Décision n° 17-AT-C-A-2018

le 2 mars 2018

DEMANDE présentée par James Korchinski contre WestJet en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC), concernant ses besoins liés à sa déficience, et en vertu du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA).

Numéro de cas : 
17-03437

RÉSUMÉ

[1] M. Korchinski allègue qu’il a éprouvé des difficultés après un vol de WestJet le 18 janvier 2017, concernant l’assistance avec fauteuil roulant. M. Korchinski demande qu’on l’autorise à utiliser un fauteuil roulant pour répondre à ses besoins liés à sa déficience, que WestJet soit tenue de lever l’interdiction de voyager d’une durée d’un an qui lui a été imposée, et que WestJet lui présente des excuses.

[2] WestJet se questionne à savoir si M. Korchinski est une personne ayant une déficience et indique que d’une façon ou d’une autre, il a obtenu un fauteuil roulant après un bref délai. Elle fait valoir que l’interdiction de voyager imposée à M. Korchinski est justifiée et conforme à son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 518 (tarif).

[3] L’Office des transports du Canada (Office) se penchera sur les questions suivantes :

  1. M. Korchinski est-il une personne ayant une déficience?
  2. Si oui, M. Korchinski a-t-il rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement en ce qui a trait à la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant par WestJet?
  3. WestJet a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 30(A)(6), 30(B)(2), (3), (4) et 30(C)(5) de son tarif, conformément au paragraphe 110(4) du RTA, concernant l’interdiction de voyager d’une durée d’un an qu’elle a imposée à M. Korchinski? Si WestJet n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quels recours, le cas échéant, sont à la disposition de M. Korchinski?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que M. Korchinski est une personne ayant une déficience, mais qu’il n’a pas rencontré d’obstacle à ses possibilités de déplacement. L’Office conclut également que WestJet a correctement appliqué les conditions de son tarif en ce qui a trait à l’interdiction de voyager pendant un an.

CONTEXTE

[5] Le 18 janvier 2017, M. Korchinski a voyagé d’Edmonton (Alberta), Canada, à Phoenix, Arizona, États-Unis d’Amérique. Il a eu de la difficulté à l’aéroport international Sky Harbor de Phoenix (aéroport de Phoenix) à obtenir le fauteuil roulant qu’il avait demandé avant son voyage. M. Korchinski s’est ensuite vu imposer une interdiction de prendre des vols de WestJet pendant un an.

[6] M. Korchinski demande que l’interdiction de voyager soit levée, qu’on l’autorise à utiliser une aide à la mobilité, et que WestJet lui présente des excuses.

[7] La demande a été reçue le 12 juillet 2017. L’Office a demandé à M. Korchinski de fournir des renseignements supplémentaires, ce qu’il a fait le 18 août 2017. Le 2 novembre 2017, l’Office a ordonné à M. Korchinski de remplir un formulaire d’évaluation visant à déterminer une déficience. M. Korchinski a refusé, mais a plus tard déposé plusieurs présentations concernant la nature de sa déficience, y compris le formulaire d’évaluation demandé.

[8] Les actes de procédure de ce cas ont été fermés le 15 janvier 2017.

LA LOI

[9] Comme il est indiqué ci-dessus, la demande de M. Korchinski porte sur une question d’accessibilité; il affirme avoir rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, et avoir éprouvé un problème lié au tarif, puisqu’il allègue que WestJet n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[10] La partie de sa demande qui porte sur sa déficience a été déposée en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, qui prévoit ce qui suit :

Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[11] L’Office applique une procédure particulière en trois parties pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience.

[12] Partie 1 : D’abord, l’Office se penchera sur la question de savoir si M. Korchinski, ou la personne au nom de qui la demande est déposée, est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC.

[13] Partie 2 : S’il est déterminé que M. Korchinski, ou la personne au nom de qui la demande est déposée, est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, l’Office déterminera s’il a rencontré un obstacle. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, ou une structure physique qui a pour effet de refuser à une personne un accès égal aux services accessibles à d’autres passagers dans le réseau de transport fédéral.

