Décision n° 151-R-2013
DEMANDE présentée par la Municipalité régionale de Waterloo conformément à l’article 101 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée et à l’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. (1985), ch. 32 (4e suppl.).
DEMANDE
[1] La Municipalité régionale de Waterloo (Région) a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) afin d’obtenir une ordonnance relativement à la construction, l’entretien et la répartition des coûts d’un franchissement par desserte.
[2] La Région veut prolonger une conduite principale au point milliaire 73,67 de la subdivision Guelph, le long de l’accotement du côté ouest de la route régionale 5 à Waterloo, connue sous le nom de chemin Nafziger, comme le montre le plan en date d’août 2011. Le prolongement viendrait assurer l’approvisionnement et la redondance de l’actuel système d’aqueduc entre les villages de Baden et de New Hamburg, et permettra l’approvisionnement en eau en vue de toute croissance éventuelle le long du chemin Nafziger.
[3] La conduite principale de 300 mm sera installée à une profondeur de remblai de 2 m depuis le niveau du sol jusqu’à la partie supérieure du tuyau, avec un franchissement sans tranchée de 200 m au nord de la rue Elmer Kaster.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Compétence de l’Office
[4] Goderich and Exeter Railway Company Limited (GEXR) fait valoir que l’Office n’a compétence qu’en vertu de l’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) et de l’article 101 de la Loi sur les transports au Canada (LTC), si une personne ne réussit pas à négocier une entente relativement à la répartition des coûts de la construction ou de l’entretien d’un franchissement routier ou d’un franchissement par desserte. GEXR s’appuie sur les décisions de la Cour d’appel fédérale dans les affaires Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Brocklehurst (C.A.), [2001] 2 C.F. 141 et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Moffatt (C.A.), [2002] 2 C.F. 249 pour la proposition voulant que l’Office, constitué en vertu d’une loi, tire ses pouvoirs dans des lois écrites, de façon expresse ou implicite.
[5] GEXR s’oppose à cette demande et allègue qu’une entente négociée a été conclue relativement à l’emplacement du franchissement et à la répartition des coûts d’entretien. Par conséquent, elle croit que l’Office n’a pas compétence pour émettre une ordonnance. De plus, GEXR fait valoir que la compétence de l’Office est limitée aux questions que les parties n’ont pas réussi à régler. Selon elle, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) devrait recevoir une copie des documents de la demande. GEXR demande par ailleurs une suspension d’instance advenant le cas où CN doive recevoir signification des documents de la demande.
[6] La Région fait valoir que la dernière contre-offre de GEXR du 31 juillet 2012 a été refusée, ce qui signifie qu’aucune entente n’a été conclue. Par ailleurs, la Région déclare que les principales conditions de l’entente de licence d’occupation standard de GEXR qui portent sur des clauses de responsabilité et de résiliation sont encore en suspens. La Région ajoute qu’elle ne devrait pas être liée par des concessions faites durant des négociations menées sous toutes réserves, dans le but de conclure une entente de manière à ce que la construction puisse se faire en 2012.
[7] Le paragraphe 16(1) de la LSF prévoit ce qui suit :
Faute de recours prévu sous le régime de la partie III de la Loi sur les transports au Canada ou de la Loi sur le déplacement des lignes de chemin de fer et les croisements de chemin de fer, le promoteur et tout bénéficiaire des installations ferroviaires peuvent, avant ou après le début des travaux relatifs à la construction ou à la modification de ces installations, saisir l’Office de leur désaccord sur leurs obligations en ce qui concerne le coût de réalisation des travaux et les frais d’exploitation et d’entretien des installations.
[8] Le paragraphe 101(1) de la LTC prévoit que :
Toute entente, ou toute modification apportée à celle-ci, concernant la construction, l’entretien ou la répartition des coûts d’un franchissement routier ou par desserte peut être déposée auprès de l’Office.
[9] Les paragraphes 101(3) et (4) de la LTC prévoient que :
(3) L’Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l’entente ou une modification, autoriser la construction d’un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l’entretien du franchissement.
