Décision n° 154-AT-A-2008
le 4 avril 2008
DEMANDE déposée par Faith Shumak-Dantowitz concernant les difficultés qu'elle et sa soeur, Barbara Tator, ont éprouvées lors d'un voyage avec Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat.
Référence no U3570/01-39
DEMANDE
[1] Le 2 mai 2001, l'Office des transports du Canada (l'Office) a reçu une demande déposée par Faith Shumak-Dantowitz concernant les difficultés qu'elle et sa soeur, Barbara Tator, ont éprouvées au cours d'un voyage à bord d'un vol d'Air Transat A.T. Inc. exerçant ses activités sous le nom d'Air Transat (Air Transat) en févier 2000, entre Toronto (Ontario), Canada et Fort Lauderdale, Floride, États-Unis d'Amérique.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Les difficultés éprouvées par Mme Shumak-Dantowitz relativement à sa propre expérience de voyage
[2] Mme Shumak-Dantowitz s'élève contre les nombreuses difficultés qu'elle dit avoir éprouvées lors d'un voyage avec Air Transat.
[3] Aux termes de l'article 172 de la Loi sur les transports au Canada (la LTC), une demande doit être déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Bien que Mme Shumak-Dantowitz ait déposé la demande, aucune preuve au dossier ne révèle qu'elle soit une personne ayant une déficience. De fait, elle a clairement indiqué que sa soeur, Barbara Tator, était la passagère ayant une déficience.
[4] L'Office conclut donc que Mme Shumak-Dantowitz n'est pas une personne ayant une déficience et, par conséquent, il ne peut traiter les questions relatives à sa propre expérience de voyage.
Repas offert à Mme Tator
[5] Mme Shumak-Dantowitz indique que Mme Tator n'a pas reçu le repas végétarien qu'elle avait demandé lors de sa réservation. Au moment de déterminer si une personne ayant une déficience a fait face à un obstacle, ce dernier doit être directement lié à la déficience de la personne de façon à ce qu'une situation ne puisse pas être considérée un obstacle du simple fait qu'elle a été vécue par une personne ayant une déficience. Dans le cas présent, aucune preuve n'indique que le repas demandé par Mme Tator était lié à sa déficience; il semble qu'il s'agisse d'une question de préférence. L'Office estime donc que l'affaire ne peut être examinée en vertu de l'article 172 de la LTC.
Réparation
[6] Mme Shumak-Dantowitz souhaite obtenir des excuses d'Air Transat en plus du remboursement du prix de son billet et de celui de sa soeur et un coupon de vol plein tarif pour tout vol d'Air Transat pour elle et sa soeur.
[7] Conformément au paragraphe 172(3) de la LTC, l'Office peut, après avoir déterminé qu'il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par cette personne en raison de l'obstacle en cause. L'Office ne peut accorder de réparation pour la douleur ou la souffrance. Ainsi, l'Office ne peut traiter de la question de réparation soulevée par Mme Shumak-Dantowitz. Toutefois, à la lumière des difficultés éprouvées par Mme Tator et Mme Shumak-Dantowitz, Air Transat a accordé un remboursement complet du montant de 372,93 $ payé par Mme Tator et une note de crédit de 100 $ à Mme Shumak-Dantowitz.
QUESTIONS
[8] Mme Tator est-elle une personne ayant une déficience aux termes de l'article 172 de la LTC? Dans le cas présent, Mme Tator a besoin d'oxygène thérapeutique, et d'aide pour marcher et pour transporter son oxygène. L'Office conclut donc que Mme Tator est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[9] Les éléments suivants ont-ils constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Tator, et, dans l'affirmative, quelles mesures correctives devraient être prises?
- Le siège assigné à Mme Tator à bord du vol de Toronto vers Fort Lauderdale;
- Le niveau d'assistance fournie à Mme Tator par Air Transat pour le transport de l'oxygène portable à l'aéroport international Lester B. Pearson - Toronto (l'aéroport de Toronto) et à l'aéroport international de Fort Lauderdale (l'aéroport de Fort Lauderdale), et à bord du vol de Toronto vers Fort Lauderdale;
- Le défaut d'Air Transat de fournir de l'assistance avec fauteuil roulant à Mme Tator lors du débarquement à l'aéroport de Fort Lauderdale.
FAITS
[10] Mme Tator a fait des réservations auprès d'un agent de voyage pour un voyage aller-retour entre Toronto et Fort Lauderdale. Une semaine avant son voyage, contre toute attente, la santé de Mme Tator s'est rapidement détériorée, à un point tel qu'elle avait besoin d'aide pour marcher et pour transporter son oxygène.
[11] Deux jours avant la date prévue du départ de Mme Tator, sa soeur, Faith Shumak-Dantowitz, a informé Air Transat qu'au cours de ses imminents voyages, Mme Tator nécessiterait une attention médicale et de l'oxygène.
