Décision n° 143-R-2022
Demande présentée par Colin Schopfer contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en vue d’obtenir l’autorisation de construire un franchissement près du point milliaire 100,62 de la subdivision Wainwright de CN au titre des paragraphes 101(3) et 101(4) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC) et du paragraphe 16(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, LRC 1985, c 32 (4e suppl.) [LSF]
Résumé
[1] Colin Schopfer a demandé à l’Office des transports du Canada (Office) l’autorisation de construire un franchissement en saut-de-mouton, plus précisément, un passage inférieur pour bétail (un franchissement sous la ligne de CN), à un endroit convenu près du point milliaire 100,62 de la subdivision Wainwright de CN (ligne de chemin de fer) dans la municipalité rurale de Manitou Lake 442 (MR 442), en Saskatchewan.
[2] Dans sa réponse, CN soutient que l’Office devrait rejeter la demande puisque M. Schopfer n’a pas la qualité pour agir. L’Office se penchera sur cette question dans la présente décision.
[3] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que M. Schopfer n’a pas la qualité pour agir et déposer une demande au titre de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC) en vue d’obtenir l’autorisation de construire un passage privé sous la parcelle de terre divisée ou un franchissement routier. Par conséquent, l’Office rejette la demande.
Contexte
[4] M. Schopfer et sa famille, dans le cadre de leurs activités d’exploitation agricole, font paître le bétail sur leur terre depuis les années 1920. Jusqu’en 2018, ils faisaient traverser le bétail à trois points milliaires de la ligne de chemin de fer : 101,04, 100,62 et 99,32. En 2018, CN a ajouté une autre voie à cette partie de son réseau et a, au même moment, fermé les deux franchissements routiers situés aux points milliaires 101,04 et 99,32 et a ajouté un système d’avertissement composé de sonneries, de barrières et des dispositifs lumineux au franchissement restant au point milliaire 100,62.
[5] Conformément au protocole d’entente conclu par l’Office et Transports Canada (TC), qui permet une coordination entre l’Office et TC des efforts relatifs aux franchissements routiers, par desserte ou aux passages à niveau privés de compétence fédérale, une copie de la demande a été transmise à TC à des fins de commentaires sur les enjeux de sécurité.
La loi
[6] L’article 101 de la LTC prévoit, en partie, ce qui suit :
(1) Toute entente, ou toute modification apportée à celle-ci, concernant la construction, l’entretien ou la répartition des coûts d’un franchissement routier ou par desserte peut être déposée auprès de l’Office.
[…]
(3) L’Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l’entente ou une modification, autoriser la construction d’un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l’entretien du franchissement.
(4) L’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’applique s’il n’y a pas d’entente quant à la répartition des coûts de la construction ou de l’entretien du franchissement.
[…]
L’article 102 de la LTC prévoit ce qui suit :
La compagnie de chemin de fer qui fait passer une ligne à travers la terre d’un propriétaire doit, sur demande de celui-ci, construire un passage convenable qui lui assure la jouissance de sa terre.
Positions des parties
M. Schopfer
[7] M. Schopfer affirme que l’Office devrait exercer les pouvoirs que lui confère l’article 32 et le paragraphe 33(4) de la LTC pour modifier ou faire exécuter les deux arrêtés de la Commission des chemins de fer en vue d’obliger CN à fournir un passage inférieur pour bétail en plus du franchissement nouvellement amélioré au point milliaire 100,62. Les arrêtés en question sont l’arrêté 4023, daté du 16 novembre 1907 (arrêté de 1907), qui, selon M. Shopfer, a permis d’établir les trois franchissements, et l’arrêté 41613, daté du 22 janvier 1931 (arrêté de 1931), qui a permis de déplacer le franchissement au point milliaire 100,62.
[8] M. Schopfer soutient que les trois franchissements situés aux points milliaires 101,04, 100,62 et 99,32 correspondent à la définition de l’article 101 de la LTC et qu’ils se trouvent sur des réserves routières municipales datant de l’arpentage des terres fédérales.
[9] Autrement, M. Schopfer réclame que l’Office prenne un arrêté autorisant la construction d’un passage privé sous forme de passage étagé inférieur pour bétail au titre de l’article 102 de la LTC.
[10] La terre adjacente aux points milliaires 101,04 et 100,62, soit le quart de section nord‑ouest 10-43-28-3 (quart A N-O), appartient à August C. Schopfer Farming ltée. La terre adjacente au point milliaire 99,32, soit le quart de section nord‑ouest 11-43-28-3 (quart B N-O), est louée par la Couronne du chef de la Saskatchewan (Couronne) à Neil et Candis Schopfer. M. Schopfer a déposé des documents signés indiquant que Neil et Candis Schopfer, et August C. Schopfer Farming ltée sont informés de la présente demande et y consentent.
CN
[11] CN affirme que puisque l’arrêté de 1907 ne prévoit aucun des trois franchissements, l’Office ne peut trancher la question qu’au titre des articles 101, 102 et 103 de la LTC. Par conséquent, rien ne permet de rendre un arrêté au titre des articles 32 ou 33 de la LTC.
