Décision n° 201-C-A-2005
le 8 avril 2005
RELATIVE à une plainte déposée par Irwin Nathanson au sujet du refus d'embarquement qu'il a essuyé de Lineas Aereas Costarricenses S.A. exerçant son activité sous le nom de LACSA, relativement à un vol de La Havane, Cuba, à Toronto, Canada.
Référence no M4370/L150/03-01
PLAINTE
[1] Le 14 avril 2003, Irwin Nathanson a déposé auprès du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien (ci-après le CPTA) la plainte énoncée dans l'intitulé.
[2] Le 12 août 2004, l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a été saisi du dossier aux fins d'examen, car la plainte soulevait une question de tarif qui relève de sa compétence.
[3] Le 1er septembre 2004, le personnel de l'Office a avisé les parties que l'affaire relevait de sa compétence et a demandé du même coup à M. Nathanson de confirmer s'il souhaitait que l'Office poursuive le traitement formel de la plainte. Puisque les deux parties avaient déjà déposé auprès du CPTA des commentaires relativement à la plainte de M. Nathanson, le personnel de l'Office a également demandé aux parties de confirmer si elles étaient d'accord à ce que ces commentaires soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office.
[4] Le 20 septembre 2004, M. Nathanson a avisé l'Office qu'il souhaitait que ce dernier traite le dossier formellement et que les commentaires qu'il avait déposés auprès du CPTA soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office.
[5] Le 5 octobre 2004, Grupo TACA, au nom de Lineas Aereas Costarricenses S.A. exerçant son activité sous le nom de LACSA (ci-après LACSA), a déposé un mémoire au sujet de la plainte de M. Nathanson et le 13 octobre suivant, elle a indiqué qu'elle ne voulait pas que l'Office se fie uniquement sur les commentaires qui avaient été déposés auprès du CPTA, mais qu'il tienne également compte du mémoire du 5 octobre 2004.
[6] Le 28 octobre 2004, M. Nathanson a répliqué à la réponse de LACSA en date du 5 octobre 2004.
[7] Dans la décision no LET-A-66-2005 du 28 février 2005, l'Office demandait à LACSA d'expliquer la mesure dans laquelle elle avait appliqué sa politique sur le refus d'embarquement à l'égard de M. Nathanson et de sa famille. Le 17 mars 2005, LACSA a déposé sa réponse.
[8] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 8 avril 2005.
QUESTION
[9] L'Office doit déterminer si LACSA a appliqué les conditions de son tarif tel que l'exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).
POSITIONS DES PARTIES
[10] Le 23 mars 2003, M. Nathanson et sa famille, en arrivant au comptoir d'enregistrement de l'aéroport de La Havane pour le vol no 622 à destination de Toronto, apprenaient que le vol était en surréservation.
[11] M. Nathanson allègue qu'il a avisé le(la) préposé(e) à la billetterie qu'il devait absolument rentrer à Toronto avec sa famille le 23 mars 2003, et ce afin de pouvoir prendre le vol de correspondance d'Air Canada de Toronto à Vancouver le matin suivant. Ainsi, M. Nathanson pourrait être à une réunion d'affaire à son bureau le jour même. Selon M. Nathanson, le(la) préposé(e) lui aurait répondu qu'il n'y avait rien à faire, sauf enregistrer M. Nathanson et sa famille pour un vol de LACSA de La Havane à destination de Toronto le 24 mars 2003.
[12] M. Nathanson fait valoir que lui et sa famille sont retournés à l'hôtel où il a demandé à quelqu'un de communiquer avec d'autres transporteurs aériens partant de l'aéroport de Varadero. M. Nathanson indique qu'il a finalement pu faire les réservations pour tous avec Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat). Le vol était prévu au cours de la soirée du 23 mars 2003 de Varadero à Montréal. Le deuxième tronçon devait être assuré par Air Canada de Montréal à Toronto. Ainsi, M. Nathanson et sa famille pourraient prendre le vol de correspondance qui avait initialement été réservé avec Air Canada de Toronto à Vancouver.
[13] M. Nathanson demande le remboursement total de 3 462 $CAN pour les billets supplémentaires qu'il a dû acheter d'Air Transat et d'Air Canada pour assurer le transport de Varadero à Montréal, puis de Montréal à Toronto.
[14] Dans sa réponse, LACSA explique la pratique de « surréservation » qui est courante dans l'industrie et déclare que, de façon générale, cette pratique est avantageuse tant pour les lignes aériennes que les passagers, car les transporteurs peuvent exploiter leurs services à pleine capacité, ce qui se traduit pour les consommateurs par des prix les plus économiques possible. LACSA fait valoir qu'en cas de surréservation, le personnel du transporteur transige avec les passagers touchés suivant la procédure du transporteur relative aux surventes. LACSA note que bien que cette procédure n'exige aucunement que le transporteur fournisse une chambre d'hôtel, des repas et d'autres services, elle a offert d'héberger M. Nathanson et sa famille à l'hôtel.