[12] Mme Shumak-Dantowitz a tenté de faire des réservations à bord du même vol que sa soeur. Comme le vol était plein, on lui a conseillé de se rendre à l'aéroport de Toronto trois heures avant le vol, d'acheter un billet d'avion sans garantie pour elle-même et de prendre les arrangements nécessaires pour que sa soeur obtienne l'assistance requise. Le siège assigné à Mme Tator se situait dans la rangée 40 vers l'arrière de l'aéronef. Air Transat a initialement dirigé Mme Tator, avec son oxygène, vers le contrôle de sûreté, sans escorte de la compagnie aérienne, et ce, tant à l'aéroport de Toronto qu'à celui de Fort Lauderdale. Air Transat n'a pas fourni d'assistance à bord à Mme Tator avec son oxygène et aucune assistance avec fauteuil roulant ne lui a été fournie à l'aéroport de Fort Lauderdale. On a fourni de l'assistance avec fauteuil roulant à l'aéroport de Toronto, à partir de la porte d'embarquement jusqu'à l'entrée de l'aéronef.
[13] Bien que le billet de Mme Shumak-Dantowitz ait été sans garantie, elle a tout de même pu voyager à bord du même vol que sa soeur. Selon le manifeste de l'aéronef déposé par Air Transat, Mme Shumak-Dantowitz a pris place dans le siège F de la rangée 43.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[14] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle
[15] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent survenir dans les installations des fournisseurs de services de transport; ou découler de la conception du matériel ou de l'application de politiques, de procédures et de pratiques; ou résulter du fait que les fournisseurs de services de transport ne se conforment pas à ces dernières, ou encore qu'ils n'ont pas su prendre des mesures positives afin d'assurer leur respect, y compris le fait de ne pas avoir assuré la formation adéquate des employés et des agents contractuels.
[16] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi (prima facea) :
- qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
- que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
- que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.
[17] Il n'est pas nécessaire d'avoir connu des difficultés lors d'un voyage pour présenter une demande à l'Office en vertu de la partie V de la LTC. Ainsi, la conception d'installations ou de matériel, ou l'éventuelle mise en œuvre d'une politique est suffisante pour permettre à l'Office d'exercer sa compétence.
[18] L'Office a conclu dans des cas antérieurs qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité après leur retour parce que celles-ci avaient été endommagées pendant le transport. De plus, dans certains cas l'Office a conclu en la présence d'obstacles lorsque les personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais où les circonstances entourant l'expérience ont fait en sorte que les personnes ont été lésées dans leur sentiment de confiance et de sécurité, et dans leur dignité. L'Office a reconnu que de tels sentiments pouvaient faire en sorte que ces personnes seraient peu enclines à vouloir faire d'autres voyages et, par conséquent, avoir un effet négatif sur leurs déplacements.
Le cas présent
[19] L'Office examinera maintenant chacune des questions afin de déterminer si elles ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de Mme Tator.
1. Le siège assigné par Air Transat à Mme Tator a-t-il constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[20] L'Office accepte que Mme Shumak-Dantowitz ait tenté de prévenir Air Transat des besoins spéciaux de Mme Tator, en particulier de l'assistance dont elle aurait besoin au cours de son voyage entre Toronto et Fort Lauderdale. Bien que ce fait ne soit pas contesté par le transporteur, Air Transat indique que l'information nécessaire pour répondre aux besoins de Mme Tator avait été envoyée par télécopieur, mais aux mauvais numéros de télécopieur et que, par conséquent, Air Transat n'a jamais reçu la demande de besoins spéciaux, qui aurait dû être faite au même moment que les arrangements de voyage avec l'agent de voyage.
[21] Au moment de s'enregistrer à l'aéroport de Toronto plus de trois heures avant le départ du vol, Mme Tator a demandé un siège aisément accessible qui pourrait lui convenir et lui fournir suffisamment d'espace pour son oxygène. Le siège assigné à Mme Tator était situé dans la rangée 40 - presque à l'arrière de la cabine passager, exigeant ainsi de Mme Tator qu'elle se déplace, sans assistance, dans presque toute l'allée pendant que sa soeur attendait à l'aéroport la confirmation de son siège sans garantie. Mme Shumak-Dantowitz fait valoir que le siège assigné à sa soeur était trop loin pour qu'elle puisse s'y rendre sans oxygène, ce qui lui a occasionné une profonde détresse. En raison du temps qu'il a fallu à Mme Tator pour se rendre à son siège, elle a été physiquement malade à cause d'un manque d'oxygène. Mme Shumak-Dantowitz soutient qu'aucune raison valable ne justifie d'asseoir une personne faible complètement à l'arrière de l'aéronef et qu'il aurait été plus facile pour elle de se rendre à un siège à l'avant de l'aéronef, là où l'accès à la salle de toilettes en classe affaires est plus facile.
[22] Le transporteur indique que lorsque Mme Tator s'est enregistrée et qu'Air Transat a été mise au courant que Mme Tator avait des besoins spéciaux, Air Transat lui a assigné un siège qui, selon le transporteur, présentait de meilleures caractéristiques pouvant bénéficier à Mme Tator, compte tenu de ses besoins, c'est-à-dire le siège était situé près des toilettes, il offrait de l'espace sous le siège en avant d'elle pour entreposer ses bouteilles d'oxygène. En outre, la rangée 40 est plus près de la rangée 43 où les passagers sans garantie sont généralement installés.
