Décision n° 194-AT-A-2007

le 20 avril 2007

le 20 avril 2007

DEMANDE présentée par Ben Abdellah en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni au débarcadère de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto, au moment du débarquement de l'autobus de Robert Q Airbus, le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni par l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto entre l'entrée de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto et le comptoir d'enregistrement d'Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat, et son incapacité de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006 entre Toronto (Ontario), Canada et Francfort, Allemagne.

Référence no U3570/06-22


DEMANDE

[1] Le 13 juillet 2006, Ben Abdellah a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

[2] Dans la décision no LET-AT-A-222-2006 du 11 août 2006, l'Office a enjoint à Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat), à Robert Q Airbus (ci-après Robert Q) et à l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (ci-après la GTAA) de fournir leurs réponses à la demande, y compris les copies des documents pertinents.

[3] Dans la décision no LET-AT-A-220-2006 du 11 août 2006, l'Office a exigé que CTH Travel fournisse des renseignements pour aider l'Office dans le cadre de son enquête sur cette affaire.

[4] L'Office a avisé Carecor Health Services Ltd. (ci-après Carecor), dans la décision no LET-AT-A-221-2006 du 11 août 2006, qu'il était en train d'examiner la compétence qu'il exerce à son endroit. Par conséquent, l'Office a demandé à la GTAA de déposer une copie de tout contrat qu'elle pourrait avoir avec Carecor à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto). Carecor devait aussi fournir des renseignements pour aider l'Office dans le cadre de son enquête sur cette affaire.

[5] D'autres mémoires ont été déposés par M. Abdellah, en plus des mémoires d'Air Transat, de Robert Q, de la GTAA, de Carecor et de CTH Travel afin d'aider l'Office dans le cadre de son enquête sur cette affaire.

[6] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 20 avril 2007.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Dépôt tardif

[7] Même si M. Abdellah a déposé ses commentaires après l'échéance prescrite, l'Office, en vertu de l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35 (ci-après les Règles générales), accepte le mémoire comme étant pertinent et nécessaire à son examen du dossier. De plus, même si un mémoire de Robert Q a été déposé après la clôture des plaidoiries, en vertu de l'article 4 des Règles générales, l'Office accepte le mémoire comme étant pertinent et nécessaire à son examen de la présente affaire.

Compétence

[8] Dans la décision no LET-AT-A-221-2006 du 11 août 2006, l'Office a noté que sa compétence à l'endroit de Carecor, un fournisseur local de soins de santé, était en cour d'examen puisque la demande de M. Abdellah a soulevé des incidents qui sont survenus et qui sont liés à Carecor.

[9] La compétence de l'Office se limite au réseau de transport qui relève de l'autorité législative du Parlement. Le fait que Carecor, un organisme réglementé au niveau provincial, a un contrat avec la GTAA ne suffit pas à faire de lui un organisme relevant de la compétence fédérale.

[10] L'Office a examiné le contrat de Carecor avec la GTAA et estime que les services offerts par Carecor sont des services de clinique médicale fournis pour des raisons de commodité à toutes les personnes qui utilisent l'aérogare (voyageurs, employés, etc.). L'Office estime également que les services fournis par Carecor ne sont pas essentiels à l'exploitation de l'aéroport. Ainsi, Carecor ne relève pas de la compétence de l'Office et ce dernier ne se penchera donc pas sur les incidents liés à Carecor.

Décision de la Cour suprême

[11] L'Office note que la Cour suprême du Canada a rendu son jugement le 23 mars 2007 dans l'affaire Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc., 2007 CSC 15 (ci-après la décision CCD-VIA). Il s'agit de la première décision de cette cour dans laquelle elle se penche sur la compétence de l'Office relative aux dispositions de la partie V de la LTC portant sur l'accessibilité des transports. En outre, la décision offre d'importantes directives à l'Office dans l'exécution de son mandat à ce chapitre. L'Office étudie actuellement les incidences de la décision CCD-VIA et pourrait modifier ses procédures à l'avenir par suite de cet examen. Dans le cas présent, l'Office note qu'en raison de la fin imminente du mandat de M. Gill, il est impératif que ce cas soit traité de façon expéditive, sinon il pourrait y avoir perte de quorum. Par conséquent, l'Office rendra sa décision relativement au cas de M. Abdellah maintenant, avant la fin de cet examen approfondi. Cependant, avant de décider d'aller de l'avant dans cette affaire, l'Office a longuement examiné la décision CCD-VIA et a conclu que la décision finale dans le cas de M. Abdellah est conforme à la décision CCD-VIA.

QUESTION

[12] L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni au débarcadère de l'aéroport de Toronto, le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni à M. Abdellah de l'entrée de l'aéroport de Toronto au comptoir d'enregistrement d'Air Transat et l'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006 entre Toronto et Francfort ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.

FAITS

[13] M. Abdellah a une sténose mitrale; le syndrome de douleur locale type 2 (jambe inférieure gauche); le syndrome d'incarcération du nerf sciatique poplité externe (jambe gauche); le syndrome du canal carpien bilatéral; une épicondylite bilatérale (les deux coudes); une tendinite bilatérale (les deux épaules); et une contusion-lacération (genou droit). En janvier 1989, M. Abdellah a appris qu'il avait la dystrophie sympathique réflexe dans sa jambe gauche, un trouble médical comportant des douleurs aiguës en raison de la réduction de la circulation dans le membre touché. En raison de l'affaiblissement des muscles de sa jambe, M. Abdellah doit utiliser des cannes et des appareils orthopédiques. Il est tombé à plusieurs reprises, ce qui lui a causé des douleurs dans le dos et au cou, et il utilise actuellement un fauteuil roulant dans sa maison pour sa mobilisation et afin d'éviter de se blesser en tombant.

