Lettre-décision n° 2014-12-18
Version épurée
DEMANDE déposée par Viterra Inc. contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada conformément à l’article 116 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, telle que modifiée.
DEMANDE
[1] Le 20 juin 2014, Viterra Inc. (Viterra) a déposé auprès de l’Office des transports du Canada (Office) une demande relative au niveau de services. Viterra fait valoir que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a contrevenu à ses obligations statutaires en matière de niveau de services envers elle, pour les raisons suivantes :
- elle n’a pas attribué les wagons à Viterra selon la méthodologie de rationnement des wagons que CN lui a communiquée à l’automne 2013;
- elle a réduit encore d’environ 300 wagons le nombre de wagons attribués à Viterra pendant les semaines du 11 au 17 mai 2014, du 1er au 7 juin 2014, et toutes les trois semaines par la suite.
[2] Viterra demande à l’Office :
- d’ordonner à CN de ne pas puiser dans les attributions de wagons qui seraient autrement à la disposition de Viterra pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations conformément à l’arrêté provisoire de Louis Dreyfus Commodities (arrêté provisoire de LDC);
- d’ordonner à CN de ne pas fournir à Viterra moins de wagons que le nombre qui lui serait attribué aux termes de la méthodologie établie par CN pour le rationnement des wagons fondé sur l’historique des expéditions (méthodologie de rationnement de CN);
- de fournir suffisamment de wagons supplémentaires à Viterra pendant 14 semaines, ou toute période que l’Office estime indiquée, afin de combler l’écart entre le nombre de wagons qu’a réellement obtenus Viterra depuis la semaine 9 pour l’expédition de grain et le nombre de wagons qui lui auraient été attribués si CN avait honoré ses engagements envers Viterra;
- d’accorder toute autre réparation, selon ce que l’Office estimerait indiqué dans les circonstances.
QUESTION
[3] CN s’est-elle acquittée de ses obligations en matière de niveau de services envers Viterra relativement à la réception, au transport et à la livraison des wagons prévues aux articles 113 à 115 de la Loi sur les transports au Canada (LTC)?
POSITIONS DES PARTIES
VITERRA
[4] Viterra se décrit comme un grand marchand et manutentionnaire de grain et d’oléagineux, dont le siège social se trouve à Regina (Saskatchewan), et qui emploie environ 1 500 personnes à l’échelle du Canada. Elle exploite des terminaux portuaires à Vancouver (Colombie‑Britannique), à Montréal (Québec) et à Thunder Bay (Ontario), et détient une participation dans un terminal ferroviaire à Prince Rupert (Colombie-Britannique), une usine de trituration et de traitement à Sainte-Agathe (Manitoba), et un réseau de 75 silos primaires au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et dans la région de Peace River en Colombie‑Britannique. Trente-deux de ces installations ont accès aux lignes de chemin de fer de CN, soit directement, soit par l’intermédiaire de chemins de fer d’intérêt local reliés au réseau de CN.
[5] Viterra explique qu’elle fait concurrence à d’autres entreprises pour acheter du grain des producteurs canadiens et vendre du grain, à l’intérieur du Canada et partout dans le monde. Les producteurs qui vendent le grain sont influencés par le prix et le créneau de livraison que Viterra peut offrir, lesquels sont tributaires de la capacité de Viterra à transporter le grain entreposé, et Viterra dépend du secteur ferroviaire pour transporter environ 90 pour cent du grain et des oléagineux expédiés à partir de ses silos.
[6] Viterra soutient qu’elle a fourni à CN des prévisions de ses besoins en matière de fourniture de wagons par couloir environ trois mois à l’avance. Environ deux à six semaines à l’avance, les besoins particuliers sont inscrits dans le registre de commandes ouvert de CN, dans lequel CN accepte ou rejette ensuite les commandes de wagons.
[7] Viterra affirme qu’au cours des premiers mois de la campagne agricole 2013-2014, après un début tardif de la récolte, les producteurs de grain de l’Ouest canadien ont enregistré une récolte record de 75,8 millions de tonnes métriques de grain.
[8] Viterra explique qu’à l’été et à la récolte de 2013, il y a eu des indications montrant que la production serait beaucoup plus importante que celle de la campagne agricole précédente. Viterra ajoute qu’à compter de la mi-septembre 2013, elle a pris part à plusieurs réunions avec CN, et qu’en octobre 2013, elle a fourni à CN des prévisions de ses besoins en matière de transport ferroviaire pour la campagne agricole 2013-2014.
[9] Viterra soutient que malgré ces prévisions, les compagnies de chemin de fer, y compris CN, n’ont pas fourni le nombre de wagons nécessaires pour prendre en charge le trafic du grain, et qu’il en a résulté une accumulation significative de demandes en souffrance, causant d’importantes perturbations dans le transport du grain canadien au cours de l’hiver 2013-2014.
[10] Selon Viterra, en octobre 2013, CN l’a informée qu’elle mettait en œuvre sa méthodologie de rationnement. Plus précisément, Viterra soutient que CN avait indiqué qu’elle utiliserait, pour déterminer la part du nombre total de wagons que chaque expéditeur recevrait aux termes de la méthodologie de rationnement de CN, le volume de grain que chaque expéditeur avait transporté au cours des semaines 8 à 22 de la campagne agricole 2012-2013.
[11] Viterra soutient que, selon la méthodologie de rationnement de CN, cette dernière s’est engagée à fournir à Viterra un pourcentage particulier de son attribution hebdomadaire totale. Viterra affirme qu’elle ne souscrivait ni à l’idée de rationner les wagons, ni à la méthodologie de rationnement de CN. De plus, Viterra a eu des commandes en attente qui dépassaient son pourcentage du nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN dans les mois visés par la présente demande. Viterra indique que, malgré tout, elle s’est fondée sur l’engagement d’attribution de CN pour planifier ses expéditions et conclure des contrats avec des clients et des producteurs.
[12] Viterra soutient que, le 7 mai 2014, à la suite de l’émission de l’arrêté provisoire de LDC, CN l’a avisée qu’à compter de la semaine agricole 41, elle devait s’attendre à voir le nombre de wagons qui lui étaient attribués chaque semaine être réduit d’environ 300 wagons toutes les trois semaines pendant toute la durée de l’arrêté provisoire de LDC.
[13] Viterra affirme que, à l’exception du mois de novembre 2013, malgré le fait qu’elle a communiqué avec CN plusieurs fois pour tenter de régler les écarts de service, depuis la semaine agricole 9, CN a constamment fourni à Viterra moins de wagons que le pourcentage de l’attribution hebdomadaire totale que CN s’était engagée à lui fournir.
[14] Viterra fait valoir que, depuis l’émission de l’arrêté provisoire de LDC, CN a encore réduit la part de wagons qui lui revient. Viterra soutient que, en particulier durant les semaines du 11 au 17 mai 2014 et du 1er au 7 juin 2014, CN a réduit de façon arbitraire et injustifiée d’environ 300 wagons le nombre de wagons qui lui étaient attribués, et qu’ainsi, CN a garanti artificiellement à un autre expéditeur une part de marché qu’il ne détenait pas précédemment, au détriment de Viterra, tant sur le plan de dommages immédiats que des incidences néfastes éventuelles sur sa part de marché.
[15] Viterra soutient que chaque réduction de 300 wagons que CN lui impose de façon arbitraire représente environ 27 000 tonnes de grain et réduit la capacité de Viterra d’accepter du grain des producteurs et d’en transporter vers les clients finaux. Viterra affirme que, par conséquent, en ce qui concerne les achats et les ventes existants, il y a risque de report ou d’annulation, de frais de stationnement pour les navires en attente, et de pénalités aux emplacements portuaires. Viterra ajoute que les retards dans la collecte et le transport du grain causent une perte de confiance et de bonne volonté chez les producteurs et les consommateurs finaux, occasionnent à Viterra un désavantage concurrentiel et lui font perdre des occasions de vendre et d’acheter plus de grain, au fur et à mesure que les effets cumulatifs de la réduction au titre de l’arrêté provisoire augmentent, causant ainsi un effet d’entraînement dans la chaîne logistique.
CN
[16] En réponse à la demande, CN soutient que, en raison du volume de la production de grain de 2013, qui a largement dépassé le volume des récoltes des années précédentes, la campagne agricole 2013-2014 a soulevé des difficultés exceptionnelles pour le transport ferroviaire, qui ont contraint CN à mettre en œuvre un rationnement sans précédent. CN affirme que même si au cours des années antérieures, le recours au rationnement n’était requis que brièvement en cas de flambée de la demande, CN était en mesure de répondre aux besoins des expéditeurs durant toute l’année.
[17] CN soutient que la hausse de la demande, qui a largement dépassé l’offre, a contraint CN à un rationnement des wagons et qu’à cet égard, CN a essayé d’être équitable et transparente en instaurant un programme fondé sur les pourcentages d’expédition de ses clients.
[18] CN affirme que la méthodologie de rationnement employée ne constituait pas un engagement contraignant, mais que les pourcentages qui s’y rapportaient étaient plutôt des cibles fixées à titre indicatif aux fins de l’attribution, et elle les communiquait aux clients à ce titre.
[19] CN ajoute que, pour répondre aux changements de situation survenus au cours de la campagne agricole, elle a acquis des wagons supplémentaires et les a attribués spécialement pour faire face à ces nouvelles circonstances.
[20] CN affirme que son intention était de respecter les estimations d’attribution de la campagne agricole, mais qu’un hiver rigoureux conjugué à l’effet de certaines ordonnances réglementaires et d’autres difficultés posées par des demandes ont nui à sa capacité de respecter de façon précise ces pourcentages.
[21] CN indique également que les données présentées par Viterra comportent des erreurs de calcul et que ces erreurs ont pour effet de gonfler artificiellement l’écart entre l’historique de pourcentage d’expédition de Viterra et le service qu’elle a réellement reçu. Par conséquent, dans les circonstances, CN soutient qu’elle s’est acquittée pleinement de ses obligations en matière de niveau de services envers Viterra, en lui offrant un service adéquat et convenable.
APPROCHE D’ÉVALUATION
[22] Dans une décision confidentielle du 3 octobre 2014 (décision du 3 octobre) [dont une version publique a été affichée à 2014-10-03">https://www.otc-cta.gc.ca/fra/decision/2014-10-03], l’Office a établi l’approche d’évaluation suivante pour une demande relative au niveau de services portant sur les obligations prévues à l’article 116 de la LTC.
À moins qu’il détermine qu’un demandeur n’est pas admissible à présenter une demande en vertu des dispositions portant sur le niveau de services de la LTC, l’Office se penchera sur trois questions dans le cadre d’une évaluation d’une demande liée au niveau de services, notamment :
- La demande de service de l’expéditeur est-elle raisonnable?
- La compagnie de chemin de fer a-t-elle répondu à cette demande?
- Dans la négative, y a-t-il des raisons qui pourraient justifier le manquement à une obligation en matière de niveau de services?
- S’il existe une justification raisonnable, l’Office déterminera que la compagnie de chemin de fer n’a pas manqué à ses obligations en matière de niveau de services.
- S’il n’existe aucune justification raisonnable, l’Office déterminera que la compagnie de chemin de fer a manqué à ses obligations en matière de niveau de services et il examinera les recours possibles.
[23] Dans le cas présent, l’Office note qu’aucune question relative au droit de Viterra de déposer une demande en vertu des disposions portant sur le niveau de services de la LTC n’a été soulevée, et l’Office détermine que Viterra peut, en tant que « personne », faire examiner son cas en vertu des articles 113 à 116 de la LTC.
ÉTAPE 1 : LA DEMANDE DE SERVICE DE L’EXPÉDITEUR EST-ELLE RAISONNABLE?
[24] Dans la décision du 3 octobre, l’Office a indiqué que :
Lorsque les faits indiquent qu’un expéditeur a présenté une demande de service légitime et qu’il a adéquatement déclenché les dispositions portant sur le niveau de services, sa demande sera considérée comme étant raisonnable.
[25] Afin de déterminer si la demande de services de Viterra était raisonnable, il faut répondre aux deux questions suivantes :
- La demande de Viterra voulant que CN lui fournisse un service (selon le pourcentage correspondant à la part de marché historique qui lui était attribuée) était-elle raisonnable?
- Quel était le pourcentage correspondant à la part de marché historique attribuée par CN à Viterra?
DEMANDE RAISONNABLE
Positions des parties
CN
[26] CN souligne que Viterra ne conteste pas la nécessité d’une mesure de rationnement ou le droit de CN de rationner les wagons au cours de la campagne agricole 2013-2014.
[27] CN prétend également que le transport du grain est soumis de façon caractéristique à des périodes où la demande dépasse largement la capacité ferroviaire, et où le rationnement est nécessaire. Elle indique que le rationnement de wagons est nécessaire dans la majorité des campagnes agricoles, même dans les années où la production est relativement basse, habituellement durant la période de pointe de demandes d’après récolte et à certains moments de l’hiver.
[28] CN soutient que la nécessité du rationnement est reconnue depuis des années et qu’elle est irréfutable. À l’appui de cette déclaration, CN cite un rapport produit en mai 1998 par le Western Transportation Advisory Council (Conseil consultatif des transports de l’Ouest), intitulé Grain Handling and Transportation Profile (Profil de transport et de manutention du grain) [rapport Westac], ainsi qu’un extrait d’une publication de CN de juillet 2000 portant sur la commercialisation du grain intitulée General Allocation – Canadian Ports and North American Destinations (Attribution générale – Ports canadiens et destinations nord-américaines), qui décrit une méthodologie de rationnement de CN fondée sur les pourcentages d’expédition saisonniers historiques par couloir de transport de marchandises pour chaque chargeur et la Commission canadienne du blé. CN soutient également que la reconnaissance et l’acceptation de ce processus de rationnement sont mentionnées dans le rapport final du juge Willard Z. Estey qui a été présenté au ministre des Transports le 21 décembre 1998 (rapport Estey).