(4) L’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’applique s’il n’y a pas d’entente quant à la répartition des coûts de la construction ou de l’entretien du franchissement.
[10] Dans la décision no 517-R-2003, l’Office a considéré, en tant que question préliminaire, un argument semblable présenté par CN qui faisait valoir qu’une entente concernant la répartition des coûts existait entre les parties et que, par conséquent, l’Office n’avait pas compétence dans cette affaire. L’Office a examiné les faits et déterminé qu’aucune entente n’avait été conclue et est allé de l’avant avec la détermination visant la répartition des coûts. Cette décision a été retenue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. York (Municipalité régionale) 2004 CAF 419.
[11] GEXR a fourni la correspondance se rapportant aux négociations; toutefois, aucune entente signée n’a été présentée par GEXR comme élément de preuve pour étayer qu’une entente avait été conclue. Par ailleurs, en se fondant sur l’examen de l’Office de la correspondance entre les parties des 11 et 31 juillet 2012, les questions portant sur la durée ou la résiliation de l’entente, la responsabilité et un article renvoyant au rôle de l’Office demeurent non réglées. Les parties conviennent que la Région n’a jamais répliqué à la correspondance de GEXR du 31 juillet 2012. GEXR fait valoir qu’en se fondant sur l’absence d’une réplique, elle a compris soit que la Région avait décidé de ne pas construire la conduite principale, soit que les négociations se poursuivraient. Cette déclaration de ce que GEXR a compris, particulièrement celle concernant la poursuite des négociations, ne peut pas, de l’avis de l’Office, cadrer avec l’affirmation de GEXR selon laquelle une entente aurait été conclue.
[12] L’Office conclut que les parties n’ont pas réussi à négocier une entente relativement au franchissement proposé. Par conséquent, l’Office a compétence pour recevoir la demande de la Région en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC. En outre, l’Office est d’accord avec l’argument de la Région selon lequel les parties ne devraient pas être liées par des concessions faites durant les négociations effectuées sous toutes réserves, et conclut que sa compétence ne se limite pas aux questions sur lesquelles les parties n’ont pas réussi à s’entendre.
Signification à CN
[13] GEXR soutient que CN, en tant que propriétaire de l’emprise, devrait recevoir signification des documents de la demande. GEXR demande une suspension en attendant que CN reçoive les documents. GEXR affirme avoir un pouvoir limité de conclure des ententes au nom de CN, mais comme la Région semble demander une ordonnance en l’absence d’une entente écrite entre les parties, la démarche ne cadrerait pas avec l’autorité que CN a accordée à GEXR.
[14] La Région soutient que CN n’a pas besoin de recevoir signification des documents de sa demande, car elle n’est pas la compagnie de chemin de fer qui exploite la ligne au franchissement. La Région souligne également que CN n’a pas participé aux négociations entre GEXR et la Région, ni tenu de négociations assujetties à l’approbation de CN. La Région a été toujours amenée à conclure que, d’après la conduite de GEXR, celle-ci exerçait correctement son autorité dans le cadre du bail et agissait clairement en tant que mandataire de CN.
[15] La Région affirme également que l’Office rend l’exploitant de la ligne habituellement responsable de toutes les questions concernant les franchissements de la même manière qu’il cherche à identifier une seule partie, que ce soit une administration routière ou municipale, comme étant responsable du franchissement. La Région fait valoir que les ordonnances concernant les franchissements et les services publics subsistent aux changements de compagnies de chemin de fer exploitantes tout comme aux changements des administrations routières et municipales.
[16] La Région renvoie à la décision no 142-R-2006 dans laquelle GEXR est reconnue comme étant la compagnie de chemin de fer exploitante responsable des franchissements sur les lignes qu’elle loue de CN.
