Décision n° 110-R-1995

le 2 mars 1995

le 2 mars 1995

DEMANDE présentée par le Canton de Yarmouth, en vertu de l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), ch. R-3, en vue d'obtenir l'autorisation de construire un ponceau pour remplacer l'ouvrage de drainage permettant au chemin Yarmouth Centre de franchir un drain municipal situé le long des voies ferrées de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, au point milliaire 111,76 de la subdivision Caso, dans le canton de Yarmouth, dans la province d'Ontario.

Référence no R 8050/358-111.80


CONTEXTE

Le chemin Yarmouth Centre croise à niveau les voies ferrées de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après le CN) au point milliaire 111,76 de la subdivision Caso, dans le canton de Yarmouth, dans la province d'Ontario. Juste au sud du passage à niveau, un pont permet au chemin Yarmouth Centre de passer au-dessus d'un drain municipal, le drain Norman, qui passe dans l'emprise du CN, des deux côtés de l'emprise routière. À ce passage à niveau, le CN est la partie en second.

Le 7 mai 1991, l'Office national des transports (ci-après l'Office) a déclaré dans une décision rendue sous forme de lettre que, d'après l'article 211 de la Loi sur les chemins de fer, le pont faisait partie de l'ouvrage de drainage au moment de la construction du chemin de fer et que la compagnie de chemin de fer était donc responsable de son entretien. Cette décision s'appuyait sur un document daté du 17 février 1923 intitulé «Report, Assessment, etc., for the Construction of the Norman Drain in the Township of Yarmouth» (ci-après le rapport), lequel est versé au dossier de l'Office.

Le CN a reconnu qu'il était responsable de l'entretien du pont. Il s'est dit prêt à le réparer afin de remettre dans son état originel, mais le Canton de Yarmouth (ci-après le Canton), lui, désire en faire construire un tout nouveau pour répondre aux besoins d'aujourd'hui.

Ne pouvant en arriver à une entente avec le CN, le Canton a demandé à l'Office de déterminer comment le coût de la reconstruction devrait être réparti pour remplacer le pont du chemin Yarmouth Centre par un ponceau.

POSITION DU CANTON

Le Canton estime que le pont devrait être remplacé car les conducteurs de véhicules en direction nord se préoccupent de l'étroitesse du pont, oubliant souvent qu'un train pourrait surgir sur la voie. De plus, le Canton déclare que la structure du pont n'est pas assez large pour que les gros camions et les véhicules agricoles puissent y circuler sans danger. Ces véhicules en direction nord doivent alors emprunter la route 74 ou la voie de contournement de la route 3, compromettant ainsi la sécurité routière. Le Canton ajoute que la structure du pont en place n'est pas conforme aux normes actuelles du ministère des Transports.

De plus, le Canton suggère que dans le contexte économique actuel, on pourrait probablement faire les travaux à un bon prix en ce moment. Puisque le pont a besoin dès maintenant de réparations temporaires d'environ 20 000 $ et qu'il devra ensuite être entretenu continûment étant donné son âge, le Canton soutient qu'il serait plus économique de construire une nouvelle structure à un coût estimé à 150 000 $.

En ce qui concerne la répartition des coûts, le Canton propose que le CN et le Canton paient à parts égales les coûts de remplacement du pont; que le Canton soit responsable de l'entretien de la nouvelle structure; que le CN soit responsable du déplacement de la signalisation; et que le CN et le Canton soient tous deux responsables de l'entretien futur de la signalisation, suivant l'actuelle formule de répartition des coûts.

POSITION DU CN

Aux motifs avancés par le Canton pour justifier le remplacement du pont, le CN a répliqué que la structure a déjà été conforme aux normes du ministère des Transports. CN reconnaît que la structure actuelle ne répond peut-être pas aux besoins d'aujourd'hui, mais le CN soutient qu'il n'y est pour rien et qu'il n'est pas non plus obligé de l'améliorer parce que la circulation routière a augmenté. Le CN maintient que le pont actuel est solide et que ce n'est pas du tout en raison de son état général que le Canton a décidé de le remplacer.

Le CN reconnaît qu'il se peut qu'à l'approche du passage à niveau, les conducteurs soient distraits par l'étroitesse du pont, mais le CN déclare que cela ne compromet pas nécessairement la sécurité. Il affirme que le ralentissement de la circulation à l'approche du passage à niveau contribue peut-être même à réduire les risques d'accident au croisement.

Le CN connaît la décision du 7 mai 1991 dans laquelle l'Office répartit les frais d'entretien du pont, et il affirme s'acquitter de son obligation. Le CN n'est pas d'accord avec l'estimation qui a été faite du coût des réparations temporaires, mais il concède qu'il faudra assurer l'entretien continu du pont.

Le CN se dit prêt à contribuer au coût de la reconstruction du pont; cependant, il rejette la proposition du Canton de payer 50 p. 100 (75 000 $) du coût total de la structure de remplacement. Le CN suggère plutôt qu'il verse 25 000 $ pour le remplacement du pont (cette somme correspond aux coûts estimatifs que le CN assumerait pour assurer l'intégrité structurale du pont dans un avenir prévisible) et que le Canton soit responsable de l'entretien de la nouvelle structure.