[14] M. Abdellah a déposé la copie d'une lettre de son médecin de famille, datée du 16 juin 2006, qu'il avait avec lui lorsqu'il a voyagé. La lettre donne un aperçu des troubles médicaux de M. Abdellah et de ses médicaments et mentionne qu'il a eu une fibrillation auriculaire le 1er juin 2006 et a subi une cardioversion le 5 juin 2006 afin de restaurer son rythme sinusal. La lettre explique que la fibrillation auriculaire s'est manifestée à nouveau le 10 juin 2006 et que le cardiologue de M. Abdellah, après avoir consulté son médecin de famille, a décidé de ne pas procéder à une autre cardioversion, et indique qu'après consultations, les deux docteurs croyaient qu'il n'était pas médicalement recommandé de le faire. Les deux docteurs ont avisé M. Abdellah qu'il pouvait voyager en toute sécurité en Europe pour une période de trois mois malgré la fibrillation auriculaire.

[15] Le 31 mai 2006, M. Abdellah a acheté un billet auprès de CTH Travel pour un voyage aller-retour avec Air Transat entre Toronto et Francfort (départ le 19 juin 2006 et retour le 13 septembre 2006). M. Abdellah a aussi réservé un transport aller-retour pour les mêmes dates auprès de Robert Q, un fournisseur de services de transport, entre Windsor et l'aéroport de Toronto par l'entremise de CTH Travel. M. Abdellah a demandé de l'assistance avec fauteuil roulant pour son vol avec Air Transat et sa demande a été reçue par Air Transat.

[16] CTH Travel et Robert Q confirment n'avoir transmis à la GTAA aucune demande d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au débarcadère ou à l'entrée de l'aéroport de Toronto avant le voyage. Le chauffeur d'autobus de Robert Q a été informé du besoin d'assistance de M. Abdellah lorsqu'ils sont arrivés à l'aéroport de Toronto.

[17] À son arrivée à l'aéroport de Toronto, M. Abdellah n'a pas reçu d'assistance avec fauteuil roulant au débarcadère. Lorsqu'il est entré dans l'aérogare, un agent du programme d'assistance aux clients de l'aéroport (ci-après PACA) est arrivé pour fournir de l'assistance avec fauteuil roulant à M. Abdellah. Peu de temps après l'arrivée de l'agent du PACA avec le fauteuil roulant, M. Abdellah est tombé et s'est blessé à la jambe. Il a été amené à l'aire d'enregistrement d'Air Transat et ensuite à la clinique médicale Carecor. Il a été évalué par une infirmière qui lui a conseillé d'appliquer de la glace sur sa jambe en raison de l'enflure. M. Abdellah a ensuite été amené au comptoir d'enregistrement d'Air Transat. Peu de temps après, l'infirmière a été appelée au comptoir d'Air Transat pour s'occuper de M. Abdellah puisqu'il avait des palpitations cardiaques. Par conséquent, M. Abdellah n'a pas voyagé avec Air Transat comme prévu.

[18] Le service du PACA à l'aéroport de Toronto est assuré par Penauille Servisair Inc. (antérieurement GlobeGround North America Inc.) qui a conclu un contrat avec la GTAA.

[19] L'article 3-3 du manuel du plan d'opérations du PACA, intitulé Bagages, prévoit notamment ce qui suit :

  • Aucun agent du PACA n'a le droit de pousser un fauteuil roulant et de transporter/tirer un bagage de cabine. Les agents du PACA n'ont pas le droit de pousser ou de transporter des bagages enregistrés. Lorsqu'il rencontre un passager ayant des bagages enregistrés, l'agent du PACA offrira au passager d'utiliser un service de porteur (aux tarifs actuels des porteurs) ou demandera de l'aide à un représentant de la compagnie aérienne. Si le passager ne peut pas payer des services de porteur, ou ne veut pas le faire, même s'ils sont clairement nécessaires, le « protocole du passager dépourvu de ressources » peut être mis en œuvre afin d'éviter de causer un préjudice à l'une des parties. [traduction]

[20] L'article 3-2 du manuel de formation du PACA de Penauille Servisair Inc., intitulé Portée des services, prévoit notamment ce qui suit :

  • Le service de porteur doit être utilisé pour les bagages, au besoin. [traduction]

[21] L'article 3-3 du manuel de formation du PACA de Penauille Servisair Inc., intitulé Description de travail, prévoit notamment ce qui suit :

  • Aider à l'embarquement des passagers et de leurs effets personnels à partir du stationnement ou du débarcadère jusqu'à l'installation de l'aéroport, y compris l'aéronef
  • S'occuper des passagers en fauteuil roulant (embarquer/débarquer/civière) et de leurs effets personnels et de tout passager nécessitant de l'assistance
  • Aider les passagers ayant des besoins spéciaux avec leurs effets personnels pour assurer une expérience aéroportuaire sans heurts et sans stress tout en utilisant toutes les installations de l'aéroport
  • Aider les passagers avec leurs effets personnels et leurs bagages à main, au besoin. [traduction]

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[22] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[23] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Selon les renseignements médicaux de M. Abdellah mentionnés dans la section Faits de la présente décision, il est une personne ayant une déficience au sens de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.

