Décision n° 178-AT-R-2013

le 10 mai 2013

DEMANDE présentée par Nelly Sabbagh contre VIA Rail Canada Inc.

No de référence : 
U3570/12-03945

INTRODUCTION

[1] Nelly Sabbagh a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) contre VIA Rail Canada Inc. (VIA), en ce qui a trait aux services liés à sa déficience qu’elle a demandés à VIA pour pouvoir atteindre les plateformes d’embarquement à la gare centrale de Montréal le 31 juillet 2011; à la gare d’Ottawa le 5 octobre 2012; et à la gare de Dorval les 21 mai et 8 octobre 2012.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[2] Mme Sabbagh se dit préoccupée de n’avoir pu profiter d’un service de préembarquement pour son voyage à partir de la gare d’Ottawa, le 5 octobre 2012. Ses préoccupations concernent le service à la clientèle; toutefois, un problème lié au service à la clientèle ne devient pas un obstacle du fait simple qu’il est éprouvé par une personne ayant une déficience.

[3]  L’Office conclut que Mme Sabbagh n’a pas démontré que le service de préembarquement est requis pour répondre aux besoins liés à sa déficience. L’Office rejette donc cette partie de la demande de Mme Sabbagh.

QUESTIONS

  1. Mme Sabbagh est-elle une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC?
  2. Quelles mesures constituent un accommodement approprié/accommodement raisonnable pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir?
  3. Les politiques de VIA – et la façon dont elle les applique – sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, notamment à Mme Sabbagh, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir aux gares ci-après constituent-elles un obstacle abusif à leurs possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives doivent être ordonnées :

a)  à la gare centrale de Montréal;

b)  à la gare d’Ottawa;

c)  à la gare de Dorval?

LA LOI

[4]  Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure particulière en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :

  1. si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
  2. si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni un accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. qui a pour effet de priver la personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services offerts aux autres voyageurs par le fournisseur de services de transport;
  3. si l’obstacle est « abusif ». Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services de transport puisse prouver qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique ou impossible, de sorte qu’il ne peut pas fournir la mesure d’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive. Si l’obstacle est jugé abusif, l’Office ordonnera la prise de mesures correctives pour éliminer l’obstacle abusif.

1. MME SABBAGH EST-ELLE UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE AUX TERMES DE LA PARTIE V DE LA LTC?

[5] Pour déterminer s’il y a obstacle aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office doit d’abord déterminer si la demande a été déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom.

[6] Mme Sabbagh marche avec une canne et a besoin d’assistance avec fauteuil roulant pour se déplacer entre la gare ferroviaire et la plateforme d’embarquement. Elle affirme que si elle fait de grands efforts physiques ou si elle est soumise à un stress physique au-delà de sa capacité, elle a [traduction] « de graves accès de douleur pendant de longues périodes, diminuant du coup sa capacité de fonctionner correctement et d’apprécier son quotidien ».

[7] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Mme Sabbagh est une personne ayant une déficience au sens des dispositions sur l’accessibilité de la LTC.

2. QUELLES MESURES CONSTITUENT UN ACCOMMODEMENT APPROPRIÉ/ACCOMMODEMENT RAISONNABLE POUR LES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE, NOTAMMENT POUR MME SABBAGH, QUI ONT BESOIN D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT LORSQU’IL FAUT CHANGER D’ÉTAGE POUR SE RENDRE À LA PLATEFORME D’EMBARQUEMENT OU EN REVENIR?

APPROCHE DE L’OFFICE POUR DÉTERMINER UN ACCOMMODEMENT APPROPRIÉ/ACCOMMODEMENT RAISONNABLE

[8] Un service ou une mesure dont le but est de répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne est défini comme étant un « accommodement approprié ». Si l’on détermine que la personne a bénéficié d’un accommodement approprié, il est alors impossible de prétendre qu’elle a rencontré un obstacle.

[9] Dans certaines situations, différentes mesures d’accommodement peuvent répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne. Il n’est pas obligatoire que la mesure d’accommodement corresponde exactement à ce que demande la personne, sous réserve que la mesure soit efficace.

[10] Les fournisseurs de services respectent leur obligation d’accommodement s’ils offrent des mesures qui permettent à une personne ayant une déficience de bénéficier du même niveau de services de transport que celui offert aux autres voyageurs.

[11] Les fournisseurs de services ont le droit de choisir la mesure d’accommodement la moins coûteuse, la moins perturbatrice ou la moins contraignante si elle répond aussi bien aux besoins d’une personne liés à sa déficience.

[12] Toutefois, dans les cas où différentes mesures d’accommodement sont équivalentes et qu’aucune n’est moins coûteuse, moins perturbatrice ou moins contraignante pour le fournisseur de services, la personne ayant une déficience devrait avoir le droit de choisir la mesure d’accommodement qu’elle préfère.

[13] Un « accommodement raisonnable » est la forme d’accommodement qui n’impose aucune contrainte excessive au fournisseur de services et est considéré comme étant la « meilleure solution de rechange » à un accommodement approprié. Un « accommodement raisonnable » est pris en considération pendant l’une des trois étapes de la procédure de l’Office, soit celle où il détermine si l’obstacle est abusif (comme il est indiqué au paragraphe 4) et seulement si le fournisseur de services de transport prouve qu’il se verrait imposer une contrainte excessive s’il fournissait « l’accommodement approprié » indiqué à l’étape de la détermination de l’obstacle.

[14] Même si des mesures constituant des accommodements raisonnables répondront à certains besoins d’une personne qui sont liés à sa déficience, elles ne répondront pas à tous ses besoins. Par exemple, ces mesures peuvent entraîner un risque plus élevé de blessures ou d’accidents, ou pourraient avoir une incidence négative sur le sentiment de sécurité, de sûreté ou de dignité de la personne. Par conséquent, les besoins d’une personne liés à sa déficience ne sont pas satisfaits aussi efficacement que si la personne recevait un accommodement approprié.