[23] L'Office accepte que les difficultés que Mme Tator a connues pour se rendre au siège qu'on lui avait assigné, décrites par Mme Shumak Dantowitz, lui aient causé une détresse physique et émotionnelle en raison de la distance entre son siège et l'entrée de la cabine passager. L'Office estime, par conséquent, que le siège assigné à Mme Tator par Air Transat a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
2. Le niveau d'assistance fournie par Air Transat à Mme Tator aux aéroports et à bord de l'aéronef a-t-il constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[24] En ce qui a trait à cette question, Mme Shumak-Dantowitz a soulevé deux problèmes : le niveau d'assistance fournie par Air Transat à Mme Tator pour le transport de son oxygène au contrôle de sûreté dans les aéroports de Toronto et de Fort Lauderdale, et le niveau d'assistance offerte à Mme Tator avec son oxygène à bord de l'aéronef.
[25] En ce qui concerne le niveau d'assistance offerte à l'aéroport de Toronto, Mme Shumak-Dantowitz indique qu'elle et Mme Tator sont passées sans escorte aux douanes et au point de contrôle de sûreté pour le vol de Toronto vers Fort Lauderdale, et que Mme Tator était très perturbée lorsqu'on l'a informée qu'elle devait retourner au comptoir d'Air Transat puisque tous les passagers voyageant avec de l'oxygène doivent être escortés par le personnel de sécurité du transporteur. Mme Shumak-Dantowitz ajoute avoir vécu des problèmes semblables avant le départ du vol de retour à l'aéroport de Fort Lauderdale.
[26] Air Transat n'a pas répondu directement au point soulevé par Mme Shumak-Dantowitz voulant que le personnel d'Air Transat ait omis de les escorter au point de contrôle de sûreté même si, selon sa déclaration, « dans les administrations aéroportuaires tant aux É.-U. qu'au Canada, toute personne voyageant avec de l'oxygène DOIT être escortée au point de contrôle de sûreté » [traduction libre]. Air Transat fait valoir que les règles de Transports Canada permettent aux passagers de monter à bord avec un bagage à main chacun et qu'un passager qui nécessite de l'oxygène à bord peut généralement apporter une bouteille d'oxygène à bord, mais que plus d'une bouteille dépasserait les dispositions prescrites quant à la taille des bagages à main. Air Transat ajoute que les règles prévoient que les passagers qui nécessitent plusieurs bouteilles d'oxygène doivent être accompagnés par un passager pour chaque bouteille supplémentaire. Air Transat prétend que la raison pour laquelle on a empêché Mme Tator de passer au point de contrôle de sûreté de l'aéroport, est qu'elle portait avec elle trois bouteilles d'oxygène. Le transporteur n'a pas commenté l'incident semblable qui s'est produit à l'aéroport de Fort Lauderdale. Cependant, Air Transat affirme à cet égard que ses procédures et sa formation seront revues et adaptées au besoin, de façon à appliquer convenablement les règles de sécurité établies par Transports Canada.
[27] L'Office reconnaît que Mme Shumak-Dantowitz a cru que puisque Mme Tator apportait de l'oxygène, elle devait être escortée au point de contrôle de sûreté. L'Office reconnaît également qu'Air Transat semble croire que la raison pour laquelle Mme Tator a été obligée de retourner au comptoir d'Air Transat à l'aéroport de Toronto était qu'elle ne respectait pas la réglementation de Transports Canada. Il existe donc une divergence concernant la raison pour laquelle les agents au point de contrôle de sûreté ont obligé Mme Tator à retourner au comptoir d'Air Transat.
[28] Dans sa position à cet égard, Air Transat a déclaré que des règles gouvernent le passage des bagages à main au point de contrôle de sûreté. Étant donné que le transporteur était au courant que Mme Tator transportait son propre équipement d'oxygène et que des restrictions s'appliquaient au nombre de bagages à main, Air Transat aurait dû s'entretenir avec Mme Tator au moment de l'enregistrement et veiller à ce qu'elle respecte les règles de Transports Canada de manière à passer sans encombre au point de contrôle de sûreté.
[29] En ce qui a trait au niveau d'assistance à bord de l'aéronef, Mme Shumak-Dantowitz prétend qu'en plus de la télécopie envoyée à Air Transat le 15 février 2000, dans laquelle elle décrivait les besoins d'assistance de sa soeur, elle a également discuté de ces besoins au cours d'un entretien téléphonique avec un employé d'Air Transat. Mme Shumak-Dantowitz fait valoir que l'employé l'a informé que les agents de bord seraient capables de prêter assistance à sa soeur, advenant le cas où Mme Shumak-Dantowitz ne pourrait obtenir un siège à bord du même aéronef. L'employé a également encouragé Mme Shumak-Dantowitz à arriver à l'aéroport de Toronto trois heures avant le départ prévu du vol de façon à pouvoir s'inscrire sur une liste de passagers sans garantie et, à ce moment, informer le personnel de l'aéroport des besoins relatifs à la santé de sa soeur. Par ailleurs, les renseignements envoyés par Mme Shumak-Dantowitz par télécopieur ont été envoyés à un mauvais numéro de télécopieur, et la preuve avancée par Mme Shumak-Dantowitz ne fournit pas les détails du type d'assistance demandée aux agents de bord ou requise par ceux-ci.