[24] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle?

[25] Le mot « obstacle » s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Puisque ce terme n'est pas défini dans la LTC, il doit être interprété dans le contexte législatif ponctuel, c'est-à-dire aux fins de l'application de la partie V de la LTC relative aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, ledit déplacement ne pouvant être effectué qu'en ayant accès à des services convenables de transport de compétence fédérale. Par conséquent, l'obstacle doit être directement lié à la déficience d'une personne et ne peut être qualifié comme tel du simple fait que c'est une personne ayant une déficience qui y a été confrontée.

[26] Pour déterminer si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas particulier, l'Office examine l'expérience que cette personne a vécue pendant son voyage et qui est relatée dans la demande. L'Office a conclu dans des cas antérieurs qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité après leur retour parce qu'elles avaient été endommagées pendant le transport. De plus, l'Office peut conclure en la présence d'obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais où les circonstances entourant l'expérience soulèvent la question de savoir si la personne a ou non eu accès à des services de transport efficaces.

L'obstacle était-il abusif?

[27] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[28] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

Niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni au débarcadère de l'aéroport de Toronto

[29] Même si M. Abdellah a d'abord expliqué dans sa demande que CTH Travel avait fait tout en son pouvoir pour s'assurer qu'il aurait de l'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages une fois arrivé à l'aéroport de Toronto, il a ensuite déclaré que lorsqu'il a fait ses réservations avec CTH Travel, il a demandé de l'assistance avec fauteuil roulant. Comme CTH Travel réservait aussi son billet auprès de Robert Q, il a présumé qu'elle demanderait l'assistance de Robert Q aussi. Malgré ces affirmations de M. Abdellah, il n'est pas contesté que la GTAA et Robert Q n'ont pas été avisés avant la date de départ de M. Abdellah de son besoin d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages entre le débarcadère de l'aéroport de Toronto et le comptoir d'enregistrement, un service qui est fourni par le PACA avec l'aide de porteurs.

[30] Les versions des faits de M. Abdellah et de Robert Q diffèrent au sujet des discussions le jour du voyage en ce qui a trait au besoin de M. Abdellah d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au débarcadère de l'aéroport de Toronto et la mesure dans laquelle Robert Q a fourni cette assistance. En particulier, M. Abdellah a d'abord affirmé que lorsqu'il a demandé de l'aide au chauffeur de l'autobus, ce dernier l'a ignoré et a continué sa route, mais il a ensuite précisé que le chauffeur lui a dit que s'il avait fait une demande d'assistance, quelqu'un viendrait bientôt. Le chauffeur de l'autobus, de son côté, affirme que lorsqu'il déchargeait les bagages, M. Abdellah s'est renseigné sur l'assistance avec fauteuil roulant. Le chauffeur a ajouté : « Lorsque j'ai déchargé tous les bagages de mes passagers et chargé les bagages de cette personne dans son chariot, il s'est éloigné. Cela s'est produit après que je lui ai dit que je ne pouvais pas laisser mon autobus, mais que je garderais l'œil ouvert pour trouver quelqu'un. Il n'y avait personne. Je l'ai probablement dirigé vers le bureau de sa compagnie aérienne pour qu'il obtienne de l'assistance avant qu'il ne se soit éloigné. » Malgré les différentes versions des événements, il est clair qu'après avoir été avisé par le chauffeur de l'autobus qu'il était incapable de lui fournir de l'assistance, M. Abdellah s'est rendu du débarcadère à l'aérogare. L'Office estime que M. Abdellah a eu l'impression, après avoir discuté avec le chauffeur de l'autobus Robert Q, que l'assistance ne serait pas fournie et c'est pourquoi il a décidé de se rendre à l'aérogare.

[31] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au débarcadère de l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Abdellah.

[32] L'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle est abusif.

[33] Même si Robert Q affirme que ses chauffeurs n'ont pas le droit de quitter leur véhicule, l'Office note que, dans ce cas, le chauffeur a quitté son autobus pour demander de l'assistance avec fauteuil roulant à un porteur pour un autre passager. Selon la déclaration du chauffeur, il est entré dans l'aérogare quelques minutes après que M. Abdellah se soit éloigné, lorsqu'il a informé ce dernier qu'il ne pouvait pas quitter l'autobus mais qu'il vérifierait s'il y avait quelqu'un de près. Toutefois, le chauffeur indique qu'il a quitté l'autobus dans ce cas pour trouver quelqu'un qui puisse aider une dame âgée. Même si la GTAA a déposé une déclaration signée de sa représentante à l'information aux passagers (ci-après la RIP) de l'aérogare 3, selon qui un chauffeur d'autobus s'est adressé à elle à l'intérieur de l'aérogare pour l'aviser que deux passagers, un homme et une femme, avaient besoin d'assistance avec fauteuil roulant et pour leur bagages, il est clair, comme il a déjà été mentionné, que M. Abdellah croyait, selon ce que le chauffeur d'autobus lui avait dit au débarcadère, qu'aucune assistance ne serait fournie, puisque le chauffeur l'avait avisé qu'il n'était pas en position de demander de l'aide. Puisque M. Abdellah s'est éloigné après sa discussion avec le chauffeur, toute demande d'assistance subséquente qui aurait pu avoir été faite par le chauffeur n'aurait pas été indiquée à M. Abdellah.