[29] CN soutient que ces mêmes principes fondamentaux sont toujours pertinents aujourd’hui et que les expéditeurs de grain comprennent qu’il est impossible pour les compagnies de chemin de fer de répondre pleinement à la demande en tout temps. Elle soutient que ce fait a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Patchett & Sons Ltd. c. Pacific Great Eastern Railway Co. [1959], R.C.S. 271, où il est indiqué qu’« une compagnie de chemin de fer n’est pas tenue de fournir en tout temps un nombre suffisant de wagons pour répondre à toutes les demandes », et que l’idée selon laquelle une compagnie de chemin de fer ne peut répondre à toutes les demandes en tout temps est le fondement du caractère raisonnable caractérisant les obligations en matière de niveau de services prévues par la LTC.
[30] CN fait valoir qu’elle a besoin de souplesse dans la façon dont elle mène ses activités ferroviaires, y compris en ce qui concerne sa méthodologie de rationnement, afin de faire face à un certain nombre d’imprévus, de priorités changeantes et de changements de situation qui surviennent au cours d’une campagne agricole « typique », et qui touchent la demande de ses actifs et sa capacité opérationnelle à desservir ses clients issus du secteur céréalier. Elle prétend que des politiques rigides ou une adhésion stricte à une formule arithmétique peut fonctionner en théorie, mais pas en pratique, et que pour se conformer à ses obligations en matière de niveau de services, elle doit pouvoir prendre des décisions en « temps réel ».
[31] En ce qui concerne la campagne agricole 2013-2014, CN soutient que les événements exceptionnels et les circonstances extraordinaires auxquels elle a été confrontée cette année-là ont justifié le besoin de mettre en œuvre une méthodologie de rationnement équitable, uniforme et raisonnable.
[32] CN indique qu’après avoir constaté à l’automne 2013 que les demandes hebdomadaires de ses wagons-trémies dans l’Ouest dépassaient constamment ce que la chaîne d’approvisionnement de grain pouvait raisonnablement supporter, elle a mis en œuvre un système de rationnement et conçu des critères visant à établir des cibles indicatives d’attribution objectives qu’elle viserait à atteindre de façon continue.
[33] Selon CN, étant donné que la taille de la récolte a permis à tous ses clients d’expédier davantage que leur part historique pendant le reste de la campagne agricole, tous les expéditeurs ont exercé des pressions sur CN pour se voir attribuer un plus grand nombre de wagons. Face à la situation et afin d’éviter d’avoir à trancher entre ces arguments subjectifs, CN a décidé d’utiliser les parts historiques, car elles constituaient une approche neutre liée directement au marché.
[34] CN fait valoir que la méthodologie qu’elle a mise en œuvre était fondée sur l’utilisation historique du service de transport du grain de CN faite par chaque expéditeur au cours de la période post‑récolte de la campagne agricole 2012-2013, soit la première campagne agricole suivant la fin du monopole de la Commission canadienne du blé sur la commercialisation du grain.
[35] Plus précisément, CN indique qu’elle a utilisé les données relatives aux volumes de grain que chaque expéditeur a transportés au cours des semaines 8 à 22 de la campagne agricole 2012-2013 comme point de départ pour déterminer la part que chacun de ces expéditeurs recevrait en vertu du rationnement imposé au cours de la campagne agricole 2013-2014. Selon CN, cette période de référence a été choisie étant donné sa nature récente et, par conséquent, elle correspondait à l’infrastructure et à la clientèle actuelles, parce qu’il s’agissait d’une période où le rationnement avait été nécessaire, parce que le grain avait été disponible dans toutes les régions, à tous les clients, et tous les ports de destination avaient été en exploitation, et que, dans l’ensemble, le rythme des demandes de commandes de wagons avait généralement correspondu au rythme de placement de wagons de CN.
[36] CN affirme que, selon cette méthodologie, elle a calculé les parts de marché historiques et les a attribuées à tous les expéditeurs, y compris Viterra, en fonction des expéditions qu’ils avaient effectuées au cours des semaines 8 à 22 de la campagne agricole 2012-2013, pour un total de 100 pour cent des déplacements de CN.
[37] Selon CN, un pourcentage des wagons attribués n’a pas été réservé pour laisser une « marge » de capacité inutilisée, et tous les wagons disponibles ont été attribués afin de maximiser les volumes transportés chaque semaine. CN ajoute que, compte tenu de la méthodologie utilisée, l’ajout d’un pourcentage aux wagons attribués à un certain expéditeur entraînait nécessairement le retrait d’un pourcentage correspondant à un autre expéditeur ou à une combinaison d’expéditeurs.
[38] CN souligne qu’utiliser les pourcentages d’expédition historiques constitue l’une des diverses méthodologies de rationnement que l’on appelle communément des lignes de conduite dans la publication Ligne de conduite relative au partage des ressources parmi les demandes de wagons affichées sur le site Web public des grains canadiens de CN. CN soutient que les méthodologies doivent être appliquées de manière continue et souple sur plusieurs semaines, et que les méthodologies ne constituent pas des exigences strictes ou des normes obligatoires prescrites et ne doivent pas nécessairement être utilisées séparément les unes des autres.
[39] CN fait valoir que le droit proclamé par Viterra à un service lui garantissant de façon absolue la part de suppression pour cent dont ils ont discuté en octobre 2013, et sa prétention voulant qu’il ne soit tenu compte d’aucune autre circonstance dans la répartition des wagons acquis ultérieurement dans la campagne agricole, sont inexactes et contraires aux intentions de CN. CN affirme que la tentative de Viterra de promouvoir les spécificités de la méthodologie de rationnement de CN au rang d’un engagement contractuel ou d’une obligation légale est infondée. CN fait valoir également que cela reviendrait à priver CN de son pouvoir discrétionnaire dans la conduite des opérations et dans la gestion commerciale nécessaire pour faire face à des situations évolutives, telles que la capacité modifiée des silos et d’autres situations imprévues auxquelles elle devrait s’adapter.
[40] CN suggère que la mention par Viterra de son droit à un pourcentage « approximatif » dans la correspondance interne que CN a déposée montre que Viterra comprenait que le pourcentage communiqué par CN était une valeur indicative. CN soutient qu’il n’y avait pas d’engagement ou d’élément implicite selon lequel si le pourcentage exact n’était pas fourni pour tous les expéditeurs, CN, tout au plus, avait manqué à ses obligations en matière de niveau de services.
[41] CN explique que, selon sa politique, elle ne garantit à aucun de ses clients un nombre exact de wagons. De plus, CN nie qu’elle se soit « engagée » envers Viterra à lui fournir un pourcentage fixe de wagons ou que le fait qu’elle lui ait communiqué son pourcentage cible d’attribution indicatif constituait en quelque sorte une obligation exécutoire. CN soutient que, conformément à sa politique, le pourcentage qu’elle a communiqué à Viterra ne constituait pas une garantie, mais plutôt une cible indicative estimative, qu’elle lui a transmise afin de l’aider à déterminer le nombre de wagons auxquels elle pourrait s’attendre en période de rationnement.
[42] CN soutient qu’elle ne s’est pas engagée contractuellement à fournir à Viterra un nombre fixe de wagons-trémies par semaine. CN fait valoir qu’aucun contrat n’a été conclu et qu’il est bien établi qu’à moins qu’une contrepartie soit fournie, aucun contrat n’est créé.
[43] CN fait valoir que bien que CN et Viterra entretiennent une relation qui puisse donner lieu à une obligation de diligence, il n’y a pas eu d’assertion inexacte, étant donné qu’aucun des autres éléments nécessaires à une assertion négligente et inexacte n’est présent. Ces éléments sont les suivants : l’assertion doit être fausse, inexacte ou trompeuse; l’auteur de l’assertion doit avoir agi avec négligence en faisant l’assertion; le destinataire doit s’être fié d’une manière raisonnable à l’assertion; et le fait que le destinataire se soit fié à l’assertion doit lui avoir été préjudiciable en ce sens qu’il doit avoir subi un préjudice.
[44] CN affirme que le fait d’appeler une promesse gratuite une assertion inexacte ne la rend pas susceptible d’action.
Viterra
[45] Viterra soutient que CN n’a fourni aucune preuve que l’attribution de wagons pour la campagne agricole 2013‑2014, telle qu’elle a été communiquée à Viterra, avait été fournie à titre indicatif. Au contraire, Viterra affirme que la preuve devant l’Office indique que CN et Viterra ont toutes deux traité l’attribution communiquée comme un engagement contraignant.
[46] À l’appui de cette déclaration, Viterra cite une correspondance par courriel entre CN et Viterra, en date du 7 mai 2014, que Viterra a déposée avec sa demande. Viterra affirme que, dans ce courriel, CN réfère au pourcentage d’expédition et à l’attribution de Viterra comme étant un droit défini duquel CN soustraira 300 wagons et reconnaît ce droit en déclarant que CN tentera de rétablir les wagons à Viterra dans l’éventualité où CN réussirait à défendre son niveau de services dans le cas no 14‑02100 de l’Office.
[47] Viterra soutient que le fait qu’à aucun moment de la campagne agricole, CN n’a réduit le pourcentage de l’attribution revenant à Viterra pour lui fournir une cible différente prouve que l’attribution avait un caractère contraignant et qu’il ne s’agissait pas seulement d’une valeur indicative que CN pouvait modifier unilatéralement si elle n’était plus en mesure de répondre à la demande. Viterra fait valoir que CN se considérait comme liée par le pourcentage de l’attribution tout au long de la campagne agricole et qu’elle a agi en conséquence.
[48] Viterra conteste l’allégation de CN selon laquelle Viterra ne peut fournir aucune indication d’une contrepartie offerte à CN et convenue entre les parties de manière à ce qu’un contrat puisse être établi. Viterra soutient qu’elle a fourni une contrepartie par abstention en ne déposant pas de demande relative au niveau de services fondée sur ses besoins d’expédition réels. Sur ce point, Viterra réitère qu’elle ne souscrivait ni à la décision de CN de rationner les wagons ni à la méthodologie de rationnement de CN, mais qu’à ce moment-là, elle s’est abstenue de remettre en question la méthodologie de rationnement de CN au moyen d’instances réglementaires, et qu’elle s’y était plutôt fiée dans la planification des expéditions et les conclusions de contrats avec les clients. Viterra affirme que, bien que l’engagement d’attribution de wagons de CN ne répondait pas à ses besoins, elle ne s’en était pas plainte parce qu’elle était disposée à travailler avec CN en fonction de son engagement à attribuer à Viterra un pourcentage précis du nombre total de wagons à attribuer.
[49] Viterra soutient qu’en outre, afin d’aider CN à gérer ses arriérés et à la demande de cette dernière, Viterra a changé le parcours des trains pour les faire passer par le golfe du Mexique, ce qui, au final, a entraîné des coûts supplémentaires de suppression pour Viterra, lorsque CN n’a pas livré les expéditions en question. Viterra fait remarquer que CN ne nie pas qu’elle a encouragé Viterra à expédier ses marchandises via ce couloir, que Viterra a tenté d’aider CN en répondant à sa demande, ou que CN n’a pas livré les expéditions en question, entraînant des pertes de millions de dollars pour Viterra. Viterra fait valoir qu’il est clair qu’elle a fourni une contrepartie en échange de l’engagement de CN à lui fournir son pourcentage hebdomadaire de l’attribution des wagons.
[50] Viterra fait également valoir qu’il n’est pas nécessaire que l’engagement d’attribution de CN tienne de l’assertion négligente et inexacte pour que l’Office ordonne à CN de fournir à Viterra les wagons qu’elle s’est engagée à lui fournir, et que sa demande ne repose pas sur un délit d’assertion négligente et inexacte.
Analyse et constatation
[51] Les paragraphes 9 à 73 de la décision du 3 octobre présentent une description détaillée de l’historique, de l’évolution et des interprétations antérieures des obligations en matière de niveau de service d’une compagnie de chemin de fer fédérale en vertu des articles 113 à 115 de la LTC, y compris le lien entre ces obligations et le bien-être économique du Canada.
[52] En termes simples, conformément aux articles 113 à 115 de la LTC, l’obligation fondamentale de service d’une compagnie de chemin de fer est de fournir des installations convenables pour « toutes les marchandises à transporter », à moins qu’il ne soit pas raisonnablement possible de le faire. L’obligation de niveau de services mise à la charge des compagnies de chemin de fer porte aussi, et de façon consubstantielle, sur leur capacité, qui doit être suffisante pour répondre aux demandes qu’elles reçoivent. Toutefois, les éléments de preuve au dossier indiquent qu’en l’instance, durant la période visée par la demande, CN était dans une situation où la demande dépassait sa capacité et par conséquent elle ne pouvait pas répondre à toutes les demandes. CN a par la suite mis en œuvre une méthodologie de rationnement. C’est donc dans ce contexte de régime de rationnement que l’Office doit décider du caractère raisonnable de la demande de service de Viterra.
[53] De façon générale, l’Office considère que, compte tenu de l’obligation fondamentale de service d’une compagnie de chemin de fer, le rationnement ne devrait être utilisé que pour faire face à une incapacité temporaire d’offrir un plein service. Dans un système régi par la demande qui fonctionne bien, le rationnement ne devrait pas être utilisé couramment pour gérer la saisonnalité de la demande d’expédition du grain du Canada.
[54] Toutefois, étant donné qu’en 2013, l’Ouest canadien a obtenu une récolte record, soit un volume du grain d’exportation de 50 pour cent supérieur à la moyenne, et que l’on a donné un préavis relativement court au réseau ferroviaire pour répondre à l’augmentation transitoire de la demande qui en a découlé, l’Office convient avec CN que la campagne agricole 2013‑2014 présentait un ensemble de circonstances extraordinaires justifiant la nécessité temporaire d’une méthodologie de rationnement.
[55] En fait, Viterra et CN font toutes deux valoir que, compte tenu du volume extraordinaire de grain disponible, une plus grande quantité de grain aurait été transportée si la capacité ferroviaire avait été suffisante. Puisque la présente demande de service de Viterra est fondée sur le nombre de wagons auquel elle avait droit selon la méthodologie de rationnement de CN, lequel était inférieur au nombre de wagons que Viterra aurait commandés autrement, l’Office considère que, dans ce cas particulier, le nombre de wagons auquel Viterra avait droit selon la méthodologie de rationnement de CN représente une commande de wagons raisonnable.
[56] CN explique que sa méthodologie de rationnement fondée sur les parts de marché historiques devait être une approche neutre, liée directement au marché et sans capacité non utilisée, grâce à laquelle elle pouvait attribuer de façon équitable, uniforme et raisonnable tous ses wagons disponibles, de manière à maximiser le volume transporté chaque semaine.