[17] L’Office note que GEXR n’a présenté aucun élément de preuve, par exemple une entente entre GEXR-même et CN, pour étayer son argument à savoir que son autorité est limitée. En outre, si, comme le montre la Région, la participation de CN n’avait pas été demandée ni requise durant les négociations entre la Région et GEXR, on ne sait pas exactement pourquoi CN serait une participante seulement parce qu’une demande a été déposée auprès de l’Office.
[18] L’Office note aussi que si GEXR croyait nécessaire la participation de CN, GEXR aurait pu fournir à CN une copie des documents de la demande. Les Règles générales de l’Office des transports du Canada, DORS/2005-35 énoncent le processus si CN décide de participer en tant qu’intervenante ou partie intéressée.
[19] L’Office n’exigera pas que CN reçoive signification des documents de la demande ni n’ordonnera une suspension d’instance.
QUESTION
[20] L’Office doit-il autoriser la construction et l’entretien du franchissement par desserte proposé au point milliaire 73,67 de la subdivision Guelph et, dans l’affirmative, quelles en seraient les conditions?
POSITIONS DES PARTIES
Construction et entretien de la conduite principale
[21] La Région fait valoir qu’elle ne devrait pas avoir à payer des droits de licence annuels à GEXR ni des frais supplémentaires de traitement et d’ingénierie, et qu’aucune autre indemnisation ne devrait être fournie à GEXR, car le projet ne nuira pas à ses activités ferroviaires.
[22] La Région affirme avoir déjà payé des frais de dossier de 1 000 $ à GEXR, et 1 500 $ pour des examens d’ingénierie. La Région est toutefois disposée à rembourser GEXR des dépenses raisonnables engagées pour protéger ses voies et ses installations durant la construction.
[23] La Région fait valoir que GEXR exige que toutes deux concluent une entente qui renfermerait plusieurs conditions, que la Région trouve inadmissible, car elle estime que l’entente proposée ne favoriserait que GEXR. La Région soutient également que l’entente proposée ne tient pas compte de l’obligation de la compagnie de chemin de fer de coexister au franchissement, ce que l’Office a toujours noté dans ses décisions antérieures. Par exemple, la Région fait remarquer que l’entente proposée lui impose des frais et des coûts unilatéraux que l’Office n’imposerait pas habituellement dans une ordonnance portant sur un franchissement par desserte.
[24] GEXR indique avoir reçu, le 16 avril 2012, une demande officielle de la Région pour la construction d’un franchissement par desserte sous l’emprise de la subdivision Guelph.
[25] GEXR allègue que la demande de la Région était accompagnée des frais standards que GEXR demande pour assumer ses dépenses rattachées à (i) l’ouverture d’un dossier pour la nouvelle installation pour veiller à ce que toutes les éventuelles compagnies de chemin de fer et les utilisateurs des biens fonciers continuent d’être au courant de son existence, et (ii) l’examen du plan d’ingénierie pour la construction par un ingénieur pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’interférence avec les activités ferroviaires de GEXR ou les plans de construction éventuelle d’un chemin de fer, et (iii) le traitement additionnel d’une entente distincte avec l’entrepreneur de la Région.
[26] GEXR soutient que la Région a accepté de payer les frais de dossier et les honoraires d’examen d’ingénierie.
[27] GEXR indique ne pas bien comprendre les allégations de la Région selon lesquelles il ne devrait pas être nécessaire de payer à GEXR des frais de licence annuels ni des frais supplémentaires de traitement de l’entente, non plus des honoraires d’ingénierie, car aucuns frais de licence annuels ni frais additionnels n’ont été demandés par GEXR. Celle-ci fait remarquer qu’aucuns frais additionnels ne sont nécessaires, sauf les dépenses raisonnables engagées pour protéger ses propres voies et installations durant la construction, comme l’a convenu la Région.
Responsabilité et résiliation
[28] La Région soutient que GEXR cherche à imposer des conditions concernant la responsabilité dans l’entente proposée, ce qu’elle juge inacceptable, car l’entente contient des clauses de responsabilité qui dégagent GEXR de sa responsabilité, même si elle cause un préjudice ou impose un contrôle sur la Région et ses opérations. La Région est disposée à accepter la responsabilité telle que l’Office l’a établie dans ses décisions antérieures, notamment dans la décision no 66‑R‑2011.
