Décision n° 208-C-A-2009
le 13 mai 2009
PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre Air Canada.
Référence no M4120-3/08-50408
Introduction et questions
[1] Gábor Lukács a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) selon laquelle certaines conditions de transport d'Air Canada relatives à la responsabilité et à l'acceptation des bagages précisées dans le tarif du transporteur intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, CTA(A) No. 458 (tarif) sont déraisonnables.
[2] Les extraits du tarif, de la convention et du règlement pertinents à la présente décision se trouvent à l'annexe A.
[3] Sept questions sont soulevées :
- Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la perte de bagages ou de dommages causés à ceux-ci est compatible avec l'article 17(2) de la Convention de Montréal (Convention)?
- Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la livraison tardive des bagages reflète avec précision l'article 19 de la Convention?
- Est-ce que l'article 26 de la Convention s'applique à la règle 55(C)(12) du tarif? Dans l'affirmative, quels sont les effets de l'article 26 si une ou plusieurs partie(s) de la règle 55(C)(12) est (sont) jugée(s) incompatible(s) avec la Convention?
- Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif est juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 111(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?
- Est-ce que la règle 97(A)(3)(1) du tarif et la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle porte sur les bagages hors dimension sont justes et raisonnables comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA?
- Est-ce que la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle porte sur les bagages surchargés énonce clairement les conditions d'Air Canada relatives aux bagages qui sont inacceptables aux fins de transport, comme l'exige l'alinéa 122a) du RTA?
- Est-ce que les enseignes d'Air Canada relatives à sa responsabilité à l'égard des bagages sont compatibles avec les obligations d'Air Canada?
[4] Selon les motifs précisés ci-après, l'Office conclut :
- que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la perte de bagages ou de dommages causés à ceux-ci n'est pas compatible avec l'article 17(2) de la Convention;
- que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la livraison tardive des bagages ne reflète pas avec précision l'article 19 de la Convention;
- que l'article 26 de la Convention s'applique à la règle 55(C)(12) du tarif, et comme cette règle tend à dégager Air Canada de ses responsabilités d'une manière contraire à la Convention, la règle 55(C)(12) du tarif est nulle et sans effet;
- que la règle 55(C)(12) du tarif n'est pas juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA;
- que la r gle 97(A)(3)(1) du tarif et la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle porte sur les bagages hors dimension ne sont pas justes et raisonnables comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA;
- que la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle porte sur les bagages surchargés n'énonce pas clairement les politiques d'Air Canada en ce qui a trait aux bagages i sont inacceptables aux fins de transport;
- que les enseignes d'Air Canada relatives à sa responsabilité à l'égard des bagages ne reflètent pas avec précision les obligations d'Air Canada définies dans la Convention.
Observation préliminaire
[5] Au cours des plaidoiries, Air Canada a apporté des modifications aux r gles 55(C)(12) et (16) du tarif; les règles tarifaires modifiées ont été déposées auprès de l'Office avec prise d'effet le 13 février 2009. Étant donné que les règles tarifaires modifiées constituaient l'essentiel de la plainte de M. Lukács, l'Office, par voie de la décision no LET-A-16-2009 du 3 février 2009, les a suspendues en attendant qu'une décision soit rendue concernant la plainte de M. Lukács.
Preuve et mémoires
[6] M. Lukács affirme qu'Air Canada a installé des enseignes à ses comptoirs de réclamation des bagages précisant que le transporteur n'est pas responsable pour les dommages aux bagages qui présentent des objets en saillie, comme des courroies, des roulettes, des fermetures éclair et des serrures, et qu'une disposition tarifaire identifie ces bagages comme étant inacceptables aux fins de transport. M. Lukács soutient que ces enseignes ne reflètent pas la responsabilité des transporteurs aériens concernant les bagages suivant la Convention, et qu'elles devraient par conséquent être retirées. M. Lukács soutient également que ces enseignes créent la fausse impression que les passagers n'ont pas le droit de réclamer de dédommagement pour un large éventail de types de dommages fréquents causés aux bagages, et découragent le public voyageur de recourir, de façon efficace, à la législation fédérale mise en place pour protéger le public voyageur, soit la Loi sur le transport aérien, L.R.C., 1985, c. C-26, qui donne suite à la Convention et aux autres conventions régissant la responsabilité qui peuvent s'appliquer selon le type de transport.