LE CAS PRÉSENT

[15] Afin de déterminer si les politiques de VIA – et la façon dont elle les applique – sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal, à la gare d’Ottawa et à la gare de Dorval constituent des obstacles pour ces personnes, notamment pour Mme Sabbagh, l’Office doit d’abord déterminer les mesures nécessaires pour fournir un accommodement approprié, c.‑à‑d. les mesures exigées pour répondre aux besoins liés à la déficience de ces personnes. L’Office étudie de façon générale les besoins des personnes ayant une déficience qui sont touchées de la même façon par un problème, afin de trouver les mesures nécessaires pour leur garantir l’égalité d’accès.

[16] Afin de garantir une égalité d’accès au réseau de transport fédéral, l’Office estime, dans le cas présent, que l’accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir, est la fourniture d’une méthode d’accommodement fiable, en temps voulu, sans douleur, qui préserve la dignité et dont le degré de risque est raisonnable. Les accommodements qui ne répondent pas à ces critères ne constitueraient pas des accommodements appropriés, mais pourraient être jugés comme étant des accommodements raisonnables (meilleures solutions de rechange).

[17] Les parties ont relevé les cinq mesures possibles ci-après pour fournir un accommodement approprié ou raisonnable, plus particulièrement :

  1. un monte-escalier pour fauteuil roulant (un siège élévateur électrique conçu pour transporter des personnes en fauteuil roulant en haut ou en bas des escaliers);
  2. un passage au niveau du sol depuis la gare vers la plateforme;
  3. des ascenseurs de service ainsi que des rampes pour les bagages et les fournitures;
  4.  un voyage à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train;
  5.  des escaliers mécaniques où la personne reste assise dans son fauteuil roulant.

[18] L’Office se penche ci-après sur ces cinq mesures afin d’évaluer lesquelles constituent un accommodement approprié ou un accommodement raisonnable.

Monte-escalier pour fauteuil roulant

Faits, éléments de preuve et présentations

VIA

[19] VIA fournit des monte-escaliers pour fauteuil roulant à la gare centrale de Montréal pour aider les personnes en fauteuil roulant à se rendre aux plateformes d’embarquement et à en revenir. VIA déclare que les monte-escaliers pour fauteuil roulant sont sécuritaires et fonctionnent bien, et constituent l’une de ses options les moins coûteuses et causant le moins de perturbations pour fournir l’assistance avec fauteuil roulant aux voyageurs, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement.

Mme Sabbagh

[20] Mme Sabbagh indique qu’elle préférerait qu’on lui offre d’utiliser un monte-escalier à la gare centrale de Montréal plutôt qu’on la transporte en bas de l’escalier mécanique pendant qu’elle se trouve dans un fauteuil roulant. Elle est d’avis qu’elle devrait ainsi avoir [traduction] « l’option d’être transportée correctement et humainement dans le monte-escalier Garaventa ».

Analyse et constatations

[21]  Un monte-escalier pour fauteuil roulant est particulièrement conçu pour transporter une personne en fauteuil roulant entre les différents étages. La personne bénéficie d’un accommodement fiable, en temps voulu, sans douleur, qui préserve sa dignité, et dont le degré de risque est raisonnable. De plus, cette méthode d’accommodement n’exige pas que la personne change la manière dont elle utilise son fauteuil roulant, c.‑à‑d. que le fauteuil n’est pas basculé et que la personne n’a pas besoin d’adopter une position quelconque pour contrebalancer le mouvement de bascule du fauteuil. L’Office conclut qu’un monte-escalier pour fauteuil roulant constitue un accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir.

Passage au niveau du sol depuis la gare vers la plateforme

Faits, éléments de preuve et présentations

VIA

[22] VIA aide les personnes en fauteuil roulant à traverser les voies à la gare d’Ottawa pour les amener à la plateforme d’embarquement sud. VIA fait remarquer qu’elle est propriétaire des voies à la gare d’Ottawa et qu’elle aiguille ses propres trains. Elle ajoute que la vitesse limite à la gare d’Ottawa est de 5 mi/h. VIA a effectué une étude sur le danger et les risques concernant le passage au niveau du sol à la gare d’Ottawa et a déterminé que la fourniture de cette mesure d’accommodement aux personnes en fauteuil roulant pour atteindre la plateforme d’embarquement sud est sécuritaire.

[23] VIA affirme qu’à la gare de Dorval, il est interdit aux personnes en fauteuil roulant de traverser les voies pour atteindre la plateforme d’embarquement nord. VIA et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), qui est propriétaire des voies, ont conclu qu’il est trop risqué de traverser les voies à la gare de Dorval en raison de la circulation continuelle et du risque élevé de blessures ou de décès. VIA fait remarquer que la vitesse limite à la gare de Dorval est de 40 mi/h.

Mme Sabbagh

[24] Mme Sabbagh fait valoir que comme elle ne peut pas utiliser l’escalier mécanique, elle préfère l’option offerte à la gare d’Ottawa où on lui fait traverser les voies pour atteindre la plateforme d’embarquement sud. C’est également l’option qu’elle préférait pour accéder à la plateforme d’embarquement nord à la gare de Dorval, mais VIA ne permet plus aux voyageurs d’utiliser le passage au niveau du sol à cette gare.