[34] Robert Q a avisé l'Office que sa pratique a toujours été que ses chauffeurs communiquent avec le représentant de l'aérogare 1 lorsqu'ils approchent de l'aéroport lorsque des demandes d'assistance avec fauteuil roulant ont été faites à l'avance. Par conséquent, l'Office estime que même si le chauffeur a dû quitter l'aérogare, il aurait pu utiliser sa radio alors qu'il quittait l'aérogare afin de demander qu'une assistance soit fournie à M. Abdellah et informer ce dernier de cette mesure.

[35] Selon ce qui précède, l'Office estime que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au débarcadère de l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Abdellah.

[36] L'Office note que depuis le dépôt de la demande de M. Abdellah auprès de l'Office, Robert Q a pris connaissance du service du PACA offert par la GTAA et a mis en œuvre les nouvelles procédures suivantes afin d'aider les passagers qui font une demande d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages :

  • si son personnel de Windsor reçoit une demande de dernière minute pour de l'assistance avec fauteuil roulant à Toronto, non seulement il informera le chauffeur, il avisera aussi le client d'informer le chauffeur d'autobus de la demande;
  • lorsqu'une demande d'assistance avec fauteuil roulant est faite en cours de route vers l'aéroport de Toronto, le chauffeur communiquera avec le représentant de Robert Q de l'aérogare 1 lorsqu'il sera plus près de l'aéroport;
  • le chauffeur informera le représentant de la demande et fournira son numéro de véhicule et son heure d'arrivée prévue au débarcadère de l'aéroport. Le représentant de l'aérogare communiquera alors avec le répartiteur du PACA pour l'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages.

[37] L'Office estime que les mesures qui ont été mises en place par Robert Q aideront à éliminer les problèmes futurs pour les passagers qui demandent de l'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages, à la dernière minute ou non, et l'Office estime qu'aucune autre mesure corrective n'est nécessaire.

Niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni à M. Abdellah dans l'aérogare

[38] L'Office reconnaît que les mémoires de M. Abdellah et de la GTAA sont contradictoires en ce qui a trait au niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni à M. Abdellah lors de son entrée dans l'aérogare. D'une part, M. Abdellah affirme que deux agents du PACA sont arrivés avec deux fauteuils roulants alors qu'il s'appuyait sur son chariot à bagage, puisqu'il n'y avait pas d'endroit où s'asseoir, et un agent lui a demandé de s'asseoir dans un fauteuil roulant alors que l'autre est parti. M. Abdellah explique que pendant que l'agent l'amenait en fauteuil roulant au comptoir d'Air Transat, il s'est enquis de ses bagages puisqu'il ne voulait pas les laisser sans surveillance. Selon M. Abdellah, l'agent a déclaré qu'elle n'avait pas comme tâche de déplacer ses bagages et qu'elle ne pouvait rien faire. M. Abdellah affirme aussi que même s'il a suggéré des solutions, notamment de demander que l'agente demande plus d'assistance, cette dernière a continuellement refusé d'aider et elle a indiqué qu'il était impossible de communiquer avec qui que ce soit. Ceci, selon M. Abdellah, l'a alors poussé à quitter son fauteuil roulant pour essayer de déplacer le chariot afin qu'il soit récupéré plus tard et, ce faisant, il a perdu l'équilibre et est tombé sur sa hanche gauche, blessant sa jambe gauche sur le repose-pieds du fauteuil roulant. M. Abdellah ajoute qu'il a pu s'asseoir dans le fauteuil roulant et que l'agente du PACA était la seule personne présente à ce moment-là.

[39] D'autre part, l'agente du PACA qui a fourni l'assistance à M. Abdellah a fait valoir que le fauteuil roulant était fermé lorsqu'elle s'est approchée de M. Abdellah. Celui-ci s'appuyait sur le chariot à bagages et il est tombé soudainement, sur son côté droit. La GTAA explique qu'elle avise ses agents de déplacer les fauteuils roulants dans une position fermée pour leur sécurité et celle des voyageurs, notant que cela permet de manœuvrer plus facilement le fauteuil roulant dans des endroits bondés. L'agente du PACA fait observer que le fauteuil roulant n'était pas la cause de la chute de M. Abdellah et qu'aucune partie du corps de ce dernier n'a touché le fauteuil roulant lorsqu'il est tombé. Selon l'agente du PACA, le spécialiste de soutien de l'aérogare a aidé M. Abdellah à se relever et elle a ensuite ouvert le fauteuil roulant pour lui.