[15] LACSA fait valoir que le 13 mai 2003 elle a remis à M. Nathanson un bon de voyage non monnayable d'une valeur de 400 $US, lequel représente la compensation qu'exige le United States Department of Transportation (ministère des Transports des États-Unis). LACSA soutient également que le 2 décembre 2003, elle a offert une compensation additionnelle sous forme de quatre bons de voyage d'une valeur de 100 $US à chaque membre de la famille Nathanson, ou un bon de voyage de 400 $US au nom de M. Nathanson. LACSA ajoute qu'en février 2004, elle a remboursé à M. Nathanson un montant de 810,16 $US pour les parties inutilisées des quatre billets de M. Nathanson et sa famille. LACSA maintient qu'elle a respecté ses règles dans cette affaire.
[16] M. Nathanson se dit insatisfait de la réponse de LACSA, maintenant que les exigences du United States Department of Transportation en matière de compensation en cas de surréservation ne s'appliquent pas au contrat aux termes duquel son transport devait être assuré entre Cuba et le Canada.
[17] Par la décision no LET-A-66-2005 du 28 février 2005, l'Office a demandé à LACSA de lui expliquer pourquoi il appert que le transporteur n'a pas respecté sa politique sur le versement d'une compensation pour refus d'embarquement en raison d'une surréservation. L'Office soulignait que bien que la politique de LACSA n'apparaisse pas dans le tarif de LACSA no 326 WHG-1, NTA(A) applicable au transport international de passagers -- publié par la Airline Tariff Publishing Company, Agent -- (ci-après le tarif), elle figure néanmoins dans le document de politique applicable au transport entre le Canada et Cuba. LACSA a déposé à l'Office une copie dudit document relativement à la plainte de M. Nathanson. L'Office note qu'en date de la présente décision, LACSA refuse toujours de verser une compensation à M. Nathanson.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[18] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les éléments de preuve déposés par les parties au cours des plaidoiries, y compris le tarif versé à ses dossiers.
[19] Le paragraphe 110(4) et l'article 113.1 du RTA établissent la compétence de l'Office relativement à l'application des conditions que renferment les tarifs.
[20] Le paragraphe 110(4) du RTA dispose que :
110(4) Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.
[21] L'article 113.1 du RTA prévoit ce qui suit :
113.1 Si un licencié n'applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international et figurant à son tarif, l'Office peut :
a) lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;
b) lui enjoindre d'indemniser des personnes lésées par la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[22] Un examen du tarif révèle que le tarif ne renferme aucune condition de transport énonçant clairement la politique de LACSA en ce qui concerne le versement d'une compensation pour refus d'embarquement en raison d'une surréservation.
[23] En ce qui a trait à la compensation que réclame M. Nathanson pour les billets qu'il a achetés le 23 mars 2003 d'Air Transat et d'Air Canada pour lui et sa famille, l'Office note qu'à plusieurs occasions le personnel agissant au nom du CPTA a demandé à LACSA de revoir son refus apparent de verser cette compensation. Ce n'est qu'après que l'Office a été saisi de l'affaire que LACSA a offert de remettre à M. Nathanson un nouveau bon de voyage d'une valeur de 800 $US, en échange des bons qu'il avait déjà reçus, lesquels ont expiré.
[24] Selon la preuve, et en raison de l'absence d'une politique dans le tarif de LACSA applicable au versement d'une compensation en raison d'un refus d'embarquement, l'Office n'a aucun pouvoir réglementaire d'ordonner le versement d'une compensation en l'espèce. À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que la compensation qu'exige M. Nathanson est une question qui déborde de son champ de compétence.
[25] À cet égard, le sous-alinéa 122c)(iii) du RTA et l'article 26 de la LTC, prévoient que :
122. Les tarifs doivent contenir :
(c) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :
(iii) les indemnités pour refus d'embarquement à cause de sur réservation,
26. L'Office peut ordonner à quiconque d'accomplir un acte ou de s'en abstenir lorsque l'accomplissement ou l'obtention sont prévus par une loi fédérale qu'il est chargé d'appliquer en tout ou en partie.
[26] L'Office note que dans le cas présent, comme on l'indique ci-dessus, le tarif de LACSA ne précise pas sa politique relative au versement d'une compensation en raison d'un refus d'embarquement. Par conséquent, l'Office conclut que LACSA a contrevenu au sous-alinéa 122c)(iii) du RTA. À cet égard, LACSA doit être consciente du fait que l'Office juge sérieuse toute contravention aux dispositions de la LTC ou du RTA et qu'il prendra des mesures punitives en cas de récidive.
[27] De plus, il importe de noter que les pouvoirs de l'Office dans de telles situations se limitent à exiger d'un transporteur qu'il modifie son tarif afin de se conformer au sous-alinéa 122c)(iii) du RTA. L'Office ne peut exiger d'un transporteur qu'il applique une politique qui ne figure pas dans son tarif.
CONCLUSION
[28] Puisque l'Office n'a aucune compétence en l'espèce, l'Office rejette par les présentes la demande de compensation de M. Nathanson.
[29] De plus, en ce qui concerne la contravention au RTA, l'Office, en vertu de l'article 26 de la LTC, enjoint par les présentes à LACSA de déposer, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, une modification du tarif aux dossiers de l'Office énonçant clairement la politique de LACSA sur le versement d'une compensation pour refus d'embarquement en raison d'une surréservation lors des voyages à destination et en provenance du Canada.
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