[30] Mme Shumak-Dantowitz affirme que les agents de bord auraient dû aider sa soeur à se rendre à son siège et lui offrir de transporter les sacs contenant son oxygène. Cependant, personne n'a offert d'assistance à sa soeur et elle s'est débrouillée toute seule. Mme Shumak-Dantowitz soutient qu'une fois installée dans son siège, Mme Tator cherchait désespérément de l'oxygène, mais avant qu'elle ne puisse commencer à le prendre, un des membres de l'équipage l'en a empêchée lui indiquant que le pilote devait d'abord en être informé. Mme Shumak-Dantowitz indique qu'un membre de l'équipage lui a ensuite demandé qui allait aider Mme Tator et l'a avisée qu'il était impossible pour l'équipage de le faire. Mme Shumak-Dantowitz indique que le niveau d'assistance offerte à sa soeur par Air Transat et son personnel était inadéquat. Selon Mme Shumak-Dantowitz, Mme Tator a ressenti une profonde détresse, une grande vulnérabilité émotionnelle et physique et a eu peur de demander de l'assistance aux passagers à l'égard de ses besoins spécifiques.
[31] Air Transat fait valoir que « le personnel de cabine n'est ni formé ni tenu par la loi de fournir de l'assistance aux passagers ayant leur propre équipement d'oxygène thérapeutique ni de fournir des soins aux malades chroniques en cours de vol » [traduction libre]. Air Transat explique que son personnel est formé pour fournir l'oxygène d'urgence disponible à bord de l'aéronef, pour administrer les premiers soins et pour offrir de l'assistance à bord aux passagers ayant une déficience, conformément aux règlements fédéraux. Elle ajoute que son employé a fait erreur en suggérant que le personnel de cabine pouvait administrer l'oxygène thérapeutique à un malade chronique. Air Transat indique qu'elle traitera de cette question à l'interne et qu'elle veillera à ce que son personnel connaisse adéquatement les procédures quant à l'usage d'équipement d'oxygène personnel à bord d'un aéronef. Air Transat déclare regretter sincèrement les difficultés éprouvées par Mmes Shumak-Dantowitz et Tator et s'excuse profondément de la confusion qui a régné en raison de renseignements erronés.
[32] Mme Shumak-Dantowitz a tenté à plusieurs reprises d'informer Air Transat des besoins spéciaux de sa soeur en matière de déplacement. L'Office accepte qu'un employé d'Air Transat ait laissé entendre à Mme Shumak-Dantowitz que le transporteur fournirait l'assistance requise par sa soeur. L'Office accepte également que, malgré cette nouvelle assurance que le service serait fourni, aucune aide n'ait été apportée quant à l'escorte au point de contrôle de sûreté pas plus que pour le transport de l'oxygène de Mme Tator à bord de l'aéronef.
[33] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le fait qu'Air Transat n'ait pas fourni l'assistance nécessaire à Mme Tator, tant dans les deux aéroports qu'à bord du vol de Toronto vers Fort Lauderdale, a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
3. Le défaut de fournir à Mme Tator de l'assistance avec fauteuil roulant a-t-il constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[34] L'Office accepte la preuve de Mme Shumak-Dantowitz selon laquelle elle a informé l'agent de bord, avant leur arrivée à Fort Lauderdale, que Mme Tator aurait besoin d'assistance avec fauteuil roulant et qu'on a assuré à Mme Shumak-Dantowitz qu'il « n'y aurait pas de problème » [traduction libre]. Mme Shumak-Dantowitz déclare qu'aucun fauteuil roulant n'attendait Mme Tator au débarquement.
[35] Air Transat ne réfute pas le fait qu'un fauteuil roulant n'ait été mis à la disposition de Mme Tator à son arrivée à Fort Lauderdale et que ce manquement de la part de son personnel au sol est inacceptable.
[36] L'Office estime que le fait de ne pas avoir fourni d'assistance avec fauteuil roulant à Mme Tator a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de celle-ci.
Démarche de l'Office pour déterminer si l'obstacle est abusif
[37] Si l'Office conclut qu'un élément du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience, il doit par la suite déterminer si celui-ci est abusif, car ce n'est qu'à la suite d'une décision affirmative en ce sens qu'il peut enjoindre au fournisseur du service de transport de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.
[38] Ainsi, dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit établir que la source de l'obstacle :
- est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC;
- a été adoptée de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.
[39] Le fournisseur du service de transport doit démontrer que des efforts d'accommodement raisonnable ont été déployés, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il se soit vu imposer une contrainte excessive. Dans chaque cas, l'« accommodement raisonnable » varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Il faut également tenir compte de l'importance et du caractère répétitif ou permanent de l'obstacle et de l'incidence de celui-ci sur les personnes ayant une déficience et sur les considérations et les responsabilités d'ordre commercial et opérationnel du fournisseur de services.