[57] Toutefois, lorsqu’il s’agit de déterminer si une compagnie de chemin de fer s’est acquittée de ses obligations en matière de niveau de services, il ne faut pas oublier que, par sa nature même, le rationnement est une méthodologie qu’une compagnie de chemin de fer utilise pour faire face à une situation où sa capacité est insuffisante pour recevoir, transporter et livrer les marchandises que les expéditeurs lui remettent. Pour cette raison, l’Office considère qu’en général, pour qu’une méthodologie de rationnement soit conforme aux obligations en matière de niveau de services d’une compagnie de chemin de fer, elle doit être claire, transparente, équitable, temporaire et exécutable de manière uniforme à court terme. Elle doit également être comprise par les expéditeurs qui y sont assujettis, être communiquée clairement et, de préférence, être le résultat d’une consultation et de commentaires recueillis auprès de l’industrie. La méthodologie choisie doit être appliquée de façon équitable et uniforme, et être communiquée adéquatement, même dans un environnement où le parc de wagons disponibles est en expansion ou en contraction.
[58] Puisque Viterra n’a pas contesté la validité de la décision de CN d’utiliser une méthodologie de rationnement fondée sur les parts de marché, l’Office évaluera le bien-fondé de la demande de Viterra en examinant le niveau de services que Viterra aurait dû recevoir, en ce qui a trait au nombre de wagons auquel elle avait droit selon le rationnement au prorata des parts de marché de CN.
[59] CN reconnaît l’importance de l’équité et de l’uniformité, lorsqu’elle soutient que l’ajout d’un pourcentage aux wagons attribués à un certain expéditeur entraînerait nécessairement le retrait d’un pourcentage correspondant à un autre expéditeur ou à une combinaison d’expéditeurs.
[60] Toutefois, CN contredit ensuite cette affirmation en faisant valoir que ses méthodologies doivent être appliquées de manière continue et souple sur plusieurs semaines, et que les attributions historiques ne représentaient pas des engagements fermes, mais seulement des valeurs indicatives. L’Office fait remarquer que ces valeurs indicatives n’étaient pas exprimées de façon approximative, mais avec un degré de précision à la première décimale. Si CN prévoyait que sa méthodologie ait une certaine souplesse continue, elle aurait dû préciser, à tout le moins, la période d’application continue.
[61] Il est clair que, selon une méthodologie de rationnement des wagons fondée sur les parts de marché, il n’y a pas de garantie quant au nombre particulier de wagons fournis. Toutefois, au final, chaque expéditeur devrait recevoir le nombre de wagons que sa part de marché représente. Le rationnement ne peut pas être appliqué de manière arbitraire ou discriminatoire, sans aucune responsabilité, et une méthodologie de rationnement cesse d’être conforme aux obligations en matière de niveau de services de la compagnie de chemin de fer si elle n’est pas appliquée de manière équitable, rigoureuse et uniforme.
[62] Ayant calculé et communiqué une norme d’attribution relativement précise pour Viterra, obtenue à partir des données historiques sur les parts de marché, CN ne peut pas s’attendre à avoir le droit de compromettre par la suite l’intégrité de cette norme, en la considérant comme une simple obligation ou valeur indicative, et d’y déroger unilatéralement, sans avis approprié. CN a elle‑même fixé la norme d’attribution qu’elle aurait dû respecter. Si une compagnie de chemin de fer assume unilatéralement le rôle de gardien du parc de wagons, comme CN l’a fait dans le cas présent, elle doit également accepter les responsabilités de gérance associées à ce rôle.
[63] Les parties ont débattu longuement la question selon laquelle la communication de CN à Viterra du pourcentage de l’attribution lui revenant aux fins du rationnement des wagons constituait une obligation exécutoire, sous forme d’engagement contractuel, et si le défaut de respecter ce pourcentage constituait une assertion négligente et inexacte. Toutefois, rien dans les articles 113 à 115 de la LTC ne prévoit que l’obligation en matière de niveau de services est conditionnelle à l’existence d’un engagement contractuel ou d’un autre principe de common law, telle qu’une déclaration négligente et inexacte.
[64] Tout ce qui est nécessaire pour déclencher l’obligation d’une compagnie de chemin de fer est une demande raisonnable de transporter des marchandises, tel que l’Office l’a déclaré dans la décision du 3 octobre :
[41] Lorsque les faits indiquent qu’un expéditeur a présenté une demande de service légitime et qu’il a adéquatement déclenché les dispositions portant sur le niveau de services, sa demande sera considérée comme étant raisonnable. Si l’Office estime que la demande de l’expéditeur est raisonnable, il portera son attention sur la deuxième étape de l’approche d’évaluation.
[42] L’Office est d’avis que cette approche est conforme au paragraphe 113(2) de la LTC, qui exige que les marchandises soient reçues, transportées et livrées sur paiement du prix licitement exigible pour ces services ainsi qu’à l’alinéa 113(1)c), qui exige que cela soit fait sans délai. Ensemble, ces dispositions énoncent une partie des obligations d’une compagnie de chemin de fer en matière de niveau de services, qui est de transporter toutes les marchandises qui lui sont confiées, et ce, sans délai. Par conséquent, si une demande raisonnable en vue de transporter des biens est présentée, la compagnie de chemin de fer a une obligation en vertu de la LTC de transporter les marchandises.
[65] Par conséquent, l’Office conclut que, les besoins réels en matière de services de Viterra ayant été assujettis à des contraintes par le rationnement, il était raisonnable pour elle de demander à recevoir un service à un niveau correspondant au pourcentage d’expédition historique de l’attribution imposé par la méthodologie de rationnement des wagons de CN. De plus, compte tenu du besoin de Viterra d’un service prévisible et fiable pour planifier ses activités et ses programmes d’achats et de ventes, l’Office conclut que le fait que Viterra exige que CN respecte ce pourcentage de l’attribution constitue une demande raisonnable.
POURCENTAGE CORRESPONDANT À LA PART DE MARCHÉ HISTORIQUE
Positions des parties
[66] Viterra soutient que, le 6 novembre 2013, dans le cadre d’une conférence téléphonique, CN l’a informée que selon sa méthodologie de rationnement, Viterra pouvait s’attendre à recevoir suppression pour cent de l’attribution hebdomadaire totale de CN. À l’appui de cette présentation, Viterra fournit un courriel interne daté du 7 novembre 2013, qui décrit ce qui suit :
- la méthodologie communiquée à Viterra par CN;
- le fait que le pourcentage auquel Viterra avait droit était de suppression pour cent;
- les critères dont CN avait et n’avait pas tenu compte dans l’établissement du pourcentage auquel Viterra avait droit;
- les préoccupations à l’égard de la méthodologie que Viterra avait exprimées à CN au cours de l’appel.
[67] Viterra soutient également qu’après des discussions détaillées sur les erreurs de calcul de CN touchant les registres d’expédition historiques et la prise en compte des usines spécialisées de Viterra, CN s’est engagée à augmenter la part de Viterra à suppression pour cent. Viterra affirme que le 27 novembre 2013, à Regina, une réunion en personne a eu lieu entre le personnel opérationnel de Viterra et celui de CN et que le 9 décembre 2013, à Minneapolis, une réunion a eu lieu entre les cadres supérieurs de Viterra et ceux de CN, pour laquelle Viterra fournit la présentation qu’elle a faite à CN. Viterra ajoute que le 9 décembre 2013, les cadres supérieurs de CN, y compris son président-directeur général, se sont engagés fermement à augmenter la part de Viterra à suppression pour cent de l’attribution de wagons hebdomadaire totale de CN, en réponse aux objections de Viterra. Viterra fait valoir que le fait que CN ignore son engagement et fonde sa réponse entièrement sur le pourcentage historique de Viterra est notable et trompeur.
[68] CN indique qu’elle a fixé l’attribution des wagons pour son programme de rationnement en se fondant sur les pourcentages d’expédition historiques et en utilisant les volumes de grain que chaque expéditeur avait transporté au cours des semaines 8 à 22 de la campagne agricole 2012‑2013, et que CN a calculé que le pourcentage d’expédition historique de Viterra était de suppression pour cent.
Analyse et constatation
[69] Il n’y a pas suffisamment de preuves pour étayer l’affirmation de Viterra selon laquelle CN lui a communiqué au début du rationnement que son pourcentage d’expédition historique était de suppression pour cent. Un courriel interne de Viterra daté du 7 novembre 2013 fait allusion à un pourcentage « approximatif » auquel chaque entreprise aura droit et indique que la part à laquelle Viterra aura droit est de suppression pour cent, mais il ressort des présentations de CN dans la présente demande qu’elle a communiqué tous les calculs des pourcentages d’expédition historiques avec un certain degré de précision, à savoir au moins à la première décimale. Cela se reflète dans les références faites par CN dans sa présentation aux pourcentages historiques de Viterra et de deux autres expéditeurs.
[70] De plus, le tableau figurant à la page intitulée Area of Concern – Car Allocation Methodology (Sujet de préoccupation – La méthodologie d’attribution des wagons) dans la présentation de Viterra du 9 décembre 2013 appuie la position de CN selon laquelle, en vertu de la méthodologie de CN, le pourcentage d’expédition historique de Viterra est de suppression pour cent et non de suppression pour cent. Des quatre scénarios temporels présentés dans ce tableau, le scénario 2 (en-tête : Oct-Nov-Dec) est celui qui correspond le mieux à la période des semaines agricoles 8 à 22 adoptée dans la méthodologie de CN. Dans le scénario 2, le résultat pour Viterra est une part de marché de suppression pour cent et non de suppression pour cent. Viterra ne conteste aucune des variables utilisées dans ce tableau pour obtenir le résultat d’une part de marché de suppression pour cent. Par conséquent, l’Office conclut que le pourcentage d’expédition historique de Viterra était de suppression pour cent.
[71] Viterra soutient que, par la suite, CN a accepté d’augmenter la part de marché attribuée à Viterra à suppression pour cent. Toutefois, cet argument est faible à deux égards.
[72] En premier lieu, bien que Viterra soutient qu’à la suite de leur réunion du 9 décembre 2013, les cadres supérieurs de CN ont pris l’engagement ferme d’augmenter la part de marché attribuée à Viterra à suppression pour cent, Viterra n’a fourni aucune preuve documentaire pour appuyer cette affirmation.
[73] En deuxième lieu, Viterra n’a fourni la preuve d’aucun motif pour lequel CN aurait accepté d’augmenter la part de marché de Viterra. Bien que Viterra soutienne que sa part de marché initiale a été changée pour tenir compte des erreurs commises par CN, il n’y a aucune preuve d’erreurs de calcul ou d’erreurs dans l’application de la méthodologie de rationnement au calcul de la part de marché historique de Viterra. En effet, la page intitulée Area of Concern – Car Allocation Methodology de la présentation du 9 décembre 2013 de Viterra à CN n’indique absolument aucune erreur de calcul ou d’application. Elle énumère plutôt les préoccupations méthodologiques que Viterra avait à l’égard de la méthodologie de rationnement de CN.
[74] Étant donné que CN affirme qu’elle tentait de faire preuve d’équité et de transparence en appliquant une méthodologie de rationnement neutre à tous les expéditeurs, il est peu probable que, par la suite, CN ait accepté d’augmenter la part de Viterra s’il n’y avait aucune erreur de calcul ou d’application.
[75] Par conséquent, l’Office conclut que, malgré le fait que Viterra a contesté le pourcentage d’expédition historique que CN lui avait attribué, Viterra n’a pas fourni suffisamment de preuves pour appuyer son affirmation selon laquelle la part de marché qui lui avait été attribuée en 2013‑2014 était autre que suppression pour cent, tel que CN l’a indiqué. L’Office se fondera sur cette attribution pour déterminer s’il y eu un manquement à l’obligation en matière de niveau de services.
ÉTAPE 2 : LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER A-T-ELLE RÉPONDU À CETTE DEMANDE?
[76] Dans la décision du 3 octobre, l’Office indique que :
[44] De façon générale, une compagnie de chemin de fer a une obligation en matière de niveau de services en vertu de laquelle elle doit fournir des installations convenables pour recevoir, charger, transporter, livrer et décharger les wagons, dans la mesure où le service demandé est raisonnable dans les circonstances, tel qu’il est expliqué à l’étape 1.
[45] Lorsque l’Office estime que la demande de service est raisonnable, il doit ensuite déterminer si la compagnie de chemin de fer a répondu à cette demande.
[77] Afin de déterminer si la compagnie de chemin de fer a répondu à la demande de service, dans le contexte du cas présent, il est nécessaire, tout d’abord, d’établir les paramètres dans lesquels l’évaluation aura lieu.
PÉRIODE À PRENDRE EN COMPTE
[78] Afin d’étayer sa demande, Viterra a fourni des données à l’appui portant sur les semaines agricoles 9 à 43. À la demande de CN, ces données ont par la suite été mises à jour par Viterra de façon partielle jusqu’à la semaine agricole 50, et complète jusqu’à la semaine agricole 47, dans sa réponse à la question 42 de CN du 28 juillet 2014. En outre, CN a eu l’occasion d’examiner et d’inclure une réponse aux données mises à jour dans sa réponse soumise le 8 août 2014.
[79] Bien que la semaine agricole 47 soit postérieure à la demande, l’Office a décidé qu’il fonderait son analyse sur les semaines agricoles 9 à 47 pour les trois raisons suivantes :
- L’examen de la période des semaines agricoles 9 à 47 permet d’analyser la période de service ultérieure à l’arrêté provisoire de LDC la plus longue possible. Il s’agit d’une période pendant laquelle Viterra allègue avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire accru.
- Une période plus longue permet à l’Office d’être en mesure de mieux déterminer si le manquement futur allégué par Viterra a réellement eu lieu au cours d’au moins quelques semaines suivant le dépôt de la demande.
- Toutes les deux parties ont eu l’occasion de faire des présentations relatives à cette période.
DONNÉES SUR LES PLACEMENTS DE WAGONS HEBDOMADAIRES À ANALYSER
[80] Dans sa présentation, Viterra a fourni des tableaux comparant le nombre réel de wagons de CN placés chaque semaine aux installations de Viterra au nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN, selon les chiffres publiés par CN sur son site Web. Viterra indique que les moyennes hebdomadaires totales de CN correspondent aux moyennes hebdomadaires publiées par CN dans son Registre des demandes – Céréales de l’Ouest canadien.