[40] L'agente du PACA explique que même si elle est la seule qui ait approché M. Abdellah, un deuxième agent du PACA devait aider un autre passager. Alors qu'ils se rendaient à leurs points de rencontre, on aurait pu croire que les deux agents étaient ensemble. Même si l'agente du PACA affirme que la deuxième agente est peut-être passée sans s'arrêter pendant qu'elle aidait M. Abdellah, la deuxième agente a confirmé dans une déclaration signée qu'elle n'a pas aidé M. Abdellah. Finalement, la GTAA fait observer que l'agente du PACA a confirmé que M. Abdellah n'était pas assis dans le fauteuil roulant avant de tomber et qu'en ce qui a trait à l'assistance pour les bagages, elle n'a pas refusé de l'aider. Dans une déclaration écrite soumise à l'Office, l'agente du PACA indique qu'elle a demandé à M. Abdellah, puisqu'il n'est pas sécuritaire de pousser ses bagages et son fauteuil roulant, s'il désirait avoir les services d'un porteur, mais il a refusé. À cet égard, l'Office note que cela est conforme à la politique du PACA en vertu de l'article 3-3 du manuel du plan d'opérations du PACA, intitulé Bagages, qui prévoit qu'aucun agent du PACA n'a le droit de pousser un fauteuil roulant et de transporter/tirer un bagage de cabine. Par ailleurs, les agents du PACA n'ont pas le droit de pousser ou de transporter des bagages enregistrés. Lorsqu'il rencontre un passager ayant des bagages enregistrés, l'agent du PACA offrira au passager d'utiliser un service de porteur (aux tarifs actuels des porteurs)... La GTAA a aussi déposé un résumé de discussion entre l'agente du PACA et son employeur, qui confirme qu'elle a agi selon le protocole lorsqu'elle a demandé si elle pouvait prendre des dispositions pour qu'un porteur déplace les bagages de M. Abdellah. La GTAA explique aussi dans le résumé qu'avant qu'une autre discussion puisse avoir lieu, M. Abdellah était tombé.

[41] L'Office doit rendre une décision dans le cas présent en évaluant la preuve de M. Abdellah par rapport à la preuve de la GTAA. Dans tout litige, il est important d'établir quelle partie est dans l'obligation de faire la preuve du point litigieux. Dans les causes civiles, la règle générale veut que le demandeur porte le fardeau juridique de la preuve et est donc tenu d'établir, selon toute probabilité, c'est-à-dire la prépondérance de la preuve, que sa version représente les faits en litige de façon adéquate et que sa position est la bonne. Ce principe s'applique également aux allégations d'obstacles aux termes de la partie V de la LTC.

[42] Il revient donc à M. Abdellah de démontrer à l'Office que sa version des faits en ce qui a trait au niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages qui lui a été fourni dans l'aérogare est plus probable que celle de la GTAA. L'Office a devant lui différentes versions des événements, au point où elles sont irréconciliables sur certains aspects, et doit déterminer si M. Abdellah a prouvé les allégations d'obstacles contre la GTAA en évaluant soigneusement la preuve présentée dans cette affaire.

[43] En ce qui a trait au fardeau de la preuve, il incombe au demandeur de fournir la preuve suffisante de la présence d'un obstacle pour contrer la preuve présentée par l'intimé, sinon il ne se sera pas acquitté de son fardeau. Autrement dit, la preuve du demandeur doit être plus convaincante que la contre-preuve. En examinant les éléments de preuve, l'Office a appliqué les critères habituels afin de déterminer laquelle des deux versions est la plus probable. Puisque l'on peut dire que les deux versions pourraient être également probables, l'Office conclut que la preuve présentée par M. Abdellah ne suffit pas pour appuyer toute inférence que l'incident serait survenu tel qu'il le décrit dans sa demande.

[44] Par conséquent, l'Office estime que M. Abdellah n'a pas prouvé un degré suffisant de probabilité pour justifier une conclusion que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages qui lui a été fourni dans l'aérogare a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement. L'Office estime que M. Abdellah ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve en ce qui a trait à ses allégations concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages qui lui a été fourni dans l'aérogare. L'Office estime donc que M. Abdellah n'a pas démontré qu'il a rencontré un obstacle.

L'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006

[45] M. Abdellah avait prévu de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat entre Toronto et Francfort le 19 juin 2006 afin de visiter sa mère, qui devait subir une chirurgie importante en juillet 2006 en Europe, et pour des raisons thérapeutiques selon les conseils de son médecin.

[46] M. Abdellah avait un certificat délivré par son médecin de famille pour voyager et a fourni une lettre de son médecin à cet égard. La lettre mentionne que M. Abdellah a eu une fibrillation auriculaire le 1er juin 2006 et qu'il a subi une cardioversion le 5 juin 2006 afin de restaurer son rythme sinusal. La lettre indique aussi qu'après consultation avec le cardiologue de M. Abdellah, les deux docteurs ont avisé ce dernier qu'il pouvait voyager en toute sécurité en Europe pour une période de trois mois malgré la fibrillation auriculaire.

[47] À l'aéroport, avant le départ de M. Abdellah, des événements ont eu lieu qui ont eu pour résultat qu'Air Transat a décidé de lui refuser l'embarquement. Par suite de la décision d'Air Transat, M. Abdellah a été incapable de voyager comme prévu, malgré le certificat médical.

[48] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que l'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006 a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[49] L'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle est abusif.

[50] M. Abdellah fait valoir qu'il voyageait avec des lettres de son médecin de famille et de son cardiologue indiquant qu'il pouvait voyager en avion et qu'Air Transat n'avait pas le droit de l'empêcher d'embarquer dans l'aéronef.