Le CN suggère de confier le différend à la Commission de drainage de l'Ontario, ce que le CN appelle dans ses documents la"Commission provinciale du drainage municipal" (ci-après la Commission de drainage). Cette dernière avait fait en 1923 une analyse coûts-avantages de l'ouvrage de drainage à l'étude. Le CN soutient que si elle avait compétence en 1923 et qu'elle a pu alors répartir les coûts, il devrait encore en être ainsi. Selon le CN, il faudrait demander à l'autorité provinciale de tenter de régler ce différend avant de faire intervenir l'Office. Cependant, le Canton n'est pas d'accord et déclare qu'il a l'intention de respecter la décision que prendra l'Office.

Enfin, d'après le CN, la question de l'élargissement du passage à niveau et du déplacement du système d'avertissement devrait être étudiée séparément.

ANALYSE ET CONSTATATIONS DE L'OFFICE

Puisque le Canton n'a pas déposé une demande pour la reconstruction du croisement ou le déplacement du système d'avertissement, l'Office est d'avis que la question de l'élargissement éventuel du passage à niveau et du déplacement subséquent du système d'avertissement doit faire l'objet d'une demande distincte.

Aux termes du paragraphe 212(1) de la Loi sur les chemins de fer, "[l'Office], sur requête ou plainte de la municipalité, du propriétaire foncier ou de la compagnie, peut ordonner ou permettre à la compagnie de construire ces voies de drainage ou de poser ces conduites d'eau, et peut obliger le requérant à soumettre à l'Office un plan et un profil de la partie du chemin de fer ou des terrains concernés..."

Aux termes du paragraphe 212(2) de la Loi sur les chemins de fer, "[l'Office] peut, ... à sa discrétion, régler par ordonnance de quelle manière, à quel endroit, à quelle époque, par qui et à quelles conditions peuvent s'effectuer ce drainage ou la pose de ces conduites d'eau, leur construction et leur entretien, en tenant compte de tous les intérêts légitimes, et elle peut fixer l'indemnité, le cas échéant, qui doit être payée à tout propriétaire lésé, ou prescrire que l'indemnité, s'il y a lieu, soit déterminée en vertu des articles d'arbitrage de la présente Loi."

Aux termes du paragraphe 213(1) de la Loi sur les chemins de fer "Chaque fois que, sous le régime d'une loi établie par une province que traverse le chemin de fer, une municipalité ou un propriétaire foncier peut s'adresser aux tribunaux pour obtenir un drainage ou des ouvrages de drainage sur et à travers la propriété d'un autre propriétaire foncier de cette province, cette municipalité ou ce propriétaire foncier peut pareillement s'adresser aux tribunaux pour obtenir un drainage ou des ouvrages de drainage sur et à travers le chemin de fer et les terres de la compagnie, au lieu de s'adresser à l'Office, ainsi qu'il est prévu à l'article 212." Dans la présente affaire, le Canton ne veut pas que ce dossier soit confié à la Commission de drainage. Il demande à l'Office de l'autoriser à construire un nouveau ponceau le long du chemin de fer, en application du paragraphe 212(1) de la Loi sur les chemins de fer, et il s'engage à respecter la décision que prendra l'Office. Donc, cette affaire relève bel et bien de l'Office.

Le présent conflit découle du fait que le CN et le Canton n'arrivent pas à s'entendre sur la nécessité de reconstruire le pont du chemin Yarmouth Centre et sur la répartition des coûts de cette reconstruction.

L'Office note que le chemin Yarmouth Centre dessert une région rurale. Comme l'ouvrage de drainage est plus étroit que le reste de la route, certains véhicules agricoles doivent emprunter d'autres itinéraires qui ne sont pas conçus pour accommoder ce genre de trafic. D'après l'Office, il serait approprié, par souci de commodité publique, d'élargir la structure pour répondre aux besoins actuels.

L'Office reconnaît que, dans la présente affaire, le Canton est la partie qui demande le remplacement de l'ouvrage de drainage pour améliorer la circulation routière. L'Office reconnaît aussi que cet ouvrage doit être réparé, et que le CN en assume la responsabilité.

L'Office a étudié les arguments des deux parties sur la répartition des coûts, et il en conclut que toutes deux tireraient avantage du projet de reconstruction. Le Canton disposerait d'un ouvrage de drainage adapté aux besoins actuels et le CN serait dégagé de toute responsabilité pour ce qui est de l'entretien futur de la structure.

Le CN estime qu'il en coûterait 25 000 $ pour assurer l'intégrité structurale du pont en place dans un avenir prévisible. Cependant, étant donné l'âge et le type de la structure, l'Office croit que l'ouvrage de drainage nécessiterait un entretien continu et le CN aurait un jour ou l'autre à engager d'importantes dépenses additionnelles pour conserver l'intégrité de la structure.

Pour ces motifs, l'Office est d'avis que la contribution que le Canton demande au CN, soit 50 p. 100 du coût de reconstruction de la structure, est juste et raisonnable.

En ce qui concerne l'entretien futur de l'ouvrage de drainage, il sera entièrement à la charge du Canton, tel que l'ont convenu les parties.

L'Office prendra un arrêté à cet effet.

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