[81] CN ne conteste pas l’exactitude des moyennes hebdomadaires totales de CN présentées par Viterra. Toutefois, CN fait valoir que les moyennes totales de wagons placés comprennent les wagons ci‑dessous, qui n’étaient pas réellement disponibles aux fins de l’attribution générale :
- les commandes reportées des semaines précédentes;
- les wagons faisant partie du Programme d’intégration au parc (PIP) de CN;
- les wagons fournis au titre d’ordonnances réglementaires.
[82] En réponse à la demande de Viterra, CN soutient que si le nombre total de wagons placés était ajusté pour tenir compte de ces facteurs, cela révélerait qu’en réalité, Viterra a reçu un pourcentage de l’attribution supérieur à la cible de suppression pour cent, mais CN ne présente pas de valeurs pour étayer cette affirmation.
i) Les wagons des commandes reportées
Positions des parties
[83] CN soutient que les cibles d’attribution étaient fondées sur les nouvelles commandes pour l’industrie. Elle indique que, dans le cas des wagons qui sont commandés et attribués, mais pas placés, au cours d’une semaine donnée :
- les commandes sont reportées la semaine suivante à titre de commandes reportées;
- les wagons sont fournis à l’expéditeur auquel ils ont été attribués précédemment;
- les wagons ne font pas partie à proprement parler du parc de wagons pour l’attribution générale.
[84] CN fait valoir que la prise en compte des commandes reportées dans le calcul des wagons disponibles pour l’attribution générale équivaut à un comptage double et produit une attribution artificiellement gonflée. CN soutient qu’afin de déterminer le pourcentage réel de l’attribution en fonction des nouvelles commandes, il faut soustraire les commandes reportées du nombre réel de placements de wagons indiqué dans le nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN présenté par Viterra. CN ne précise pas ce que la réduction du nombre de wagons de l’attribution générale devrait être pour tenir compte des wagons des commandes reportées.
[85] Viterra soutient que CN n’a fourni aucune preuve que son engagement en matière d’attribution envers Viterra était fondé sur les « nouvelles commandes pour l’industrie » ou que CN avait communiqué cette base de calcul à Viterra.
[86] Viterra ajoute que, dans l’annexe E de la réponse de CN, CN calcule l’attribution de Viterra par rapport à l’attribution à laquelle, selon CN, Viterra avait droit, en fonction du nombre total de placements de wagons hebdomadaires et non des « nouvelles commandes pour l’industrie ». Viterra soutient que cela indique que les « nouvelles commandes pour l’industrie » ne constituaient pas la base que CN prévoyait utiliser ou qu’elle a utilisée pour déterminer les attributions de wagons tout au long de la campagne agricole.
[87] Viterra fait valoir que la méthode dont elle se sert pour calculer un déficit de wagons n’utilise pas l’attribution prévue, mais plutôt seulement le nombre réel de wagons placés, que, dans la mesure où ce nombre comprend des wagons de commandes reportées, ces derniers sont comptabilisés seulement pour la semaine où ils ont été effectivement placés, et que, par conséquent, il n’y a pas eu de comptage double.
[88] Viterra soutient que le nombre de wagons auquel elle a droit pour une semaine donnée n’est pas réduit simplement parce que CN n’a pas placé un nombre suffisant de wagons, et que les wagons auxquels elle a droit qui ne lui sont pas fournis en raison de tout déficit restent à fournir jusqu’à ce que le déficit soit comblé au cours d’une semaine ultérieure. De plus, Viterra fait valoir que les preuves qu’elle a fournies montrent qu’au cours de la période visée par la demande, de tels déficits sont survenus constamment, que CN ne les a pas comblés, et que le déficit cumulatif est d’environ 2 850 wagons.
[89] En outre, Viterra soutient qu’étant donné que CN a choisi de ne fournir aucun détail sur le nombre de wagons placés chaque semaine pendant la période visée par sa plainte par rapport aux nouvelles commandes et sur le nombre de wagons placés par rapport aux « commandes reportées », la seule façon de déterminer si la compagnie s’est acquittée ou non de son obligation en matière de niveau de services est de comparer le nombre réel de wagons placés pour Viterra au nombre total de wagons placés par CN.
Analyse et constatation
[90] CN n’a fourni aucun ajustement quantitatif du nombre total de wagons qu’elle a placés pour tenir compte des « commandes reportées ». Par conséquent, l’Office n’est pas en mesure de déterminer si CN a appliqué les parts de marché de l’attribution seulement aux nouvelles commandes de wagons après avoir attribué les wagons pour les « commandes reportées ».
[91] De plus, le document de CN intitulé General Allocation – Canadian Ports and American Destination Documents (Attribution générale – Les documents des ports canadiens et des destinations américaines), que CN a déposé pour appuyer son affirmation selon laquelle le rationnement des wagons est en place depuis plusieurs années, ne mentionne pas que les commandes reportées sont soustraites. Si le document Ligne de conduite relative au partage des ressources parmi les demandes de CN mentionne que les commandes reportées sont soustraites, CN ne l’a pas prouvé, puisqu’elle n’a pas déposé ce document au dossier de la présente instance. En outre, il n’y a aucune preuve que CN a communiqué ces stipulations à Viterra lorsqu’elle a mis en œuvre sa méthodologie de rationnement.
[92] Quoi qu’il en soit, l’Office ne considère pas qu’une analyse numérique plus approfondie soit nécessaire. Quoiqu’il soit compréhensible que la nécessité de remplir les commandes reportées puisse avoir une incidence sur les décisions relatives aux attributions futures, l’Office ne considère pas qu’il est raisonnable de supposer qu’un défaut de service au cours d’une semaine dispense un fournisseur de services de ses obligations à l’égard de la demande de service à laquelle il n’a pas répondu cette semaine-là au cours des semaines suivantes.
[93] Une demande relative au niveau de services est essentiellement un exercice d’évaluation du rendement, lequel, par définition, est rétrospectif. Par conséquent, même si, dans le cadre du processus d’attribution hebdomadaire des wagons, CN a pris en compte les commandes de wagons reportées comme facteur dans son processus de planification de l’attribution, il est raisonnable de s’attendre à ce que la comparaison entre le service total fourni et le service reçu par un client reflète une mesure exacte de la part de marché attribuée à ce client au fil du temps, à moins que les commandes reportées n’aient jamais été remplies.
[94] Par conséquent, en ce qui concerne la question des wagons des commandes reportées, l’Office conclut que l’approche utilisée par Viterra pour évaluer le rendement au cours de la période visée par l’analyse, en comparant le nombre total hebdomadaire de wagons placés par CN au nombre total de wagons placés pour Viterra est raisonnable. La question de savoir si les wagons placés correspondaient à des commandes reportées ou à de nouvelles commandes n’a pas d’importance pour ce qui est d’évaluer le rendement au cours de la période.
ii) Les wagons du PIP
Positions des parties
[95] CN explique que les wagons du PIP sont des wagons qui font partie du Programme d’intégration de wagons‑trémies couverts au parc de CN à l’intention des expéditeurs de produits céréaliers de l’Ouest canadien, qui a été lancé en février 2014 et qui permet aux expéditeurs de grain, d’oléagineux et de cultures spéciales de conclure des ententes afin d’intégrer des wagons-trémies couverts de particuliers au parc de wagons-trémies ordinaires de CN dans l’Ouest canadien, les wagons s’ajoutant aux wagons sans attribution particulière du parc de CN.
[96] CN ajoute qu’au total, le programme a offert 800 wagons, disponibles seulement pour l’expédition de lots de 25 wagons depuis des installations de chargement desservies par CN dans l’Ouest canadien vers des destinations non portuaires situées aux États-Unis, dans l’Est du Canada ou dans l’Ouest du Canada. CN indique qu’en date de sa réponse, la plupart des 800 wagons ont été intégrés et que certains de ses clients ont éprouvé des difficultés à trouver tous les wagons-trémies auxquels ils avaient droit et à l’égard desquels ils s’étaient engagés.
[97] CN soutient que les wagons fournis dans le cadre du PIP ne sont pas compris dans les chiffres de l’attribution de base, qu’ils doivent être soustraits du nombre total de wagons, et qu’ils ne doivent pas être distribués dans le cadre de l’attribution générale fondée sur les pourcentages historiques.
[98] Viterra fait valoir que, tel qu’il est mentionné dans les documents de CN expliquant le programme, le PIP n’a pas commencé avant le 1er avril 2014 (semaine agricole 35). Viterra soutient qu’elle ne participe pas au PIP, qu’elle a tenté d’y participer, mais que, n’ayant pas déjà des wagons de particuliers en sa possession, elle n’a pas été en mesure d’en obtenir dans le délai limité dont elle disposait avant que les participants au programme soient sélectionnés. Viterra ajoute que, puisque CN ne fournit aucune indication quant à la part, le cas échéant, des moyennes hebdomadaires publiées dans son Registre des demandes – Céréales de l’Ouest canadien et utilisées par Viterra dans le tableau 1 de l’annexe D de la présente demande qui correspondait à des wagons faisant partie du PIP, il n’y a aucune preuve devant l’Office que ces moyennes hebdomadaires comprenaient des wagons faisant partie du PIP.
Analyse et constatation
[99] La quantification de la réduction que CN demande pour les wagons faisant partie du PIP pose plusieurs problèmes.
[100] En premier lieu, CN ne présente pas d’ajustement quantitatif du nombre total de wagons qu’elle a placés pour tenir compte des wagons faisant partie du PIP, soit pour chaque semaine, soit dans l’ensemble. En effet, malgré le fait que CN a eu l’occasion de le faire, elle n’a fourni aucune preuve tangible à l’égard de ce qui suit :
- ce qu’elle entend par « la plupart des 800 wagons » en ce qui concerne la mise en œuvre du PIP;
- le rythme auquel la mise en œuvre du PIP a eu lieu;
- le nombre de wagons faisant partie du PIP qui sont compris dans le nombre hebdomadaire total moyen de placements de wagons de CN pour chaque semaine, le cas échéant.
[101] En deuxième lieu, l’Office note que le PIP n’a pas été mis en œuvre avant le 1er avril 2014, et que, par conséquent, quel que soit le nombre de wagons faisant partie du PIP à prendre à compte, ce nombre ne peut avoir une incidence que sur la période de neuf semaines des semaines agricoles 35 à 43.
[102] En troisième lieu, même si l’on suppose que 100 pour cent des 800 wagons faisant partie du PIP ont été intégrés à compter de la semaine 35 (ce qui est une surestimation selon la présentation de CN, puisque la mise en œuvre du PIP n’était pas terminée au moment où CN a répondu à la demande) et que la durée de cycle était de 28 jours pour les semaines agricoles en question (tel que l’a indiqué CN dans ses documents sur le PIP), l’incidence possible maximale des wagons faisant partie du PIP sur le nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN est de 198 wagons par semaine (856 wagons par mois), pour un total de 1 782 wagons sur neuf semaines.
[103] Par conséquent, l’Office conclut que CN n’a pas fourni de document justificatif constituant une preuve suffisante d’une réduction réelle des wagons pour tenir compte des wagons faisant partie du PIP.
iii) Les wagons fournis au titre d’ordonnances réglementaires (c.-à-d. un décret en conseil, le projet de loi C-30, l’arrêté provisoire de LDC, une décision arbitrale relative au niveau de services)
Positions des parties
[104] CN indique que les pourcentages d’expédition historiques auxquels Viterra s’est fiée avaient été établis avant la mise en œuvre du décret en conseil et du projet de loi C-30. Elle soutient que le pourcentage de l’attribution avait également été fixé avant l’arrêté provisoire de LDC, selon lequel CN devait fournir à l’expéditeur concerné un nombre de wagons deux fois plus élevé que ce qu’il avait reçu antérieurement, et une décision arbitrale relative au niveau de services, selon laquelle un autre expéditeur avait le droit d’obtenir un plus grand nombre de wagons que ce qui était prévu dans la méthodologie de rationnement de CN.
[105] CN soutient que, puisque ces interventions réglementaires ont pour effet que certains expéditeurs reçoivent un nombre de wagons supérieur à leur pourcentage historique, d’autres expéditeurs doivent nécessairement recevoir un nombre moins élevé de wagons du reste du parc. CN fait valoir que le nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN devrait être ajusté pour tenir compte de cela, mais elle ne précise pas le nombre de wagons touchés.
[106] Viterra fait valoir que le décret en conseil ne remplace pas l’obligation statutaire de services de CN envers les expéditeurs de grain prévue par les articles 113 à 115 de la LTC. Le décret en conseil n’a pas fait une détermination de cette obligation, et n’avait pas pour but d’autoriser CN à limiter la quantité totale de grain qu’elle transportait et à fournir un nombre de wagons garantis à certains expéditeurs de grain au détriment d’autres.
[107] Viterra soutient qu’il n’y a aucune preuve devant l’Office qu’en raison de l’arrêté provisoire de LDC ou d’une autre décision arbitrale, CN a apporté un ajustement à l’ensemble du parc de wagons, a soustrait des wagons du nombre total de wagons, ou a tenté d’apporter un ajustement motivé au nombre de wagons auquel Viterra avait droit ou de lui communiquer un tel ajustement.
[108] Viterra soutient que, comme le prouvent les courriels fournis à l’annexe F de sa demande, CN a plutôt retiré ces wagons directement à certains expéditeurs. Plus particulièrement, CN a réduit de façon arbitraire le nombre de wagons attribués à Viterra chaque semaine de 300 wagons, toutes les trois semaines, en lui promettant de tenir compte de ces wagons et de tenter de trouver des façons de les rétablir à l’avenir. Viterra soutient que CN l’a obligée unilatéralement à assumer 33,3 pour cent de la réduction de l’attribution des wagons aux expéditeurs qui n’étaient pas touchés par l’arrêté provisoire de LDC.