[14] Partie 3 : S’il est déterminé que M. Korchinski est une personne ayant une déficience aux fins de la partie IV de la LTC, et qu’il a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement, l’Office évalue la question de savoir si le défendeur peut, sans se voir imposer une contrainte excessive, éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique concernée, ou encore, s’il n’est pas possible d’apporter une telle modification, en mettant en place une mesure d’accommodement;

[15] La partie de la demande de M. Korchinski qui porte sur l’application du tarif a été déposée en vertu du paragraphe 110(4) du RTA, qui exige que le transporteur qui exploite un service international applique les conditions énoncées dans son tarif.

[16] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[17] La règle 30(A)(6) du tarif de WestJet porte sur la conduite ou le comportement d’un passager :

[traduction]

Le transporteur peut imposer des sanctions s’il sait ou a raison de croire que le comportement d’une personne à bord d’un aéronef du transporteur, d’un autre transporteur ou dans l’aérogare peut avoir nui ou nuire à la sécurité, au confort ou à la santé de la personne, des passagers, des employés ou agents du transporteur, de l’équipe de vol, de l’appareil ou de l’exploitation sécuritaire de l’aéronef du transporteur (conduite inacceptable).

[18] Les règles 30(B)(2), (3) et (4) renferment des exemples de conduites interdites qui pourraient amener le transporteur à refuser de transporter un passager :

[traduction]

2. comportement belligérant, libertin ou obscène envers un passager ou un employé ou un agent du transporteur;

3. menace, harcèlement, intimidation, agression ou blessure à l’endroit d’un passager, d’un employé ou d’un agent du transporteur;

4. altération de l’aéronef ou dommage volontairement causé à celui-ci, son équipement ou toute autre propriété du transporteur;

[19] La règle 30(C)(5) porte sur les sanctions que le transporteur peut imposer à une personne qui se voit refuser le transport :

[traduction]

5. refus ponctuel de transporter la personne, pour une période indéterminée ou en permanence, selon la décision du transporteur.

M. KORCHINSKI EST-IL UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE?

Positions des parties

POSITION DE M. KORCHINSKI

[20] M. Korchinski fait valoir qu’il manque de coordination, qu’il a une déficience aux membres supérieurs, et qu’il a droit à un fauteuil roulant. Dans sa demande, qu’il a déposée le 12 juillet 2017, il indique avoir une invalidité affectant ses possibilités de déplacement. Dans la présentation subséquente du 18 août 2017, il est indiqué que M. Korchinski a besoin d’un fauteuil roulant en raison d’une déficience aux membres supérieurs.

[21] Pour soutenir sa demande, M. Korchinski a présenté des preuves médicales, y compris un rapport de laboratoire et des lettres de ses médecins. Les preuves médicales, dont la plupart portent une date ultérieure à l’incident avec WestJet, montrent que M. Korchinski a un problème chronique aux membres supérieurs et une mobilité réduite au niveau des genoux. Dans une lettre de Dr Javier Escamilla Penagos, médecin au Mexique, il est recommandé que M. Korchinski utilise un chariot ou un fauteuil roulant pour éviter de lever ou de transporter ses bagages.

[22] Dans le formulaire d’évaluation visant à déterminer une déficience, qui semble avoir été rempli le 30 novembre 2017 par M. Korchinski lui-même, il est indiqué qu’il manque de coordination et qu’il utilise un chariot ou un fauteuil roulant comme aide à la mobilité au quotidien.

POSITION DE WESTJET

[23] S’appuyant sur la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la santé pour mener son analyse, WestJet n’est pas d’accord que le demandeur est une personne ayant une déficience. WestJet affirme que :

  • La CIF définit l’invalidité comme une perte ou une anomalie d’une partie du corps (c.-à-d. d’une structure), ou une perte ou un écart d’une fonction de l’organisme (c.-à-d. d’une fonction physiologique).
  • Le modèle de déficience de la CIF définit la limitation d’activité comme une difficulté qu’une personne peut éprouver dans l’exécution d’une activité.
  • La restriction de participation est définie par la CIF comme étant un problème qu’une personne peut éprouver dans des situations de vie réelles.