Analyse et constatations

[25] Les passages au niveau du sol, lorsqu’ils sont sécuritaires, fournissent aux personnes en fauteuil roulant une méthode d’accommodement fiable, en temps voulu, sans douleur, qui préserve la dignité et dont le degré de risque est raisonnable. De la même façon que le monte-escalier pour fauteuil roulant, cette méthode d’accommodement n’exige pas des changements dans la façon dont la personne utilise son fauteuil roulant, c.‑à‑d. que le fauteuil n’est pas basculé et que la personne n’a pas besoin d’adopter une position quelconque pour contrebalancer le mouvement de bascule du fauteuil.

[26] L’Office conclut qu’un passage au niveau du sol, lorsqu’il est sécuritaire, constitue un accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir.

Ascenseurs de service et rampes pour bagages et fournitures

Faits, éléments de preuve et présentations

VIA

[27] VIA indique que lorsqu’une personne en fauteuil roulant n’est pas en mesure d’utiliser le monte‑escalier à la gare centrale de Montréal en raison de la taille ou du poids du fauteuil ou parce que le monte-escalier est brisé, elle offre l’ascenseur de service du service des bagages et les rampes qu’utilisent habituellement les opérateurs de machines pour transporter les fournitures et les bagages. Selon VIA, ses procédures visant à faire passer une personne en fauteuil roulant de façon sécuritaire par ces rampes nécessitent qu’on avise les employés concernés de la gare, qu’on obtienne une autorisation et qu’on passe par la section la plus sécuritaire des rampes.

Mme Sabbagh

[28] En ce qui a trait aux ascenseurs de service du service des bagages, Mme Sabbagh renvoie à une déclaration faite par une représentante du Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD). La représentante, qui utilise un fauteuil roulant, indique que lors d’un voyage à partir de la gare centrale de Montréal, elle a insisté sur le fait qu’elle n’utiliserait pas l’escalier mécanique, et on l’a alors escortée vers le monte-charge pour l’amener à la plateforme des trains. La représentante de CCD indique en outre qu’elle est d’avis que même si ce trajet non destiné au public était plus long, cette option était plus sécuritaire que celle de l’escalier mécanique.

Analyse et constatations

[29] Il est clair que les rampes et les ascenseurs publics qui ne sont pas utilisés principalement pour transporter les fournitures et les bagages constituent des méthodes d’accommodement fiables, en temps voulu, sans douleur et qui préservent la dignité. L’Office conclut que les rampes et les ascenseurs publics constituent des accommodements appropriés pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir.

[30] Lorsqu’une personne en fauteuil roulant ne peut pas utiliser le monte‑escalier pour fauteuil roulant, la politique de VIA prévoit qu’on mette à sa disposition un ascenseur de service ou une rampe pour les bagages et les fournitures, mais VIA n’a pas démontré que cet ascenseur de service ou cette rampe constituait des accommodements en temps voulu ou qui préservent la dignité. En ce qui a trait à la rapidité du service, Mme Sabbagh note que la représentante de CCD a décrit le trajet passant par le monte-charge comme étant plus long. De plus, l’Office fait remarquer que de tels trajets exigent qu’on avertisse les employés concernés de la gare, qu’on obtienne une autorisation et qu’on détermine la section la plus sécuritaire des rampes, qui sont des procédures supplémentaires qui prolongent le processus d’embarquement. En ce qui a trait au principe selon lequel l’accommodement devrait permettre de préserver la dignité d’une personne, l’utilisation d’un monte-charge ou d’une rampe qui sert habituellement aux opérateurs de machines pour transporter les fournitures et les bagages constitue un moyen d’accommodement moins digne que les méthodes destinées au grand public.

[31] L’Office conclut que les ascenseurs de service et les rampes pour bagages et fournitures ne répondent pas de la même façon aux besoins d’une personne liés à sa déficience, parce que le temps est plus long et la méthode est moins digne qu’un accommodement approprié. Par conséquent, l’Office conclut que les ascenseurs de service et les rampes pour bagages et fournitures ne constituent pas des accommodements appropriés, mais plutôt des accommodements raisonnables (meilleures solutions de rechange) qui devraient être considérés seulement si la fourniture d’un accommodement approprié imposerait une contrainte excessive à VIA.

Voyager à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train

Faits, éléments de preuve et présentations

VIA

[32] VIA affirme que la plateforme d’embarquement nord à la gare de Dorval est inaccessible aux personnes en fauteuil roulant. Elle ajoute que lorsque l’embarquement ou le débarquement doit se faire à la plateforme nord et qu’il y a un voyageur en fauteuil roulant, sa politique prévoit de prendre des dispositions avec CN, si possible, pour que l’embarquement se fasse à partir de la plateforme sud, qui est accessible aux personnes en fauteuil roulant. VIA souligne que pour des raisons opérationnelles ou de sécurité, CN peut modifier l’aiguillage des voies jusqu’à la dernière minute et le communiquer aux employés de la gare de Dorval, qui interagissent par la suite avec les voyageurs à la gare. Si l’aiguillage du train vers la voie sud n’est pas possible, VIA offre aux personnes en fauteuil roulant un transport gratuit vers la gare centrale de Montréal, qui se trouve à 20 minutes de là. VIA est d’avis que sa politique de transport de rechange se veut un accommodement raisonnable et qu’elle ne constitue pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes en fauteuil roulant.

Mme Sabbagh

[33] Mme Sabbagh fait valoir que lorsque l’embarquement s’est fait à partir de la plateforme nord à la gare de Dorval le 21 mai 2012, on ne lui a pas offert de transport de rechange. Mme Sabbagh est d’avis que lorsque l’embarquement a lieu à partir de la plateforme nord, prendre le prochain train accessible ou être transporté gratuitement à la gare centrale de Montréal constituent d’autres moyens de traverser les voies.

