Décision n° 210-AT-A-2006
le 31 mars 2006
DEMANDE présentée par Lillian Doohan en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qui lui a été fourni par Air Canada à l'Aéroport international Lester B. Pearson - Toronto, le 20 octobre 2005.
Référence no U3570/05-45
DEMANDE
[1] Le 20 octobre 2005, Douglas Doohan, au nom de sa mère Lillian Doohan, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. Le 28 novembre 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la demande de Mme Doohan et le 21 décembre 2005, M. Doohan y a répliqué.
[2] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 31 mars 2006.
QUESTION
[3] L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à Mme Doohan par Air Canada à l'Aéroport international Lester B. Pearson - Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
[4] Lillian Doohan est âgée de 84 ans et a besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour les longues distances dans l'aéroport lorsqu'elle voyage. Le 6 octobre 2005, le fils de Mme Doohan, Douglas Doohan, a pris des dispositions pour qu'elle puisse voyager avec Air Canada le 20 octobre 2005 entre Cleveland, Ohio, États-Unis d'Amérique et Toronto (Ontario), Canada, sur le vol no QK 7903. L'assistance avec fauteuil roulant a été demandée pour Mme Doohan au moment de la réservation. Le vol était exploité par la Société en commandite Jazz Air exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (ci-après Air Canada Jazz).
[5] Air Canada a un système informatisé qui génère des dossiers passagers (ci-après DP) comprenant les renseignements sur les passagers, y compris les besoins précis des passagers. Le DP de Mme Doohan comprend le code « WCHR » qui identifie les passagers qui peuvent monter et descendre les escaliers et se rendre jusqu'à leur siège à bord de l'aéronef et le quitter, mais ont besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter.
[6] Le 20 octobre 2005, le vol no QK 7903 partant de Cleveland a atterri à l'aérogare Easthold, une aérogare satellite de l'aéroport de Toronto. Les passagers arrivant à l'aérogare Easthold sont transportés par autobus jusqu'à l'aérogare 2 pour passer au contrôle des douanes/de l'immigration, récupérer les bagages et rejoindre les gens qui les attendent. La politique d'Air Canada sur le traitement des passagers utilisant un fauteuil roulant énonce les procédures suivantes pour les passagers nécessitant de l'assistance avec fauteuil roulant arrivant à l'aérogare Easthold :
[7] Un agent de l'aérogare Easthold fournit de l'assistance avec fauteuil roulant de l'aéronef à l'aire des autobus de l'aérogare Easthold, aide le passager à embarquer dans l'autobus et avise par radio un agent d'une équipe d'aide spéciale (ci-après EAS) de l'aérogare 2 qu'un passager ayant des « besoins spéciaux » est dans l'autobus.
[8] L'agent EAS de l'aérogare 2 fournit de l'assistance avec fauteuil roulant à partir de l'autobus, lors du contrôle des douanes et de l'immigration et au moment de récupérer les bagages.
[9] Les passagers qui terminent leur voyage à Toronto sont « remis » à un agent du Programme d'assistance aux clients de l'aéroport (ci-après PACA) de l'administration aéroportuaire du Grand Toronto (ci-après AAGT) qui, à la sortie du passager, l'aide à se rendre au garage de stationnement, à l'extérieur ou jusqu'au point de transport de surface.
[10] Les passagers qui ont des vols de correspondance sont transportés, grâce à des autobus côté piste, jusqu'à l'aérogare 1 et un appel radio est fait à un agent EAS demandant qu'il attende l'autobus et assiste le passager.
[11] Mme Doohan a été aidée par un agent d'Air Canada de l'aérogare Easthold jusqu'à l'autobus de transfert et transportée par autobus vers l'aérogare 2. Une fois à l'aérogare 2, on a demandé à Mme Doohan d'attendre dans une pièce du côté international des douanes et de l'immigration. Après une attente d'une heure, un agent d'un autre transport aérien a aidé Mme Doohan avec le contrôle des douanes et de l'immigration, la récupération de ses bagages et l'a aidée à rejoindre son frère qui l'attendait dans sa voiture à l'extérieur de l'aérogare de l'aéroport.