[24] WestJet soutient que le demandeur ne répond à aucun des trois critères de la CIF.

[25] Selon WestJet, dans la preuve médicale de M. Korchinski, dont certains documents portent une date ultérieure à l’incident avec WestJet, il n’est pas expliqué si les problèmes de santé de M. Korchinski lui causent une perte ou un écart d’une fonction de son corps. WestJet indique qu’il n’y a qu’une exception, soit celle concernant une mobilité réduite au niveau des genoux. WestJet affirme toutefois que cela ne semble pas être pertinent à la question devant l’Office, car dans la demande initiale de M. Korchinski, seul la question des membres supérieurs est abordée.

[26] WestJet remet également en question la crédibilité de la preuve de M. Korchinski. Selon WestJet, des vidéos et des photos de la page Facebook de M. Korchinski où on le voit pêcher donnent à penser qu’il n’a pas d’invalidité ni de limitation d’activité. WestJet indique que la lettre de Dr Penagos utilise une formulation semblable à celle qu’on retrouve dans la demande de M. Korchinski. WestJet se demande si le contenu de la lettre et les recommandations ont été librement fournis par le médecin. Néanmoins, WestJet explique que la lettre n’explique pas quelles limitations d’activité les mesures d’accommodement recommandées permettraient de surmonter. WestJet soutient que l’Office ne devrait pas accorder de poids à cette lettre.

[27] Finalement, WestJet indique que la preuve de M. Korchinski ne démontre aucune restriction de participation, car il n’y est pas indiqué pourquoi le fait de pousser ses bagages dans un fauteuil roulant est nécessaire, alors que de les tirer serait probablement moins difficile.

RÉPLIQUE DE M. KORCHINSKI

[28] Dans sa réplique, M. Korchinski indique avoir une déficience de naissance au niveau des genoux. M. Korchinski explique également que la pêche est une passion pour lui et que sa déficience lui nuit dans son activité. Il fait valoir qu’il utilise des médicaments contre la douleur pour pouvoir pêcher, mais qu’il ne veut pas en prendre lorsqu’ils voyagent parce qu’il a droit à un accommodement, rendant ainsi la médication inutile.

Analyse et déterminations

[29] Lorsque l’Office a utilisé la CIF dans le passé, il s’est généralement fié au seuil minimum pour évaluer une invalidité, particulièrement devant la preuve d’un médecin qui pose un diagnostic sur un ou plusieurs états de santé.

[30] Les preuves médicales de M. Korchinski montrent qu’il a un problème aux membres supérieurs et une mobilité réduite au niveau des genoux. Même si ces problèmes de santé ont été soulevés après l’incident avec WestJet, la preuve montre qu’ils sont chroniques. L’Office conclut donc que M. Korchinski avait une invalidité au moment de l’incident avec WestJet.

[31] Ayant conclu que le demandeur a une invalidité, l’Office doit déterminer si M. Korchinski a une limitation d’activité pour pouvoir déterminer s’il est incapable d’effectuer certaines activités lorsqu’il n’a pas une certaine forme d’assistance.

[32] Dr Penagos recommande dans sa lettre que M. Korchinski évite de lever ou de transporter ses bagages. Même si une vidéo de lui en train de pêcher pourrait soulever quelques doutes à ce propos, M. Korchinski laisse entendre que la pêche est sa passion, et que pour s’adonner à son activité, il est prêt à risquer des blessures et à prendre des médicaments contre la douleur, mais qu’il n’est pas disposé à faire la même chose lorsqu’il se déplace dans le réseau de transport fédéral. L’Office conclut que la lettre de Dr Penagos suffit pour établir qu’il a la limitation d’activité décrite, même si, à l’occasion, il pourrait ne pas être limité à ce point.