[7] Air Canada estime que ses enseignes ne sont pas trompeuses compte tenu du fait qu'elles reflètent la responsabilité du transporteur dans des situations autres que celles pour lesquelles la Convention s'applique et, bien sûr, dans certaines circonstances où la Convention s'applique.
[8] M. Lukács soutient que les dispositions d'Air Canada relatives la responsabilité du transporteur concernant les bagages suivant la r gle 55(C)( 12) du tarif dégagent de façon déraisonnable le transporteur de toute responsabilité concernant les bagages qui ne sont pas considérés acceptables aux fins de transport suivant la r gle 97(A)(3) du tarif.
[9] Air Canada estime que le tarif renferme une disposition qui prévoit que les règles établies dans la Convention en matière de responsabilité font partie intégrante du tarif et l'emportent sur toute disposition tarifaire incompatible ou contradictoire à ces règles. Air Canada maintient que, compte tenu de cette disposition, toute allégation indiquant que le tarif est incompatible avec la Convention est non fondée.
[10] M. Lukács fait valoir que le fait d'imposer des dispositions tarifaires qui sont incompatibles avec la Convention compromet la possibilité du public voyageur de bénéficier de la Convention puisque ces incompatibilités créent de la confusion quant aux droits du public.
[11] Air Canada soutient qu'il n'est pas déraisonnable pour un transporteur aérien de refuser de transporter des articles qu'il considère être inacceptables aux fins de transport, indiquant qu'un tel refus est conforme aux pratiques de l'industrie. Air Canada soutient également que le paragraphe 17(2) de la Convention permet aux transporteurs de se dégager de toute responsabilité dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou d'un vice propre des bagages. Air Canada fait valoir que la notion de la nature ou d'un vice propre des bagages doit être interprétée dans le contexte de l'acceptabilité des bagages pouvant être transportés compte tenu des risques normaux associés au transport aérien. Air Canada maintient que les particularités des articles que le transporteur classe comme « inacceptables » en vertu de la règle 97(A)(3) du tarif ont une incidence sur la résistance des bagages face aux risques normaux associés à la manutention durant le transport aérien. Air Canada fait valoir que, comme tel, les articles sont inappropriés aux fins de transport et, par conséquent, elle a le droit de limiter sa responsabilité à l'égard de ces articles.
[12] M. Lukács soutient que la plupart des bagages possèdent une ou plusieurs des particularités définies dans la règle 97(A)(3) et que le fait d'accepter l'argument d'Air Canada voulant que ces particularités constituent « la nature ou un vice propre des bagages » signifierait que la plupart des bagages de la plupart des passagers sont inacceptables.
[13] M. Lukács fait aussi valoir que pour invoquer l'article 17(2) de la Convention, il doit y avoir une relation de cause à effet entre la nature ou un vice propre du bagage, et le dommage causé à ce bagage, et que même lorsque cette relation existe, le transporteur est soustrait à toute responsabilité uniquement dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou d'un vice propre du bagage.
[14] De plus, M. Lukács affirme que l'exonération de responsabilité suivant la règle 55(C)(12) du tarif pour la perte ou la livraison tardive des bagages qui sont considérés inacceptables aux fins de transport en vertu de la règle 97(A)(3) est incompatible avec l'article 17(2) de la Convention. M. Lukács soutient également qu'en vertu de l'article 19 de la Convention, Air Canada ne peut se dégager de ses responsabilités pour des dommages causés par la livraison tardive des bagages que si le transporteur prouve que des circonstances atténuantes sont responsables du retard. M. Lukács reconnaît que les retards découlant de mesures de sécurité prises par des organismes externes au transporteur aérien sont indépendants de la volonté du transporteur, et, par conséquent, relèvent des dispositions de l'article 19 de la Convention. Cependant, M. Lukács fait valoir que les retards de ce genre ne sont pas liés à la nature ou à un vice propre des bagages.
Analyse et constatations
[15] La compétence de l'Office relativement au tarif international d'un transporteur aérien est définie à l'article 111 et à l'alinéa 122a) du RTA, lesquels permettent à l'Office de déterminer, respectivement, si une condition de transport publiée ou déposée par un transporteur aérien est juste et raisonnable et non injustement discriminatoire, et si le transporteur énonce clairement ses conditions.
1. Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la perte de bagages ou de dommages causés à ceux-ci est compatible avec l'article 17(2) de la Convention?
[16] En vertu de la Loi sur le transport aérien, la Convention a force de loi au Canada et régit les limites de responsabilité pour les bagages perdus, endommagés ou retardés, applicables au transport aérien international.