[51] En ce qui a trait à la situation à l'aéroport le 19 juin 2006, l'Office note les divergences entre les versions de M. Abdellah et de l'infirmière de Carecor au sujet des événements qui ont mené à l'incapacité de M. Abdellah de voyager le jour en question. M. Abdellah a d'abord indiqué que lorsqu'il a refusé de se rendre à l'hôpital, l'infirmière a changé d'idée concernant le fait qu'il ne pouvait pas voyager, mais n'a pas réussi à lui trouver un siège supplémentaire qui lui aurait permis d'élever ses jambes. Toutefois, M. Abdellah a par la suite indiqué que lorsqu'on l'a amené au comptoir d'Air Transat, l'infirmière de Carecor l'a empêché de voyager, même s'il avait tous les rapports nécessaires de ses docteurs. L'Office note que cette affirmation est appuyée par la preuve déposée par Carecor, puisque l'infirmière affirme dans son rapport qu'on a refusé l'embarquement à M. Abdellah après qu'elle ait communiqué avec le comptoir d'enregistrement d'Air Transat parce M. Abdellah, qui venait de quitter la clinique, se plaignait de douleurs à la poitrine et de palpitations et, ainsi, il n'était pas sécuritaire pour lui de voyager en avion. De plus, le rapport indique que M. Abdellah a affirmé qu'il retournerait à la maison et qu'on lui a conseillé d'obtenir des soins médicaux.

[52] Air Transat fait aussi référence à la plainte de M. Abdellah concernant des douleurs à la poitrine, qui a obligé Air Transat à appeler l'infirmière locale pour l'aider. De plus, la compagnie aérienne a confirmé qu'à la suite de l'évaluation médicale, M. Abdellah a été avisé par l'infirmière qu'il ne pouvait pas voyager puisqu'il présentait des signes d'une crise cardiaque et il a demandé d'être ramené à l'autobus Robert Q afin de retourner à la maison.

[53] L'Office reconnaît que M. Abdellah avait reçu un certificat médical en prévision de ce voyage. Toutefois, les événements qui ont eu lieu immédiatement avant le voyage ont changé la situation. Si ces événements ne s'étaient pas produits, il est probable qu'Air Transat aurait permis à M. Abdellah de voyager à la lumière du certificat médical qu'il a fourni.

[54] Air Transat a refusé l'embarquement à M. Abdellah selon les conseils de l'infirmière de Carecor. À cet égard, l'Office note que la procédure d'Air Transat visant à s'assurer qu'une personne est apte à voyager lorsqu'elle présente des signes de maladie avant un vol consiste à communiquer avec un intervenant local en matière de santé, comme l'infirmière dans le cas présent, ou un service d'assistance médicale. L'Office accepte qu'Air Transat se fie aux décisions et recommandations des autorités médicales expérimentées. Dans le cas de M. Abdellah, l'infirmière locale a recommandé qu'il ne voyage pas, un avis qu'Air Transat a appuyé.

[55] De plus, l'Office note l'article 7.1 du tarif international de vols affrétés d'Air Transat, intitulé Refus de transport - Expulsion des passagers, qui prévoit ce qui suit :

Le transporteur peut refuser de transporter, céder la place réservée d'un passager ou expulser tout passager en cours de route de n'importe quel vol lorsque :

  1. un tel geste est nécessaire pour des raisons de sécurité.

[56] Malgré les documents médicaux que M. Abdellah a présentés à l'infirmière de Carecor, qui expliquaient son état de santé avant le voyage, la preuve démontre clairement que le jour du voyage, M. Abdellah présentait des symptômes à l'enregistrement qui sont associés à des problèmes cardiaques et, pour ces raisons, selon l'avis éclairé de l'infirmière de Carecor, Air Transat a refusé de le transporter.

[57] L'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit d'une personne ayant une déficience d'accéder au réseau de transport fédéral sans rencontrer d'obstacle abusif et les droits et obligations d'un fournisseur de services.

[58] Du point de vue de l'Office, l'équilibre approprié dans le cas présent nécessite qu'on tienne compte des obligations du transporteur de fournir un environnement sécuritaire à ses voyageurs.

[59] Même s'il n'existe pas de preuve directe de la justification de la norme contestée, il peut être raisonnablement sous-entendu qu'il y a une raison valable pour la mise en œuvre de la procédure susmentionnée lorsqu'il y a un risque potentiel pour la sécurité du voyageur et des autres. La fourniture d'aide médicale d'urgence à un passager en vol est extrêmement compliquée pour le transporteur, puisque les ressources disponibles sont très limitées, mais il y a aussi un risque pour le passager. Donc, l'Office accepte que, dans les circonstances, la décision du transporteur de ne pas transporter M. Abdellah à bord du vol en question est objectivement justifiable et qu'il n'y avait pas de solution de rechange raisonnable.

[60] Selon ce qui précède, l'Office estime que l'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006 n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

CONCLUSION

[61] L'Office a déterminé que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni par Robert Q au débarcadère de l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Abdellah. Toutefois, à la lumière des mesures prises, aucune mesure corrective ne sera ordonnée. En ce qui a trait au niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages qui lui a été fourni dans l'aérogare, l'Office a déterminé que M. Abdellah n'a pas démontré qu'il a rencontré un obstacle.

[62] L'Office a aussi déterminé que l'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006 n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

Membres

  • Baljinder Gill
  • Guy Delisle

OPINION DISSIDENTE DE MARY-JANE BENNETT

[63] Je suis d'accord avec les sections Faits et Questions de la décision rendue par la majorité.

[64] J'ai une opinion dissidente au sujet des observations préliminaires et de la première et la troisième question. Bien que je sois d'accord avec la conclusion de la deuxième question, je fournis mes propres raisons à cet égard.

