Décision n° 181-C-A-2007
le 13 avril 2007
RELATIVE à une plainte déposée par Stephen Pinksen contre Air Canada au sujet de la politique d'Air Canada relative à sa responsabilité pour le transport intérieur des produits périssables dans les bagages enregistrés.
Référence no M4120-3/06-06262
PLAINTE
[1] Le 21 septembre 2006, Stephen Pinksen a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte décrite dans l'intitulé.
[2] Le 20 novembre 2006, l'Office a demandé à Air Canada de répondre à la plainte dans le contexte des articles 67, 67.1 et 67.2 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC). Le 30 novembre 2006, l'Office a demandé qu'Air Canada aborde certaines questions dans sa réponse.
[3] Le 21 décembre 2006, Air Canada a demandé une prolongation de 30 jours du délai qui lui avait été imparti pour déposer sa réponse. Par voie de la décision no LET-C-A-2-2007 du 5 janvier 2007, l'Office a accordé cette prolongation.
[4] Le 19 janvier 2007, Air Canada a déposé sa réponse et le 29 janvier 2007, M. Pinksen y a répliqué.
[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la LTC, l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 13 avril 2007.
QUESTIONS
[6] L'Office doit déterminer :
- si Air Canada a appliqué adéquatement les conditions afférentes à la responsabilité du transport d'articles périssables dans les bagages enregistrés, telles qu'énoncées dans son Canadian Domestic General Rules Tariff No. CDGR-1 (ci-après le tarif), comme le requiert le paragraphe 67(3) de la LTC, et si de telles conditions sont clairement énoncées dans le tarif d'Air Canada relativement à cette affaire, tel que requis par l'alinéa 107(1)n) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) ;
- s'il est raisonnable, dans le contexte du paragraphe 67.2(1) de la LTC, pour un transporteur aérien de se soustraire à toute responsabilité pour la perte d'un article périssable.
FAITS
[7] Le 7 juin 2006, M. Pinksen a voyagé entre Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) et Iqaluit (Nunavut) via Halifax (Nouvelle-Écosse), Montréal (Québec) et Ottawa (Ontario). M. Pinksen a acheté 25 livres de homards vivants à Charlottetown et les a inclus dans ses bagages enregistrés avec Air Canada. Lors de l'enregistrement, Air Canada n'a pas avisé M. Pinksen qu'elle n'assumait aucune responsabilité si les homards devaient être perdus. À son arrivée à Ottawa, M. Pinksen a découvert que les homards avaient disparu. M. Pinksen a rempli les formulaires appropriés pour déclarer la perte. En réponse, Air Canada l'a avisé que la responsabilité du transporteur en cas de perte, de dommages ou de retard des bagages enregistrés est limitée et que la réglementation du tarif exclut toute responsabilité pour, notamment, les bijoux et les articles fragiles ou périssables. Air Canada a ensuite avisé M. Pinksen que même si le transporteur n'était pas responsable de la perte des articles périssables, elle lui rembourserait, comme geste de bonne foi, le montant de 200 $CAN, qui représente le prix qu'il avait payé pour les homards, puisque son agent avait accepté la boîte de homards et ne l'avait pas avisé de la responsabilité d'Air Canada.
POSITIONS DES PARTIES
[8] M. Pinksen affirme qu'il comprend que les biens périssables inclus dans les bagages devraient être régis par des règles spéciales, puisqu'ils peuvent se détériorer. Il ajoute qu'il comprendrait que le tarif du transporteur précise que si les produits périssables sont livrés en retard et se détériorent, le propriétaire est entièrement responsable. Cependant, lorsqu'un transporteur aérien perd un bagage, M. Pinksen s'explique mal comment le transporteur peut arriver à se soustraire à sa responsabilité. Il estime que, puisqu'il a confié le bagage au soin du transporteur et que ce dernier l'a perdu, ce qui n'a rien à voir avec sa nature périssable, le transporteur devrait être responsable.
[9] Selon M. Pinksen, il est inadmissible et injuste qu'Air Canada puisse refuser une réclamation pour un article perdu en raison du fait qu'il est périssable, et le tarif devrait être modifié.
