Lettre-décision n° 2015-04-30

VERSION ÉPURÉE

le 30 avril 2015
Compétence de l’Office des transports du Canada pour statuer sur une demande présentée par Vivian Danielson, Elizabeth Shankoff et Gerald Abram en vue de faire construire un passage privé au point milliaire 48,65 de la subdivision Cascade de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, en vertu de l’article 103 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.
Numéro de cas : 
15-00256

INTRODUCTION

Contexte

[1] Vivian Danielson, Elizabeth Shankoff et Gerald Abram (demandeurs) sont copropriétaires d’une parcelle de terrain, en Colombie-Britannique, adjacente à des voies de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP). Un passage au point miliaire 48,65 de la subdivision Cascade de CP permettait, entre 1962 et 2005, un accès routier à une partie du terrain des demandeurs à l’est des voies ferrées. CP a fermé ce passage en 2005.

[2] Le 26 septembre 2005, les demandeurs ont déposé une demande (demande de 2005) auprès de l’Office des transports de Canada (Office) en vertu de l’article 102 de la LTC en vue de faire construire un passage privé convenable aux frais de CP.

[3] En 2008, une médiation a eu lieu en vertu de l’article 36.1 de la LTC et les parties ont signé un consentement à la médiation. Au terme de cette médiation, les parties ont conclu un règlement extrajudiciaire confidentiel (accord conclu) le 1er avril 2008. [SUPPRESSION]. Les parties ont signé l’accord conclu. Elles ont également signé une déclaration de décision confirmant qu’elles avaient complètement réglé leur différend à la satisfaction de toutes les parties. Dans ce document, les parties ont également consenti à la fermeture du dossier de l’Office ayant trait à la demande de 2005.

[4] En avril 2012, les demandeurs ont déposé une deuxième demande (demande de 2012) auprès de l’Office en vertu de l’article 102 de la LTC en vue de faire construire un passage privé. Le 16 décembre 2013, une deuxième médiation a été tenue en vertu de l’article 36.1 de la LTC, laquelle médiation s’est soldée par un échec. La demande de 2012 a été retirée en juillet 2014.

[5] Le 19 août 2014, CP a déposé l’accord conclu auprès de l’Office en vertu du paragraphe 36.1(7) de la LTC, lequel accord a été assimilé, après son dépôt, à un arrêté de l’Office.

[6] Le 19 décembre 2014, les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office en vertu de l’article 103 de la LTC (demande de 2014), demandant à l’Office d’ordonner à CP de construire un passage privé convenable, d’exiger que CP respecte les conditions de la demande de 2014, et que l’Office prenne toute autre ordonnance ou tout autre arrêté qu’il estimerait approprié dans les circonstances.

[7] Dans la décision no LET‑R‑2‑2015 du 16 janvier 2015, l’Office a enjoint aux parties de soumettre leurs commentaires, s’il y avait lieu, à savoir : si les parties à la demande de 2014 sont les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu; si les questions soulevées dans la demande de 2014 sont, en tout ou en partie, les mêmes que celles dont il était question dans l’accord conclu; et si la médiation qui a eu lieu le 1er avril 2008 a mené à un accord définitif liant les parties à la présente demande relativement aux questions soulevées.

[8] Les parties ont soumis leurs commentaires et les répliques aux commentaires de l’autre partie le 30 janvier 2015 et le 4 février 2015.

Question

[9] L’Office a-t-il compétence pour statuer sur la demande de 2014, en tout ou en partie, même si les parties ont déjà conclu un accord confidentiel?

Conclusion

[10] Pour les raisons mentionnées plus bas, l’Office conclut qu’il a compétence pour statuer sur la demande de 2014.

COMPÉTENCE DE LʼOFFICE

[11] Lorsqu’un différend est soulevé à l'égard de questions qui peuvent avoir été l’objet d’un accord conclu au terme d’une médiation en vertu de l’article 36.1 de la LTC, l’Office doit déterminer si les questions soulevées dans la demande de 2014 sont les mêmes que celles de l’accord. Dans l’affirmative, à la lumière de la décision de la Cour d’appel fédérale dans BNSF Railway Company c. Office des transports du Canada, 2011 CAF 269 (décision de la CAF), l’Office doit déterminer si l’accord conclu étant censé régler définitivement ces questions. Le cas échéant, le demandeur ne pourra débattre à nouveau de ces questions devant l’Office.