[33] En ce qui a trait à la mobilité réduite au niveau des genoux de M. Korchinski, peu de preuves donnent à penser qu’elle entraîne une limitation d’activité distincte de celle décrite ci-dessus. Dr Penagos recommande que M. Korchinski utilise un chariot ou un fauteuil roulant, mais la recommandation concerne la réduction du stress provenant du transport des bagages. Cela laisse croire que le chariot ou le fauteuil roulant ne sert pas d’aide à la mobilité, mais plutôt d’assistance pour le transport de bagages.

[34] En ce qui a trait à la restriction de participation, le demandeur risque de la douleur et des blessures, sauf si on lui fournit une assistance pour ses bagages. En conséquence, l’Office conclut que le demandeur fait face à une restriction de participation, sauf si, pour répondre à ses besoins liés à sa déficience, on lui fournit de l’assistance pour transporter ses bagages.

[35] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que M. Korchinski est une personne ayant une déficience, et qu’il a besoin d’un accommodement sous forme d’aide au transport des bagages.

SI OUI, M. KORCHINSKI A-T-IL RENCONTRÉ UN OBSTACLE À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT EN CE QUI A TRAIT À LA FOURNITURE D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT PAR WESTJET?

Positions des parties

POSITION DE M. KORCHINSKI

[36] M. Korchinski fait valoir qu’on a refusé de lui fournir un fauteuil roulant auquel il a droit du fait qu’il est une personne ayant une déficience. M. Korchinski a présenté une preuve vidéo pour appuyer sa position. La preuve montre que M. Korchinski est sorti de l’aéronef à son arrivée à l’aéroport de Phoenix, et a immédiatement été accueilli par une préposée qui l’attendait avec un fauteuil roulant. M. Korchinski a placé ses bagages de cabine dans le fauteuil roulant, et a dit : [traduction] « allons‑y s’il vous plaît ». La préposée a expliqué qu’elle poussait des personnes, non pas des bagages. Elle a tenté de communiquer avec un superviseur à la demande de M. Korchinski. Ce dernier est ensuite retourné vers l’aéronef et a discuté avec un pilote qui a ensuite poussé en haut de la passerelle d’embarquement le fauteuil roulant dans lequel M. Korchinski avait mis ses bagages. Après une brève discussion en haut de la passerelle, on a permis à M. Korchinski de prendre le fauteuil roulant.

POSITION DE WESTJET

[37] WestJet indique qu’au début, elle n’a pas permis à M. Korchinski d’utiliser le fauteuil roulant de la façon dont il l’entendait, mais qu’elle ne lui a pas refusé l’aide à la mobilité. Selon WestJet, M. Korchinski n’a pas expliqué qu’il avait eu l’intention d’utiliser le fauteuil roulant pour ses bagages. En conséquence, la préposée s’attendait à fournir l’assistance à M. Korchinski en poussant le fauteuil roulant dans lequel il serait assis. WestJet indique que le transport de bagages dans un fauteuil roulant est une utilisation inappropriée d’une aide à la mobilité. WestJet affirme que malgré ce qui précède, M. Korchinski a obtenu la permission de prendre le fauteuil roulant et de l’utiliser pour pousser ses bagages.

[38] WestJet indique que les propres actions de M. Korchinski ont été la cause des difficultés qu’il a rencontrées.

Analyse et déterminations

[39] M. Korchinski affirme avoir le droit d’utiliser une aide à la mobilité puisqu’il est une personne ayant une déficience. L’Office note toutefois que cela ne cadre pas avec ce qu’indique la législation sur les droits de la personne, c.-à-d. que les personnes ayant une déficience ont droit à une mesure d’accommodement qui répond à leurs besoins liés à leur déficience.