[10] Air Canada explique que le tarif renferme les dispositions nécessaires pour traiter des questions de responsabilité pour tout dommage résultant de la perte de biens périssables qui lui ont été confiés, à son insu ou non, aux fins de transport. Air Canada renvoie à la règle 195AC(L) du tarif et affirme que cette règle « exclut clairement le transport des biens périssables de la responsabilité du transporteur, même si la nature des biens n'a pas contribué à la perte réclamée ». [traduction libre]
[11] Air Canada soutient que la règle 195AC(L) du tarif permet au transporteur d'accepter les produits périssables seulement sur remise d'une décharge partielle de responsabilité lors de l'enregistrement. Le transporteur ajoute que le contenu de la décharge partielle de responsabilité est établi dans le sous-alinéa H de la règle 195AC du tarif et que, selon cette disposition, le transporteur est dégagé de toute responsabilité découlant des dommages ou de la détérioration dûs aux retards. Air Canada affirme aussi qu'une perte doit être considérée comme un « long retard » et que, dans le cas d'articles périssables, la détérioration se produit lorsque les bagages sont retardés.
[12] Air Canada ajoute que son exclusion de responsabilité est raisonnable au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, dans la mesure où le transporteur a le droit de se dégager lui-même de la responsabilité pour certains biens et que si le passager ne souhaite pas faire l'objet de telles limites, il doit déclarer la nature des biens et souscrire une assurance.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[13] La compétence de l'Office à l'égard des plaintes portant sur les tarifs intérieurs est établie dans les articles 67, 67.1 et 67.2 de la LTC ainsi que dans l'alinéa 107(1)n) du RTA.
[14] L'article 67 de la LTC prévoit, notamment, que :
...
(3) Le titulaire d'une licence intérieure ne peut appliquer à l'égard d'un service intérieur que le prix, le taux, les frais ou les conditions de transport applicables figurant dans le tarif en vigueur publié ou affiché conformément au paragraphe (1).
[15] L'article 67.1 de la LTC prévoit que :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte ou de sa propre initiative, que le titulaire d'une licence intérieure a, contrairement au paragraphe 67(3), appliqué à l'un de ses services intérieurs un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport ne figurant pas au tarif, l'Office peut, par ordonnance, lui enjoindre :
a) d'appliquer un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport figurant au tarif;
b) d'indemniser toute personne lésée des dépenses qu'elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;
c) de prendre toute autre mesure corrective indiquée.
[16] En vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office peut prendre certaines mesures correctives à la suite de la réception d'une plainte s'il juge que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires. Plus particulièrement, le paragraphe 67.2(1) de la LTC prévoit ce qui suit :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office peut suspendre ou annuler ces conditions ou leur en substituer de nouvelles.
[17] L'alinéa 107(1)n) du RTA prévoit, en partie, que :
107.(1) Tout tarif doit contenir :
[...]
n) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :
[...]
(x) les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises,
(xi) les exclusions de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises,
[...]
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[18] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné attentivement tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a aussi examiné les conditions afférentes au transport des produits périssables dans les bagages enregistrés pertinentes au cas présent, figurant dans le tarif du transporteur.
[19] La règle 195AC du tarif, laquelle porte sur les conditions et les frais d'acceptation d'articles spéciaux, se lit, en partie, comme suit :
(L) DENRÉES PÉRISSABLES
Le transporteur n'accepte pas de transporter des produits périssables à moins qu'ils soient convenablement emballés pour le transport et enregistrés comme bagages séparés. Le transporteur accepte de transporter les produits périssables qui sont emballés de manière inappropriée ou inadéquate, mais seulement après la remise d'une décharge partielle de responsabilité pour les bagages au moment de leur enregistrement; une décharge partielle de responsabilité sera aussi exigée au moment de l'enregistrement des produits périssables qui sont adéquatement emballés et enregistrés comme bagages séparés.
NOTE : Les produits périssables sont catégorisés comme suit : produits alimentaires frais ou congelés comme les fruits, les légumes, les viandes, les poissons et les fruits de mer, la volaille, les produits de boulangerie, les produits laitiers, les peaux d'animaux; les matériaux floraux et de pépinière comme les fleurs, les plants de fruits et de légumes, les fleurs coupées, le feuillage et les arrangements floraux. [Traduction libre]
[20] Pour ce qui est des décharges, la règle 195AC(H)(3) du tarif dispose ce qui suit :
Voici des copies des décharges qui seront fournies par les transporteurs. La signature de la décharge dégage le transporteur de toute responsabilité pour les dommages causés aux articles fragiles (du type indiqué dans le paragraphe (1) ci-dessus) transportés dans les bagages enregistrés, lorsque les seuls dommages pouvant survenir seraient attribuables au fait que cet article ne devrait pas être inclus dans les bagages enregistrés ou qu'il n'a pas été adéquatement emballé, et non au défaut par le transporteur de respecter la norme de diligence. La signature de la décharge dégage aussi le transporteur de la responsabilité pour la détérioration ou la perte de valeur ou de puissance importante résultant du retard de livraison par le transporteur de bagages enregistrés, lorsque cette détérioration est attribuable au fait que cet article ne devrait pas être inclus dans les bagages et non au défaut par le transporteur de respecter la norme de diligence.
