Décision n° 102-R-2023

le 19 juin 2023

Demande présentée par Joseph Hewko et Fay Hewko (demandeurs) contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) concernant un passage privé

Numéro de cas : 
22-50171

Résumé

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) pour la construction d’un passage privé au point milliaire 48,97 de la subdivision Edson de CN, à l’ouest de Wabamun (Alberta).

[2] CN ne s’oppose pas à la construction d’un passage conformément à l’article 102 de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

[3] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office ordonne à CN de construire un passage convenable en vertu de l’article 102 de la LTC. CN supportera les coûts de construction et d’entretien du passage.

Contexte

[4] Les demandeurs ont utilisé pendant des années un passage privé au point miliaire 48,97 de la subdivision Edson de CN. Le passage n’était pas établi de droit. Après avoir informé les demandeurs qu’elle considérait le passage illégal, CN a reconnu le droit des demandeurs à un passage en 2004 et s’est engagée à le construire. À ce jour, CN n’a toujours pas construit de passage sur la propriété des demandeurs.

[5] En 2005, le passage que les demandeurs utilisaient a été détruit par le déraillement d’un train. Depuis, M. Hewko demande à CN d’améliorer l’approche existante et de respecter son engagement à construire un passage.

[6] Conformément au protocole d’entente conclu par l’Office et Transports Canada (TC), qui permet une coordination entre l’Office et TC des efforts relatifs aux franchissements routiers, par desserte ou aux passages à niveau privés de compétence fédérale, une copie de la demande a été envoyée à TC à des fins de commentaires sur les enjeux de sécurité. Le 14 avril 2023, TC a indiqué que les passages doivent être construits et entretenus conformément à la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) et à ses règles, règlements ou normes techniques applicables, y compris le Règlement sur les passages à niveau (RPN) et les Normes sur les passages à niveau (Normes).

La loi

[7] L’article 102 de la LTC exige qu’une compagnie de chemin de fer construise, sur demande, un passage convenable pour assurer au propriétaire la jouissance de sa terre, si celle-ci a été divisée par la construction d’une ligne de chemin de fer.

Analyse et déterminations

[8] Les demandeurs affirment que pour leur assurer la jouissance de leur terre, le passage devrait être situé sur leur propriété à l’extrémité de l’approche existante de l’emprise de CN et comprendre les éléments suivants :

  • une surface suffisamment large pour permettre la circulation d’un véhicule tout-terrain;
  • le rétablissement par CN d’un sentier menant du passage jusqu’au bord du lac;
  • le raccordement au réseau électrique de la propriété des demandeurs au bord du lac;
  • l’inclusion d’un revêtement en caoutchouc sur le passage au lieu de planches de bois aux frais de CN. Les demandeurs soutiennent qu’une personne handicapée devrait pouvoir utiliser le passage pour piétons.

[9] Les demandeurs réclament également :

  • une ordonnance restreignant les activités de défrichage de CN dans le secteur jusqu’à ce que TC évalue le secteur conformément à la LSF;
  • l’amélioration des lignes de visibilité existantes et l’établissement d’un plan pour l’entretien des lignes de visibilité par CN;
  • une indemnité pour les dépenses de 3 800 CAD faites par les demandeurs dans le but d’améliorer l’approche existante du passage;
  • l’enlèvement par CN de rails usagés qu’elle a laissés le long de la ligne de chemin de fer.

[10] Dans sa réponse, CN a reconnu que les demandeurs ont droit à un passage privé construit aux frais de CN conformément à l’article 102 de la LTC. Toutefois, CN soutient que l’Office n’a pas le pouvoir d’accorder certains des éléments de la réparation demandée par les demandeurs.

[11] Bien que l’Office puisse ordonner la construction d’un passage convenable, son pouvoir se limite au passage, c’est-à-dire à la partie qui traverse la ligne de chemin de fer et qui comprend une structure facilitant le franchissement. Pour cette raison, l’Office ne tiendra pas compte des requêtes des demandeurs concernant l’aménagement d’un sentier menant au bord du lac, le raccordement au réseau électrique de la propriété au bord du lac et l’enlèvement de rails le long de la ligne de chemin de fer.

[12] Les demandeurs affirment qu’en 2015, CN les a autorisés à élever l’approche existante afin de la mettre au niveau de l’assiette de la voie et qu’ils ont engagé des dépenses de 3 800 CAD pour effectuer ces travaux. Ils réclament une indemnité pour ces dépenses.

[13] Les pouvoirs de l’Office se limitent à ceux qui lui sont conférés par la loi. La LTC ne confère pas à l’Office le pouvoir d’accorder une indemnité pour des travaux de construction entrepris sur des propriétés privées par des propriétaires fonciers. Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.

[14] Les demandeurs ont clairement indiqué les raisons pour lesquelles un passage adjacent à l’approche existante faciliterait leur jouissance du terrain, notamment que cet endroit a été utilisé comme passage depuis au moins 1950. La demande et les éléments de preuve à l’appui indiquent qu’au cours des discussions entre les demandeurs et CN, cette dernière a soulevé des préoccupations en matière de sécurité relativement à l’emplacement du passage en lien avec les normes sur les approches et les lignes de visibilité. Toutefois, dans sa réponse, CN ne s’est pas opposée à l’emplacement choisi par les demandeurs pour le passage et n’a pas non plus soulevé de préoccupations en matière de sécurité.

[15] Étant donné que CN n’a pas déposé de présentations à ce sujet, l’Office conclut que CN n’a pas démontré qu’un passage à cet endroit ne serait pas convenable. Comme l’a indiqué TC, les passages doivent être construits et entretenus conformément à la LSF et à ses règles, règlements ou normes techniques applicables, y compris le RPN et les Normes.

[16] De plus, TC a noté dans ses commentaires qu’un passage convenable devrait tenir compte des besoins des personnes utilisant des appareils fonctionnels et a souligné que les demandeurs ont déclaré dans leur demande que des personnes utilisant des appareils fonctionnels emprunteront le passage une fois qu’il sera construit.

[17] Dans la décision Fafard c Canadian National Railway Company, 2003 CFA 243 (Fafard), la Cour fédérale d’appel indique qu’un passage convenable est un passage adéquat et approprié pour les fins auxquelles il est destiné et mis en place, tant pour ses utilisateurs que pour les trains.

[18] Dans la décision 34-R-2019, l’Office a déclaré que son étude des incidences sur la sécurité permettant de déterminer ce qui constituerait un passage convenable ne comprend pas l’évaluation de la conformité aux exigences de sécurité, comme celles du RPN et des Normes. Il incombe à TC de veiller au respect de ces exigences. Même si la décision 34-R-2019 autorisait la construction de passages pour piétons publics, l’Office conclut que le même principe s’applique au cas présent.

[19] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut qu’il est raisonnable d’ordonner à CN de construire un passage convenable qui répondrait aux besoins des demandeurs afin de leur permettre de jouir de leur terre. Le passage devrait être suffisamment large pour permettre la circulation d’un véhicule tout-terrain et être adjacent à l’approche existante. L’Office note que le passage devra satisfaire aux exigences de la LSF et de ses règles, règlements et normes techniques applicables.

Conclusion

[20] L’Office ordonne à CN de construire un passage convenable adjacent à l’approche existante au point milliaire 48,97 de la subdivision Edson de CN à l’intérieur des limites de la propriété des demandeurs. CN supportera les coûts de construction du passage.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 102

Membre(s)

Lenore Duff
France Pégeot
Date de modification :