Analyse et constatations

[34] Le transport à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train ne nuit pas au sentiment de sécurité et de sûreté d’une personne ayant une déficience, mais la personne ne bénéficie pas d’un accès équivalent aux services de train dont profitent les personnes qui n’ont pas de déficience, en ce sens qu’elle n’est pas en mesure de voyager comme prévu et conformément aux dispositions de sa réservation, et a moins de choix concernant l’heure et le point de départ.

[35] L’Office conclut que le voyage à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train ne répond pas de la même façon aux besoins d’une personne liés à sa déficience parce que ces options ne fournissent pas les mêmes choix d’heures et de points de départ, ni un service en temps voulu. L’Office conclut donc qu’il ne s’agit pas d’un accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir, et que cet accommodement raisonnable (meilleure solution de rechange) doit être considéré seulement si la fourniture d’un accommodement approprié imposerait une contrainte excessive à VIA.

Escaliers mécaniques où la personne reste assise dans son fauteuil roulant

Faits, éléments de preuve et présentations

VIA

[36] VIA fait valoir que l’utilisation des escaliers mécaniques est une pratique sécuritaire de longue date pour l’embarquement des personnes ayant une déficience. À cette fin, VIA explique que seuls les porteurs qui reçoivent une formation sur cette procédure sont autorisés à amener les voyageurs en fauteuil roulant par l’escalier mécanique et, qu’avant de le faire, le porteur évalue la taille du fauteuil pour veiller à ce qu’il soit placé de façon sécuritaire dans l’escalier mécanique. Si l’agent conclut que l’escalier mécanique n’est pas assez large pour le fauteuil roulant, la politique de VIA prévoit l’utilisation du monte-escalier.

[37] VIA indique que lorsque le porteur amène un voyageur dans l’escalier mécanique, il reçoit l’aide d’un préposé de la gare et veille à ce que le fauteuil roulant soit placé de manière équidistante entre les rampes de l’escalier mécanique; le porteur recule lentement le fauteuil roulant sur l’escalier pour veiller à ce que les roues arrières reposent de façon sécuritaire sur la marche et que le fauteuil puisse être facilement stabilisé sur les marches de l’escalier mécanique. VIA fait également remarquer que les freins du fauteuil ne doivent jamais être bloqués.

[38] VIA affirme par ailleurs que selon la procédure, la personne en fauteuil roulant doit se pencher vers l’avant pour tenir les rampes, et non le fauteuil. De plus, les préposés de la gare doivent empêcher les autres personnes d’utiliser l’escalier mécanique, arrêter l’escalier mécanique en tout temps ou sur demande, et surveiller le voyageur en fauteuil roulant pendant qu’il se trouve dans l’escalier mécanique.

[39] À l’appui de sa déclaration selon laquelle la pratique est sécuritaire, VIA fait valoir que ses données de janvier 2007 à décembre 2012 indiquent que cette procédure n’a entraîné aucune blessure ni aux personnes en fauteuil roulant ni aux employés qui ont assisté les personnes dans les escaliers mécaniques. VIA affirme également que son système de gestion des incidents, en fonction depuis janvier 2011, montre que des 1 800 incidents vérifiés mettant en cause des employés, aucun n’impliquait un fauteuil roulant ou un escalier mécanique.

[40] VIA renvoie à un commentaire du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail selon lequel [traduction] « la fiche de santé et de sécurité au travail est peut-être l’une des mesures les plus importantes pour en assurer l’efficacité, lorsqu’elle est jumelée à d’autres paramètres ». VIA est d’avis que l’absence d’incident à ce jour est un facteur fiable pour prévoir la sécurité des voyageurs.

Mme Sabbagh

[41] Mme Sabbagh fait valoir que le fait d’être installée à reculons dans l’escalier mécanique pendant qu’elle se trouve dans un fauteuil roulant est extrêmement troublant et lui cause des douleurs physiques. Elle affirme s’être sentie diminuée et traitée sans dignité. Mme Sabbagh ajoute que de cette manière, on ne la traite pas comme [traduction] « un être humain qui devrait être transporté avec soin et dignité », et qu’elle ne reçoit pas un traitement comparable à celui que reçoivent les voyageurs sans déficience. Selon elle, VIA n’a pas tenu compte [traduction] « du sentiment de vulnérabilité, de la douleur inutile et du stress, ni de la perte de dignité que les voyageurs ayant des besoins spéciaux ressentent lorsqu’ils sont transportés d’une manière si expéditive et rude par les porteurs ».

[42] Mme Sabbagh est d’avis que cette mesure d’accommodement n’est pas sécuritaire, sûre ou confortable, et que les voyageurs et les employés en question sont à risque de blessures ou d’accidents. Elle est également d’avis que l’absence d’accident dans le passé ne permet pas de prédire qu’il n’y en aura pas dans l’avenir.

Analyse et constatations

[43] L’Office est d’avis que la pratique visant à faire passer les personnes en fauteuil roulant par un escalier mécanique comporte beaucoup de risques de blessures ou d’accidents comparativement aux mesures susmentionnées qui, selon la conclusion de l’Office, sont des accommodements appropriés. Les accidents causés par l’erreur humaine, par exemple par un porteur ou un préposé de la gare qui aide le porteur au cours de la procédure ou la déstabilisation d’un fauteuil roulant qui n’est pas basculé dans le bon angle, ne peuvent pas être prédits et pourraient se produire. De tels incidents pourraient avoir des conséquences graves sur la santé et la sécurité des personnes en fauteuil roulant ou du personnel de VIA. Mme Sabbagh fait valoir qu’elle ne s’est pas sentie en sécurité lorsqu’on l’a descendue par l’escalier mécanique dans un fauteuil roulant. On comprend que d’autres personnes dans la même situation pourraient ressentir la même chose.