DÉCHARGE
( ) ARTICLES FRAGILES - La décharge s'applique aux dommages.
( ) PRODUITS PÉRISSABLES - La décharge s'applique aux dommages et à la détérioration causés par les retards.
( ) ARTICLES EMBALLÉS DE MANIÈRE INAPPROPRIÉE OU INADÉQUATE - La décharge s'applique aux dommages et à la perte.
L'article est le suivant :__________________________
Compte tenu de ce que le transporteur transporte la propriété décrite ci-dessus, qui est réputée par le tarif applicable comme étant inappropriée pour le transport en tant que bagage enregistré, je, par la présente, décharge le transporteur de sa responsabilité résultant seulement de ce caractère inapproprié tel que désigné ci-dessus par un X.
SIGNATURE DU PASSAGER :__________________DATE :________________
AGENT DU TRANSPORTEUR :___________________________
[Traduction libre]
Air Canada a-t-elle appliqué adéquatement les conditions afférentes à la responsabilité du transport des articles périssables dans les bagages enregistrés (à savoir les homards perdus)? Les conditions applicables en l'espèce sont-elles clairement énoncées dans le tarif d'Air Canada?
[21] L'Office a examiné attentivement la règle 195AC du tarif et note qu'il n'y a pas d'exemption explicite de la responsabilité applicable à la perte d'articles périssables.
[22] Selon Air Canada, une perte doit être considérée comme un « long retard ». L'Office estime qu'il existe une distinction claire entre la perte d'un article et sa livraison tardive. Lorsqu'il y a perte, il est entendu que l'article ne sera pas retrouvé, alors que dans le cas d'un retard, il est prévu que l'article sera retrouvé à un moment donné. L'Office note qu'ailleurs dans le tarif, par exemple dans la règle 230AC, laquelle porte sur la responsabilité pour les bagages, et notamment dans le sous-alinéa (B), lequel fait mention des exclusions de responsabilité, Air Canada fait une distinction entre la perte et la livraison tardive d'un article en employant ces deux termes dans le libellé de certaines conditions visant à décharger le transporteur de sa responsabilité.
[23] Par ailleurs, même si elle n'est pas applicable au transport intérieur, la Convention de Montréal pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (ci-après la Convention de Montréal) donne une certaine orientation. L'Office note qu'au chapitre III, article 17, paragraphe 3 de la Convention de Montréal, il est mentionné que si le transporteur admet la perte, le passager est autorisé à faire valoir ses droits contre le transporteur à l'égard des dommages après l'expiration du délai de 21 jours suivant la date de livraison prévue des bagages.
[24] L'Office fait observer que d'après la preuve au dossier, personne n'a demandé à M. Pinksen de signer la décharge prescrite dans la règle 195AC(H)(3). L'Office ajoute que la décharge ne mentionne pas la perte d'articles périssables qui sont convenablement emballés et n'exclut pas la responsabilité lorsqu'il y a défaut de la part du transporteur de respecter la norme de diligence.
[25] L'Office estime qu'Air Canada, pour se soustraire de toute responsabilité à l'égard de la perte des homards, semble vouloir se prévaloir d'une condition de transport qui n'est pas établie dans son tarif. Une telle mesure est contraire au paragraphe 67(3) de la LTC.
[26] L'Office estime donc qu'Air Canada est responsable, au sens de l'article 67.1 de la LTC, de tous les frais remboursables que M. Pinksen a engagés en raison du défaut du transporteur d'avoir appliqué les conditions figurant dans son tarif. Dans le cas présent, les frais remboursables de M. Pinksen seraient limités au prix d'achat des homards qui ont été perdus.
[27] Puisqu'Air Canada a remboursé à M. Pinksen un montant équivalent au prix d'achat des homards, c'est-à-dire 200 $CAN, l'Office estime qu'aucune autre réparation n'est nécessaire.