Dispositions tarifaires d'Air Canada, incluant la Convention par référence
[17] Air Canada affirme qu'une disposition apparaissant dans son tarif inclut la Convention par référence, et qu'une telle disposition prévoit que, en cas de divergence entre le tarif et la Convention, celle-ci doit prévaloir. Air Canada maintient que cette disposition veut dire en fait que le tarif ne peut pas être considéré comme étant contraire à la Convention.
[18] En vertu de l'alinéa 122a) du RTA, un transporteur aérien doit clairement énoncer ses conditions dans un tarif, et en vertu du paragraphe 110(4) du RTA, un transporteur aérien doit appliquer les conditions de transport spécifiées dans son tarif. Par conséquent, l'Office est d'avis que, dans la mesure du possible, un tarif de transporteur aérien doit être un document autonome, ne nécessitant aucune référence à d'autres documents afin de déterminer les droits et obligations associés au transport. L'Office est également d'avis que pour promouvoir et protéger les intérêts à la fois des consommateurs et des transporteurs, dans les situations où il est évident qu'il y a divergence entre les dispositions tarifaires, ou entre les tarifs et les documents de référence, de telles situations doivent être réglées, et les divergences corrigées.
Responsabilité concernant la perte de bagages
[19] La règle 55(C)(12) du tarif prévoit notamment qu'Air Canada ne doit pas être tenue responsable de la perte de tout bien personnel qui est inacceptable aux fins de transport conformément aux règles 97, 100 et 105 du tarif ou de toute autre perte ou de tout autre dommage de quelque nature résultant d'une telle perte ou d'un tel dommage ou du transport d'un tel bien personnel.
[20] M. Lukács fait valoir que la règle 55(C)(12) en ce qu'elle concerne la responsabilité relative à la perte de bagages est incompatible avec l'article 17(2) de la Convention, qui ne permet pas à un transporteur aérien de se soustraire de sa responsabilité pour la perte de bagages.
[21] Dans la décision no 227-C-A-2008 qu'il a rendue relativement à une affaire similaire, l'Office a déterminé ce qui suit : « [...] si un transporteur accepte de transporter les bagages enregistrés et que ceux-ci sont sous la garde et le contrôle du transporteur, ce dernier est responsable de ces bagages dans l'éventualité de perte ou d'avarie, sans égard au fait qu'il ait refusé de transporter des articles [...] ».
[22] Par conséquent, l'Office estime que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la perte de bagages n'est pas compatible avec l'article 17(2) de la Convention.
Responsabilité concernant les bagages endommagés
[23] La règle 55(C)(12) du tarif prévoit notamment qu'Air Canada ne doit pas être tenue responsable des dommages causés à tout bien personnel qui est inacceptable aux fins de transport conformément à la règle 97 du tarif ou de tout autre dommage de quelque nature résultant d'un tel dommage ou du transport d'un tel bien personnel.
[24] M. Lukács fait valoir que la règle 55(C)(12) dégage Air Canada de toute responsabilité concernant les bagages endommagés, sans égard au fait que le dommage est lié à la nature ou à un vice propre du bagage, et que, à ce titre, cette règle est contraire à l'article 17(2) de la Convention.
[25] L'Office estime que, pour soustraire un transporteur à sa responsabilité concernant les bagages endommagés en vertu de l'article 17(2) de la Convention, il doit y avoir une relation de cause à effet entre le dommage et la nature ou un vice propre des bagages. Puisque la règle 55(C)(12) n'est pas formulée d'une manière qui établit cette relation, l'Office estime que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard des dommages causés aux bagages n'est pas compatible avec la Convention.
2. Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la livraison tardive des bagages reflète avec précision l'article 19 de la Convention?
Responsabilité pour la livraison tardive des bagages
[26] La règle 55(C)(12) du tarif prévoit notamment qu'Air Canada ne doit pas être responsable pour la livraison tardive de tout bien personnel inacceptable aux fins de transport conformément aux règles 97, 100 et 105 du tarif.
[27] Air Canada maintient que la nature propre de certains bagages peut entraîner un retard dans la livraison, même si Air Canada et ses mandataires prennent toutes les mesures nécessaires pour limiter les retards.
[28] M. Lukács allègue que bien que le fait que les dommages causés aux bagages en raison de la nature ou du vice propre des bagages ne soit pas pertinent à la question de responsabilité concernant la livraison tardive, et pour se soustraire à sa responsabilité en vertu de l'article 19 de la Convention, un transporteur doit démontrer qu'il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le retard.