POSITIONS DES PARTIES
[12] M. Doohan affirme qu'il a demandé de l'assistance avec fauteuil roulant pour Mme Doohan lorsqu'il a pris les dispositions de voyage et que son billet d'avion indique clairement qu'elle est une cliente ayant des « besoins spéciaux » qui doit se servir d'un fauteuil roulant dans l'aérogare. M. Doohan précise qu'après avoir atterri à Toronto, Mme Doohan a reçu de l'assistance jusqu'à l'autobus de transfert entre l'aérogare Easthold et l'aérogare 2 et qu'on lui a dit que quelqu'un s'occuperait d'elle à l'aérogare 2. Toutefois, M. Doohan déclare que lorsque Mme Doohan est arrivée à l'aérogare 2, on lui a dit d'attendre dans une petite pièce du côté international des douanes et de l'immigration. M. Doohan soutient qu'après avoir attendu environ une heure sans obtenir d'aide et sans que personne ne vérifie si tout allait bien, Mme Doohan a essayé de quitter par elle-même, mais on lui a dit qu'elle devait attendre d'obtenir de l'aide. Selon M. Doohan, un agent d'un autre transporteur aérien a estimé que la situation était inacceptable et a offert d'accompagner Mme Doohan au contrôle des douanes et de l'immigration, de l'aider à récupérer ses bagages et à rejoindre son frère qui faisait le tour de l'aérogare de l'aéroport dans sa voiture en l'attendant.
[13] M. Doohan fait observer que personne d'Air Canada n'a offert de l'assistance à Mme Doohan à l'aérogare 2 et il précise également qu'il est ébranlé et outré par le traitement qu'a reçu sa mère à l'aéroport de Toronto. M. Doohan est d'avis que le service d'Air Canada a dépéri au cours des dernières années, ce qui a entraîné des expériences de voyage difficiles, particulièrement pour les personnes âgées et celles ayant une déficience.
[14] M. Doohan termine en indiquant qu'il est trop tard pour qu'Air Canada remédie au stress qu'elle a causé aux deux personnes âgées canadiennes, sa mère et son oncle.
[15] Air Canada constate que les réservations de Mme Doohan ont été effectuées par l'entremise de son site Web et elle reconnaît que son DP comprenait le code « WCHR », une demande d'assistance avec fauteuil roulant pour les longues distances.
[16] Air Canada mentionne que les résultats de son enquête sur cette demande indiquent que le 20 octobre 2005, une agente d'Air Canada est allée à la rencontre du vol no QK 7903. Selon Air Canada, l'agente a déclaré que même si elle ne se rappelait pas précisément de Mme Doohan, la procédure qu'elle aurait suivi aurait été de l'aider jusqu'à l'autobus de transfert et de faire un appel radio à l'agent EAS de l'aérogare 2 assigné à l'aire des autobus de l'aérogare 2 pour l'aviser de son arrivée. Air Canada note que les services de transport par autobus entre l'aérogare Easthold et l'aérogare 2 sont exploités par l'AAGT et affirme qu'elle a été informée que le conducteur de l'autobus de l'AAGT ne permet pas aux passagers de quitter l'autobus de transfert à l'aérogare 2 avant qu'un agent EAS d'Air Canada soit présent. Selon Air Canada, l'agent EAS attend le passager ayant des « besoins spéciaux » à l'autobus avec un fauteuil roulant, l'aide avec le contrôle des douanes et de l'immigration et à récupérer ses bagages. Air Canada ajoute que, puisque le voyage de Mme Doohan s'est terminé à Toronto, l'agente devait la laisser aux mains d'un agent employé par GlobeGround North America Inc. (ci-après GlobeGround) qui l'aurait ensuite assistée à l'aide d'un fauteuil roulant pour se rendre à l'extérieur ou à l'aire de stationnement pour rejoindre la personne qui l'attendait à l'aérogare 2.
[17] Air Canada soutient que puisque Mme Doohan n'a pas identifié précisément les noms des personnes en cause dans la situation, elle est incapable de commenter cet aspect de la demande. Air Canada indique qu'il y a seulement trois transporteurs aériens qui exploitent des services à l'aérogare 2 : Air Canada, Air Canada Jazz et United Airlines, et qu'elle ne sait pas à qui Mme Doohan fait référence lorsqu'elle parle d'un employé de la compétition.
[18] Air Canada prend note de la déclaration de M. Doohan que le frère de Mme Doohan l'attendait à l'extérieur de l'aérogare 1 et le transporteur se demande si Mme Doohan pourrait avoir pris un autobus exploité par l'AAGT à partir de l'aérogare 2 jusqu'à l'aérogare 1 et qui pourrait l'avoir aidée à faire cela. À cet égard, Air Canada précise que rien n'indique dans le DP de Mme Doohan qu'elle devait être transférée à l'aérogare 1, puisqu'elle n'avait pas réservé un vol de correspondance d'Air Canada, et se demande pourquoi son frère l'attendrait à l'aérogare 1 alors qu'elle arrivait à l'aérogare 2. À cet égard, M. Doohan, dans sa réplique, mentionne qu'il est possible qu'il n'ait pas nommé l'aérogare correctement dans la demande et il confirme que Mme Doohan a été transférée de l'aérogare satellite à l'aérogare où les passagers arrivant de l'extérieur du Canada seraient contrôlés pour les douanes et l'immigration et que cette aérogare est celle où son oncle attendait sa mère.