[12] Dans le cas présent, comme l’a enjoint l’Office dans la décision no LET‑R‑2‑2015, les parties ont déposé leurs commentaires sur la question de savoir :

  1. si les parties à la demande de 2014 sont les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu;
  2. si les questions soulevées dans la demande de 2014 sont, en tout ou en partie, les mêmes que celles dont il était question dans l’accord conclu;
  3. si la médiation qui a eu lieu le 1er avril 2008 a mené à un accord définitif liant les parties à la présente demande relativement aux questions soulevées.

Question 1 : Les parties à la demande de 2014 sont-elles les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu?

Positions des parties

[13] Les demandeurs concèdent que les parties à la demande de 2014 sont les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu.

[14] CP convient que l’accord conclu a été signé par Vivian Danielson pour son propre compte et celui d’Elizabeth Shankoff et de Gerald Abram.

Analyse et constatations

[15] Les parties conviennent que les parties à cette instance sont les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu; ainsi, en fonction de ce qui précède, l’Office conclut que les parties à la demande de 2014 sont les mêmes que celles qui ont signé l’accord conclu.

Question 2 : Les questions soulevées dans la demande de 2014 sont-elles, en tout ou en partie, les mêmes que celles dont il était question dans l’accord conclu?

Positions des parties

[16] Les demandeurs font valoir que la demande de 2014 soulève des questions qui n’ont pas été prises en compte dans l’accord conclu – particulièrement, une demande visant un arrêté exigeant que le défendeur construise un passage convenable. Ils font valoir que le seul engagement dans cet accord en ce qui a trait à la mise en œuvre est [SUPPRESSION]. Les demandeurs affirment que [SUPPRESSION] ne traite pas des conditions précises énoncées dans la partie IV de la demande de 2014, et que […] renfermait [SUPPRESSION], ce qui, selon eux, n’accorde aucun droit à CP.

[17] CP fait valoir que les questions soulevées dans la demande de 2014  sont [SUPPRESSION] – un arrêté exigeant que CP construise un passage convenable et un arrêté établissant les conditions liées à la construction et à l’entretien du passage. [SUPPRESSION].

Analyse et constatations

[18] L’Office note [SUPPRESSION] la demande de 2014 a trait à l’article 103 de la LTC.

[19] [SUPPRESSION].

[20] Les demandeurs demandent les mesures de réparation suivantes :

a) que CP construise un passage convenable;

b) que CP respecte l’ensemble des conditions énoncées dans la partie IV de la demande de 2014;

c) toute autre ordonnance ou tout autre arrêté que l’Office estimerait approprié dans les circonstances.

[21] [SUPPRESSION].

Question 3 : La médiation qui a eu lieu le 1er avril 2008 a-t-elle mené à un accord définitif liant les parties à la demande de 2014 relativement aux questions soulevées?

Positions des parties

Demandeurs

[22] Les demandeurs font valoir que l’accord conclu n’est pas définitif et exécutoire pour quatre raisons.

[23] [SUPPRESSION].

[24] Deuxièmement, les demandeurs affirment que le texte de l’accord conclu indique qu’on ne s'attendait pas à ce qu'il soit définitif et exécutoire. [SUPPRESSION].

[25] Troisièmement, les demandeurs font valoir que la conduite des parties illustre encore davantage  qu’elles n’entendaient pas en faire un accord définitif et exécutoire, car elles ont continué de négocier [SUPPRESSION], y compris une deuxième médiation tenue en décembre 2013.

[26] Finalement, les demandeurs soutiennent que l’accord conclu ne peut pas être définitif et exécutoire [SUPPRESSION] donc il ne peut être valide en soi.

CP

[27] CP s’appuie sur les dossiers de documents écrits de la médiation – les consentements à la médiation, l’accord conclu et la déclaration de décision. CP fait valoir que le langage utilisé dans ces documents indique que les parties entendaient établir des relations juridiques pour régler définitivement le différend. En faisant référence aux conditions précises de l’accord conclu, [SUPPRESSION], CP fait valoir que la seule présence de ces conditions dans l’accord confirme que les parties se sont activement employées à trouver une solution complète pour régler le différend, [SUPPRESSION].

[28] CP fait également valoir que les parties n’ont relevé ni détaillé aucune question non réglée dans l’accord conclu, et qu’elles n’ont pris aucune autre mesure pour poursuivre avec le règlement formel du différend parce que, dans l’esprit des parties, elles avaient conclu un accord qui réglait définitivement le différend. [SUPPRESSION], CP fait valoir qu’une interprétation stricte des phrases choisies ne devrait pas être acceptée si cela va à l’encontre de l’intérêt des parties.

[29] [SUPPRESSION].