[29] L'Office accepte l'argument de M. Lukács et constate que la règle 55(C)(12) ne démontre pas à juste titre que la limite de responsabilité d'Air Canada ne s'applique que lorsqu'il est prouvé que le transporteur et ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter les dommages causés par tout retard ou qu'il était impossible pour le transporteur ou ses préposés de prendre de telles mesures.
[30] Par conséquent, l'Office estime que la règle 55(C)(12) en ce qu'elle porte sur la responsabilité à l'égard de la livraison tardive de bagages ne reflète pas avec précision l'article 19 de la Convention.
3. Est-ce que l'article 26 de la Convention s'applique à la règle 55(C)(12) du tarif? Dans l'affirmative, quels sont les effets de l'article 26 si une ou plusieurs partie(s) de la règle 55(C)(12) est (sont) jugée(s) incompatible(s) avec la Convention?
[31] Comme il est mentionné plus haut, en vertu de la Loi sur le transport aérien, la Convention a force de loi au Canada et régit les limites de responsabilité pour les bagages perdus, endommagés ou retardés, applicables au transport aérien international.
[32] L'article 26 de la Convention prévoit, en partie, que toute clause [du tarif d'un transporteur] tendant à exonérer le transporteur de sa responsabilité ou à établir une limite inférieure à celle qui est fixée dans la présente convention est nulle et sans effet.
[33] Comme il est indiqué plus haut, l'Office estime que les dispositions de la r gle 55(C)(12) qui limitent la responsabilité d'Air Canada à l'égard de la perte de bagages ou de dommages causés à ceux-ci ne sont pas compatibles avec l'article 19 de la Convention.
[34] Comme il est également indiqué plus haut, l'Office estime que les dispositions de la r gle 55(C)(12) qui limitent la responsabilité d'Air Canada à l'égard de la livraison tardive des bagages ne sont pas compatibles avec l'article 19 de la Convention.
[35] Par conséquent, l'Office conclut que les dispositions susmentionnées de la règle 55(C)(12) du tarif, qui tendent à exonérer Air Canada des responsabilités qui lui incombent en vertu de la Convention, sont nulles et sans effet.
[36] Lorsqu'il est conclu que des parties d'une clause contractuelle sont nulles et sans effet, on doit alors se pencher sur la question de savoir si ces mêmes parties peuvent être supprimées de la clause sans modifier le sens et l'intention du texte restant. Dans le cas présent, les parties jugées nulles et sans effet constituent l'essentiel de la règle 55(C)(12), de sorte que celle-ci n'a plus aucune teneur sans ces parties.
[37] Par conséquent, en vertu de l'article 26 de la Convention, l'Office conclut que la règle 55(C)(12) du tarif est, dans son intégralité, nulle et sans effet.
4. Est-ce que la règle 55(C)(12) du tarif est juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA?
[38] Comme l'Office l'a conclu dans la décision no 227-C-A-2008, lorsqu'une disposition tarifaire est nulle et sans effet, elle ne saurait être juste et raisonnable, comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA.
[39] Par conséquent, puisqu'il a déterminé que la règle 55(C)(12) du tarif est nulle et sans effet, l'Office conclut que cette même règle n'est pas juste et raisonnable, comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA.
5. Est-ce que la règle 97(A)(3)(1) du tarif et la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle porte sur les bagages hors dimension sont justes et raisonnables comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA?
[40] La règle 97(A)(3) du tarif définit certains articles qu'Air Canada considère inacceptables aux fins de transport et pour lesquels le transporteur n'assume aucune responsabilité en vertu de la règle 55(C)(12) du tarif. Ces articles sont entre autres :
- les bagages qui présentent des objets en saillie comme, mais sans s'y limiter, des supports, des roulettes, des courroies, des poignées réglables, des cintres à vêtements, des rabats de fermeture ou des pochettes non retenues;
- les bagages surchargés/hors dimension.
[41] Air Canada soutient qu'il n'est pas déraisonnable pour un transporteur aérien de refuser de transporter des articles qu'il considère inacceptables aux fins de transport, et que le paragraphe 17(2) de la Convention permet aux transporteurs de se soustraire à sa responsabilité pour des dommages causés aux bagages résultant de la nature ou du vice propre des bagages.