Analyse et constatation
[109] CN soutient que les pourcentages d’expédition historiques qu’elle a fournis avaient été calculés avant la mise en œuvre du décret en conseil et du projet de loi C-30, mais elle ne fournit aucune preuve que ces mesures réglementaires et législatives ont eu une incidence sur les wagons attribués en fonction des parts de marché historiques, ni de raisons pour lesquelles elles pourraient en avoir eu. De plus, l’Office est d’accord avec Viterra que ces mesures n’avaient pas pour but de remplacer, de quelque manière que ce soit, les obligations en matière de niveau de services d’une compagnie de chemin de fer en vertu de la LTC, mais plutôt de les renforcer. Les niveaux de services obligatoires déterminant l’ampleur minimale de l’ensemble des services offerts ne devraient avoir aucune incidence sur la division équitable des services offerts, en pourcentage.
[110] En ce qui concerne l’incidence de l’arrêté provisoire de LDC et de la décision arbitrale sur le nombre de wagons fournis aux autres expéditeurs, l’ajustement présenté par CN n’est quantifié que de manière approximative, en fonction de la fourniture de 5 000 wagons, et n’est pas étayé par les données hebdomadaires relatives au nombre réel de wagons qu’elle a fournis.
[111] L’Office reconnaît que, dans certaines circonstances, certains wagons ne peuvent et ne devraient pas être compris dans le bassin de rationnement pour l’attribution générale, et est d’accord avec CN que l’arrêté provisoire de LDC exigeait que CN attribue un nombre fixe de wagons à LDC.
[112] Cela dit, l’Office ne peut pas déterminer l’ampleur de l’incidence de l’arrêté provisoire de LDC sans preuve à l’appui ou analyse détaillée de la question de savoir si CN a attribué ces wagons en les soustrayant du nombre total de wagons ou du nombre de wagons attribués à des expéditeurs particuliers de façon rotative et démesurée, tel que Viterra l’allègue. Par conséquent, aucune réduction ne peut être apportée au nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN pour tenir compte des wagons fournis au titre de l’arrêté provisoire de LDC pendant la période visée.
[113] De plus, l’Office conclut que, dans l’ensemble, CN n’a pas réussi à établir que le nombre total de wagons placés devait être réduit et de combien de wagons il devait l’être, ou que les données relatives au nombre hebdomadaire total moyen de placements de wagons de CN déposées par Viterra ne peuvent être prises en compte par l’Office dans son évaluation visant à établir s’il y a eu ou non un manquement.
NIVEAU DE SERVICES FOURNI
[114] La demande de Viterra allègue deux manquements :
- Une allégation selon laquelle CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services envers Viterra, car elle n’a pas attribué à Viterra un nombre de wagons égal à la part proportionnelle promise à Viterra de l’attribution hebdomadaire totale de CN.
- Une allégation selon laquelle CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services envers Viterra, car elle a encore réduit d’environ 300 les wagons attribués à Viterra durant les semaines du 11 au 17 mai et du 1er au 7 juin 2014 et toutes les trois semaines par la suite afin de s’acquitter de ses obligations prescrites par l’arrêté provisoire de LDC.
i) Défaut de fournir à Viterra sa part proportionnelle des wagons placés par CN
Positions des parties
[115] Dans le tableau de données actualisées présenté par Viterra pour les semaines agricoles 9 à 47, Viterra estime qu’il y a eu un écart de 2 856 wagons entre le nombre de wagons qu’elle a reçus de CN et ce qu’elle était en droit de recevoir. Viterra base son calcul de l’écart sur un droit à suppression pour cent de l’attribution hebdomadaire de CN pour les semaines agricoles 9 à 17 (29 septembre au 30 novembre 2013) et un droit à suppression pour cent de l’attribution hebdomadaire à compter de la semaine agricole 18 (à partir du 1er décembre 2013).
[116] CN affirme que les propres données de Viterra sur les semaines agricoles 9 à 43 démontrent que Viterra a reçu suppression pour cent des wagons à grain de CN, un écart que CN qualifie de faible et ne trouve pas suffisamment important, selon une attribution de suppression pour cent, pour conclure que CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services. Selon CN, l’incapacité de Viterra à expédier davantage de grain est surtout liée au rationnement des wagons, dont Viterra ne conteste pas la nécessité, plutôt qu’au fait que CN a manqué par seulement suppression pour cent le pourcentage prescrit par les lignes directrices.
[117] CN fait valoir qu’elle est tenue de fournir à Viterra un « niveau de services de base » aux termes de ses obligations de transporteur public. CN affirme également que l’approche appropriée pour l’Office consiste à examiner « si la compagnie de chemin de fer, dans les circonstances, a fait ce qui était raisonnable pour s’acquitter de ses obligations », conformément à l’approche adopté par l’Office et par les tribunaux selon laquelle « les obligations d’un transporteur ferroviaire ne sont pas absolues. Quelles que soient les circonstances, le critère du caractère raisonnable doit être appliqué » [souligné dans l’original].
[118] CN soutient que le fardeau imposé à la compagnie de chemin de fer à l’égard du transport de marchandises est une moyenne; et qu’en temps de pénurie, ce qui est raisonnable, en moyenne, doit être envisagé du point de vue de l’approvisionnement en wagons. Selon cet argument, CN affirme avoir respecté ses obligations en matière de niveau de services envers Viterra en fournissant à Viterra des installations convenables, et avoir agi de manière adéquate et raisonnable compte tenu des circonstances exceptionnelles de la campagne agricole 2013-2014.
[119] Viterra considère comme inexacte et trompeuse l’allégation de CN selon laquelle CN a manqué son engagement en matière d’attribution de wagons dans une proportion de suppression pour cent seulement. Selon Viterra, CN n’a fourni aucune preuve étayant que, durant cette période, seulement suppression pour cent des wagons que Viterra aurait dû recevoir ne lui ont pas été attribués, que ce soit selon les pourcentages de part de marché fournis par Viterra ou ceux fournis par CN.
[120] Viterra affirme que le manquement de CN à ses obligations doit être pris en considération dans le contexte du rationnement général très strict appliqué par CN. Viterra déclare qu’elle aurait acheté, vendu et expédié beaucoup plus de grain qu’elle l’a fait, et soutient que CN n’a aucunement prouvé que Viterra a refusé des wagons de CN, a été incapable d’utiliser les wagons fournis par CN, ou aurait été incapable d’en utiliser davantage. Viterra soutient qu’en plus d’avoir reçu 2 856 wagons en moins que ce qui avait été demandé, l’engagement de CN en matière d’attribution de wagons était déjà considérablement en déça des besoins réels de Viterra; par conséquent, le manquement de CN en matière de niveau de services est beaucoup plus important que « l’écart relativement faible » qu’elle allègue.
Analyse et constatation
[121] L’Office a auparavant déterminé que comme le rationnement limitait déjà les exigences réelles de Viterra en matière de services, il était raisonnable pour Viterra de demander un niveau de services correspondant à l’attribution de pourcentage d’expédition historique imposée par la méthodologie de rationnement des wagons de CN, soit suppression pour cent des wagons attribués hebdomadairement par CN.
[122] L’Office reconnaît que les complexités du système de manutention du grain pourraient créer des situations où il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une compagnie de chemin de fer puisse attribuer le nombre exact de wagons correspondant à la part de marché de chaque expéditeur, semaine après semaine. Les compagnies de chemins de fer ont droit à une certaine marge de manœuvre dans la livraison des wagons, à condition que cette marge n’entraîne pas qu’un expéditeur reçoive un nombre de wagons inférieur à sa part de marché pour une période donnée. Pour déterminer si CN a honoré la demande de service de Viterra en tenant compte de la part de marché de suppression pour cent de Viterra, l’Office évaluera les niveaux de services sur une base hebdomadaire, mais aussi en fonction des niveaux de services moyens offerts pour un mois ou pour une période entière.
[123] Pour chaque semaine au cours des semaines agricoles 9 à 47, l’Office a comparé le nombre total de wagons attribués à Viterra chaque semaine au nombre de wagons auxquels Viterra avait droit en vertu d’une attribution de suppression pour cent du nombre hebdomadaire total moyen de placements de wagons attribués par CN. S’appuyant sur cette comparaison, l’Office a calculé le pourcentage de la part de marché représenté par le nombre de wagons attribués dans les faits à Viterra et le nombre de wagons en-dessus et en-dessous du nombre auquel Viterra avait droit sur une base hebdomadaire ou mensuelle ou sur la base d’une période entière.
[124] Cette analyse indique que le nombre de wagons attribués à Viterra dans les faits était, pour 23 semaines sur 39 (soit 59 pour cent de la période), inférieur au taux de suppression pour cent des wagons que CN était censée fournir. En fonction d’une moyenne mensuelle, CN n’a pas respecté le taux de suppression pour cent des wagons qu’elle devait fournir à Viterra durant cinq des neuf mois de la période visée par la demande : soit octobre et décembre 2013, et mars, mai et juin 2014. La moyenne de la période entière accuse également un service insuffisant. L’Office évalue à 1 374 le nombre de wagons qui n’ont pas été fournis durant la période entière. Un tableau présentant l’analyse de l’Office dans le détail figure dans une annexe confidentielle de la présente décision.
[125] L’Office estime qu’un service insuffisant dans un milieu où les wagons sont rationnés selon le pourcentage de wagons attribués par CN, et où les demandes de l’expéditeur en matière de services sont ainsi déjà limitées, différent d’un service insuffisant en temps normal lorsqu’il n’y a aucun rationnement. Plus qu’une demande qui n’a pas été satisfaite, un service insuffisant durant un régime de rationnement fondé sur la part de marché historique entraîne l’érosion et le déplacement de la part de marché de l’expéditeur lésé, ce qui, dans le présent cas, a représenté au total un nombre significatif de wagons, s’est prolongé sur une longue période et a réduit de suppression pour cent la part de marché de Viterra.
[126] Par conséquent, en ce qui a trait à l’attribution de suppression pour cent du nombre hebdomadaire total moyen de placements de wagons de CN et en se fondant sur le nombre hebdomadaire total moyen non ajusté de placements de wagons de CN, l’Office détermine que CN n’a pas honoré la demande de services de Viterra durant la période d’expédition de grain s’échelonnant sur les semaines 9 à 47 de la campagne agricole 2013-2014.
ii) Réduction de 300 wagons
Positions des parties
[127] Viterra allègue que CN a manqué à ses obligations statutaires en matière de niveau de services en réduisant encore de 300 environ le nombre de wagons pendant les semaines du 11 au 17 mai et du 1er au 7 juin 2014, et toutes les trois semaines par la suite afin de s’acquitter de ses obligations en vertu de l’arrêté provisoire de LDC.
[128] CN affirme avoir été obligée d’attribuer à Viterra moins de wagons que le pourcentage anticipé parce que l’arrêté provisoire de LDC et une décision arbitrale garantissaient à d’autres expéditeurs un certain nombre de wagons sans égard à la méthodologie de rationnement établie par CN. CN soutient que ces facteurs ont réduit de suppression pour cent ses attributions historiques, sur une offre de 5 000 wagons par semaine.
[129] Selon CN, les ordonnances qui l’obligent à fournir à certains expéditeurs un nombre donné de wagons font en sorte que ces expéditeurs passent en priorité lors du processus d’attribution et reçoivent les premiers wagons; par conséquent, ces ordonnances réduisent le nombre de wagons disponibles aux fins d’attribution ainsi que le pourcentage de wagons qui devaient à l’origine être attribués aux autres expéditeurs. CN affirme avoir besoin d’une certaine marge de manœuvre pour tenir compte de ces ordonnances et ajuster en conséquence l’attribution de wagons.
[130] Viterra allègue que les wagons livrés en vertu de l’arrêté provisoire de LDC n’ont pas été pris du total des wagons de CN destinés à tous les expéditeurs, mais ont plutôt été soustraits directement des wagons attribués à certains expéditeurs, et que CN a unilatéralement forcé Viterra à assumer une part arbitraire de 33,3 pour cent de la réduction des wagons attribués aux expéditeurs qui n’étaient pas touchés par l’arrêté provisoire de LDC, comme le prouve une série de courriels échangés entre CN et Viterra (mentionné au paragraphe 108 de la présente décision).
Analyse et constatation
[131] CN affirme que, pour répondre aux incidences des ordonnances réglementaires en question, les wagons garantis aux expéditeurs concernés doivent être soustraits du total des wagons disponibles, ce qui, selon CN, réduit le nombre de wagons disponibles pour attribution et le pourcentage de wagons qui devaient à l’origine être attribués aux expéditeurs restants.
[132] De façon générale, l’Office reconnaît que les wagons soustraits du total des wagons laisseront moins de wagons à distribuer aux expéditeurs restants, mais ne comprend pas pourquoi cela réduirait le pourcentage des wagons attribués à ces expéditeurs restants. En fait, si les expéditeurs qui ont droit à un nombre garanti de wagons « passent en priorité dans le processus d’attribution » comme le suggère CN, les wagons correspondant à la portion de leur attribution fondée sur leur part de marché historique devraient être redistribués aux autres expéditeurs du bassin de rationnement. Une telle redistribution de la part de marché devrait donc en réalité fournir aux expéditeurs restants un plus grand pourcentage de wagons, même si le nombre de wagons sera moindre.
[133] Cependant, dans le cas présent, Viterra a déposé un échange de courriels entre CN et Viterra, en date du 7 mai 2014, dans lequel CN a indiqué que tant que l’arrêté provisoire de LDC s’appliquait à CN, Viterra devrait s’attendre à recevoir environ 300 wagons de moins que son pourcentage d’expédition une semaine sur trois. CN n’a ni nié, ni réfuté cette preuve.
[134] Cette réduction de wagons représente un nombre fixe. Ce nombre ne varie pas en fonction du nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN. Par conséquent, cette réduction n’aurait pas pu se faire à même la part de marché de Viterra. Il est clair que CN a arbitrairement décidé de soumettre Viterra à une réduction fixe du nombre de wagons, sans égard à ce qu’aurait été la juste part de la réduction assumée par Viterra selon une méthodologie de rationnement fondée sur la part de marché. Ce faisant, CN a traité Viterra de manière inéquitable.