[28] Quant à la question de savoir si Air Canada a clairement établi sa politique relativement à cette affaire, l'Office a examiné le tarif, et plus particulièrement les conditions de transport qui y sont établies à l'égard du passager et du transporteur. L'alinéa 107(1)n) du RTA exige que le tarif énonce clairement la politique du transporteur. Donc, s'il y a perte, dommage ou livraison tardive des bagages enregistrés au cours du transport, le transporteur et le passager devraient avoir recours à un tarif clair et non ambigu afin de faciliter l'adoption d'une décision sur une affaire. L'Office constate que même si le tarif comprend, dans la règle 230AC(B), une disposition qui établit différentes limites de responsabilité dans différentes circonstances, il ne comprend pas d'exemption explicite de responsabilité pour la perte de biens périssables que le transporteur a accepté de transporter comme bagages enregistrés. De plus, la disposition générale relative à la responsabilité à l'égard des biens périssables n'est pas claire. À ce sujet, l'Office fait observer qu'aux termes de la règle 190AC(A)(3)(b) du tarif, Air Canada n'accepte pas de transporter, entre autres, les articles périssables dans les bagages enregistrés ou qui lui sont autrement confiés. Il y a donc contradiction puisque la règle 195AC(L) du tarif dispose, notamment, qu'Air Canada accepte de transporter les articles périssables
qui sont emballés correctement et enregistrés séparément, sur présentation d'une décharge partielle de responsabilité. La règle 195AC(H) du tarif, laquelle porte sur les articles fragiles, fait mention d'une décharge qui a pour objet de permettre à Air Canada de se soustraire à sa responsabilité à l'égard du transport de certains articles, notamment lorsque des articles périssables sont endommagés ou avariés en raison d'une livraison tardive. Comme il a été mentionné plus haut, la décharge ne fait aucune mention de la responsabilité pour la perte d'un article périssable. L'Office estime qu'étant donné qu'il y a des contradictions entre diverses dispositions du tarif d'Air Canada relativement à l'acceptation des articles périssables et à la responsabilité du transporteur à l'égard de ceux-ci, le passager risque d'obtenir des renseignements inexacts à ce chapitre. La règle 230AC(B)(2) du tarif semble contredire les dispositions précitées, car elle prévoit le refus global de toute responsabilité du transporteur à l'égard des articles qu'il n'accepte pas de transporter, lesquels, par renvoi à la règle 190AC du tarif, comprennent les produits périssables.
[29] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime qu'Air Canada a enfreint l'alinéa 107(1)n) du RTA en n'énonçant pas clairement sa politique portant sur ses limites de responsabilité à l'égard des biens.
Est-il raisonnable qu'un transporteur se soustrait à toute responsabilité pour la perte d'un article périssable?
[30] Air Canada maintient qu'elle a le droit de se soustraire à toute responsabilité en ce qui a trait au transport de certains articles, comme les biens fragiles et périssables, même si la nature des biens n'a pas contribué à leur perte. De plus, l'Office note que par voie de lettres envoyées à M. Pinksen par un représentant du service à la clientèle d'Air Canada, les 11 juillet et 17 octobre 2006, le transporteur a maintenu qu'il n'était pas responsable des articles périssables. Dans une lettre de l'avocat-conseil d'Air Canada adressée à l'Office le 19 janvier 2007, le transporteur a déclaré que la règle 195(O) du tarif intérieur décharge clairement le transporteur de toute responsabilité à l'égard du transport de biens périssables même si la nature de ces biens n'a pas contribué à leur perte.
[31] Selon l'Office, cet argument d'Air Canada n'est pas convaincant. À cet égard, l'Office estime que même si les transporteurs peuvent limiter leur responsabilité pour certains articles, toute disposition tarifaire tendant à décharger un transporteur de sa responsabilité pour la perte d'un article périssable, lorsqu'il a été déterminé que le transporteur n'a pas rempli son obligation contractuelle de remettre l'article au passager, est déraisonnable et, de ce fait, contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC.
[32] L'Office constate que la règle 230AC du tarif, qui fixe la responsabilité d'Air Canada à l'égard des bagages, prévoit que la responsabilité afférente à la perte, aux dommages causés ou à la livraison tardive de bagages ne dépassera pas 1 500 $, sauf si une valeur supérieure est déclarée au préalable et si les frais nécessaires ont été payés. L'Office constate aussi que, sur le plan du transport international, l'article 22 de la Convention de Montréal prévoit que la responsabilité du transporteur à l'égard du transport des bagages s'étend à la destruction, à la perte, aux dommages causés ou à la livraison tardive des bagages. L'Office estime qu'Air Canada devrait appliquer au transport intérieur des articles périssables qu'elle accepte sciemment de transporter des conditions semblables, en matière de responsabilité, à celles qu'elle applique au transport intérieur ou international d'autres bagages.