[44] De plus, comme le décrit le manuel de formation de VIA, cette procédure dépend en partie du fait que la personne prenne une position de précaution, c.‑à‑d. qu’elle se penche vers l’avant et tienne les rampes et non le fauteuil roulant. L’Office est d’avis que ce ne sont pas toutes les personnes ayant une déficience et utilisant un fauteuil roulant qui seraient en mesure de le faire, ce qui contribuerait à rehausser les risques de blessures ou d’accidents découlant de cette pratique. L’Office accepte le fait que Mme Sabbagh a des douleurs physiques et que d’avoir été descendue par l’escalier mécanique pendant qu’elle se trouvait dans un fauteuil roulant lui a enlevé sa dignité.

[45] Même si cette pratique peut permettre à une personne en fauteuil roulant d’atteindre la plateforme d’embarquement à temps, il est raisonnable de s’attendre à un effet négatif sur le sentiment de sécurité, de sûreté et de dignité de cette personne. Par conséquent, l’Office conclut que l’escalier mécanique n’est pas une façon équivalente de répondre aux besoins d’une personne liés à sa déficience, car il ne s’agit pas d’une méthode sans douleur ou préservant la dignité, et le degré de risque est plus élevé comparativement à un accommodement approprié. L’Office conclut donc qu’un escalier mécanique ne constitue pas un accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir, mais constitue un accommodement raisonnable (meilleure solution de rechange) qui ne devrait être considéré que si l’accommodement approprié imposerait une contrainte excessive à VIA.

[46] L’Office conclut également qu’en raison du risque plus élevé associé à l’utilisation d’un escalier mécanique, dans les situations où VIA n’est pas en mesure d’offrir toute forme d’accommodement approprié sans se voir imposer une contrainte excessive, en plus d’offrir un escalier mécanique aux personnes en fauteuil roulant, elle doit offrir au moins un autre accommodement raisonnable; par exemple, le transport vers une autre gare ferroviaire ou encore un voyage à bord d’un autre train qui serait accessible à la personne.

Sommaire des conclusions de l’Office relativement aux accommodements appropriés et aux accommodements raisonnables (meilleures solutions de rechange)

[47] L’Office conclut que les mesures ci-après constituent des accommodements appropriés pour les personnes ayant une déficience, notamment pour Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir :

  • monte-escaliers pour fauteuil roulant;
  • passages au niveau du sol, s’ils sont sécuritaires;
  • ascenseurs pour les voyageurs;
  • rampes pour les voyageurs.

[48] Durant les activités quotidiennes, le fournisseur de services de transport pourrait ne pas être en mesure de fournir toute forme d’accommodement approprié en raison de la contrainte excessive que la mesure imposerait à VIA (p. ex. défaillance mécanique imprévue ou contraintes opérationnelles), auquel cas un accommodement raisonnable (meilleure solution de rechange) peut être fourni.

[49] L’Office conclut que les mesures ci-après constituent des accommodements raisonnables (meilleures solutions de rechange) dans le cas présent, et devraient être considérées lorsque les mesures d’accommodement approprié susmentionnées imposeraient une contrainte excessive à VIA :

  • ascenseurs de service;
  • rampes pour bagages et fournitures;
  • voyage à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train;
  • escaliers mécaniques.

[50] L’Office est d’avis que lorsqu’un fournisseur de services de transport n’est pas en mesure d’offrir toute forme d’accommodement approprié à une personne ayant une déficience, il doit informer la personne de toutes les mesures d’accommodement raisonnable possibles et lui permettre de choisir celle qu’elle préfère.

3. LES POLITIQUES DE VIA – ET LA FAÇON DONT ELLE LES APPLIQUE – SUR LA FOURNITURE D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT AUX PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE, NOTAMMENT À MME SABBAGH, LORSQU’IL FAUT CHANGER D’ÉTAGE POUR SE RENDRE À LA PLATEFORME D’EMBARQUEMENT OU EN REVENIR AUX GARES CI‑APRÈS CONSTITUENT-ELLES UN OBSTACLE ABUSIF À LEURS POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT ET, LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DOIVENT ÊTRE ORDONNÉES :

  1. À LA GARE CENTRALE DE MONTRÉAL;

  2. À LA GARE D’OTTAWA;

  3. À LA GARE DE DORVAL?

DÉMARCHE DE L’OFFICE POUR CONCLURE À L’EXISTENCE D’UN OBSTACLE

[51] L’Office définit un obstacle dans le réseau de transport fédéral comme étant une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. qui est :

  • soit direct, c’est-à-dire qu’il s’applique à une personne ayant une déficience;
  • soit indirect, c’est-à-dire que, bien qu’il soit le même pour tous, il a pour effet de priver une personne ayant une déficience d’un avantage;
  • et qui prive une personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres voyageurs de sorte que le fournisseur de services doit fournir un accommodement.

[52] Pour qu’un obstacle existe, le problème doit être en lien avec la déficience d’une personne. Par exemple, un problème lié au service à la clientèle ne devient pas un obstacle du fait simple qu’il est éprouvé par une personne ayant une déficience.

[53] Les fournisseurs de services ont l’obligation d’offrir un accommodement aux personnes ayant une déficience. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle avait besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres passagers dans le réseau de transport fédéral. Il incombe au demandeur de fournir des éléments de preuve suffisamment convaincants pour établir son besoin d’accommodement et pour prouver que ce besoin n’a pas été satisfait. La norme de preuve qui s’applique au fardeau de la preuve est la prépondérance des probabilités.

[54] Lorsqu’il doit déterminer si un obstacle aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience existe, l’Office établit de fait si on a répondu aux besoins liés à sa déficience.