[19] Dans sa conclusion, Air Canada affirme que Mme Doohan n'a pas subi d'obstacle abusif à ses possibilités de déplacement le 20 octobre 2005 et exige que sa demande soit rejetée.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[20] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[21] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans le cas présent, Mme Doohan a besoin d'assistance avec un fauteuil roulant pour les longues distances dans l'aéroport lorsqu'elle voyage. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[22] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[23] Le mot « obstacle » s'entend généralement de se qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Puisque ce terme n'est pas défini dans la LTC, il doit être interprété dans le contexte législatif ponctuel, c'est-à-dire aux fins de l'application de la partie V de la LTC relative aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, ledit déplacement ne pouvant être effectué qu'en ayant accès à des services convenables de transport de compétence fédérale. Par conséquent, l'obstacle doit être directement lié à la déficience d'une personne et ne peut être qualifié comme tel du simple fait que c'est une personne ayant une déficience qui y a été confrontée.
[24] Pour déterminer si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas particulier, l'Office examine l'expérience que cette personne a vécue pendant son voyage et qui est relatée dans la demande. L'Office a conclu dans des cas antérieurs qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité après leur retour parce qu'elles avaient été endommagées pendant le transport. De plus, l'Office peut conclure en la présence d'obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais où les circonstances entourant l'expérience soulèvent la question de savoir si la personne a ou non eu accès à des services de transport efficaces.
Le cas présent
[25] L'Office constate que Mme Doohan a besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour les longues distances dans l'aéroport lorsqu'elle voyage et que ce service a été demandé pour elle par M. Doohan lorsque les dispositions de voyage ont été prises.
[26] L'Office note également qu'Air Canada était au courant de la demande d'assistance avec fauteuil roulant pour Mme Doohan puisque son DP comprend le code « WCHR », qui identifie les passagers qui peuvent monter et descendre les escaliers et se rendre jusqu'à leur siège à bord de l'aéronef et le quitter, mais ont besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter.
[27] L'Office accepte l'affirmation de M. Doohan voulant que Mme Doohan ait reçu de l'assistance pour se rendre à l'autobus de transfert après l'atterrissage à l'aérogare Easthold de l'aéroport de Toronto, mais que lorsqu'elle est arrivée à l'aérogare 2 on l'a laissée seule et personne d'Air Canada ne s'est enquis de ses besoins pendant environ une heure. C'est alors qu'un agent d'un autre transporteur aérien l'a aidée à passer au contrôle des douanes et de l'immigration, à récupérer ses bagages et à rejoindre son frère qui l'attendait dans sa voiture à l'extérieur de l'aérogare. À cet égard, l'Office constate que Mme Doohan et son frère ont été troublés par la situation qu'elle a vécue à l'aéroport de Toronto.
[28] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni par Air Canada à Lillian Doohan à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
[29] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[30] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
[31] Ayant déterminé que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni par Air Canada à Mme Doohan à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Doohan, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
[32] L'Office reconnaît l'importance de fournir les services demandés par les personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent. À cet égard, le Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) exige que les services demandés au moins 48 heures avant le vol soient fournis aux personnes ayant une déficience tels que l'assistance à l'aérogare et que le transporteur doit s'enquérir périodiquement des besoins des personnes ayant une déficience afin d'y répondre. Même si le RTA s'applique seulement aux transporteurs canadiens qui exploitent des services à l'intérieur du Canada, l'Office a noté dans des cas antérieurs que les principes inclus dans ce dernier sont aussi importants pour les voyages internationaux.
[33] Air Canada connaissait à l'avance le besoin d'assistance avec fauteuil roulant de Mme Doohan et elle a des politiques en place traitant des dispositions d'assistance pour les personnes ayant une déficience et, en particulier, pour les personnes ayant une déficience arrivant à l'aérogare Easthold. L'Office est préoccupé par le fait que malgré la demande préalable d'assistance avec fauteuil roulant pour Mme Doohan et malgré les politiques du transporteur en ce qui concerne l'assistance aux personnes ayant une déficience, Mme Doohan n'a pas reçu un niveau adéquat d'assistance de la part d'Air Canada.