[42] M. Lukács soutient que la plupart des pièces de bagage possèdent une ou plusieurs des particularités définies dans la règle 97(A)(3), et que le fait d'accepter l'argument d'Air Canada voulant que ces particularités constituent « la nature ou un vice propre des bagages » signifierait que la plupart des bagages de la plupart des passagers sont inacceptables.
[43] L'Office reconnaît qu'un transporteur aérien possède une grande liberté pour ce qui est de décider des bagages qu'il acceptera aux fins de transport. Cependant, comme l'Office l'a déjà mentionné dans la décision no 227-C-A-2008, et comme il est mentionné plus haut dans cette décision, si un transporteur accepte de transporter des bagages enregistrés et que ceux-ci sont sous la garde et le contrôle du transporteur, ce dernier est responsable de ces bagages dans l'éventualité de perte ou de dommages. Le transporteur peut se dégager de sa responsabilité seulement si le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages.
[44] L'Office estime que les bagages qui présentent des objets en saillie et les bagages hors dimension ne sont pas des particularités qui représentent la nature ou un vice propre des bagages, et que l'article 17(2) de la Convention ne peut pas être invoqué pour désavouer la responsabilité concernant les bagages en se basant uniquement sur de telles particularités. Les bagages qui présentent des objets en saillie définis dans la règle 97(A)(3)( 1) du tarif constituent la plupart des bagages utilisés, et ces bagages, de même que les bagages hors dimension, ne comportent pas d'éléments qui causeraient nécessairement des dommages ou contribueraient à la perte ou à la livraison tardive de ces bagages.
[45] En ce qui concerne les bagages hors dimension, l'Office souligne qu'Air Canada, sous réserve de certaines conditions et d'une surtaxe pour excédent de bagages, accepte de transporter les bagages excédant les dimensions ou le poids associé(es) à la franchise de bagage établie dans le tarif. Compte tenu de ce fait, l'Office estime que, sans plus, les bagages hors dimension ne doivent pas être considérés comme inacceptables aux fins de transport.
[46] Par conséquent, l'Office estime que la règle 97(A)(3)(1) et la règle 97(A)(3)(2) en ce qu'elle porte sur les bagages hors dimension ne sont pas justes et raisonnables, et vont à l'encontre du paragraphe 111(1) du RTA.
6. Est-ce que la règle 97(A)(3)(2) du tarif en ce qu'elle concerne les bagages surchargés énonce clairement les conditions d'Air Canada relatives aux bagages qui sont inacceptables aux fins de transport, comme l'exige l'alinéa 122a) du RTA?
[47] La règle 97(A)(3)(2) du tarif précise que les bagages surchargés sont inacceptables aux fins de transport. L'Office souligne que la règle 55(C)(16) du tarif indique qu'Air Canada n'est pas responsable « des dommages ou de la perte de bagages ou de leur contenu résultant d'une surcharge en fonction du style, de la taille et de la qualité du bagage ». L'Office estime que cette disposition indique, raisonnablement, que la responsabilité d'Air Canada en ce qui concerne les bagages surchargés est fonction du style, de la taille et de la qualité du bagage. Ainsi, Air Canada sera responsable des dommages ou de la perte des bagages surchargés. Compte tenu de cette responsabilité, l'Office estime que l'inclusion de bagages surchargés dans la règle 97(A)(3)(2) comme étant inacceptables aux fins de transport, sans réserve, crée de l'ambiguïté en ce qui a trait à l'application de la règle 55(C)(12) du tarif. Cette ambiguïté dans la règle 97(A)(3)(2) en ce qu'elle porte sur les bagages surchargés rend cette partie de la règle 97(A)(3)(2) contraire à l'alinéa 122a) du RTA.
7. Est-ce que les enseignes d'Air Canada relatives à sa responsabilité à l'égard des bagages sont compatibles avec les obligations d'Air Canada?
[48] L'alinéa 18b) du RTA prévoit, en partie, que les transporteurs aériens qui exploitent un service international régulier ne doivent par faire publiquement des déclarations trompeuses concernant son service aérien ou tout service connexe.
[49] Compte tenu des autres conclusions de la présente décision, l'Office estime que les enseignes d'Air Canada qui décrivent la responsabilité du transporteur concernant les bagages ne reflètent pas exactement les obligations d'Air Canada définies dans la Convention, et qu'elles sont donc trompeuses.
Conclusion
[50] À la lumière de ce qui précède :
- L'Office, en vertu de l'alinéa 113a) du RTA, rejette les dispositions suivantes du tarif comme étant injustes et déraisonnables, allant ainsi à l'encontre du paragraphe 111(1) du RTA :
- la règle 55(C)(12);
- la règle 97(A)(3)(1);
- la règle 97(A)(3)(2) en ce qu'elle porte sur les bagages hors dimension.
