Décision n° 180-C-A-2005

le 29 mars 2005

le 29 mars 2005

RELATIVE à une plainte déposée par B. J. Simcock relativement au refus d'embarquement qu'elle a essuyé de la part d'Air Canada à bord d'un vol de Toronto (Ontario), Canada à destination de Manchester au Royaume-Uni.

Référence no M4370/A74/03-419


PLAINTE

[1] Le 8 septembre 2003, B.J. Simcock a déposé auprès du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien (ci-après le CPTA) la plainte énoncée dans l'intitulé. Cette affaire faisait également l'objet d'une plainte par la soeur de M. Simcock, Kathleen Simcock, qui a été traité séparément. À plusieurs reprises dans cette affaire, Mme Simcock a déposé des mémoires en son nom et au nom de son frère.

[2] Le 13 septembre 2004, à la demande de Mme Simcock, la plainte a été acheminée à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) aux fins d'examen, car la plainte soulevait une question tarifaire qui relève de la compétence de l'Office.

[3] Entre le 1er avril 2003 et le 30 septembre 2004, Air Canada était sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C., 1985, ch.C-36 décision qui avait été entérinée par la Cour supérieure de justice de l'Ontario. Dans le cadre de cette procédure, la Cour avait ordonné le sursis à la poursuite de toutes les instances impliquant Air Canada et certaines de ses filiales. Par conséquent, pendant cette période de 18 mois, l'Office ne pouvait pas traiter les plaintes ou poursuivre les enquêtes visant Air Canada.

[4] Le 20 octobre 2004, Air Canada a été avisée que M. Simcock avait déposé une plainte à l'Office. Puisque les commentaires relatifs à la plainte de M. Simcock avaient été déposés auprès du CPTA par les deux parties en cause, le personnel de l'Office a également demandé le consentement des parties pour que ces commentaires soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office.

[5] Le 29 octobre 2004, Mme Simcock a, en son nom et au nom de M. Simcock, donné son consentement pour que les commentaires susmentionnés soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office. Le 2 novembre 2004, Air Canada a avisé l'Office qu'elle consentait également à ce que les commentaires qu'elle avait déposés auprès du CPTA le soient également. Air Canada a également indiqué qu'elle allait déposer un mémoire additionnel.

[6] Le 8 novembre 2004, Air Canada a déposé un mémoire relatif au dossier et le 29 novembre 2004, Mme Simcock y a répliqué.

[7] Dans sa décision no LET-C-A-15-2005 du 17 janvier 2005, l'Office, en vertu du paragraphe 18(1) des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, a demandé à M. Simcock et à Air Canada de lui fournir des renseignements additionnels.

[8] Mme Simcock et Air Canada ont respectivement donné suite à la décision no LET-C-A-15-2005 les 24 et 31 janvier 2005.

[9] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, M. Simcock et Air Canada ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 28 mars 2005.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

[10] Bien que les mémoires d'Air Canada et de Mme Simcock du 8 et du 29 novembre 2004, respectivement, aient été déposés en dehors des délais prescrits pour les plaidoiries, l'Office, en vertu de l'article 4 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, les accepte les jugeant pertinents et nécessaires à son examen de cette affaire.

QUESTIONS

[11] L'Office doit déterminer :

  1. si Air Canada a appliqué les modalités relatives au refus d'embarquement énoncées dans le tarif international énonçant les règles et prix applicables aux passagers (ci-après le tarif d'Air Canada), et
  2. si la disposition du tarif d'Air Canada, qui établit une échéance de 30 jours pour utiliser un bon de voyage, émis à la suite d'un refus d'embarquement, est juste et raisonnable dans le contexte de l'article 111 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).

POSITIONS DES PARTIES

[12] Le 27 juin 2003, M. Simcock et des membres de sa famille, y compris sa soeur, Kathleen Simcock, devaient retourner à Manchester en provenance de Toronto à bord du vol no 0840 d'Air Canada. Lorsqu'ils se sont présentés à l'enregistrement, on les a informés que le vol était surréservé et qu'ils devraient attendre le prochain vol disponible. M. Simcock se dit extrêmement déçu de la façon dont Air Canada a agi face à cette situation, et de l'offre de compensation sous forme de bon de voyage d'une valeur de 500 $CAN ou d'un chèque au montant de 200 $CAN.