[40] Dans la plupart des cas, plusieurs options s'offriront pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ou d'un groupe ayant les mêmes caractéristiques. Dans chaque cas, la meilleure option est celle qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral. Tout compte fait, l'accommodement raisonnable se traduira par la solution la plus convenable qui n'imposera pas de contrainte excessive au fournisseur du service de transport.
[41] Afin d'établir qu'il est soumis à une contrainte excessive, le fournisseur du service de transport doit démontrer qu'il a considéré et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle. À titre d'exemple de contraintes auxquelles sont soumis les fournisseurs de services visés et que l'Office pourrait examiner afin de déterminer si elles sont excessives, notons les suivantes : les questions structurales, de sécurité, d'ordre opérationnel, financier ou économique. Il peut également s'agir de mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et mettre en œuvre, d'horaires ou d'indicateurs qu'ils tentent de respecter pour des raisons commerciales, de la configuration du matériel et d'incidences d'ordre économique qu'entraînerait l'adaptation des services. Ces contraintes peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience, car elles pourraient ne pas être en mesure de voyager avec leur propre fauteuil roulant, être obligées d'arriver à l'aérogare plus tôt pour l'embarquement, et devoir attendre plus longtemps que les personnes n'ayant pas de déficience pour obtenir de l'assistance au débarquement.
[42] Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des contraintes auxquelles les fournisseurs de services de transport sont soumis dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Un équilibre doit cependant être établi entre les diverses responsabilités de ces fournisseurs de services et le droit des personnes ayant une déficience de voyager sans rencontrer d'obstacle. C'est dans la recherche de cet équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.
Le cas présent
1. Le siège assigné par Air Transat à Mme Tator a-t-il constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement?
[43] Ayant déterminé que le siège assigné à Mme Tator a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif. Il incombe à Air Transat de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'elle ne pouvait pas répondre aux besoins de Mme Tator sans se voir imposer une contrainte excessive.
[44] L'accessibilité du réseau de transport fédéral signifie que chaque étape du cycle de transport, qui englobe plusieurs éléments pertinents, doit être accessible et permettre à une personne ayant une déficience de voyager d'un point A à un point B utilisant un mode de transport public sans être confrontée à des obstacles abusifs. L'échange entre les parties de renseignements clairs et précis en matière d'accessibilité pendant la réservation et le jour même du voyage, y compris les renseignements sur les politiques et les procédures pertinentes du transporteur, et la fourniture d'un niveau approprié d'assistance à l'embarquement et au débarquement de l'aéronef, sont des éléments importants de l'expérience des transports des personnes ayant une déficience et font partie intégrante du réseau fédéral de transport.
[45] La première question à l'étude est de savoir si la source de l'obstacle est rationnellement liée à un objectif légitime. L'Office reconnaît qu'Air Transat a adopté des politiques et des procédures pour améliorer l'accessibilité de ses services pour ses passagers ayant une déficience. Par conséquent, l'Office accepte que l'objectif d'Air Transat d'assurer l'accessibilité de ses services soit rationnellement lié à son rôle public de transporteur en tant que fournisseur de services de transport aérien.
[46] La deuxième question à l'étude est de savoir si la politique d'Air Transat consistant à fournir des services et de l'équipement accessibles a été adoptée de bonne foi. L'Office est convaincu qu'Air Transat avait pour seul motif celui d'offrir un transport accessible à ses passagers et estime donc qu'Air Transat a adopté de bonne foi ses politiques et ses procédures.
[47] La troisième question consiste à déterminer si les normes d'accessibilité fixées par Air Transat sont raisonnablement nécessaires à l'atteinte de son objectif. Pour satisfaire à cette exigence, Air Transat doit démontrer qu'elle n'aurait pas pu répondre aux besoins de Mme Tator sans se voir imposer une contrainte excessive. Dans sa réponse à la demande, Air Transat a indiqué que l'agent de voyage aurait dû remplir un formulaire de « Demande de besoins spéciaux » au moment des arrangements de voyage de Mme Tator. Le transporteur a déclaré que les professionnels du tourisme savent que de telles demandes de services doivent être acheminées aux services de soutien des passagers à Mirabel (Québec). Malgré le fait que Mme Tator ait effectué sa réservation par l'intermédiaire d'un agent de voyage, aucune preuve au dossier ne confirme que Mme Tator a été informée au moment des arrangements qu'une telle demande écrite devait être faite ou que le formulaire approprié avait été déposé en son nom auprès du transporteur.
[48] Mme Shumak-Dantowitz indique que la lettre portant sur l'état de la santé de sa soeur a été envoyée par télécopieur à au moins deux numéros différents fournis par des représentants du service à la clientèle d'Air Transat et qu'elle a fait plusieurs appels téléphoniques et envoyé des courriels. Elle se demande pourquoi on ne lui a jamais parlé du formulaire en question au cours de toutes ses conversations avec le personnel d'Air Transat. Cependant, aucune preuve au dossier ne permet de déterminer que les besoins de Mme Tator ont été clairement communiqués à Air Transat avant la date du voyage. La lettre de Mme Shumak-Dantowitz à Air Transat établissait uniquement que sa soeur avait besoin d'assistance médicale, d'oxygène et qu'elle avait une obstruction aux poumons, en raison d'un cancer en phase terminale. La lettre ne contenait aucun autre renseignement concernant les besoins de sa soeur et ne faisait état d'aucune demande d'assistance précise, y compris l'assignation d'un siège en particulier.