[65] En ce qui trait à la question de la compétence et sans qu'il y ait eu de demande de plaidoiries sur la question, la majorité a conclu que Carecor ne relève pas de l'autorité législative du Parlement. Cette conclusion ne tient pas compte du fait que la GTAA a conclu un contrat avec Carecor pour la fourniture de services essentiels à l'exploitation d'un aéroport. J'estime que le lien existant entre Carecor et la GTAA justifiait des plaidoiries sur la question et je n'aurais pas nié la compétence sans un examen complet de la question.

Niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au débarcadère de l'aéroport de Toronto

[66] En ce qui a trait à la première question, et plus précisément au niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni au débarcadère de l'aéroport de Toronto, je ne suis pas d'accord avec les faits exposés par la majorité pour appuyer leur conclusion de la présence d'un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Abdellah.

[67] Premièrement, alors que M. Abdellah maintient qu'il a informé l'agent de voyage, en l'occurrence CTH Travel, de son besoin d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages au moment de débarquer de l'autobus Robert Q et que CTH Travel a tout fait en son pouvoir pour s'assurer que cette assistance serait fournie, je note que ces renseignements ont été niés par CTH Travel, par la GTAA et par Robert Q.

[68] CTH Travel fait valoir que « Notre bureau n'a pas reçu de renseignements de la part de M. Abdellah demandant de l'assistance de l'autobus de Robert Q jusqu'au comptoir d'enregistrement d'Air Transat. » [traduction] Pour sa part, Robert Q affirme qu'elle « n'a reçu, en aucun temps et de qui que ce soit, une demande afin d'aider M. Abdellah à obtenir un fauteuil roulant avant son arrivée à l'aéroport de Toronto. » [traduction] La GTAA indique que « nous n'avons aucun renseignement nous permettant de conclure que CTH Travel, Robert Q ou Air Transat a communiqué avec la GTAA pour demander de l'assistance avec fauteuil roulant avant son arrivée à l'aéroport. Même si le PACA n'a pas été avisé à l'avance de l'arrivée de M. Abdellah à l'aéroport le 19 juin 2006, le PACA a en fait répondu à une demande d'assistance avec fauteuil roulant pour M. Abdellah peu de temps après son débarquement de l'autobus de Robert Q à l'aérogare 3. » [traduction]

[69] Deuxièmement, M. Abdellah a d'abord affirmé que lorsqu'il est descendu de l'autobus de Robert Q, le chauffeur de l'autobus a ignoré sa demande d'assistance avec fauteuil roulant. Au cours des plaidoiries, M. Abdellah a changé sa version des événements et a affirmé que le chauffeur de l'autobus l'avait avisé que quelqu'un viendrait bientôt.

[70] Robert Q a indiqué avoir pris connaissance pour la première fois du besoin d'assistance avec fauteuil roulant de M. Abdellah à son arrivée à l'aéroport de Toronto. C'est là que le chauffeur de l'autobus de Robert Q est entré dans l'aérogare pour aller chercher de l'aide pour une passagère. Selon les faits rapportés par la suite par la représentante à l'information aux passagers (ci-après la RIP), « le chauffeur d'un autobus s'est adressé à moi à l'intérieur de l'aérogare et m'a avisée que deux passagers, un homme et une femme, avaient besoin d'assistance avec fauteuil roulant et pour leurs bagages. Je me suis dirigée vers la porte et M. Abdellah poussait déjà un chariot avec ses bagages afin de passer la porte. » [traduction]

[71] Même si M. Abdellah a affirmé qu'en raison du manque d'assistance à l'aéroport, il a dû s'asseoir au débarcadère de l'aéroport de Toronto pendant vingt-cinq minutes, je note qu'au fur et à mesure des plaidoiries, M. Abdellah a affirmé avoir été assis au débarcadère pendant trente-cinq minutes, quarante minutes et, finalement, quarante à quarante-cinq minutes. Je considère qu'il était raisonnable de la part de la GTAA de demander pourquoi M. Abdellah s'est assis au débarcadère plutôt que de demander de l'assistance à l'un des membres du Corps des commissionnaires en poste au débarcadère.

[72] M. Abdellah a affirmé dans ses plaidoiries initiales qu'une fois à l'intérieur de l'aéroport, il a attendu quelques minutes avant de recevoir l'assistance avec fauteuil roulant. Lors de plaidoiries subséquentes, il a affirmé avoir attendu dix à quinze minutes avant de recevoir l'assistance. Le chauffeur de l'autobus de Robert Q explique qu'après la demande de fauteuil roulant de M. Abdellah, ce dernier s'est éloigné et le chauffeur l'a vu entrer dans l'aéroport. Cette série d'événements est attestée par la RIP, qui a indiqué que lorsqu'elle a été avisée du besoin d'assistance avec fauteuil roulant de M. Abdellah par le chauffeur, elle a immédiatement envoyé un agent qui a localisé M. Abdellah à l'entrée de l'aéroport.