[13] Air Canada fait valoir qu'il s'agit d'une pratique courante dans l'industrie de faire des surréservations afin d'utiliser toute la capacité des aéronefs et de contrer, dans la mesure du possible, le facteur toujours présent du « passager défaillant ». Elle ajoute que certaines procédures sont suivies en cas de surréservation.

[14] M. Simcock soutient que dans une lettre subséquente d'Air Canada, on l'a informé qu'aucune compensation additionnelle ne serait versée, car il avait déjà obtenu un bon de voyage de 500 $CAN. M. Simcock déclare que, puisqu'il ne prévoit plus voyager avec Air Canada, le bon de voyage n'a pour lui aucune valeur. Il demande que ce bon soit plutôt converti en argent comptant, soit 500 $CAN.

[15] Air Canada maintient qu'en raison du temps qui s'est écoulé entre la date d'émission du bon et la demande de M. Simcock voulant qu'il soit converti en argent comptant, le transporteur ne peut acquiescer à la demande. Air Canada indique qu'elle rembourse normalement les bons « environ un mois » après la date à laquelle le bon a été livré.

[16] M. Simcock fait valoir qu'il croyait que le bon de voyage était valide pour une période de deux ans, et qu'il pouvait être encaissé pendant cette même période. À son avis, si tel n'est pas le cas, Air Canada aurait dû le préciser d'entrée de jeu. M. Simcock indique qu'il est maintenant prêt à accepter 200 $CAN en guise de compensation afin de mettre fin à cette affaire.

[17] Air Canada soutient que l'Office n'a pas la compétence lui permettant d'exiger que le transporteur rembourse un billet ou d'ordonner le paiement des dépenses, car l'article 113 du RTA n'autorise l'Office qu'à suspendre ou rejeter un tarif, ou à établir et substituer un tarif, en tout ou partie, qui a été refusé. Air Canada maintient que les dispositions de son tarif ayant trait au refus d'embarquement sont justes et raisonnables, qu'elles ne font aucune distinction injuste, et que d'autres transporteurs ont établi des dispositions similaires.

[18] Air Canada fait valoir qu'elle a bien appliqué son tarif et qu'en omettant de remettre le bon de voyage de 500 $CAN, M. Simcock a accepté ledit bon en guise de compensation, libérant par le fait même le transporteur de toute autre responsabilité. Air Canada note que le 11 juillet 2003, en signe de bonne foi, elle a offert de convertir le bon de voyage en argent comptant, et que le 13 juillet 2004 elle a offert de prolonger d'un an la validité de celui-ci, mais que M. Simcock a rejeté l'offre.

[19] En réponse à la décision no LET-C-A-15-2005, dans laquelle l'Office demandait, inter alia, si M. Simcock avait reçu un avis écrit d'Air Canada au moment du refus d'embarquement, décrivant la politique du transporteur dans de telles situations, comme l'exige le tarif d'Air Canada, Air Canada soutient que la question a été abordée avec le personnel opérationnel et qu'elle n'est pas en mesure de confirmer de façon absolue que l'avis a été donné. À cet égard, Air Canada note que le dossier passager ne renferme pas cette information et qu'elle ne conserve pas les anciens dossiers relatifs à des situations spécifiques de refus d'embarquement. Air Canada ajoute que son directeur des services aéroportuaires à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto a confirmé que les agents d'Air Canada sont conscients de l'obligation du transporteur de donner des avis écrits en cas de refus d'embarquement.

[20] Mme Simcock indique que ni elle ni son frère n'ont reçu d'avis d'Air Canada décrivant sa politique en cas de refus d'embarquement. Elle réitère qu'Air Canada n'a jamais indiqué qu'il y avait un délai pour convertir le bon de voyage en argent comptant.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[21] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné attentivement et revu tous les éléments de preuve que les parties lui ont fournies. L'Office a également revu la politique d'Air Canada relative au refus d'embarquement, soit la règle 89 du tarif d'Air Canada.