[49] Mme Shumak-Dantowitz et sa soeur sont toutes deux de grandes voyageuses. De fait, Mme Shumak-Dantowitz a déclaré qu'elle faisait jusqu'à huit voyages par année et que sa soeur se rendait en Floride tous les ans. Dans le cas présent où, a) le siège assigné à Mme Tator était situé dans la rangée 40; b) Mme Shumak-Dantowitz connaissait bien les troubles respiratoires de Mme Tator; et c) Mme Shumak-Dantowitz voyageait souvent. À tout le moins, Mmes Tator et Shumak-Dantowitz auraient donc pu l'une ou l'autre questionner l'assignation à Mme Tator d'un siège dans la rangée 40 en raison de son éloignement de l'entrée de la cabine passagers. Seules Mmes Shumak-Dantowitz et Tator étaient en mesure de déterminer que la distance devant être parcourue par Mme Tator pour atteindre son siège aurait été trop exigeante pour elle. Or, rien n'indique que Mmes Tator et Shumak-Dantowitz ont informé Air Transat que Mme Tator pourrait éprouver des difficultés à se rendre à un siège dans la rangée 40. De plus, rien au dossier n'indique qu'une fois à bord de l'aéronef, Mme Tator a fait part de ses inquiétudes au personnel du transporteur quant à la distance la séparant de son siège, avant de s'y rendre ou pendant qu'elle s'y rendait.
[50] L'Office reconnaît que selon Mme Shumak-Dantowitz, le choix du siège par Air Transat pour sa soeur était peut-être inadéquat. Toutefois, l'Office accepte que le choix du siège par Air Transat ne soit pas arbitraire, mais qu'il soit fondé sur l'évaluation des renseignements dont disposait Air Transat au moment d'assigner le siège. Air Transat explique que le siège dans la rangée 40 comportait de meilleures et nombreuses caractéristiques pour Mme Tator telles que : a) la proximité des toilettes, ce qui aurait demandé moins d'efforts physiques de la part de Mme Tator pour s'y rendre en cours de vol; b) la fourniture d'un grand espace en dessous du siège avant pour y entreposer les bouteilles d'oxygène de Mme Tator, puisque la rangée ne comptait que deux sièges dans la section en question; et c) la courte distance séparant la rangée 40 de la rangée 43, où se trouvent généralement les sièges assignés aux passagers sans garantie, et donc la proximité du siège assigné à sa soeur, dans la mesure du possible.
[51] L'Office reconnaît que la mesure d'accommodement idéale dans le cas de Mme Tator aurait consisté en l'assignation d'un siège près de la porte d'entrée de la cabine passagers, ce qui aurait nécessité de sa part moins d'efforts et d'énergie pour se rendre à son siège. Toutefois, comme on l'a indiqué précédemment, Air Transat n'avait aucunement été informée de la possible difficulté qu'aurait pu connaître Mme Tator en raison de la distance séparant l'entrée de la cabine passagers et son siège situé presque à l'arrière de l'aéronef. De plus, au moment de l'incident, Mme Tator n'a soulevé aucune objection quant à l'emplacement de son siège. Dans les circonstances, l'Office détermine qu'Air Transat a offert le siège qui répondait le mieux aux besoins de Mme Tator. Au moment de l'assignation des sièges, Air Transat : a) a respecté la dignité de Mme Tator; b) s'en est remis raisonnablement à la responsabilité de Mme Tator de faire connaître ses besoins; c) a satisfait à ses besoins (énumérés ci-dessus) en fournissant l'accommodement qu'Air Transat considérait être le meilleur pour elle; et d) a tenu à accorder à Mme Tator le plus grand niveau d'autonomie possible en lui assignant un siège à proximité des toilettes et près de la rangée où sa soeur pourrait être assise. De plus, Air Transat n'a reçu aucune objection quant à l'emplacement du siège de Mme Tator ni avant ni pendant l'embarquement.
[52] L'Office estime donc que le siège assigné à Mme Tator n'a pas constitué d'obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
2. Le niveau d'assistance fournie par Air Transat à Mme Tator aux aéroports et à bord de l'aéronef a-t-il constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement?
[53] Ayant déterminé que le niveau d'assistance offerte à Mme Tator par Air Transat a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.
[54] Comme il a été exposé dans la précédente section concernant la première question, l'Office accepte que l'objectif d'Air Transat de fournir des services de transport accessibles soit rationnellement lié à son rôle de fournisseur de services de transport public et que les politiques et procédures connexes du transporteur aient été adoptées de bonne foi.