Analyse et constatations

[30] Conformément à la décision de la CAF, l’Office doit déterminer dans le cas présent si l’accord conclu était censé régler définitivement les questions concernant le passage privé au point miliaire 48,65 de la Subdivision Cascade de CP.

[31] Dans la décision no 107‑R‑2012, l’Office a indiqué que le règlement extrajudiciaire, les consentements à la médiation et la déclaration de décision sont tous pertinents pour régler ce type de question.

[32] Dans le cas présent, l’Office note que la formulation du consentement à la médiation signé par les parties en 2008 indiquait que les parties avaient l’intention [SUPPRESSION].

[33] Néanmoins, deux faits doivent être pris en compte dans cette formulation.

[34] D’abord, [SUPPRESSION]. Cela donne à penser que l’accord conclu n’était pas définitif, mais plutôt [SUPPRESSION] qui réglerait de façon définitive les questions entre les parties.

[35] Ensuite, CP fait valoir que les parties ont convenu [SUPPRESSION]. Toutefois, il n’en est fait aucune mention dans l’accord conclu. Ainsi, l’Office conclut que CP n’a pas réussi à établir que [SUPPRESSION]. Par conséquent, si l’accord conclu était définitif et exécutoire comme CP le fait valoir, alors CP n’aurait pas [SUPPRESSION]. [SUPPRESSION].

[36] Donc, l’Office conclut que la conduite des parties, à savoir leur tentative de négocier [SUPPRESSION], ne cadre pas avec l’existence d’un accord conclu définitif et exécutoire qui aurait déjà permis de régler les questions relatives au passage. Plutôt, même si la déclaration de décision indique le contraire, la conduite des parties, lorsqu’elle est interprétée à la lumière de la formulation de l’accord, démontre que les parties travaillaient à conclure un accord, [SUPPRESSION].

[37] En outre, dans la décision no 171‑R‑2008, l’Office a conclu que le contenu du procès-verbal de la séance de médiation (procès-verbal), qui incluait un calendrier de mise en œuvre que les deux parties devaient exécuter avant d’en arriver à une entente définitive, devait être révisé et servir de fondement à un document officiel qui serait signé par les parties. De plus, l’Office a conclu que le procès-verbal ne constituait pas une entente exécutoire concernant la construction du passage. Dans ce cas, le procès-verbal permettait également que la médiation reprenne entre les parties s’il surgissait un obstacle à une entente définitive.

[38] L’Office conclut que les principes indiqués dans la décision no 171‑R‑2008 s’appliquent, par analogie, à l’interprétation de l’accord conclu dans le cas présent. L’Office conclut que lorsqu’une entente vise à servir de fondement à la conclusion d’une entente définitive conséquente qui doit être signée par les parties, une telle entente peut, selon les circonstances précises d’un cas, ne pas être définitive et exécutoire.

[39] Dans le cas présent, l’Office a examiné l’accord conclu, le consentement à la médiation et la déclaration de décision. L’Office conclut que lorsqu’ils sont lus ensemble et, à la lumière de la conduite des parties, l’accord conclu ne devait pas servir à régler définitivement les questions entre les parties.

CONCLUSION

[40] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’il a compétence pour statuer sur la demande de 2014. L’Office procédera à la détermination.

PROCHAINES ÉTAPES

[41] L’Office accorde à CP jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le 22 mai 2015 pour déposer sa réponse à la demande de 2014 et en fournir une copie aux demandeurs. Les demandeurs auront ensuite jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le cinquième jour ouvrable suivant la date de réception de la réponse pour déposer une réplique auprès de l’Office et en fournir une copie à CP.

[42] Lorsque l’Office reçoit une demande visant la construction d’un franchissement routier ou par desserte ou d’un passage privé en vertu du paragraphe 101(3), de l’article 102 ou du paragraphe 103(1) de la LTC, l’Office fournit une copie de la demande à Transports Canada (TC) en vertu du Protocole d’entente sur la coordination des efforts liés aux A) plaintes concernant le bruit et les vibrations, B) aux franchissements routiers, par desserte ou aux passages à niveau privés, C) au statut juridictionnel d’un chemin de fer et D) aux certificats d’exploitation de chemin de fer, aux certificats d’aptitude et à la construction de lignes de chemin de fer. La demande de 2014 a été fournie à TC, et les parties recevront une copie de tout avis ou renseignement que l’Office recevra de TC.

La présente décision est la version publique épurée d’une décision confidentielle émise le 30 avril 2015 qui ne saurait être rendue publique.

Membre(s)

Sam Barone
Date de modification :