DÉMARCHE DE L’OFFICE POUR CONCLURE À L’EXISTENCE D’UN OBSTACLE ABUSIF

[55] Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services puisse justifier son existence. Dès lors que l’Office a déterminé qu’une personne ayant une déficience a rencontré un obstacle, le fournisseur de services peut :

  • soit fournir l’accommodement approprié ou offrir une autre solution qui répond tout autant aux besoins de la personne liés à sa déficience. En pareil cas, l’Office déterminera les mesures correctives qui s’imposent pour s’assurer que l’accommodement approprié est fourni;
  • soit justifier l’existence de l’obstacle en prouvant qu’il ne peut pas raisonnablement fournir l’accommodement approprié ou toute autre forme d’accommodement raisonnable sans se voir imposer une contrainte excessive. Le fardeau de la preuve incombe au fournisseur de services de prouver que la fourniture de l’accommodement entraînerait une contrainte excessive. À défaut de ce faire, l’Office conclura que l’obstacle est abusif et il ordonnera des mesures correctives pour s’assurer que l’accommodement est fourni.

56] Dans les situations où le fournisseur de services est d’avis qu’il ne peut pas fournir l’accommodement adapté aux besoins de la personne ayant une déficience, il doit justifier l’existence de l’obstacle.

[57] Le critère que doit respecter un fournisseur de services pour justifier l’existence d’un obstacle comporte trois éléments. Le fournisseur de services doit prouver :

  1. que la source de l’obstacle est rationnellement liée à la fourniture des services de transport;
  2. que la source de l’obstacle a été adoptée selon la conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour fournir les services de transport;
  3. qu’il ne peut fournir aucun accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.

[58] Il incombe au fournisseur de services de fournir des preuves suffisamment convaincantes pour établir selon la prépondérance des probabilités que l’obstacle est justifié (c.-à-d. que la mise en place des mesures d’accommodement entraînerait une contrainte excessive).

[59] Si un fournisseur de services s’acquitte du fardeau de la preuve, l’Office conclura que l’obstacle n’est pas abusif et il n’ordonnera pas de mesures correctives.

LA GARE CENTRALE DE MONTRÉAL

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle

VIA

[60] VIA indique que des monte-escaliers pour fauteuil roulant sont disponibles à la gare centrale de Montréal. Elle indique que sa politique consiste à offrir l’option d’utiliser l’escalier mécanique ou le monte-escalier pour fauteuil roulant, ce qui ne constitue pas, selon elle, un obstacle abusif.

[61] VIA indique que la réservation de Mme Sabbagh du 31 juillet 2011 pour un voyage depuis la gare centrale de Montréal a été supprimée de son système, et qu’elle ne peut donc pas affirmer si une demande de service spécial pour obtenir de l’assistance avec fauteuil roulant a été notée dans le dossier de réservation de Mme Sabbagh. VIA indique également que compte tenu de la période qui s’est écoulée entre le voyage de Mme Sabbagh et le dépôt de sa demande auprès de l’Office, elle ne peut pas identifier le porteur qui a aidé Mme Sabbagh, ni la conversation qu’il a apparemment eue avec elle, ni combien de temps avant le départ Mme Sabbagh est arrivée à la gare.

Mme Sabbagh

[62] Le 31 juillet 2011, Mme Sabbagh a voyagé à partir de la gare centrale de Montréal. Elle affirme que pour atteindre la plateforme d’embarquement, elle a été installée dans un fauteuil roulant et descendue à reculons dans l’escalier mécanique par un porteur. Elle allègue que le porteur a ignoré ses objections et lui a dit que c’était la seule façon de l’amener à l’étage inférieur; sinon, elle manquerait son train. Mme Sabbagh fait valoir qu’on ne lui a pas offert d’utiliser le monte‑escalier pour fauteuil roulant. Elle décrit son expérience comme n’étant pas [traduction] « une façon confortable d’être escortée, car je sentais que mon corps était secoué dans l’escalier mécanique ».

[63] En outre, Mme Sabbagh indique ce qui suit : [traduction] « Je n’ai pas non plus aimé être placée à reculons et descendue dans l’escalier mécanique comme un simple bagage manipulé par des porteurs. Je me suis sentie diminuée et traitée indignement plutôt que comme un être humain qui devrait être transporté avec soin et dignité. »

Analyse et constatations-Obstacle

[64] L’Office conclut que la politique de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience pour se rendre aux plateformes d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal lorsqu’il faut changer d’étage au moyen d’un monte-escalier pour fauteuil roulant constitue un accommodement approprié.

[65] Toutefois, l’Office conclut que le personnel de VIA n’a pas correctement appliqué la politique lorsqu’il a fourni de l’assistance à l’embarquement à Mme Sabbagh le 31 juillet 2011. L’Office conclut donc que le défaut de VIA d’appliquer sa politique et d’offrir un accommodement approprié à Mme Sabbagh à la gare centrale de Montréal a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle abusif

VIA

[66] VIA fait valoir qu’elle ne peut pas affirmer si le billet de Mme Sabbagh indiquait une demande d’assistance avec fauteuil roulant, du fait que sa réservation a été éliminée de son système. Elle soutient toutefois qu’en l’absence d’une demande de service spécial sur le billet de Mme Sabbagh, soit une assistance avec fauteuil roulant, il se peut que le porteur ait descendu Mme Sabbagh par l’escalier mécanique dans son fauteuil roulant à la gare centrale de Montréal.