- L'Office accorde à Air Canada l'occasion de fournir à l'Office, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant la date de cette décision, les raisons pour lesquelles il ne devrait pas exiger d'Air Canada qu'elle :
- modifie la règle 55(C)(12) du tarif de manière à ne représenter strictement que l'article 17(2) de la Convention de Montréal;
- modifie la règle 97(A)(3)(2) de façon à ce qu'elle se lise comme suit : « les bagages surchargés en fonction du style, de la taille et de la qualité du bagage »;
- supprime entièrement la règle 55(C)(16) du tarif compte tenu des modifications proposées.
[51] L'Office, en vertu de l'article 26 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, ordonne à Air Canada, dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de la présente décision, de retirer ou de réviser toutes les enseignes qui ne sont pas conformes au tarif modifié.
Membres
- John Scott
- J. Mark MacKeigan
Annexe A
Tarif d'Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tarif CTC(A) No. 458
Règle 55 - RESPONSABILITÉ DES TRANSPORTEURS
(C) Limite de responsabilité
(12) Le transporteur ne sera pas tenu responsable de la perte, des dommages ou du retard dans la livraison de tout bien personnel qui est inacceptable aux fins de transport conformément aux règle 97, 100 et 105, ou de toute perte ou tout dommage de quelque nature résultant de toute perte ou tout dommage, ou du transport d'un tel bien personnel. Cette exclusion est applicable si le bien personnel inacceptable est inclus dans les bagages enregistrés du passager, que le transporteur en ait été informé ou non.
(16) Le transporteur n'est pas responsable des dommages ou de la perte de bagages ou de leur contenu résultant d'une surcharge en fonction du style, de la taille et de la qualité du bagage; le transporteur n'accepte pas la responsabilité pour les pertes résultant de l'utilisation de boîtes de carton comme bagage enregistré.
RÈGLE 97 - ACCEPTATION DES BAGAGES
(A) Conditions générales d'acceptation
Le transporteur accepte de transporter comme bagage tout bien personnel que le passager juge nécessaire ou convenable de porter ou d'utiliser, ou qui assurera son confort ou répondra un besoin pendant le voyage, sous réserve des conditions suivantes :
(3) Articles inacceptables
- les bagages qui présentent des objets en saillie comme, mais sans s'y limiter, des supports, des roulettes, des courroies, des poignées réglables, des cintres vètements, des rabats de fermeture ou des pochettes non retenues;
- les bagages surchargés/hors dimension;
- les bagages présentant des défauts de fabrication.
La Convention de Montréal
Article 17 - Mort ou lésion subie par le passager - Dommage causé aux bagages
(2) Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l'avarie s'est produit bord de l'aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n'est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. Dans le cas des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires.
Article 19 - Retard
Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.
Article 26 - Nullité des dispositions contractuelles
Toute clause tendant exonérer le transporteur de sa responsabilité ou établir une limite inférieure celle qui est fixée dans la présente convention est nulle et de nul effet, mais la nullité de cette clause n'entraîne pas la nullité du contrat qui reste soumis aux dispositions de la présente convention.
Règlement sur les transports aériens
Article 18
Les licences internationales service régulier et service la demande sont subordonnées aux conditions suivantes :
b) le licencié ne fait publiquement aucune déclaration fausse ou trompeuse concernant son service aérien ou tout service connexe
Paragraphe 110(4)
Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer compter de cette date.
Paragraphe 111(1)
Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport titre gratuit ou taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.
Alinéa 113a)
L'Office peut :
- suspendre tout ou partie d'un tarif qui paraît ne pas être conforme ... [à l'article 111] ... ou refuser tout tarif qui n'est pas conforme l'une de ces dispositions;
- établir et substituer tout ou partie d'un autre tarif en remplacement de tout ou partie du tarif refusé en application de l'alinéa a).
Alinéa 122a)
Les tarifs doivent contenir :
- les conditions générales régissant le tarif, énoncées en des termes qui expliquent clairement leur application aux taxes énumérées.
Loi sur les transports au Canada
Article 26
L'Office peut ordonner à quiconque d'accomplir un acte ou de s'en abstenir lorsque l'accomplissement ou l'abstention sont prévus par une loi fédérale qu'il est chargé d'appliquer en tout ou en partie.
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