[73] La majorité a conclu qu'il y a eu un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Abdellah. Cependant, cette conclusion ne tient pas compte de la déclaration de M. Abdellah, selon qui le chauffeur l'a avisé que quelqu'un viendrait bientôt, et du fait que l'assistance a été obtenue rapidement. Dans ses décisions précédentes, l'Office a reconnu que lorsqu'une demande d'assistance est faite à la dernière minute par une personne ayant une déficience, cela peut engendrer de la confusion et le transporteur pourrait ne pas avoir l'équipement nécessaire pour fournir le meilleur service possible. Le fournisseur de services de transport ne peut ignorer la demande d'assistance, mais les lacunes dans une expérience de voyage homogène pour une personne ayant une déficience sont évitées en avertissant le fournisseur de transport du besoin d'assistance dès le début. J'estime que la demande d'assistance à la dernière minute n'a pas été oubliée mais qu'elle a plutôt été traitée du mieux possible dans les circonstances. J'estime que même si M. Abdellah s'est éloigné de l'autobus et qu'il n'a pas attendu au débarcadère ou dans l'aéroport, le chauffeur s'est tout de même assuré que des agents du PACA dans l'aéroport étaient au courant de la présence de M. Abdellah. Le chauffeur s'est précipité dans l'aéroport et a avisé le personnel approprié, et M. Abdellah a ensuite obtenu immédiatement le service. J'estime donc que M. Abdellah n'a pas rencontré d'obstacle à ses possibilités de déplacement.

Niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni à M. Abdellah dans l'aérogare

[74] Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fourni à M. Abdellah dans l'aérogare, il faut absolument se demander si l'agente du PACA a refusé de s'occuper des bagages de M. Abdellah. L'agente du PACA a expliqué qu'elle a demandé à M. Abdellah s'il voulait qu'un porteur s'occupe de ses nombreux bagages, qui ont été déterminés ultérieurement comme étant d'un poids excessif, puisqu'elle ne pouvait pas pousser un fauteuil roulant et transporter les bagages en même temps. En fait, l'agente du PACA ne peut, aux termes du contrat, fournir en même temps de l'assistance de porteur et de l'assistance avec fauteuil roulant. Ce fait semble avoir été mal compris par M. Abdellah.

[75] Puisque deux agents du PACA ont été dépêchés en même temps pour aider deux clients différents (un homme et une femme) et malgré le fait qu'ils semblaient tous deux se diriger vers M. Abdellah, cela n'était pas la destination prévue du deuxième agent du PACA. M. Abdellah a cru à tort qu'un des agents du PACA était un porteur et soutient que le deuxième agent qui est parti aurait dû s'occuper des bagages. Dans son mémoire du 30 août 2006, M. Abdellah décrit l'incident comme suit : « Je croyais qu'un porteur était assigné pour m'aider avec mon fauteuil roulant et que l'autre s'occuperait de mes bagages. Il n'aurait pas été nécessaire de discuter avec le porteur et je n'aurais pas eu à subir de blessure, surtout après avoir attendu au débarcadère pendant vingt-cinq minutes, si le porteur qui a quitté s'était occupé de mes bagages. » [traduction] Puisque cela n'était pas le cas et que l'agente du PACA fait valoir qu'elle a discuté des services d'un porteur avec M. Abdellah, j'estime qu'en tenant compte de la prépondérance des probabilités, l'assistance avec fauteuil roulant et pour les bagages fournie dans l'aérogare à M. Abdellah n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement. Quant à savoir si M. Abdellah est ensuite tombé parce qu'il s'est accroché sur le repose-pieds du fauteuil roulant, comme l'affirme son médecin, ou s'il est tombé parce qu'il était fâché et fatigué, comme M. Abdellah l'a expliqué lui-même, les faits démontrent que M. Abdellah a reçu de l'assistance avec fauteuil roulant et que les dispositions concernant l'assistance pour les bagages étaient en cours de discussion. Je n'estime pas que les déclarations des événements étaient « irréconciliables » comme l'a conclu la majorité. M. Abdellah a plutôt changé ses plaidoiries, après avoir été informé durant celles-ci que le deuxième agent n'était pas un porteur comme il le croyait, afin d'indiquer que l'agente du PACA a refusé de l'aider à obtenir les services d'un porteur.

L'incapacité de M. Abdellah de voyager à bord du vol no 130 d'Air Transat le 19 juin 2006

[76] Afin de faire intervenir l'article 172 de la LTC, l'Office doit trouver une relation entre la déficience et l'obstacle. Dans le cas présent, on n'a pas refusé l'embarquement à M. Abdellah parce qu'il a déjà eu des troubles cardiaques, et son incapacité de voyager à bord du vol en question ne peut être analysée en se demandant si cela a créé un obstacle. La question est plutôt de savoir si le tarif international d'Air Transat a été appliqué de façon éclairée.

[77] M. Abdellah s'est présenté à l'enregistrement avec des douleurs à la poitrine et des palpitations et il a rencontré l'infirmière de l'aéroport, à qui il s'est de nouveau plaint de douleurs à la poitrine. Il a présenté un rapport de son médecin, qui confirmait qu'il avait eu une fibrillation auriculaire deux semaines environ et à nouveau une semaine avant de voyager, et il a été avisé qu'il devrait quitter l'aéroport en ambulance. Puisqu'elle se préoccupait de la sécurité de tous les passagers du vol no 130, y compris M. Abdellah, Air Transat a pris la décision de refuser de transporter M. Abdellah. Il doit être noté que ce dernier était d'accord avec la décision et que cela a été effectué d'une manière discrète et avec tact.

Membre

  • Mary-Jane Bennett
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