[67] En ce qui a trait au monte-escalier pour fauteuil roulant à la gare centrale de Montréal, VIA indique que [traduction] « lorsque plusieurs personnes en fauteuil roulant doivent embarquer à bord d’un train, le monte-escalier incliné pour fauteuil roulant prend plusieurs minutes à descendre et à remonter au hall de gare. Pour les voyageurs qui veulent embarquer plus rapidement à bord du train […], on devrait leur offrir l’option de l’escalier mécanique. »

Analyse et constatations-Obstacle abusif

[68] Même si VIA fait remarquer que l’embarquement peut être retardé si plusieurs personnes ont besoin d’utiliser le monte‑escalier en même temps, elle n’a pas démontré que c’était le cas le jour où Mme Sabbagh a voyagé.

[69] L’Office conclut que VIA n’a pas démontré que le 31 juillet 2011, des contraintes ont empêché son personnel à la gare centrale de Montréal d’offrir à Mme Sabbagh les mesures d’accommodement approprié conformément à la politique de VIA. L’Office conclut donc que le défaut de VIA d’appliquer sa politique sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal le 31 juillet 2011 a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Sabbagh.

LA GARE D’OTTAWA

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle

VIA

[70] VIA indique que les employés de la gare d’Ottawa ont l’autorisation de faire traverser les personnes en fauteuil roulant sur les voies pour atteindre la plateforme d’embarquement. VIA ajoute qu’elle contrôle l’aiguillage de ses trains à cette gare, et que la limite de vitesse à cet endroit est de 5 mi/h.

Mme Sabbagh

[71] En ce qui concerne son voyage à partir de la gare d’Ottawa le 5 octobre 2012, Mme Sabbagh affirme qu’elle a demandé de l’assistance avec fauteuil roulant et une escorte pour traverser les voies si l’embarquement se faisait à partir de la plateforme sud. Mme Sabbagh fait valoir que le préposé de la gare lui a demandé de s’asseoir dans la salle d’attente désignée en attendant que quelqu’un vienne l’aider à monter dans le train.

[72] Mme Sabbagh affirme également que lorsqu’elle est retournée voir le préposé après avoir constaté que les autres voyageurs descendaient l’escalier mécanique en vue de l’embarquement, le préposé a appelé quelqu’un pour l’aider à descendre l’escalier mécanique. Mme Sabbagh ajoute qu’elle a une fois de plus avisé le préposé de son besoin de traverser la voie dans son fauteuil roulant, car elle ne pouvait pas utiliser l’escalier mécanique.

Analyse et constatations-Obstacle

[73] L’Office conclut que la politique de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement sud et en revenir à la gare d’Ottawa en empruntant un passage au niveau du sol constitue un accommodement approprié.

[74] Toutefois, l’Office conclut que le personnel de VIA n’a pas correctement appliqué la politique lorsqu’il a fourni de l’assistance à l’embarquement à Mme Sabbagh le 5 octobre 2012. L’Office conclut donc que le défaut de VIA d’appliquer sa politique et d’offrir un accommodement approprié à la gare d’Ottawa a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Sabbagh.

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle abusif

VIA

[75] VIA fait valoir que le 5 octobre 2012, soit le vendredi avant l’Action de grâce, il y avait de nombreux voyageurs, ainsi que beaucoup d’arrivées et de départs de trains à la gare d’Ottawa. VIA fait remarquer que le train de Mme Sabbagh et un autre train sont arrivés presque en même temps et qu’il y avait un nombre particulièrement élevé de trains. Elle ajoute que le temps d’arrêt de ces trains a été très court et que l’embarquement a été retardé.

Analyse et constatations-Obstacle abusif

[76] Même si VIA mentionne la grande quantité de trains et de voyageurs à la gare d’Ottawa le 5 octobre 2012, elle n’a pas démontré comment cette situation l’a empêchée de fournir de l’assistance avec fauteuil roulant à Mme Sabbagh et d’emprunter le passage au niveau du sol pour atteindre la plateforme d’embarquement sud.

[77] Par conséquent, l’Office conclut que VIA n’a pas démontré que ce jour-là, des contraintes ont empêché son personnel à la gare d’Ottawa d’offrir à Mme Sabbagh les mesures d’accommodement approprié conformément à sa politique. L’Office conclut donc que le défaut de VIA d’appliquer sa politique sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare d’Ottawa le 5 octobre 2012 a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Sabbagh.

LA GARE DE DORVAL

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle

VIA

[78] VIA indique que deux voies desservent la gare de Dorval : la plateforme d’embarquement de la voie sud est accessible aux personnes en fauteuil roulant, tandis que la plateforme d’embarquement de la voie nord ne l’est pas. Les voyageurs qui embarquent ou débarquent à la plateforme de la voie nord atteignent la gare par un tunnel qui compte 22 marches d’escalier à chaque extrémité.

[79] VIA fait remarquer que CN contrôle l’aiguillage des trains de VIA sur les voies à la gare de Dorval, qui se fait sous le contrôle et la supervision du centre de contrôle de la circulation ferroviaire de CN. Même si VIA peut demander à CN que les trains soient placés sur la voie sud pour accommoder une personne à mobilité réduite qui ne peut pas utiliser les escaliers, lorsque ce n’est pas possible, la politique de VIA prévoit d’offrir de l’assistance pour descendre les escaliers et traverser le tunnel si le client le souhaite. VIA indique que, si la personne n’est pas en mesure d’utiliser les escaliers, elle lui offre d’autres dispositions de voyage, c.‑à‑d. un départ depuis la gare centrale de Montréal ou encore de prendre le prochain train dont l’embarquement se fera à partir de la voie sud.

Mme Sabbagh

[80] Mme Sabbagh fait valoir qu’afin d’atteindre la plateforme d’embarquement nord à la gare de Dorval, elle a dû descendre de nombreuses marches, traverser un tunnel et monter d’autres marches, ce qui représente pour elle une tâche irréaliste et difficile.