Dispositions réglementaires applicables

[22] La compétence de l'Office relative à la présente plainte est établie au paragraphe 110(4) et aux articles 113.1, 111 et 113 du RTA.

[23] Le paragraphe 110(4) du RTA dispose que :

110(4) Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

[24] L'article 113.1 du RTA prévoit ce qui suit :

Si un licencié n'applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international et figurant à son tarif, l'Office peut :

a) lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;

b) lui enjoindre d'indemniser des personnes lésées par la nonapplication de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[25] L'article 111 du RTA prévoit ce qui suit :

  1. Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.
  2. En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien :
    1. d'établir une distinction injuste à l'endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;
    2. d'accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable, de quelque nature que ce soit, à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre transporteur aérien;
    3. de soumettre une personne, un autre transporteur aérien ou un genre de trafic à un désavantage ou à un préjudice indu ou déraisonnable de quelque nature que ce soit.
  3. L'Office peut décider si le trafic doit être, est ou a été acheminé dans des circonstances et à des conditions sensiblement analogues et s'il y a ou s'il y a eu une distinction injuste, une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable, ou encore un préjudice ou un désavantage au sens du présent article, ou si le transporteur aérien s'est conformé au présent article ou à l'article 110.

[26] De plus, si l'Office estime que le transporteur aérien a contrevenu à l'article 111 du RTA, l'Office peut, en vertu de l'article 113 du RTA :

  1. suspendre tout ou partie d'un tarif qui paraît ne pas être conforme aux paragraphes 110(3) à (5) ou aux articles 111 ou 112, ou refuser tout tarif qui n'est pas conforme à l'une de ces dispositions;
  2. établir et substituer tout ou partie d'un autre tarif en remplacement de tout ou partie du tarif refusé en application de l'alinéa a).

Application du tarif

[27] La partie 1, paragraphe E de la règle 89 du tarif d'Air Canada prévoit, en partie, que :

Compensation en cas de refus d'embarquement

[...]

(2) Montant de la compensation
Sous réserve des dispositions de l'alinéa (E)(1)a), AC versera des dommages-intérêts prédéterminés en argent comptant ou sous forme d'un bon de voyage avec AC comme suit : [...]

  Effet MCO (crédit voyage)
[...] [...] [...]
Canada vers toutes les autres destinations 200 $CAN 500 $CAN
[...] [...] [...]

(3) Moment de l'offre de compensation
a) La compensation sera offerte et, si elle est acceptée, accordée au passager le jour et à l'endroit où il essuie le refus d'embarquement.

[...]

[28] La partie 1, paragraphe F de la règle 89 du tarif d'Air Canada prévoit, en partie que :

(F) Avis aux passagers
L'avis écrit suivant sera donné à tous les passagers qui se voient involontairement refuser l'embarquement à bord de vols pour lesquels la réservation a été confirmée.

[...]

Options du passager

L'acceptation de la compensation (en endossant le chèque ou l'effet de commerce, ou en omettant de remettre la note de crédit à AC dans un délai de 30 jours) libère AC de toute autre responsabilité liée au non-respect d'une confirmation de vol ou des réservations pour lesquelles des billets ont été émis. Cependant, le passager peut refuser le paiement et recourir à un tribunal, ou à tout autre moyen, pour obtenir des dommages-intérêts, et ce dans les trente (30) jours suivant la date à laquelle il s'est vu refuser l'embarquement. [traduction libre]

1) Air Canada a-t-elle appliqué les conditions relatives au refus d'embarquement, lesquelles sont établies à la règle 89 de son tarif?