[40] La preuve montre qu’en raison de sa déficience, M. Korchinski a besoin d’assistance pour le transport de ses bagages, et non qu’on lui fournisse un fauteuil roulant. Le demandeur pourrait vouloir utiliser un fauteuil roulant, mais il n’a pas expliqué pourquoi cet accommodement particulier répondrait à ses besoins, mais pas un chariot à bagages ou une assistance fournie par le personnel pour transporter ses bagages. De plus, comme le fait valoir WestJet, l’utilisation d’un fauteuil roulant pour une assistance avec les bagages est une mauvaise utilisation de l’aide à la mobilité.

[41] Durant l’incident avec WestJet, la préposée était disposée à fournir l’assistance avec fauteuil roulant, mais elle a été prise de court, à juste titre, par ce qui lui a semblé être une mauvaise utilisation d’une aide à la mobilité. Il y a eu une certaine confusion au début, causée non pas par la préposée, mais bien par M. Korchinski qui a demandé un fauteuil roulant même si, en fait, il avait besoin d’assistance avec ses bagages. De plus, ce n’est qu’après un court délai qu’on a autorisé M. Korchinski à prendre le fauteuil roulant. En conséquence, il semble que la seule difficulté que M. Korchinski ait rencontrée ait été la confusion initiale, qui n’a pas été causée par WestJet. Par conséquent, l’Office conclut que M. Korchinski n’a pas rencontré d’obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

WESTJET A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS LES RÈGLES 30(A)(6), 30(B)(2), (3), (4) ET 30(C)(5) DE SON TARIF, CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 110(4) DU RTA, CONCERNANT L’INTERDICTION DE VOYAGER D’UNE DURÉE D’UN AN QU’ELLE A IMPOSÉE À M. KORCHINSKI?

Positions des parties

POSITION DE M. KORCHINSKI

[42] Le demandeur indique que l’interdiction de voyager pendant un an que WestJet lui a imposée vise sa déficience, et qu’elle devrait donc être levée.

POSITION DE WESTJET

[43] WestJet indique que l’interdiction de voyager d’une durée d’un an est liée à plusieurs facteurs, y compris un historique de comportements agressifs, le refus de suivre les instructions, le film des interactions et, lors du plus récent incident, l’utilisation d’une aide à la mobilité pour des raisons qui, pour le personnel, ne semblent pas être liées à une déficience. WestJet ajoute que le demandeur a étalé du chocolat sur son siège à bord de l’aéronef.

[44] En ce qui concerne l’historique de M. Korchinski, WestJet fournit deux exemples d’incident, dont le premier qui s’est produit le 13 janvier 2014. WestJet prétend qu’au cours de l’incident, M. Korchinski, qui ne voyageait pas ce jour-là, s’est fâché parce qu’on a refusé que son père enregistre une glacière brisée en styromousse renfermant 50 livres de poissons. Selon WestJet, M. Korchinski a proféré des jurons et des menaces à l’endroit du personnel.

[45] WestJet prétend qu’au cours d’un autre incident qui s’est produit le 22 août 2015, M. Korchinski a crié à la tête d’une agente du service à la clientèle, a demandé son nom et celui de son superviseur, a pris des photos d’elle avec son téléphone cellulaire directement dans son visage, en gesticulant et en avançant vers elle avec agressivité. Selon WestJet, M. Korchinski a également donné des coups sur la paroi en verre qui sépare les passagers américains et canadiens, a crié à la tête de l’équipage de conduite qui attendait d’embarquer à bord de l’aéronef qui arrivait tout juste, et a eu des gestes menaçants envers une autre agente du service à la clientèle. WestJet indique qu’il a plus tard dit à son gestionnaire du service à la clientèle que l’agente avait été chanceuse que M. Korchinski ne l’ait pas frappée au visage, en invoquant la légitime défense.

[46] WestJet indique que pour les incidents décrits ci-dessus, M. Korchinski a déjà reçu une interdiction de voyager de six mois.