[34] L'Office estime que l'agent aidant Mme Doohan jusqu'à l'autobus de transfert à l'aérogare Easthold aurait dû s'assurer que ses besoins seraient satisfaits à son arrivée à l'aérogare 2. L'Office est préoccupé par le fait que Mme Doohan ait attendu environ une heure pour obtenir de l'aide à l'aérogare 2, période pendant laquelle personne d'Air Canada n'est venu s'enquérir de ses besoins. L'Office estime aussi qu'Air Canada n'a pas fourni de preuve afin de justifier pourquoi Mme Doohan n'a pas obtenu l'assistance appropriée et a plutôt été laissée sans surveillance et sans information. À cet égard, l'Office observe que Mme Doohan aurait pu attendre encore bien longtemps pour obtenir de l'assistance d'un agent d'Air Canada puisque, finalement, elle a été aidée par un agent d'un autre transporteur aérien. Même si Air Canada se demande qui était l'agent qui l'a aidée, l'Office accepte que Mme Doohan a reçu de l'assistance d'un agent d'un autre transporteur pour finalement rejoindre son frère. De plus, Air Canada avait l'occasion lors des procédures de vérifier, auprès de son partenaire Air Canada Jazz et de son partenaire de Star Alliance, United Airlines, qui était l'agent. En l'absence de raisons impérieuses, il est inacceptable qu'une personne ayant une déficience attende sans surveillance pendant une heure ou plus pour obtenir de l'assistance. L'Office fait également valoir qu'Air Canada ne semble pas avoir offert d'excuses à Mme Doohan pour le manque d'assistance qu'elle a connu et l'encourage à le faire.
[35] L'Office note qu'Air Canada ne nie pas que Mme Doohan n'a pas reçu l'assistance qu'elle avait demandée et il estime que le transporteur n'a pas fourni une explication raisonnable pour le niveau d'assistance offert à Mme Doohan. Air Canada a laissé entendre qu'elle aurait suivi ses politiques en ce qui a trait aux passagers nécessitant de l'assistance avec fauteuil roulant qui arrivent à l'aérogare Easthold. Toutefois, la preuve n'appuie pas cette déclaration. Bien qu'il soit évident qu'un agent était sur place lors de l'arrivée du vol de Mme Doohan à l'aérogare Easthold et qu'une certaine assistance a été fournie pour se rendre à l'autobus de transfert, la suggestion d'Air Canada voulant que parce qu'elle n'a pas les noms des personnes en cause elle est incapable de commenter ce qui s'est passé n'est pas une explication acceptable. À cet égard, l'Office estime que ce n'est pas la responsabilité des clients qui ont demandé un service précis, comme l'assistance avec fauteuil roulant, de prendre en note les noms des agents qui s'occupent d'eux. Comme il est mentionné ci-dessous, Air Canada, comme toute autre organisation qui fournit des services au public et qui devrait assurer la qualité des services qu'elle offre, devrait avoir un mécanisme en place qui lui permet d'identifier les noms des employés qui travaillent et les services qu'ils fournissent au public, en tout temps. De plus, en prenant note de l'affirmation d'Air Canada que le conducteur de l'autobus de l'AAGT ne permet pas aux passagers de quitter l'autobus avant qu'un agent EAS soit présent, l'Office estime qu'il est clair qu'il y a eu une défaillance du service après que quelqu'un ait rencontré Mme Doohan à l'aérogare Easthold et l'ait aidée à se rendre à l'autobus de transfert.
[36] Les procédures établies dans la politique sur le traitement des passagers en fauteuil roulant pour les passagers arrivant à l'aérogare Easthold nécessitent des communications internes entre trois agents : un agent de l'aérogare Easthold, un agent EAS de l'aérogare 2 et un agent du PACA ou un agent EAS de l'aérogare 1, si le passager a un vol de correspondance ou non. De telles communications internes, sans que des procédures adéquates régissent les communications, entraîneront probablement une augmentation du risque de défaillance des communications. L'Office note que les procédure de traitement des passagers en fauteuil roulant exigent seulement que l'agent des arrivées à Easthold/EAS avise l'agent EAS de l'aérogare 2 qu'un passager ayant des « besoins spéciaux » est à bord d'un autobus de l'aérogare Easthold au moyen d'un appel radio sur le canal radio EAS; pour l'aviser du nom du passager et du numéro de l'autobus; et, si un passager a un vol de correspondance, l'aider à se rendre à son vol de correspondance au moyen de l'autobus côté piste vers l'aérogare 1. L'agent EAS de l'aérogare 2 fait alors un appel radio à l'agent de l'aérogare 1 pour qu'il attende l'autobus et aide le passager et pour l'aviser du nom du passager et du numéro de l'autobus. L'Office constate que ces procédures de traitement n'indiquent pas comment les agents confirment avec les autres agents qui doivent fournir un « service de poursuite du voyage » que le passager a bien été accueilli au point de correspondance et qu'il reçoit le service ou l'assistance nécessaire. Selon les procédures existantes d'Air Canada, il semblerait qu'on peut considérer, en autant qu'un agent fait l'appel radio à l'agent EAS de l'aérogare 1 ou 2 et fournit le nom du passager et le numéro de l'autobus, que l'agent se conforme aux procédures du transporteur. L'Office estime que les procédures sont clairement inadéquates, car elles ne prévoient pas un suivi et la confirmation que les services ont réellement été fournis.