[135] Par conséquent, l’Office conclut que l’approche adoptée par CN visant à réduire d’un nombre fixe les wagons attribués en vue de compenser l’incidence de l’arrêté provisoire de LDC sur l’attribution de ses wagons est erronée en principe. Les demandes de Viterra en matière de services étaient déjà réduites en raison du rationnement des wagons par CN. Viterra n’aurait pas dû subir une autre réduction du nombre de wagons non liée à sa part de marché. Comme une compagnie de chemin de fer a l’obligation de fournir un service convenable à tous les expéditeurs de grain, quel que soit leur taille ou leur emplacement, le traitement différentiel d’un expéditeur tel que Viterra est suffisant, en soi, pour constituer un manquement à ses obligations en matière de niveau de services.
[136] Par conséquent, l’Office conclut que CN ne s’est pas acquittée de ses obligations envers Viterra en matière de niveau de services en imposant spécifiquement à Viterra une réduction fixe du nombre de wagons plutôt que de fonder ses réductions sur la part de marché de Viterra. Selon les preuves présentées, la réduction par CN de la part de Viterra par un nombre fixe de wagons, sans égard à la part de marché de Viterra, était arbitraire et déraisonnable. Cette réduction ne constituait pas une application juste et équitable du programme de rationnement des wagons de CN axé sur la part de marché historique de l’expéditeur, et ne correspondait pas à la part de suppression pour cent de tous les wagons à laquelle Viterra avait droit.
ÉTAPE 3 : DANS LA NÉGATIVE, QUELLES SONT LES RAISONS QUI POURRAIENT JUSTIFIER LE MANQUEMENT À UNE OBLIGATION EN MATIÈRE DE NIVEAU DE SERVICES?
[137] Dans la décision du 3 octobre, l’Office a indiqué que :
[48] En vertu de la LTC, une compagnie de chemin de fer fédérale doit recevoir, transporter et livrer toutes les marchandises offertes pour le transport « dans le cadre de ses attributions ». Cependant, cette obligation n’est pas absolue aux termes de toutes les conditions. Une compagnie de chemin de fer n’est pas tenue de réaliser ce qui est déraisonnable ou impossible. Ainsi, lorsque l’Office estime qu’une compagnie de chemin de fer n’a pas répondu à une demande raisonnable de la part d’un expéditeur, il examinera les justifications présentées par la compagnie de chemin de fer à l’égard de ce manquement à une obligation de service.
[138] Dans le cas présent cas, CN affirme que même si elle n’avait pas atteint la cible en matière d’attribution, elle avait fourni des installations convenables, et présente plusieurs explications pour justifier le niveau de services offert à Viterra durant la période visée. Ces explications sont liées à la marge de manœuvre requise par CN pour réagir à des circonstances changeantes, à son accès limité aux ressources, à l’ensemble du service offert par CN à l’industrie de grain et à Viterra, à la capacité limitée du système, et aux obligations de CN envers les autres expéditeurs.
1. LA SOUPLESSE REQUISE POUR RÉAGIR À DES CIRCONSTANCES CHANGEANTES
Positions des parties
CN
[139] La position de CN est qu’une compagnie de chemin de fer doit avoir la souplesse nécessaire pour ajuster la taille de son parc de wagons afin d’être en mesure de s’adapter à des priorités et des circonstances variables. CN affirme que ce besoin de souplesse était particulièrement manifeste lors des circonstances exceptionnelles de la campagne agricole 2013-2014, et réfère que plusieurs ajustements qu’elle a dû apporter. En plus des incidences de certains ordonnances réglementaires mentionnés précédemment, ces circonstances comprennent l’acquisition par Viterra d’une capacité d’entreposage en silo; l’acquisition par un autre expéditeur d’une capacité supplémentaire dans ses terminaux ferroviaires; et les demandes d’un plus grand nombre de producteurs-expéditeurs.
[140] CN soutient que l’acquisition en 2013 de certains actifs de Viterra par Richardson International Limited, survenue après la période des semaines agricoles 8 à 22 de la campagne agricole 2012-2013, a entraîné l’ajustement le plus important à sa méthodologie de rationnement qu’elle a été tenue d’apporter. CN fait valoir qu’elle a pris en compte la cession de ces silos par Viterra pour déterminer la part historique proportionnelle de Viterra.
[141] CN allègue que durant la campagne agricole 2013-2014, un expéditeur de grain non identifié utilisant les services de CN a augmenté la capacité de ses terminaux ferroviaires sur la côte ouest, et qu’en reconnaissance de cet investissement et de l’expansion de l’infrastructure, CN a pris des mesures pour augmenter d’un nombre non précisé le pourcentage de wagons attribués à cet expéditeur pour mieux correspondre à ses nouvelles capacités d’expédition.
[142] CN affirme aussi que durant la campagne agricole 2013-2014, tout comme les autres expéditeurs, les producteurs utilisant des wagons de producteurs pour commercialiser leur grain hors du système des silos primaires ont eu besoin de beaucoup plus de wagons qu’au cours des années précédentes. Pour en tenir compte, CN a pris une mesure proactive en augmentant d’environ 1 pour cent, durant la période d’octobre à juin, la part historique des wagons de producteurs. CN reconnaît que cela réduit légèrement l’attribution à Viterra, mais ne considère pas cela comme de la discrimination, mais plutôt comme une méthodologie appropriée, rationnelle et juste d’attribuer des wagons conformément à l’esprit de la LTC et au contexte de la campagne agricole 2013-2014.
[143] Selon CN, plutôt que de s’ajuster à ces facteurs en puisant simplement dans l’attribution historique des wagons-trémies actuellement disponibles, elle a plutôt augmenté sa capacité. CN indique qu’en septembre 2013, elle a acquis spécifiquement 499 nouveaux wagons-trémies en réponse à l’énorme récolte de la campagne et à l’acquisition d’un terminal ferroviaire supplémentaire par l’expéditeur non spécifié. CN allègue également avoir ajouté 869 wagons‑trémies à son parc au printemps 2014 pour répondre à la demande élevée de wagons pour transporter la récolte historique de grain. CN ajoute qu’au cours des dernières semaines, elle a encore augmenté sa capacité d’intensification en repositionnant temporairement dans l’Ouest du Canada des wagons empruntés à ses activités d’exploitation aux États-Unis durant une baisse saisonnière de la demande des expéditeurs de grain des États-Unis.
[144] CN affirme que ces wagons supplémentaires ont été transférés pour répondre à des circonstances spéciales subséquentes au début du processus initial de rationnement de CN, à la semaine agricole 8, et que Viterra a cru avoir droit à suppression pour cent des wagons acquis après l’établissement de l’attribution initiale, tout comme elle avait eu droit à des wagons du parc de base de CN. CN estime qu’il n’est pas raisonnable sur le plan commercial que Viterra ne lui reconnaisse aucune latitude en matière de distribution des wagons supplémentaires et que Viterra exige que toute capacité supplémentaire acquise après la semaine agricole 9 soit distribuée selon le pourcentage historique exact fixé par CN à la semaine agricole 9, sans égard à tout changement de capacité ou à toute autre circonstance touchant les autres expéditeurs.
[145] CN affirme avoir fidèlement suivi ses lignes directrices sur le rationnement depuis le début de la semaine agricole 8 afin de traiter tous ses expéditeurs de manière juste et uniforme, y compris Viterra, malgré des circonstances extrêmes où la demande en matière de wagons dépassait de loin toute estimation raisonnable de la capacité du système.
Viterra
[146] Viterra conteste l’allégation de CN selon laquelle CN avait besoin d’apporter des ajustements pour répondre aux circonstances changeantes de la campagne agricole – circonstances qui auraient rendu « convenables » les services limités de CN à Viterra. Viterra soutient que les circonstances invoquées par CN étaient déjà prises en compte lors du calcul du pourcentage de suppression attribué à Viterra; n’ont pas mené à un ajustement; ou reflétaient un traitement arbitraire et discriminatoire de Viterra par CN par rapport à ses concurrents en matière d’attribution de wagons et de part de marché.
[147] Plus précisément, Viterra soutient que CN lui a clairement indiqué que la cession de silos par Viterra le 1er mai 2013 avait été prise en compte avant que CN ne fixe l’attribution fondée sur le pourcentage historique de Viterra. Viterra ajoute que l’argument de CN selon lequel il était nécessaire d’ajuster le nombre de wagons de producteurs pour la période d’octobre à juin suggère que cet ajustement a été apporté par CN avant de déterminer la part de chacun de ses expéditeurs, et non après que CN ait informé Viterra de la part à laquelle Viterra avait droit. Viterra soutient que CN n’a fourni aucune preuve qu’elle a ajusté à la baisse le pourcentage attribué à Viterra durant la campagne agricole pour tenir compte d’une augmentation dans le nombre de wagons de producteurs, et qu’aucun ajustement de la sorte n’a été communiqué à Viterra.
[148] Viterra conteste l’allégation de CN selon laquelle un ajustement était nécessaire pour tenir compte de l’acquisition de capacité supplémentaire par un autre expéditeur. Selon Viterra, CN n’a fourni aucune preuve indiquant qui était l’expéditeur; combien de capacité de terminal ferroviaire l’expéditeur avait acquise, et quand; s’il s’agissait de nouvelle capacité, ou de capacité existante ayant changé de mains; en quoi cela touchait les capacités d’expédition de l’expéditeur; ou en quoi un ajustement à l’attribution de cet expéditeur avait une incidence sur le pourcentage attribué à Viterra. Viterra fait valoir qu’aucun ajustement de la sorte ne lui a été communiqué, et elle maintient que CN ne fournit aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la fourniture de wagons à l’autre expéditeur était la raison pour laquelle CN avait manqué à son engagement envers Viterra. Viterra soutient également qu’il ne relève pas de la responsabilité de CN de déterminer de manière arbitraire et unilatérale quelle part de marché sera accordée à chaque expéditeur de grain. Viterra fait valoir qu’il est discriminatoire de toute façon de transférer à un de ses concurrents une part de l’attribution qu’on lui avait promise.
[149] Selon Viterra, CN admet qu’elle est tenue de fournir un niveau de services adéquat à tous ses clients de manière non discrétionnaire. Viterra fait valoir que le fait que CN dévie de ce système neutre afin d’attribuer davantage de wagons à certains expéditeurs illustre la façon discriminatoire dont elle affecte les wagons. Selon Viterra, si CN souhaite apporter des ajustements au système de rationnement, elle doit le faire en ajoutant des wagons, ou par d’autres moyens qui font en sorte que la méthe d’attribution est respectée et traite tous les expéditeurs de manière équitable.
Analyse et constatation
[150] CN cite trois changements précis de circonstances qui l’ont forcée à faire preuve de souplesse et auxquels elle a répondu en agrandissant son parc de wagons – d’abord en septembre 2013 avec l’ajout de 499 wagons-trémies, puis au printemps 2014 avec l’ajout de 869 wagons‑trémies – et plus tard durant cette période, en repositionnant temporairement un nombre de wagons non spécifié.
[151] Essentiellement, CN prétend qu’étant donné la souplesse dont elle a besoin, cette capacité supplémentaire ne devrait pas nécessairement être soumise à la même méthodologie de rationnement que son « parc de base », et que CN devrait avoir la latitude d’attribuer cette capacité supplémentaire selon sa volonté.
[152] L’Office reconnaît que chacun de ces changements de circonstances nécessitait une certaine souplesse de la part de CN pour ajuster ses calculs des attributions fondées sur la part de marché historique. Néanmoins, l’acquisition de wagons supplémentaires par CN en septembre 2013 pour répondre à l’énorme récolte et l’acquisition par un expéditeur non identifié de capacité supplémentaire dans ses terminaux ferroviaires précèdent l’entrée en vigueur du rationnement. Par ailleurs, CN qualifie de mesure proactive l’ajustement apporté pour tenir compte de la hausse anticipée de la demande en wagons de producteurs d’octobre à juin; une mesure proactive est par définition une mesure prise à l’avance, et non en réponse à une situation en cours. Enfin, CN affirme que l’ajustement nécessaire pour prendre en compte l’acquisition par Viterra de capacité supplémentaire en silos de Viterra Inc. a été compris dans son calcul de la part proportionnelle de wagons à laquelle Viterra avait droit. L’Office conclut que ces trois circonstances étaient connues au moment où les parts de marché des expéditeurs ont été déterminées par CN, et par conséquent, ne justifient pas le manquement au chapitre du service qu’a fourni CN à Viterra.
[153] L’Office reconnaît aussi que CN a agi de façon responsable d’un point de vue commercial en acquérant des wagons-trémies supplémentaires en septembre 2013 et au printemps 2014 pour faire face à la situation extraordinaire de la campagne agricole 2013‑2014. Cependant, CN indique qu’elle puise déjà de son parc de wagons général les wagons à livrer au titre de l’ordonnance réglementaire qui sont puisées du total de wagons, et aucune raison n’a été donnée pour justifier que la capacité supplémentaire acquise lors de la dernière campagne agricole devrait être consacrée à un service particulier plutôt que d’être mise à la disposition de tous les expéditeurs. L’Office ne voit aucun motif, dans une offre rationnée de wagons, pour établir une distinction entre les wagons nouvellement acquis et le parc de base au début de la campagne agricole. L’Office conclut donc que le défaut de CN de fournir à Viterra suppression pour cent du nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN ne saurait être justifié par l’allégation que certains de ces wagons avaient été acquis par CN à des fins autres que pour l’intérêt de tous les expéditeurs du bassin de rationnement.
[154] L’Office reconnaît la nécessité de faire preuve de souplesse dans le système de manutention du grain. Cependant, la méthodologie de rationnement de CN se fonde sur des pourcentages des services offerts chaque semaine, services dont CN peut contrôler l’ampleur. Par conséquent, l’Office conclut que la méthodologie de rationnement de CN permet déjà un niveau de souplesse suffisant.
2. ACCÈS LIMITÉ À DES RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES
Position des parties
CN
[155] CN affirme avoir pris toutes les mesures raisonnables sur le plan commercial pour transporter la plus grande quantité de grain possible durant le reste de la campagne agricole 2013-2014 ainsi que la campagne agricole 2014-2015. CN fait valoir qu’en plus d’acquérir les wagons-trémies supplémentaires mentionnés précédemment et de lancer le PIP, elle a ajouté, en 2013, 81 locomotives de haute puissance à un parc qui en comprenait déjà 1 250, et en ajoutera encore 60 avant la fin de 2014. De plus, CN a remis en état 200 locomotives en 2013 et 250 en 2014. CN indique également avoir fait des efforts de recrutement considérables, et a notamment embauché 2 700 chefs de train supplémentaires en 2013 et 2014, dont 1 500 seront attribués à l’Ouest canadien.