[47] En ce qui a trait aux circonstances de l’incident du 18 janvier 2017, WestJet explique que le personnel n’avait pas été averti que M. Korchinski n’avait pas l’intention d’utiliser le fauteuil roulant pour se déplacer. Selon WestJet, M. Korchinski a d’abord donné l’impression qu’il s’attendait à ce que le personnel le pousse dans son fauteuil roulant. Elle indique que c’est seulement après que M. Korchinski a été sorti de la passerelle d’embarquement qu’il a fait savoir qu’il pousserait le fauteuil roulant lui-même; on lui a donc laissé le fauteuil roulant à ce moment‑là.

[48] En ce qui concerne l’interdiction de voyager d’une durée d’un an, WestJet explique qu’il semblerait que, selon un enregistrement audio de l’incident que M. Korchinski a fait jouer pour le personnel de sûreté de WestJet, il a haussé le ton devant le personnel qui a manifesté sa surprise initiale quant à la façon dont il entendait utiliser le fauteuil roulant. WestJet explique également que son interaction avec le personnel de l’aéroport ou des services aériens de WestJet et des sous-traitants associés s’est avérée être une problématique au fil du temps. WestJet fait également valoir que M. Korchinski a tenté d’utiliser son aide à la mobilité pour des raisons qui ne semblent pas être liées à sa déficience.

[49] WestJet indique que, compte tenu de ce qui précède, elle est en droit d’imposer une suspension conformément aux conditions énoncées dans son tarif.

RÉPLIQUE DE M. KORCHINSKI

[50] M. Korchinski ne remet pas en question l’affirmation de WestJet selon laquelle il a un historique de comportements inappropriés, mais il fait plutôt valoir que cela n’a rien à voir avec le cas présent. M. Korchinski indique qu’il était calme et poli durant l’incident du 18 janvier 2017.

[51] En réponse à l’affirmation de WestJet selon laquelle il a étalé du chocolat sur son siège, M. Korchinski indique que c’était un accident du fait qu’il était tombé endormi.

Analyse et déterminations

[52] L’Office note que l’interdiction de voyager ne semble pas être discriminatoire. Cette interdiction semble plutôt être liée à l’historique de mauvais comportements de M. Korchinski, à sa conduite durant l’incident du 18 janvier 2017, qui incluait d’avoir sali son siège, ainsi qu’à sa tentative, selon ce que le personnel en pense à tout le moins, d’utiliser un fauteuil roulant pour des raisons qui ne sont pas liées à une déficience.

[53] En ce qui a trait à la question de savoir si les conditions du tarif de WestJet ont été correctement appliquées, l’Office note que durant l’incident du 18 janvier 2017, M. Korchinski semblait chercher la confrontation. L’Office note également que les membres du personnel semblaient intimidés, du moins par le fait d’avoir été filmés sans consentement et accusés de discrimination, malgré leur volonté de fournir l’assistance avec fauteuil roulant et leurs efforts pour trouver un superviseur comme le demandait M. Korchinski. L’Office note également que M. Korchinski a commencé à filmer avant de rencontrer un premier membre du personnel, ce qui porte à croire qu’il prévoyait manifester une certaine forme de désaccord avec quiconque devait lui fournir l’assistance avec fauteuil roulant.

[54] Compte tenu du comportement de M. Korchinski, qui frôlait l’agressivité, et de son historique de mauvais comportements, l’Office conclut qu’il est raisonnable que WestJet conclue, selon les conditions énoncées dans son tarif, qu’il représente un risque pour la sécurité, le confort ou la santé de lui-même, des passagers, des employés ou des mandataires du transporteur, de l’équipage de conduite ou de bord, ou l’exploitation sécuritaire de l’aéronef de WestJet. L’Office conclut donc que l’interdiction de voyager cadre avec les conditions énoncées dans le tarif de WestJet, et qu’il ne devrait pas lever cette interdiction.

CONCLUSION

[55] Comme M. Korchinski n’a pas rencontré d’obstacle à ses possibilités de déplacement, et que WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif concernant l’interdiction de voyager, l’Office rejette la demande de M. Korchinski.

Membre(s)

William G. McMurray
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