[81] Au cours d’un second incident à la gare de Dorval, Mme Sabbagh a demandé un accommodement pour accéder à la plateforme nord. Mme Sabbagh affirme que [traduction] « le porteur, qui était une femme, a simplement répondu que si le train n’était pas sur l’autre voie de la gare, on ne pouvait rien faire pour moi parce qu’elle n’avait pas le droit de faire traverser les voies aux voyageurs ».

Analyse et constatation-Obstacle

[82] Lorsque l’embarquement se fait à partir de la plateforme nord à la gare de Dorval, la politique de VIA pour accommoder les personnes ayant une déficience qui ne peuvent pas utiliser les escaliers se limite à fournir l’option de voyager à partir d’une autre gare ou de prendre un autre train. L’Office a conclu que ces mesures ne constituent pas des accommodements appropriés.

[83] L’Office conclut donc que la politique de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement de la voie nord et en revenir à la gare de Dorval constitue un obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, notamment Mme Sabbagh, qui ont besoin d’une telle assistance.

Faits, éléments de preuve et présentations-Obstacle abusif

VIA

[84] VIA fait remarquer qu’avant 2011, sa politique à la gare de Dorval prévoyait de permettre aux personnes en fauteuil roulant de traverser les voies pour atteindre la plateforme d’embarquement nord. VIA explique toutefois que CN l’a informée que cette procédure ne serait plus autorisée en raison du trafic continu durant les heures d’exploitation de VIA et en raison du risque élevé de blessures ou de décès. VIA souligne que la limite de vitesse sur ces voies est de 40 mi/h. VIA a effectué sa propre étude sur le danger et les risques, et a conclu que la pratique de permettre aux voyageurs de traverser les voies présentait pour eux un risque intolérable.

Analyse et constatations-Obstacle abusif

[85] L’Office fait remarquer qu’en effectuant sa propre étude sur le danger et les risques, VIA a soigneusement examiné la faisabilité de cette pratique qui permettait aux personnes en fauteuil roulant de traverser les voies comme moyen de répondre à leurs besoins. L’Office convient que la pratique entraînait un risque trop élevé pour les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant. De plus, un passage au niveau du sol est impossible d’un point de vue opérationnel parce que CN, la propriétaire des voies, l’interdit.

[86] L’Office conclut donc que VIA a démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle permettait aux personnes en fauteuil roulant de traverser les voies à la gare de Dorval pour atteindre la plateforme d’embarquement nord. Toutefois, VIA n’a pas démontré si la fourniture de toute autre forme d’accommodement approprié à la gare de Dorval, c.‑à‑d. un monte-escalier pour fauteuil roulant, ou encore un ascenseur ou une rampe pour voyageurs, lui imposerait une contrainte excessive.

[87] L’Office conclut donc, à titre préliminaire, que la politique de VIA visant à accommoder les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement nord et en revenir à la gare de Dorval constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de telles personnes, notamment Mme Sabbagh.

CONCLUSION

[88] L’Office conclut que les politiques de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, notamment à Mme Sabbagh, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal et à la gare d’Ottawa constituent des accommodements appropriés pour ces personnes.

[89] L’Office conclut que le défaut de VIA d’appliquer sa politique sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal, le 31 juillet 2011, et à la gare d’Ottawa, le 5 octobre 2012, a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Sabbagh.

[90] L’Office conclut par ailleurs, à titre préliminaire, que la politique de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, notamment à Mme Sabbagh, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare de Dorval constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ces personnes.

ORDONNANCE

[91] À la lumière des constatations ci-dessus concernant l’obstacle abusif, VIA doit mettre en œuvre les mesures correctives ci-après d’ici le 10 juin 2013 :

  1. VIA doit s’assurer que son personnel fournit un accommodement approprié (c.‑à‑d. un monte-escalier pour fauteuil roulant, un passage au niveau du sol sécuritaire, ou un ascenseur ou une rampe pour le public) aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal et à la gare d’Ottawa, et elle doit déposer à l’Office une copie du bulletin qu’elle aura remis à son personnel pour lui rappeler ces directives.
  2. VIA doit mettre en œuvre une politique pour tenir compte de la situation ci-après et la déposer auprès de l’Office :
  • Lorsque VIA n’est pas en mesure de fournir l’un ou l’autre des accommodements appropriés susmentionnés en raison de contraintes excessives (p. ex. défaillance mécanique imprévue ou contraintes opérationnelles), et lorsque plus d’une forme d’accommodement raisonnable (meilleure solution de rechange) est disponible, VIA doit informer la personne ayant une déficience de toutes les options disponibles et lui permettre de choisir la mesure d’accommodement qu’elle préfère.

3.  Lorsqu’un escalier mécanique constitue la forme d’accommodement raisonnable qui sera offerte, VIA doit offrir un autre accommodement raisonnable, comme le transport à partir d’une autre gare ou encore l’utilisation d’une rampe ou d’un ascenseur de service.

DEMANDE DE JUSTIFICATION

[92] L’Office a rendu une conclusion préliminaire selon laquelle la politique de VIA visant à accommoder les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement nord et en revenir à la gare de Dorval constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de telles personnes, notamment Mme Sabbagh. Par conséquent, l’Office donne à VIA l’occasion de justifier, d’ici le 10 juin 2013, les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas finaliser sa détermination et ainsi ordonner à VIA de mettre en œuvre l’une ou l’autre des trois mesures d’accommodement approprié.

[93] Mme Sabbagh aura ensuite 15 jours pour déposer sa réplique. Après ce délai, si elle le souhaite, VIA aura 15 jours pour y donner suite. Les parties sont tenues de fournir une copie de leurs présentations à l’autre partie en même temps qu’elles les déposent auprès de l’Office.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Jean-Denis Pelletier, ing.
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