Raisons supplémentaires de Mme Bennett
[33] Même si je suis d'accord avec ce qui précède, j'aimerais analyser davantage la question du caractère raisonnable du tarif.
[34] Nonobstant l'accord manifeste de transporter des produits périssables en vertu de la règle 195AC(L) du tarif, si l'effet général des dispositions actuelles concernant le transport des articles périssables doit être interprété comme excluant la responsabilité d'Air Canada en cas de perte, de dommages causés ou de livraison tardive, on doit alors déterminer si ce type de disposition contractuelle est raisonnable.
[35] J'estime qu'une limite de responsabilité générale ramène le contrat signé par le transporteur et le passager à, pour reprendre les propos de Lord Wilberforce dans l'affaire Suisse Atlantique [1967]1A.C. 361 à 432, « une simple déclaration d'intention ». Dans l'affaire Firestone Tyre Co. contre Vokins [1951] 1 Lloyd's Rep 32, Devlin J. a considéré une clause d'allègement au sujet du transport par un chaland sur la Tamise visant à décharger les aconiers de la responsabilité pour chaque catégorie de perte et de dommage, sauf le vol. Devlin J. a expliqué comme suit ce type d'exclusion générale :
Si le libellé que l'avocat de l'aconier m'a remis est le bon, il ne s'agit pas, selon moi, d'un contrat de baillement ou de transport. On peut aborder la question en considérant le libellé du contrat s'il n'était pas fait mention du vol des biens. Pour les aconiers, la position serait alors la suivante : "Nous livrerons vos biens; nous promettons de livrer vos biens à tel et tel endroit, dans l'état que nous les avons reçus. Cela dit, nous ne sommes pas responsables s'ils sont perdus ou endommagés." En droit, cela n'est pas un contrat. Il est illusoire de dire: "Nous promettons de faire quelque chose, mais nous ne sommes pas responsables si nous ne le faisons pas". [Traduction libre]
[36] L'examen des termes utilisés dans des instruments internationaux pour appuyer l'interprétation de règles intérieures a été jugé comme un outil valide par la majorité de la Cour suprême du Canada et donc, selon moi, l'Office peut s'appuyer sur la Convention de Montréal, qui régit les vols internationaux. Les articles 17, 18 et 19 y prévoient que la responsabilité du transporteur s'applique à la destruction, à la perte, aux dommages causés ou à la livraison tardive des bagages ou de la cargaison. Une disposition semblable dans la Convention de Varsovie pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international a été interprétée par le Civil Aeronautics Board des États-Unis d'Amérique comme suit : « manifestement, un transporteur aérien ne peut pas accepter les bagages puis se soustraire à la responsabilité qui en découle; il doit plutôt refuser d'accepter de transporter ces biens, comme le permet l'article 33 de la Convention, ou accepter d'assumer la responsabilité qui en découle dans les limites indiquées dans l'article 22. » (Trans International Airlines Inc., rôle 28807) [traduction libre]
[37] Les limites monétaires sur présentation d'une preuve dans le cadre de la Convention de Montréal et de la règle 230AC du tarif constituent une norme claire et sans équivoque que l'Office doit consulter.
CONCLUSION
[38] Selon les motifs concordants énoncés ci-dessus, l'Office enjoint par les présentes à Air Canada de réviser le tarif dans les 30 jours suivant la présente décision, de façon à clarifier sa politique concernant la responsabilité du transporteur à l'égard de la perte de biens périssables qu'il a accepté de transporter, et de déposer cette révision auprès de l'Office dans le délai imparti. Cette révision devra inclure une disposition qui exige d'Air Canada qu'elle assume à l'égard de la perte des articles périssables la même responsabilité que celle qui est établie dans la règle 230AC du tarif d'Air Canada à l'égard du transport des bagages ou de la cargaison.
[39] En ce qui a trait à la contravention du paragraphe 67(3) de la LTC, étant donné qu'Air Canada a remboursé M. Pinksen, aucune autre mesure n'est envisagée.
Membres
- Mary-Jane Bennett
- Guy Delisle
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