[12] En ce qui a trait à l’argument de M. Schopfer selon lequel l’article 101 de la LTC devrait s’appliquer à la présente demande, CN cite l’arrêt Fafard c Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2003 CAF 243 (Fafard), dans lequel la Cour d’appel fédérale a précisé qu’un franchissement public régi par l’article sur les franchissements routiers de la LTC est un passage à l’usage du public, ce qui ne serait pas le cas d’un passage inférieur pour bétail. CN affirme que la MR 442 n’est pas partie à l’instance et qu’elle n’a pas indiqué qu’elle déclarerait public un chemin une fois le franchissement approuvé. De plus, la MR 442 a consenti à la fermeture des franchissements aux points milliaires 101.04 et 99.32.
[13] CN affirme que, d’après les décisions antérieures de l’Office prises au titre de l’article 102 de la LTC, la demande de M. Schopfer ne respecte pas les critères pour un passage privé. CN souligne que M. Schopfer n’est pas propriétaire de la terre dont il est question dans la présente demande et que, par conséquent, il n’a pas la qualité pour agir. La terre adjacente aux trois franchissements appartient soit à August C. Schopfer Farming ltée, soit à la Couronne, qui la loue à Neil et Candis Schopfer.
Analyse et déterminations
[14] M. Schopfer soutient que l’article 101 de la LTC s’applique à sa demande, qu’il fonde en partie sur l’arrêté de 1907 et l’arrêté de 1931. L’arrêté de 1907 a permis de construire un chemin de fer du point milliaire 84,146 au point milliaire 100,658 et d’autoriser la construction de 17 franchissements traversant certaines routes le long de la ligne de chemin de fer, y compris un franchissement au point milliaire 99,1. Il serait raisonnable de supposer qu’il s’agit du franchissement qui se trouve maintenant au point milliaire 99,32. Ces franchissements ne comprennent pas celui qui se trouve au point milliaire 101,04.
[15] La MR 442 a consenti à la fermeture des franchissements situés aux points milliaires 101,04 et 99,32 en 2018. Par conséquent, en ce qui a trait à ces franchissements, l’Office ne peut rien faire exécuter.
[16] Le franchissement restant, situé au point milliaire 100,62, semble être le franchissement ayant été autorisé par l’arrêté de 1907 et déplacé par l’arrêté de 1931. Il est en service. En 2018, CN a installé un système d’avertissement conformément au Règlement sur les passages à niveau,DORS/2014-275. Bien que l’arrêté de 1907 soit toujours en vigueur, l’Office ne peut rien faire exécuter puisque ce franchissement est toujours en service et qu’il est entretenu comme prévu.
[17] M. Schopfer demande à ce que le passage pour bétail soit autorisé à un endroit dont les parties conviendront. Il serait raisonnable de supposer que le passage pour bétail ne serait pas construit sur les réserves routières municipales aux points milliaires 99,32 et 101,04 puisque les franchissements qui s’y trouvent ont été fermés. De plus, M. Schopfer n’a pas obtenu d’entente municipale en vue de construire un franchissement sur une autre réserve routière municipale et la MR 442 n’est pas partie à l’instance. Dans ce contexte, le passage pour bétail devrait nécessairement être construit ailleurs sur la terre privée entourant le chemin de fer.
[18] Comme l’a soutenu CN, l’arrêt Fafard établit que l’article 101 de la LTC traite de franchissements à l’usage du public en général. L’usage prévu du passage, soit de faire paître le bétail sur la terre dans le cadre d’activités d’exploitation agricole privées, n’est pas un usage public en soi.
[19] La MR 442 n’a pas indiqué qu’elle déclarerait public un franchissement routier une fois celui-ci approuvé, condition préalable à la présentation d’une demande de franchissement routier au titre du paragraphe 101(3) de la LTC par une partie privée comme l’énonce la décision 65-R-2008.
[20] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que M. Schopfer n’a pas la qualité pour agir et déposer une demande en vue d’obtenir l’autorisation de construire un franchissement au titre du paragraphe 101(3) de la LTC.
[21] En ce qui a trait à l’application de l’article 102 de la LTC à la demande, comme le mentionne CN, M. Schopfer n’est pas propriétaire de la terre desservie par les trois franchissements en question. La preuve de l’historique de la propriété de la terre, y compris la propriété actuelle, est un élément clé pour établir le droit à un passage privé au titre de l’article 102 de la LTC.
[22] Quant au quart B N-O, bien que M. Schopfer ait déposé un document indiquant que Neil et Candis Schopfer sont informés de la présente demande et y consentent, ils ne sont pas partie à l’instance et M. Schopfer n’est pas propriétaire de la terre. L’Office conclut que M. Schopfer n’a pas la qualité pour agir et déposer une demande en vue d’obtenir l’autorisation de construire un passage privé au point milliaire 99,32 du quart B N-O au titre de l’article 102 de la LTC.
[23] Bien que M. Schopfer ait déposé un document de la part du président de August C. Schopfer Farming ltée indiquant qu’il est informé de la présente demande et qu’il y consent, le propriétaire actuel du quart A N-O est August C. Schopfer Farming ltée et non M. Schopfer. Le simple fait que August C. Schopfer Farming ltée consente à la demande ne fait pas passer l’intérêt de M. Schopfer dans les terres au rang de celui d’un propriétaire. Par conséquent, l’Office conclut que M. Schopfer n’a pas la qualité pour agir et déposer une demande en vue d’obtenir l’autorisation de construire un passage au point milliaire 101,04 ou 100,62 du quart A N-O au titre de l’article 102 de la LTC.
Conclusion
[24] L’Office rejette la demande.
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