[29] En ce qui concerne la question de savoir si Air Canada a appliqué les conditions relatives au refus d'embarquement, l'Office conclut d'emblée qu'Air Canada a appliqué les conditions de l'alinéa (E)(2) de la partie 1 de la règle 89 dans ses rapports avec M. Simcock et sa famille en offrant à ce dernier un bon de voyage de 500 $CAN au moment du refus de l'embarquement. L'Office note que ce bon de voyage n'est maintenant plus valide.

[30] En ce qui a trait à la question de savoir si Air Canada a donné un avis écrit à M. Simcock décrivant la politique du transporteur en cas de refus d'embarquement, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas fourni la preuve pour démontrer que M. Simcock a obtenu l'avis écrit dont fait état le paragraphe (F) de la partie 1 de la règle 89 du tarif d'Air Canada. De plus, l'Office conclut que, en se fondant sur la preuve au dossier, Air Canada n'a pas avisé M. Simcock, de quelque façon que ce soit, que le remboursement du bon de voyage comportait un délai. À cet égard, l'Office note qu'Air Canada, dans sa lettre adressée à M. Simcock le 11 juillet 2003 -- laquelle a été postée 14 jours après le refus d'embarquement --, offrait de lui remettre un montant de 200 $CAN en échange du bon de voyage, sans pour autant l'aviser que cette offre comportait un délai.

[31] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'Air Canada a contrevenu au paragraphe 110(4) du RTA.

[32] Quant à la question des surréservations, l'Office note que cette pratique est très courante chez les transporteurs aériens et que généralement elle profite tant à ces derniers qu'aux passagers, car les transporteurs peuvent exploiter leurs vols à pleine capacité, donnant ainsi lieu à des prix à la baisse pour les consommateurs.

2) Les conditions d'Air Canada qui prescrivent un délai de 30 jours pour encaisser un bon de voyage livré par suite d'un refus d'embarquement sont-elles « déraisonnables » au sens de l'article 111 du RTA?

[33] Selon les principes d'interprétation législative, les mots utilisés dans le libellé d'une loi doivent être lus dans leur contexte entier et selon leur sens usuel et leur acceptation courante en tenant compte du régime législatif, de l'objet de la loi et de l'intention du Parlement. Comme l'a mentionné le juge Rouleau de la la Cour fédérale dans l'affaire ECG Canada Inc. v. M.N.R., [1987] 2 F.C. 415 :

Il ne fait aucun doute que l'approche littérale constitue une méthode reconnue dans le domaine de l'interprétation des lois. Néanmoins, la Cour peut toujours examiner l'objet d'une loi non pas pour modifier ce qui a été dit par le législateur, mais afin de comprendre et de déterminer ce qu'il a dit. L'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption constituent des considérations pertinentes dont il faut tenir compte non seulement lorsqu'il y a un doute, mais dans tous les cas.

[34] Ainsi, doit-on lire le mot « déraisonnable » non seulement dans le contexte de l'article 111 du RTA mais également en tenant compte de l'esprit et l'intention de la LTC.

[35] Même si la portée du mot « déraisonnable », par rapport aux conditions de transport, n'a pas été considérée du point de vue juridique au Canada, les tribunaux se sont maintes fois penchés sur sa signification (par exemple, dans C.U.P.E. v. New Brunswick Liquor Corporation, [1979] 2 R.C.S. 227; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law v. Canada (Attorney General), [2004] 1 S.C.R. 76; et Alberta Union of Provincial Employees v. Lethbridge Community College, [2004] 1 S.C.R. 727). Alors qu'il est difficile d'extrapoler des principes distincts sur la signification du mot « déraisonnable » à partir de ces cas, les tribunaux ont toujours maintenu ce qui suit :

  • Il n'y a pas de critère de vérification précis; il y a un élément d'objectivité quoique celui-ci soit teinté de subjectivité,
  • Une signification fondée sur le contexte doit être donnée au mot;
  • En général, le mot signifie « sans fondement rationnel » ou « qui va à l'encontre du bon sens »

[36] De l'avis de l'Office, le libellé de l'article 111 du RTA tient compte du fait que le Parlement reconnaît la nécessité d'une réglementation pour atteindre l'objectif établi par la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC qui prévoit en partie ce qui suit :

[...]

g) les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas :

  1. un désavantage injuste pour les autres liaisons de ce genre, mis à part le désavantage inhérent aux lieux desservis, à l'importance du trafic, à l'ampleur des activités connexes ou à la nature du trafic ou du service en cause,

[...]