[55] Le dernier point à examiner relativement à cette affaire consiste à savoir si les normes d'accessibilité d'Air Transat sont raisonnablement nécessaires à l'atteinte de cet objectif. Afin de satisfaire à cette exigence, Air Transat doit démontrer qu'elle n'aurait pas pu répondre aux besoins de Mme Tator sans se voir imposer une contrainte excessive.
[56] Comme il en a été question précédemment, l'échange entre les parties de renseignements clairs et précis en matière d'accessibilité au cours de la réservation et le jour même du voyage, y compris les renseignements sur les politiques et les procédures pertinentes du transporteur et la fourniture d'un niveau approprié d'assistance à l'embarquement et au débarquement de l'aéronef, sont des éléments importants de l'expérience des transports des personnes ayant une déficience et font partie intégrante du réseau fédéral de transport.
[57] Selon la preuve au dossier, l'Office conclut à une importante lacune sur le plan de l'échange d'informations entre les parties, ce qui a contribué à la profonde détresse et au stress émotionnel ressentis par Mme Tator aux deux aéroports et à bord du vol de Toronto vers Fort Lauderdale.
[58] En ce qui concerne la question reliée à l'assistance à l'aéroport de Toronto, la solution idéale aurait comporté plusieurs facettes. Air Transat aurait d'abord dû exposer à Mme Tator les règles de Transports Canada concernant les bagages à main et le transport d'oxygène. En outre, le personnel d'Air Transat aurait dû offrir promptement d'aider Mme Tator aux aéroports de Toronto et de Fort Lauderdale en l'escortant et en transportant les bouteilles d'oxygène aux douanes et au point de contrôle de sûreté. Toutefois, tel n'a pas été le cas et il est évident pour l'Office qu'un tel manque d'assistance a grandement contribué à l'inconfort et à la détresse ressentis par Mme Tator. L'Office estime donc qu'Air Transat n'a pas offert l'accommodement le plus approprié dans les circonstances et n'a pas démontré que la fourniture d'un telle mesure d'accommodement lui aurait imposé une contrainte excessive.
[59] En ce qui concerne le niveau d'assistance fournie à Mme Tator par le personnel d'Air Transat à bord de l'aéronef, le transporteur n'a pas contesté la déclaration de Mme Shumak-Dantowitz selon laquelle aucune assistance n'a été offerte à Mme Tator avec son oxygène une fois à bord de l'aéronef. De fait, Air Transat a fait valoir que le personnel de cabine n'est ni formé ni tenu par la loi de fournir de l'assistance aux passagers ayant leur propre équipement d'oxygène thérapeutique ni de fournir des soins aux malades chroniques en cours de vol.
[60] La preuve révèle qu'avant le vol, des membres du personnel d'Air Transat ont fait savoir à Mme Tator que de l'assistance lui serait fournie. Cependant, une fois à bord de l'aéronef, on l'a informé que le personnel de cabine n'était pas en mesure de lui prêter assistance. Par contre, Mme Shumak-Dantowitz n'a pas fourni de détails concernant le type d'assistance demandée ou requise des agents de bord. Il n'est donc pas clair que le personnel d'Air Transat ait indiqué que de l'assistance serait offerte à Mme Tator avec son équipement d'oxygène personnel. De plus, Air Transat ajoute que toute déclaration qui aurait pu être faite par son personnel à ce sujet était erronée. Pour cette raison, Air Transat indique que cette affaire sera réglée à l'interne et que le personnel sera informé adéquatement des procédures en matière de transport et d'utilisation d'équipement d'oxygène personnel à bord d'un aéronef. Air Transat s'est également excusée de toute la confusion que cela a pu occasionner à Mme Shumak-Dantowitz et à sa soeur.
[61] En ce qui a trait à la question d'assistance à l'embarquement, l'Office reconnaît que la mesure d'accommodement idéale dans le cas de Mme Tator aurait été pour le personne de cabine d'Air Transat de lui offrir de l'aide pour transporter son oxygène. Air Transat indique que son personnel de cabine n'est pas formé ni disposé à offrir de l'aide pour utiliser l'équipement d'oxygène personnel d'un passager. Selon Mme Shumak-Dantowitz, la difficulté ne résidait pas en l'utilisation de l'oxygène, mais plutôt en l'absence d'assistance pour le transporter. Elle maintient que les agents de bord auraient dû accompagner Mme Tator jusqu'à son siège et lui offrir de transporter ses sacs contenant l'oxygène. Air Transat connaissait la situation de Mme Tator avant le vol, les facteurs qu'Air Transat dit avoir évalués avant de lui assigner un siège dans la rangée 40 en fait foi. Qui plus est, la preuve au dossier révèle que Mme Tator a été informée par le personnel d'Air Transat avant le départ de son vol que de l'assistance lui serait fournie. Cependant, Air Transat n'a pas clairement indiqué quelle assistance serait fournie à la passagère, et aucune assistance n'a été fournie à Mme Tator pour le transport de son oxygène au moment de l'embarquement. Par conséquent, l'Office estime qu'Air Transat n'a pas offert l'accommodement le plus approprié dans les circonstances et n'a pas démontré que la fourniture d'une telle mesure d'accommodement lui aurait imposé une contrainte excessive.