[29] La Région fait valoir que GEXR, le 31 juillet 2012, a proposé une approche sensiblement différente lors de la résiliation de l’entente que celle que la Région avait proposée.
[30] GEXR soutient que la différence dans le libellé que la Région veut utiliser concernant la responsabilité, conformément à la décision no 66-R-2011 de l’Office, est une question de sémantique et non de fond.
[31] GEXR soutient que dans la lettre de la Région du 11 juillet 2012, celle-ci a accepté le libellé de l’entente proposée et a seulement précisé de supprimer le mot « gross », ce que GEXR a accepté.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Construction et entretien de la conduite principale
[32] L’Office a tenu compte des présentations et, en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, autorise la Région à construire et à entretenir, à ses propres frais, un franchissement par desserte au point milliaire 73,67 de la subdivision Guelph, dans le comté de Wilmot, dans la région de Waterloo, comme le montre le plan en date d’août 2011. L’Office conclut également que la Région est responsable du remboursement à GEXR des dépenses raisonnables engagées pour protéger ses voies et ses installations durant la construction.
[33] L’Office note que la Région a payé certains frais qui avaient été acceptés dans le cadre du processus de négociation commerciale et que GEXR ne demande pas d’autres frais de la part de la Région. L’Office conclut qu’il n’aura pas à émettre d’ordonnance pour le paiement de quelques autres frais que ce soit.
Responsabilité et résiliation
[34] L’Office note l’argument de GEXR qu’elle intégrerait dans le libellé de la responsabilité tiré de la décision no 66-R-2011, comme le suggère la Région. Par conséquent, l’Office imposera la même disposition en matière de responsabilité qu’il a énoncée dans ladite décision.
[35] En ce qui a trait à la question de la durée du droit de franchissement et du besoin de recevoir un avis en cas d’une éventuelle délocalisation ou d’une modification du franchissement par desserte, l’Office, conformément à ses décisions antérieures, conclut qu’une décision qui autorise la construction d’un franchissement par desserte à un emplacement particulier reste en vigueur tant qu’il ne la modifie ou ne l’annule pas.
CONCLUSION
[36] En se fondant sur les conclusions susmentionnées, l’Office, conformément au paragraphe 101(3) de la LTC, autorise la Région à construire et à entretenir à ses propres frais un franchissement par desserte au point milliaire 73,67 de la subdivision Guelph dans le comté de Wilmot, dans la région de Waterloo, comme le montre le plan en date d’août 2011.
[37] En outre, en ce qui concerne la responsabilité, la condition suivante s’applique :
La Région doit, en tout temps, dédommager GEXR, la compagnie de chemin de fer à qui appartient le chemin de fer le long et à travers duquel le franchissement par desserte est construit, de toute perte et de toute dépense et de tous dommage, coût ou préjudice auxquels la compagnie de chemin de fer pourrait être exposée en raison de blessure à des personnes ou de dommages à la propriété causés par la construction, l’entretien ou le fonctionnement du franchissement par desserte, ainsi que de tout dommage ou préjudice attribuable à l’imprudence, à la négligence ou à l’incapacité des employés ou des agents de la Région dans le cadre de la construction, de l’entretien ou du fonctionnement du franchissement par desserte, sauf si la cause de ladite perte ou dépense ou dudit coût, dommage ou préjudice peut être attribuée à d’autres facteurs.
[38] Comme il est indiqué ci-dessus, la décision reste en vigueur tant qu’elle n’est pas modifiée ou annulée par l’Office.
AUTRE QUESTION
[39] Compte tenu des avantages d’une approche coopérative pour régler les différends et du fait qu’on évite des coûts pour les parties et pour l’Office, l’Office encourage GEXR et la Région à négocier une nouvelle entente-cadre pour gérer les éventuels franchissements par desserte, notamment les questions qui portent sur les indemnisations.
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