[156] CN prétend que la demande de Viterra présuppose que CN peut simplement acquérir du matériel roulant supplémentaire pour déplacer davantage de grain de l’Ouest. Or, selon CN, il ne s’agit pas d’une option commerciale pratique pour aucune compagnie de chemin de fer en Amérique du Nord.
[157] CN fait observer qu’on peut normalement s’attendre à une période de quatre à six mois entre la commande et la réception de wagons-trémies, mais qu’à l’heure actuelle, aucun wagon-trémie n’est disponible sur le marché nord-américain de la location avant le printemps 2015 dans les meilleurs délais. À titre de confirmation, CN cite la difficulté qu’ont eue Viterra et d’autres expéditeurs à obtenir des wagons-trémies pour le programme PIP.
[158] En ce qui concerne le matériel moteur, CN indique qu’il y a normalement une attente de 10 à 12 mois entre la commande et la livraison; toutefois, les deux principaux manufacturiers d’Amérique du Nord sont actuellement incapables de fournir d’autres locomotives avant au moins 24 mois (en 2016).
[159] En ce qui concerne les équipes des trains, CN indique qu’il faut en général au moins neuf mois pour recruter et former convenablement un chef de train, mais qu’il est extrêmement difficile de recruter dans la région des Prairies en raison des faibles taux de chômage et de la vive concurrence avec les sociétés pétrolières et gazières à recruter des employés.
[160] CN affirme que tous ses actifs pour la campagne agricole 2014-2015 ont été déployés et que toutes les ressources humaines disponibles ont été embauchées et formées. Elle indique que bien que son processus de planification et son attribution des ressources lui ont permis de s’adapter relativement bien à la capacité des silos riverains pour composer avec la demande accrue de l’automne et du printemps, elle ne garde en réserve aucune capacité supplémentaire en wagons de grain.
Viterra
[161] Tout en contestant les arguments de CN relativement aux ressources limitées, Viterra soutient en bout de ligne que de toute façon, la plainte ne vise pas un nombre défini de wagons, mais plutôt le pourcentage de l’attribution totale des wagons que CN a fourni à Viterra. Par conséquent, Viterra considère que le défaut de CN d’obtenir davantage de wagons ou d’employés n’a rien à voir avec la capacité de CN de fournir à Viterra suppression pour cent du nombre total de wagons auquel Viterra a droit. Viterra estime que les facteurs qui touchent le nombre total de wagons de CN, y compris les limites de ressources matérielles ou humaines ou les conditions météorologiques exceptionnelles, ne devraient pas changer le pourcentage du total des wagons que Viterra reçoit, ni causer un tort excessif à Viterra.
Analyse et constatation
[162] Pour assurer le bon fonctionnement d’un système de transport et de manutention du grain régi par la demande au Canada, les compagnies de chemin de fer doivent veiller à ce que le système ferroviaire s’adapte à la croissance de l’industrie du grain, c’est-à-dire à la hausse de la production et d’autres éléments de la chaîne d’approvisionnement, comme la capacité des silos en zone rurale et des terminaux portuaires.
[163] Cela dit, l’Office reconnaît qu’il est impossible d’acquérir instantanément les wagons, le matériel moteur et la main-d’œuvre nécessaires au transport de grain par chemin de fer, et que l’horizon de planification pour accroître la capacité ferroviaire ne se mesure pas qu’en semaines. L’Office reconnaît également les efforts de CN visant à augmenter la capacité en réponse aux demandes de la campagne agricole 2013-2014, même si, comme le rationnement était toujours nécessaire, ces efforts se sont manifestement avérés insuffisants pour répondre à la demande accrue. Néanmoins, l’Office conclut que les difficultés d’acquisition de capacité ne devraient avoir aucune influence sur un programme de rationnement fondé sur des attributions par pourcentage, et ne justifient pas sa mauvaise application.
3. AMÉLIORATION DES SERVICES ET CAPACITÉ LIMITÉE
Positions des parties
CN
[164] CN fait valoir qu’elle annonce actuellement un rendement record pour la campagne agricole 2013-2014, ayant transporté 25 pour cent plus de grain que son rendement moyen passé et plaçant environ 5 500 wagons par semaine depuis avril 2014, ce qui, selon elle, excède le nombre de commandes de ses clients. CN fait observer que pour la campagne agricole 2013‑2014, les volumes de grain de CN dépassaient de 11 pour cent son record précédent et de 23 pour cent son rendement moyen. CN ajoute que ce rendement record aurait été encore plus élevé si les producteurs de grain avaient fait plein usage de la capacité ferroviaire en août et au début de septembre 2013.
[165] Mentionnant spécifiquement Viterra, CN affirme que durant la campagne agricole 2013-2014, un seul expéditeur de grain parmi les clients de CN a reçu davantage de wagons que Viterra, et que depuis la semaine agricole 33, Viterra a reçu en moyenne 1 300 wagons par semaine, et plus de 1 650 wagons durant deux de ces semaines. CN ajoute avoir transporté plus de grain pour Viterra durant la campagne agricole 2013-2014 que durant toute autre campagne agricole – une augmentation de 8 pour cent par rapport à l’an passé et de 6 pour cent par rapport au record de transport de grain précédent par Viterra avec des wagons de CN pendant la campagne agricole 2011-2012.
[166] CN soutient que le rendement récent du chemin de fer vers les ports de la côte ouest et vers Thunder Bay éprouve les limites de ces chaînes d’approvisionnement. Selon CN, il semble évident que le transport est désormais une situation gagnant-perdant, et que tout service supplémentaire que CN est obligée de fournir à un expéditeur doit forcément être livré aux dépens des services à d’autres expéditeurs; il s’agit là d’une question de comment la capacité totale est divisée pour répondre à la demande. CN a présenté un graphique illustrant son allégation selon laquelle il n’est pas réaliste d’attribuer davantage de wagons et il n’est pas possible de transporter davantage de grain de façon soutenue sans augmenter la capacité des silos riverains.
Viterra
[167] Viterra conteste les arguments de CN mais admet que, de toute façon, le niveau de services qui lui est offert par CN, que ce soit maintenant ou réparti en moyenne durant la campagne agricole, n’est pas pertinent, puisque l’Office a déterminé dans la 323-R-2002">décision no 323-R-2002, Naber Seed & Grain Co. Ltd. c. CN, qu’une compagnie de chemin de fer qui manque à ses obligations en matière de niveau de services puis se soustrait à toute sanction en améliorant tout simplement son service n’agit pas de manière conforme aux dispositions sur le niveau de services.
[168] En ce qui concerne les allégations de CN relativement à la chaîne d’approvisionnement, Viterra fait valoir que CN n’a fourni aucune preuve relative à :
- l’incapacité de la chaîne d’approvisionnement du grain de gérer la quantité de grain que les compagnies et producteurs de grain tentaient d’expédier en septembre et en octobre 2013;
- l’estimation de CN quant à la capacité maximale de la chaîne d’approvisionnement;
- l’atteinte des limites de la capacité des silos riverains.
[169] Viterra soutient que les seules contraintes en matière de capacité auxquelles elle a fait face dans sa chaîne d’approvisionnement en grain était le manque de wagons, et que CN a imposé le rationnement parce qu’elle était incapable de répondre à tous ses engagements et non en raison de toute autre contrainte de la chaîne d’approvisionnement en grain. Viterra ajoute qu’elle avait réservé de la capacité dans les terminaux ferroviaires de Prince Rupert et qu’elle a tout de même encouru plus de suppression en frais de stationnement et en pénalités contractuelles en raison des manquements de CN.
Analyse et constatation
[170] CN allègue qu’elle a fourni un service record à l’industrie du grain durant la campagne agricole 2013-2014; que Viterra a reçu davantage de wagons que tout autre expéditeur et que le niveau de services de CN à Viterra en 2013-2014 a été plus élevé que jamais.
[171] Dans le paragraphe 31 de la décision du 3 octobre, reproduit ci-dessous, l’Office a fait valoir qu’il évalue le service fourni par une compagnie de chemin de fer à un expéditeur au cas par cas, et non en fonction du niveau de services fourni à l’industrie dans son ensemble ou du niveau de services fourni à cet expéditeur dans le passé :
[31] Puisque les dispositions portant sur le niveau de services sont des recours au cas par cas, leur objectif ne peut pas être atteint, par exemple, en évaluant la conformité d’une compagnie de chemin de fer avec ses obligations en matière de niveau de services à l’aide d’un jalon exprimé en fonction du niveau de services moyen de l’ensemble des expéditeurs dans le réseau, ni en fonction de « niveaux historiques » lorsqu’il a été démontré qu’on n’a pas répondu aux besoins d’un expéditeur. Pour que l’Office soit convaincu qu’une compagnie de chemin de fer n’a pas manqué à ses obligations en matière de niveau de services, cette dernière doit présenter des preuves propres à la demande qui démontrent les efforts qu’elle a déployés en vue de fournir des installations convenables pour le transport des marchandises de l’expéditeur ou encore présenter les raisons convaincantes justifiant pourquoi elle n’est pas en mesure de répondre raisonnablement à la demande de l’expéditeur.
[172] Par conséquent, le fait que le CN ait dépassé ses niveaux de service passés fournis à l’industrie et à Viterra en particulier n’est pas pertinent au cas présent et ne justifie pas le service insuffisant fourni à Viterra.
[173] L’Office est d’avis que même en supposant que CN ait connu les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement qu’elle cite, cela ne justifie en rien son défaut d’offrir à Viterra une juste part du nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN, aussi limité ce total hebdomadaire ait‑il été durant les semaines où CN a connu des problèmes de chaîne d’approvisionnement.
4. OBLIGATIONS ENVERS D’AUTRES EXPÉDITEURS
Positions des parties
CN
[174] Selon CN, l’article 112 de la LTC exige que toutes les conditions visant les services établies par l’Office à la section IV (ce qui comprend les dispositions sur le niveau de services) soient « commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties ». CN interprète ce libellé comme signifiant que lorsque l’Office émettra une ordonnance dans la présente demande, il devra tenir compte des incidences sur d’autres expéditeurs de grain.
[175] CN allègue que la demande de recours de Viterra aurait des conséquences évidentes et néfastes sur les autres expéditeurs de grain desservis par CN.
[176] La position de CN est que lorsqu’une ordonnance réglementaire garantit à certains expéditeurs un nombre défini de wagons, quel que soit le rationnement appliqué à d’autres clients du chemin de fer, la méthodologie raisonnée et équitable de rationnement de CN ne peut plus être appliquée comme prévu. Selon CN, si un expéditeur se voit accorder une plus grande part du total des wagons que celle à laquelle il aurait droit selon la méthodologie du rationnement, il devient impossible pour CN de fournir à tous ses autres expéditeurs le pourcentage qu’ils anticipaient, ce qui réduira en conséquence le nombre de wagons qu’ils reçoivent.
[177] CN avance que cela crée un cercle vicieux d’interventions réglementaires puisqu’à chaque ordonnance rendue, moins de wagons sont disponibles pour les autres expéditeurs de CN, lesquels seront forcés de réclamer leur propre ordonnance réglementaire.
Viterra
[178] Viterra allègue que les « parties » mentionnées à l’article 112 de la LTC n’incluent pas tous les expéditeurs de grain dans les circonstances d’une demande relative au niveau de services entre un expéditeur de grain et une compagnie de chemin de fer, et que toute ordonnance émise par l’Office sur cette affaire n’a pas besoin d’être « commercialement équitable et raisonnable » que vis-à-vis les parties à la demande. Viterra estime que toute autre interprétation de l’Office contredirait la décision no LET‑R‑33‑2014, dans laquelle l’Office a déterminé que le fait que Viterra soit touchée par des mesures que CN affirme avoir été forcée de prendre en raison d’une ordonnance provisoire sur une demande d’un autre expéditeur ne constituait pas un intérêt suffisamment direct dans cette demande pour accorder à Viterra le statut d’intervenant.
[179] Viterra considère comme étant contraire aux articles 113 à 115 de la LTC le fait de traiter des contrats avec un expéditeur comme réduisant les obligations en matière de niveau de services de la compagnie de chemin de fer envers les autres expéditeurs ou, à l’inverse, de traiter les obligations envers d’autres expéditeurs comme réduisant les obligations en matière de niveau de services de la compagnie de chemin de fer envers un expéditeur. Viterra affirme que dans le cas présent, elle est en droit de s’attendre à ce que CN honore son engagement à fournir suppression pour cent du total de ses wagons à Viterra. En ce qui touche Viterra, cette dernière estime que si CN prend plus d’engagements qu’elle n’est capable d’honorer, la compagnie doit soit augmenter sa capacité en conséquence, soit indemniser les parties lésées par tout manquement à ses obligations.
Analyse et constatation
[180] Bien que l’Office traite des demandes relatives au niveau de services au cas par cas, il ne peut pas le faire sans tenir compte des obligations générales en matière de niveau de services qu’ont les compagnies de chemin de fer envers les expéditeurs du réseau ferroviaire. L’Office reconnaît que les compagnies de chemin de fer ont une obligation envers tous les expéditeurs, et que la raison pour laquelle on avait eu recours au rationnement durant la période visée par la demande était de faire en sorte que tous les expéditeurs soient traités équitablement en recevant une portion de la demande réelle de service.
[181] Cela dit, aussi juste et équitable une méthodologie de rationnement soit-elle en principe, une compagnie de chemin de fer peut manquer à ses obligations en matière de niveau de services si cette méthodologie n’est pas appliquée de manière juste et uniforme. Dans le cas présent, Viterra a reçu moins que sa part, ce qui signifie que d’autres expéditeurs ont reçu des wagons qui auraient dû être fournis à Viterra. CN ne peut donc pas invoquer le rationnement pour justifier son défaut de livrer à Viterra sa part proportionnelle du total des wagons.
[182] L’Office a déterminé dans le passé que le service à d’autres expéditeurs ne libère pas une compagnie de chemin de fer de son obligation en matière de niveau de services envers un expéditeur en particulier.