[37] Afin que les organisations, comme les transporteurs et les exploitants d'aérogares, servent la population et effectuent l'assurance de la qualité, il doit y avoir des procédures et des mécanismes en place pour permettre de faire le suivi et de prendre des mesures au sujet des défaillances dans les services fournis. L'Office estime qu'un outil efficace pour le suivi et les mesures correctives pourrait inclure un registre des activités qui mentionne le nom des personnes qui ont demandé les services et les noms des agents en service qui fourniront l'assistance, ainsi que les numéros des vols et les délais et documente tous les problèmes soulevés. L'Office estime qu'un tel mécanisme fournirait à Air Canada un outil efficace pour s'assurer qu'elle a répondu aux besoins des personnes ayant une déficience en fournissant à sa gestion un moyen d'examiner les incidents et de prendre des mesures correctives comme la formation supplémentaire, de façon proactive.
[38] Finalement, l'Office note que la question de l'omission d'Air Canada de fournir de l'assistance avec fauteuil roulant demandée avant le voyage a été soulevée dans bon nombre de demandes récentes auprès de l'Office. Il semblerait, selon l'expérience de Mme Doohan ainsi que celle d'autres voyageurs, que les procédures en place sont inadéquates pour s'assurer que les services sont fournis de manière efficace et opportune.
[39] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni par Air Canada à Lillian Doohan à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
[40] L'Office conclut que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni par Air Canada à Lillian Doohan à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Air Canada doit donc prendre les mesures correctives suivantes :
[41] 1. dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision,
publier un bulletin pour ses entrepreneurs, consultants et fournisseurs de services qui interagissent avec le public soulignant que les personnes ayant une déficience ont des besoins précis, qu'il est important de connaître les besoins des personnes ayant une déficience et d'y être sensible et soulignant le fait que les personnes ayant une déficience ne devraient pas être laissées sans surveillance sur une période prolongée. Le bulletin devrait aussi souligner les procédures précises pour les passagers utilisant un fauteuil roulant qui arrivent à l'aérogare Easthold de l'aéroport de Toronto.
incorporer dans ses programmes de formation une description de la situation qu'a vécue à Mme Doohan, sans la nommer, et aviser l'Office des mesures qu'elle a prises pour s'assurer que le niveau requis de formation est fourni à tous ses employés, particulièrement pour ses employés de l'aéroport de Toronto, en ce qui a trait aux procédures pour les passagers utilisant un fauteuil roulant arrivant à l'aérogare Easthold.
[42] 2. dans les soixante (60) jours suivant la date de la présente décision,
examiner les procédures établies dans sa politique sur le traitement des passagers utilisant un fauteuil roulant pour les passagers arrivant à l'aérogare Easthold qui mettent en cause les communications internes entre trois agents : un agent de l'aérogare Easthold, un agent EAS de l'aérogare 2 et un agent PACA ou un agent EAS de l'aérogare 1, si le passager a un vol de correspondance ou non, et modifier les procédures ou mécanismes ou en mettre d'autres en place, afin d'éviter que la situation vécue par Mme Doohan ne se répète.
fasse rapport à l'Office sur les procédures et mécanismes existants ou nouveaux qu'Air Canada a l'intention de mettre en place comme moyen de suivi et pour prendre des mesures au sujet des défaillances dans les services fournis. Un tel outil pourrait inclure un registre des activités qui mentionne le nom des personnes qui ont demandé les services et les noms des agents en service qui fourniront l'assistance, ainsi que les numéros des vols et les délais et pourrait documenter tous les problèmes soulevés. Un tel mécanisme fournirait à Air Canada un outil efficace pour s'assurer qu'elle a répondu aux besoins des personnes ayant une déficience en fournissant à sa gestion un moyen d'examiner les incidents et de prendre des mesures correctives comme la formation supplémentaire, de façon proactive.
[43] À la suite d'un examen de l'Office sur la pertinence des mesures prises par Air Canada pour retirer l'obstacle abusif, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires dans cette affaire.
Membres
- Baljinder Gill
- Beaton Tulk
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