[37] Cette position correspond à l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoit que :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[38] Pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « déraisonnable » au sens de l'article 111 du RTA, l'Office doit donc s'assurer de ne pas interpréter la disposition de façon à compromettre la capacité des voyageurs d'utiliser avec efficience le recours instauré par le Parlement afin de les protéger contre l'établissement unilatéral de conditions de transport par les transporteurs aériens.

[39] Inversement, l'Office doit également tenir compte de ce qui suit :

  • les obligations opérationnelles et commerciales du transporteur aérien visé par la plainte;
  • les autres dispositions de la partie II de la LTC visant la protection des consommateurs, qui obligent les transporteurs aériens à publier, afficher ou rendre disponibles des tarifs qui renferment les renseignements requis par le RTA et à n'appliquer que les conditions de transport énoncées dans ces tarifs;
  • le fait que les transporteurs aériens sont tenus d'établir et d'appliquer des conditions de transport qui s'adressent à tous les passagers et non pas à un seul en particulier.

[40] Par conséquent, l'Office est d'avis que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien intérieur est « déraisonnable » au sens de l'article 111 du RTA, un équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport qui soient raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.

[41] Ayant apprécié les plaidoiries des parties, l'Office conclut que la disposition tarifaire actuelle d'Air Canada, qui prescrit un délai de 30 jours pour encaisser un bon de voyage et obtenir de l'argent comptant est juste et raisonnable et ne va pas à l'encontre de l'article 111 du RTA. À cet égard, l'Office est d'avis que la période de 30 jours accorde à une personne qui s'est vu refuser l'embarquement suffisamment de temps pour décider de recevoir, en guise de compensation, le bon de voyage ou l'argent. L'Office est également d'avis qu'il est raisonnable que le transporteur fixe une échéance pour encaisser un bon de voyage, en tenant compte des activités comptables d'Air Canada.

CONCLUSION

[42] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut par la présente qu'en ce qui a trait à cette question, Air Canada n'a pas respecté son tarif, comme l'exige le paragraphe 110(4) du RTA, en omettant de donner aux personnes qui s'étaient vu refuser l'embarquement l'avis écrit prévu au paragraphe (F) de la partie 1 de la règle 89 de son tarif. Par conséquent, l'Office enjoint à Air Canada, en vertu de l'alinéa 113.1a) du RTA, de verser une compensation à M. Simcock au montant de 200 $CAN, et ce dans les 21 jours suivant la date de la présente décision. L'Office rejette l'allégation de M. Simcock selon laquelle la disposition du tarif d'Air Canada qui fixe un délai de 30 jours pour encaisser un bon de voyage est déraisonnable.


DISSIDENCE DU MEMBRE DELISLE

[43] J'ai eu l'occasion de prendre connaissance de la décision de mes deux collègues. Bien que d'accord avec leur conclusion relative au deuxième point soulevé, soit de rejeter l'allégation de M. Simcock voulant que la disposition du tarif d'Air Canada serait déraisonnable, laquelle disposition prescrit un délai de 30 jours pour encaisser un bon de voyage, je ne suis pas d'accord avec leur décision concernant le premier point qui a été soulevé. C'est-à-dire que je rejetterais l'allégation qu'Air Canada n'a pas appliqué les conditions relatives au refus d'embarquement, lesquelles sont prévues à la règle 89 de son tarif.

[44] Examinons d'abord la première question de savoir si Air Canada a appliqué ou non les conditions relatives au refus d'embarquement, lesquelles sont prévues dans le tarif du transporteur.

