer des dommages-intérêts au titre de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal);
  • l’Office ne peut pas ordonner à WestJet de transporter des fauteuils roulants électriques dans les cabines d’aéronefs en l’absence de systèmes de retenue appropriés qui ont été approuvés sur le plan de la sécurité par Transports Canada, tant pour le fauteuil roulant que pour le passager.

[6] L’article 37 de la LTC confère à l’Office le pouvoir discrétionnaire de décider d’entendre ou non une plainte en établissant si la demande a été faite de bonne foi; si elle est opportune, vexatoire ou redondante; si elle soulève une question sérieuse à juger; si elle est fondée sur une preuve suffisante; ou si elle est conforme à la charge de travail de l’Office et à sa hiérarchisation des dossiers.

La demande d’indemnisation de M. Aucoin relève uniquement de la Convention de Montréal

[7] La Convention de Montréal est un traité international, auquel le Canada est partie, qui fixe des limites de responsabilité en matière de transport aérien. Le vol transfrontalier Canada–États-Unis de M. Aucoin était un vol international et, donc, régi par la Convention de Montréal.

[8] Au titre de la Convention de Montréal, les passagers peuvent présenter des demandes relatives à des préjudices survenus lors d’un transport aérien international, notamment en cas de mort ou de lésions corporelles subies par un passager, ainsi qu’en cas de retard, d’avarie ou de perte de bagages et de marchandises. Ces demandes sont assujetties aux limites de responsabilité et aux délais prévus par la Convention de Montréal. Enfin, selon le principe d’exclusivité énoncé à l’article 29 de la Convention de Montréal, les actions en dommages-intérêts contre les transporteurs dans le cadre d’un transport international ne peuvent être exercées que si elles sont autorisées par la Convention de Montréal.

[9] Le principe d’exclusivité limite les types d’actions qui peuvent être exercées contre les transporteurs aériens à celles prévues par la Convention de Montréal, à l’exclusion de tous les autres types d’actions en dommages-intérêts, y compris celles exercées en vertu d’une loi. Conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Thibodeau c Air Canada, même les demandes de dommages-intérêts pécuniaires fondées sur les droits fondamentaux — y compris les droits linguistiques — sont irrecevables si elles ne sont pas visées par la Convention de Montréal. Par conséquent, les dispositions de la Convention de Montréal s’appliquent en matière d’indemnisation, et non pas celles de la LTC, et elles constituent la seule voie de recours de M. Aucoin.

La demande de dommages-intérêts de M. Aucoin est irrecevable

[10] L’Office conclut que la demande de M. Aucoin concernant les frais de transport et l’indemnité pour perte de vacances et souffrances et douleurs est irrecevable au titre de la Convention de Montréal et que l’Office ne peut plus se pencher sur son action contre WestJet. Bien qu’il n’y ait pas de délai prescrit pour les demandes liées à l’accessibilité au titre de la partie V de la LTC, l’article 35 de la Convention de Montréal exige que toute demande de dommages-intérêts liée à des dommages causés à un fauteuil roulant ou à des lésions corporelles subies lors du transfert entre un fauteuil roulant et un siège passager à bord d’un aéronef, y compris le remboursement de frais, soit intentée dans les deux ans suivant la date de l’incident. Comme l’itinéraire de M. Aucoin s’est terminé le 27 mars 2016, il était tenu d’intenter la présente action au plus tard le 28 mars 2018. Cependant, l’Office a reçu la plainte de M. Aucoin en 2023, bien après l’expiration du délai prescrit.

L’indemnité que demande M. Aucoin n’est pas disponible au titre de la LTC telle qu’elle s’applique à l’incident

[11] Même si la demande de M. Aucoin n’était pas irrecevable au titre de la Convention de Montréal, l’Office ne pourrait pas accorder une indemnité pour souffrances et douleurs à M. Aucoin, car l’incident s’est produit en 2016, soit trois ans avant que l’Office ne soit habilité à accorder une indemnité pour souffrances et douleurs.

[12] L’Office ne peut pas ordonner à WestJet d’indemniser M. Aucoin pour souffrances et douleurs ou perte de jouissance parce que la version de la LTC en vigueur en mars 2016, au moment de l’incident, n’autorisait pas l’Office à accorder ces mesures correctives. Bien que l’Office ait obtenu le pouvoir d’accorder une indemnité pour souffrances et douleurs lorsque la LTC a été modifiée par la Loi canadienne sur l’accessibilité en 2019, l’Office doit appliquer la version de la LTC qui était en vigueur au moment de l’incident, car les lois ne sont pas rétroactives dans leur effet, à moins que la loi ne prévoie expressément une application rétroactive. La LTC ne prévoit pas une telle application rétroactive.

L’Office ne peut pas ordonner le transport de fauteuils roulants électriques dans la cabine d’un aéronef

[13] Enfin, l’Office ne peut pas ordonner à WestJet de transporter des fauteuils roulants électriques dans la cabine en raison de préoccupations liées à la sécurité qui relèvent de la compétence de Transports Canada, en tant qu’organisme de réglementation de la sécurité des exploitations aériennes au Canada, et non de l’Office.

[14] L’Office a connaissance des travaux en cours aux États-Unis pour étudier la viabilité du recours à des systèmes de retenue pour fauteuils roulants dans la cabine d’aéronefs commerciaux. Cependant, aucun système de retenue qui permettrait d’attacher un fauteuil roulant électrique dans la cabine ou d’attacher un passager dans le fauteuil roulant durant le vol n’a encore été approuvé sur le plan de la sécurité au Canada.

Conclusion

[15] À la lumière de ce qui précède, l’Office exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 37 de la LTC et refuse d’entendre la demande de M. Aucoin parce que l’Office n’a pas le pouvoir d’ordonner les mesures correctives demandées par le demandeur. Par conséquent, l’Office ferme le dossier sans émettre de décision sur le fond de la demande.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 37; 172(3)
Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international — Convention de Montréal 17; 29; 35
Loi canadienne sur l’accessibilité, LC 2019, c 10 Tous
Thibodeau c Air Canada, 2014 CSC 67 1; 6; 14; 72; 73

Membre(s)

France Pégeot
Elizabeth C. Barker
Mark MacKeigan
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