[62] L'Office détermine donc que le défaut de fournir de l'assistance à Mme Tator aux aéroports de Toronto et de Fort Lauderdale de même qu'au cours du vol de Toronto vers Fort Lauderdale a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
3. Le défaut de fournir à Mme Tator de l'assistance avec fauteuil roulant a-t-il constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement?
[63] Ayant déterminé que le défaut de fournir à Mme Tator de l'assistance avec fauteuil roulant a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.
[64] Comme il a été exposé dans les précédentes sections concernant la première et la deuxième questions, l'Office accepte que l'objectif d'Air Transat de fournir des services de transport accessibles soit rationnellement lié à son rôle de fournisseur de services de transport public et que les politiques et procédures connexes du transporteur aient été adoptées de bonne foi.
[65] Par conséquent, le dernier point à examiner concernant cette troisième question consiste à savoir si les normes d'accessibilité d'Air Transat sont raisonnablement nécessaires à l'atteinte de cet objectif. Afin de satisfaire à cette exigence, Air Transat doit démontrer qu'elle n'aurait pas pu fournir les accommodements nécessaires à Mme Tator sans se voir imposer une contrainte excessive.
[66] L'Office reconnaît depuis longtemps l'importance que revêtent les services offerts aux personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent par avion et, depuis 1994, les transporteurs aériens qui exploitent des services intérieurs sont tenus de leur fournir des services uniformes. La partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (le RTA) fixe les conditions applicables au transport des personnes ayant une déficience. Le RTA exige des transporteurs qu'ils fournissent aux personnes ayant une déficience les services qui leur sont demandés au moins 48 heures à l'avance, comme l'assistance pour se rendre à l'aire d'embarquement. Selon le RTA, les transporteurs aériens sont également tenus de déployer des efforts raisonnables pour fournir les services requis lorsqu'ils sont demandés moins de 48 heures avant le départ du vol.
[67] Bien que l'Office reconnaisse que le RTA s'applique uniquement aux voyages intérieurs, les principes qui y sont rattachés s'appliquent également aux voyages internationaux.
[68] L'Office reconnaît que la demande d'assistance avec fauteuil roulant à l'aéroport de Fort Lauderdale n'a été formulée qu'au cours du vol de Toronto vers Fort Lauderdale. Toutefois, l'Office reconnaît également que, deux jours avant le voyage, Mme Shumak-Dantowitz a tenté d'informer Air Transat que sa soeur avait des besoins en matière d'accessibilité. De plus, comme des fauteuils roulants sont généralement disponibles dans les aéroports, la fourniture d'assistance avec fauteuil roulant ne nécessite vraisemblablement pas beaucoup de préparation.
[69] Bien qu'Air Transat soit d'accord que le défaut de fournir de l'assistance avec fauteuil roulant soit inacceptable, elle explique que de tels services à plusieurs destinations internationales desservies par Air Transat sont fournis en son nom par des entreprises avec lesquelles un contrat a été passé.
[70] L'Office reconnaît que la mesure d'accommodement raisonnable dans le cas de Mme Tator aurait consisté en la disponibilité d'un fauteuil roulant pour ses besoins à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Fort Lauderdale. Or, cela n'a pas été le cas, et Air Transat a admis qu'une telle situation était inacceptable. Par conséquent, l'Office estime qu'Air Transat n'a pas offert à Mme Tator la mesure d'accommodement raisonnable requise. L'Office estime également qu'Air Transat n'a pas réussi à démontrer que la fourniture de l'assistance demandée lui aurait imposé une contrainte excessive.
[71] L'Office estime donc que le défaut de fournir de l'assistance avec fauteuil roulant à Mme Tator à l'aéroport de Fort Lauderdale a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
[72] L'Office a déterminé que bien que le siège assigné à Mme Tator à bord du vol de Toronto vers Fort Lauderdale ait constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Tator, ce dernier n'était pas abusif.
[73] L'Office estime que le niveau de service fourni à Mme Tator par Air Transat pour le transport de son oxygène au point de contrôle de sûreté puis à bord de l'aéronef a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Toutefois, à la lumière de la confirmation d'Air Transat que cette affaire serait réglée à l'interne et que le personnel serait avisé adéquatement des procédures en matière de transport et d'utilisation d'équipement d'oxygène personnel à bord d'un aéronef, aucune mesure corrective ne sera exigée.
[74] Dans le même ordre d'idées, l'Office conclut que le défaut de fournir de l'assistance avec fauteuil roulant à Mme Tator à l'aéroport de Fort Lauderdale a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Air Transat fait valoir que les entreprises qui fournissent de tels services en son nom sont liées par contrat et doivent assurer le respect des normes de service d'Air Transat, en toutes circonstances. Air Transat déclare qu'elle a mis l'entreprise au courant des problèmes dans le cas présent et qu'elle exigera une nette amélioration de la qualité du service. L'Office accepte qu'Air Transat ait pris les mesures nécessaires pour assurer une amélioration des services à l'avenir et, par conséquent, aucune mesure corrective ne sera exigée.
Membres
- Beaton Tulk
- Raymon J. Kaduck
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