Analyse et constatations

[45] Afin de pouvoir se prononcer sur la première question en l'espèce, il importe d'examiner le tarif d'Air Canada qui renferme les conditions relatives au refus d'embarquement. La disposition relative à l'avis se trouve à la section (F) de la règle 89 du tarif. À mon avis, cette disposition soulève trois questions sur lesquelles il faut s'arrêter : (1) Air Canada a-t-elle offert une compensation monétaire ou un crédit pour voyager avec Canada?; (2) Air Canada a-t-elle offert une compensation le jour même et à l'endroit où M. Simcock s'est vu refuser l'embarquement?; et (3) Air Canada a-t-elle proposé à M. Simcock l'option d'encaisser le bon et percevoir 200 $CAN, au lieu d'accepter le bon de 500 $CAN?

[46] En ce qui concerne la première question, je note que lorsque M. Simcock a essuyé le refus d'embarquement, non seulement Air Canada l'a-t-elle avisée de ses droits, mais elle lui a effectivement versé une compensation sous forme d'un bon de 500 $CAN pour voyager avec Air Canada. De l'avis de M. Simcock, cette compensation était « dérisoire », bien qu'il l'ait acceptée. À cet égard, Air Canada a donc respecté son tarif.

[47] Quant à la deuxième question, je note qu'Air Canada a effectivement remis le bon de voyage en guise de compensation le jour même et à l'endroit où M. Simcock s'est vu refuser l'embarquement. Air Canada a donc respecté cet aspect de son tarif.

[48] Pour ce qui est de la troisième question, je note que l'avis écrit dont fait état la règle 89(F) du tarif doit être donné à tous les passagers qui se voient involontairement refuser l'embarquement, et ce afin de les aviser qu'ils ont droit à une compensation pour ce refus et du montant de ladite compensation. Je note également que le tarif n'indique aucunement quand l'avis doit être donné et sous quelle forme il doit l'être. L'avis écrit peut donc être donné en tout temps et de n'importe quelle façon. Dans le cas présent, Air Canada a remis à M. Simcock un bon de voyage d'une valeur de 500 $CAN, comme le prévoit son tarif. La seule question qui cherche réponse est de savoir si M. Simcock a eu l'option de recevoir une compensation monétaire plutôt qu'un bon de voyage. La règle 89(F) du tarif prévoit des options pour les passagers. Cette section indique qu'aucun autre avis n'est requis. Elle précise plutôt que si le bon n'est pas retourné à Air Canada dans les 30 jours, c'est que le passager l'a accepté. Dans le cas présent, Air Canada a effectivement écrit à Mme Simcock le 11 juillet 2003, soit 14 jours après le refus d'embarquement, pour lui offrir d'encaisser le bon. Le coordonnateur des Relations avec la clientèle d'Air Canada au Royaume-Uni a écrit à Mme Simcock pour lui indiquer que « la compensation offerte est soit un bon d'une valeur de 500 $CAN, soit un chèque au montant de 200 $CAN. Si vous préférez recevoir le montant en argent, veuillez nous retourner le bon et je l'échangerai volontiers pour vous » [traduction libre]. Dès que cette offre écrite a été faite à Mme Simcock, M. Simcock était tout à fait conscient de ses droits aux termes du tarif d'Air Canada. Il n'avait pas droit à une compensation additionnelle. Mme Simcock a néanmoins rejeté, au nom de M. Simcock, ce à quoi il avait droit selon le tarif. À mon avis, Air Canada a bien donné à M. Simcock toute l'information nécessaire pour lui permettre de prendre une décision éclairée dans les circonstances quant à son droit de recevoir une compensation pour refus d'embarquement, au montant de cette compensation, ainsi qu'à l'option qu'il avait d'accepter un montant en argent ou un bon de voyage. Je note qu'Air Canada a prolongé la durée de validité du bon à l'avantage de M. Simcock. Cependant, cette prolongation, à mon avis, ne créait nullement l'obligation de prolonger l'option de recevoir un montant en argent.

Conclusion

[49] Je rejette l'allégation de M. Simcock selon laquelle Air Canada n'a pas appliqué les conditions relatives au refus d'embarquement, lesquelles sont prévues à la règle 89 de son tarif.

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