[183] Au paragraphe 184 de la décision du 3 octobre, l’Office a fait valoir ce qui suit :
[184] Le fait de fournir un service à d’autres expéditeurs n’est pas en soi la justification à un manquement à l’obligation de service à un expéditeur en particulier. Si CN choisit de s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services envers LDC en réduisant le service qu’elle offre aux autres expéditeurs, elle risque de le faire en contravention des articles 113 à 115 de la LTC, en ce qui a trait aux expéditeurs touchés. CN s’exposerait ainsi, sur demande présentée par un expéditeur touché, à une ordonnance de recours par l’Office en vertu de l’article 116 de la LTC.
[184] Par conséquent, l’Office ne peut accepter l’argument de CN relatif à ses obligations envers d’autres expéditeurs comme justification du défaut de la compagnie de livrer les wagons que Viterra aurait dû recevoir selon la propre méthodologie de rationnement de CN et des promesses de CN à Viterra. En outre, l’Office conclut que le fait de pénaliser des expéditeurs particuliers en réduisant les wagons fournis pour prendre en compte les ordonnances réglementaires ne constitue pas une justification appropriée pour un service insuffisant de la part des compagnies de chemin de fer.
CONCLUSION
[185] À la suite de son examen visant à déterminer, au moyen de son approche d’évaluation en trois étapes, si CN a manqué à ses obligations envers Viterra en matière de niveau de services, l’Office conclut que :
Étape 1 : Compte tenu du fait que les exigences de Viterra en matière de services étaient déjà restreintes par le rationnement des wagons, il était raisonnable de la part de Viterra de recevoir des services à un niveau égal au pourcentage d’expédition historique qui lui est imposé par CN en vertu de la méthodologie de rationnement des wagons de CN, soit suppression pour cent du total des wagons disponibles de CN. Cela est renforcé par le besoin de Viterra d’obtenir un service prévisible et fiable en vue de planifier ses activités et ses programmes d’achat et de vente.
Étape 2 : CN n’a pas honoré la demande de services de Viterra pour les semaines 23 à 47 de la campagne agricole 2013-2014. Durant les semaines agricoles 40 à 47, CN a également manqué à son obligation envers Viterra en matière de niveau de services en soumettant Viterra à un traitement inéquitable en réduisant le nombre de wagons qu’elle aurait dû lui fournir à un nombre arbitraire non fondé sur la part de marché de Viterra.
Étape 3 : CN n’a pas établi de motifs qui justifient les manquements à l’obligation de services cernés à l’étape 2.
[186] L’Office conclut donc que CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services à l’égard de Viterra. Dès lors, l’Office doit déterminer les mesures de réparation qui s’imposent.
MESURES DE RÉPARATION
[187] Étant donné les infractions réglementaires cernées par l’Office dans le cas présent, il est évident que ces problèmes sont inhérents à la mise en œuvre de la méthodologie de rationnement des wagons de CN. Par conséquent, pour déterminer les mesures de réparation appropriées pour ces infractions, l’Office doit trouver la meilleure façon de combler ces lacunes opérationnelles. Cela demandera inévitablement de considérer les principes généraux qui devraient s’appliquer à l’application d’une méthodologie de rationnement des wagons telle que celle utilisée par CN dans le cas présent.
[188] D’abord, l’Office reconnaît que quelle que soit la taille totale du parc de wagons, 100 pour cent des wagons d’une compagnie de chemin de fer ne seront pas nécessairement disponibles à la distribution générale en temps de rationnement. L’Office reconnaît que certaines parts du parc de wagons-trémies peuvent être réservées à d’autres usages; par exemple, des wagons pour le PIP et des wagons attribués à la suite de règlements et de processus arbitraux. Bien que ces attributions ne réduisent pas les obligations d’une compagnie de chemin de fer à l’égard d’autres expéditeurs, elles soulèvent néanmoins des questions difficiles sur la gestion d’un nombre insuffisant de wagons comprenant à la fois des wagons garantis à certains clients et des wagons disponibles aux fins de rationnement, ainsi que sur l’atténuation des incidences d’une telle situation sur un expéditeur assujetti au rationnement.
[189] Lorsqu’une compagnie de chemin de fer se trouve dans l’incapacité de répondre aux demandes de ses expéditeurs et décide d’instituer un programme de rationnement des wagons, on attend de sa part un effort concerté et prioritaire pour accroître sa capacité aussi rapidement que possible en vue de limiter la durée et les incidences du rationnement sur les expéditeurs touchés.
[190] Si une compagnie de chemin de fer doit appliquer un programme de rationnement des wagons, les clés d’une méthodologie de rationnement équitable sont les suivantes :
- une méthodologie cohérente de calcul du nombre total de wagons disponibles;
- une communication claire et précise du nombre total de wagons auquel tout expéditeur assujetti au rationnement a droit, pour permettre à l’expéditeur de planifier ses affaires en conséquence.
[191] Pour se conformer aux obligations de transparence et de préavis des fournisseurs de services ferroviaires, et pour offrir aux expéditeurs le service fiable et prévisible dont ils ont besoin et éviter les malentendus, il faudrait communiquer le total des wagons disponibles pour distribution générale par rationnement à tous les expéditeurs qui seront assujettis au rationnement. Si des wagons doivent être soustraits du total, il faudrait l’indiquer clairement pour connaître le nombre réel de wagons disponibles aux fins d’attribution. De plus, si une méthodologie de rationnement axée sur la part de marché historique est utilisée, la proportion de la part de marché qui irait normalement aux expéditeurs auxquels on a garanti un certain nombre de wagons devrait être redistribuée aux expéditeurs qui dépendent des wagons rationnés pour distribution générale.
[192] En vue de concilier le besoin d’une compagnie de chemin de fer de gérer son parc de wagons et les obligations réglementaires de la compagnie en vertu de la LTC, l’Office fixe les principes généraux suivants qui devraient guider tout régime de rationnement :
- Le rationnement devrait être un dernier recours en cas de hausse inattendue de la demande. Les compagnies de chemin de fer ont une obligation constante de s’assurer que la capacité ferroviaire s’adapte à la croissance et à la capacité de débit de l’industrie du grain. Les compagnies de chemin de fer devraient prendre des dispositions à l’avance pour se donner un degré raisonnable de capacité d’intensification aux moments où le marché du grain canadien en a besoin. La seule présence d’une méthodologie de rationnement ne remplace pas un niveau approprié de services, ni n’excuse le défaut d’une compagnie de chemin de fer de maintenir une capacité appropriée pour répondre aux demandes raisonnables des expéditeurs.
- Le rationnement devrait être temporaire et aussi bref que possible; et une compagnie de chemin de fer qui l’instaure devrait, tout au long de sa durée, déployer tous les efforts raisonnables pour reprendre son service normal (c’est-à-dire pas de rationnement) dès que possible.
- Toute méthodologie de rationnement doit être équitable et appliquée de manière uniforme et transparente. La méthodologie à adopter, les critères à prendre en compte pour en arriver à cette méthodologie et sa date de mise en œuvre devraient être déterminés en consultation avec l’industrie, dont on sollicitera l’avis et, idéalement, l’accord. La méthodologie adoptée doit être communiquée clairement à tous les participants touchés dans la chaîne d’approvisionnement. La méthodologie de rationnement communiquée aux expéditeurs devrait indiquer une moyenne mobile raisonnable, c’est-à-dire une norme de rendement. Une compagnie de chemin de fer ne sera peut-être pas en mesure d’attribuer chaque semaine le nombre exact de wagons prévu, mais tant qu’elle respecte, sur une période d’un petit nombre de semaines, la moyenne cible convenue avec les expéditeurs concernés, elle aura honoré ses engagements.
- Une fois en place, une méthodologie de rationnement des wagons devrait demeurer ouverte au réexamen et à la vérification. Les expéditeurs devraient être tenus au courant, non seulement parce qu’ils ont le droit d’évaluer s’ils sont traités équitablement, mais aussi parce que leurs décisions de planification opérationnelle dépendent de données exactes et prévisibles. Il devrait y avoir des mesures prospectives et rétrospectives relatives au nombre de wagons et aux protocoles de communication pour veiller à ce que ces renseignements soient à la disposition de toutes les parties concernées.
- La communication prospective aux expéditeurs individuels devrait comprendre des préavis écrits sur : la date de mise en vigueur du rationnement; la méthodologie d’attribution des wagons; la part de marché historique de l’expéditeur (si c’est la méthode utilisée); les détails du calcul de la part de marché; toute modification subséquente de la part de marché à la suite de la redistribution d’une part de marché; et une estimation de la date de reprise du service normal sans rationnement.
- De plus, préalablement à toute semaine agricole donnée et aux dates d’échéance de commande de wagons, chaque expéditeur devrait être informé par écrit du nombre de wagons de distribution générale disponibles cette semaine-là pour attribution selon la part du marché, de même que du nombre total de wagons qui seront attribués de toutes les manières.
- La communication rétroactive à l’industrie et le suivi du rendement devraient comprendre la publication de renseignements hebdomadaires et cumulatifs sur le site Web d’une compagnie de chemin de fer durant les périodes de rationnement indiquant : le fait que le rationnement est en vigueur; la méthodologie employée; la question de savoir si les parts de marché historiques ont dû être recalculées (si c’est la méthode utilisée); et le nombre total de wagons attribués ainsi que le nombre de wagons de distribution générale attribués la semaine précédente selon la méthodologie de rationnement.
[193] L’Office est d’avis que compte tenu des infractions cernées, ces principes sont des points pertinents pour déterminer les mesures de réparation appropriées dans le cas présent, et, en général, pour orienter la conception et l’application de programmes de rationnement de la capacité par les compagnies de chemin de fer.
[194] Toutefois, aux fins de précision, cette demande, telle qu’elle a été formulée par Viterra, ne visait que l’évaluation par l’Office au rendement de CN par rapport à la méthodologie de CN pour rationner les wagons au cours de la campagne agricole 2013-2014. Par conséquent, l’Office n’a pas évalué la question de savoir si la méthodologie utilisée par CN suivait les principes cités plus haut. L’Office a uniquement étudié l’application de la méthodologie choisie par CN. Par conséquent, la validation de la sélection et de la conception de la méthodologie de CN durant la période visée par la présente décision ne relève pas de la décision et l’Office ne fait donc aucune constatation à cet égard.
ORDONNANCE
[195] L’Office enjoint à CN, pour chaque semaine durant laquelle elle rationne les wagons en fonction de la part de marché historique, :
- de livrer à Viterra un nombre de wagons correspondant à la part de marché de Viterra dans l’ensemble des wagons attribués hebdomadairement par CN. La part de marché de Viterra doit être recalculée en tenant compte uniquement des expéditeurs qui puisent dans le bassin de rationnement pour attribution générale. Les wagons attribués hebdomadairement auxquels la part de marché de Viterra doit être appliquée (c’est-à-dire le bassin de rationnement pour attribution générale) sont définis comme étant tous les wagons-trémies couverts de CN attribués chaque semaine, après soustraction du nombre total de wagons que CN doit fournir à des expéditeurs précis en vertu du programme du PIP de CN ou d’une décision de l’Office ou arbitrale.
- de définir les protocoles de communication suivants entre elle et Viterra :
- Avant l’entrée en vigueur du rationnement, CN doit aviser Viterra par écrit de ce qui suit :
- la date d’entrée en vigueur du rationnement;
- la méthode d’attribution des wagons;
- la part de marché historique de Viterra;
- les détails du calcul de la part de marché;
- la norme de rendement que CN s’engage à respecter, c’est-à-dire la moyenne mobile raisonnable que CN atteindra;
- une estimation de la date de reprise du service normal sans rationnement.
- Si la part de marché historique de Viterra change en raison de toute forme d’ajustement, CN doit sans délai indiquer par écrit à Viterra:
- la raison du changement;
- la part de marché ajustée de Viterra.
- Préalablement à toute semaine agricole donnée et aux dates d’échéance de commande de wagons, CN doit aviser Viterra par écrit :
- du nombre de wagons pour distribution générale disponibles cette semaine‑là aux fins d’attribution selon la part du marché;
- du nombre total de wagons qui seront attribués de toutes les manières.
- CN doit fournir à Viterra, toutes les semaines, un rapport écrit de suivi du rendement qui indique, pour la semaine précédente :
- si le rationnement était en vigueur;
- la part de marché applicable à Viterra;
- le nombre de wagons reçus par Viterra et la part de marché que ces wagons représentent;
- le nombre total de wagons attribués et le nombre de wagons pour distribution générale attribués selon la méthodologie de rationnement.
[196] De plus, l’Office ordonne à CN de fournir à Viterra un nombre de wagons égal à l’écart cumulatif entre le nombre de wagons attribués à Viterra par CN des semaines 9 à 47 de la campagne agricole 2013-2014 et le nombre de wagons auquel Viterra avait droit en vertu de sa part de suppression pour cent du nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN, ajusté pour tenir compte des wagons qui étaient alors indisponibles pour le bassin de rationnement aux fins d’attribution générale. Après avoir évalué les données présentées, l’Office a estimé cet écart en matière de service à 1 374 wagons en date du 28 juin 2014.
[197] CN doit démontrer, d’ici le 9 janvier 2015, pourquoi l’Office ne devrait pas lui ordonner de fournir à Viterra une compensation égale à ce nombre (1 374 wagons), en fournissant le nombre réel de wagons réservés au programme de wagons du PIP et de wagons fournis chaque semaine au titre de l’arrêté provisoire de LDC et de la décision arbitrale qui sont inclus dans les données de CN sur le nombre total hebdomadaire moyen de placements de wagons de CN attribués pour les semaines 9 à 47 de la campagne agricole 2013-2014, ainsi qu’en précisant le nombre de wagons attribués au programme de wagons du PIP pendant la même période. CN doit également fournir tout renseignement relatif à tout ajustement potentiellement nécessaire pour tenir compte de toute réduction de cet écart envers Viterra qui pourrait déjà avoir eu lieu. CN doit également proposer un calendrier des mesures visant à combler l’écart de service qui tient compte des besoins de Viterra en matière de service tout en atténuant les incidences pour les autres expéditeurs.
[198] Viterra aura jusqu’au 16 janvier 2015 pour commenter la présentation de CN. CN aura jusqu’au 22 janvier 2015 pour répondre aux commentaires de Viterra.
La présente décision est la version publique d'une décision confidentielle transmise le 18 décembre 2014 qui ne saurait être rendue publique.
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