Décision n° 23-C-A-2023

le 8 mars 2023

Réponse d’Air Canada à la demande de justification énoncée dans la décision 98-C-A-2022

Numéro de cas : 
21-50456

[1] Dans la décision 98-C-A-2022 (Joel Goldberg et Louise Déry-Goldberg c Air Canada), l’Office des transports du Canada (Office) était d’avis, à titre préliminaire, que l’exception 2 de la règle 100(C) du tarif d’Air Canada est injuste et déraisonnable parce qu’elle est plus restrictive que les obligations en matière de remboursement énoncées au paragraphe 17(7) du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA). L’Office a conclu que l’exception ne prévoit aucune autre option de remboursement aux passagers dont le compte associé à la carte de crédit est fermé et désavantage les passagers qui ont acheté leurs billets avec une carte de crédit étant donné que ces passagers pourraient rencontrer des embuches dans leurs démarches pour recouvrer leurs remboursements.

[2] L’Office a donné à Air Canada l’occasion de présenter des justifications expliquant pourquoi l’Office ne devrait pas rendre une ordonnance en vue de refuser l’exception 2 de la règle 100(C) de son tarif.

Observations préliminaires

Présentation par les demandeurs

[3] Dans le cas présent, les demandeurs ont répondu à la réponse d’Air Canada à la directive de présenter des justifications. Ils ont déposé une présentation concernant le caractère déraisonnable de l’exception 2 de la règle 100(C) et ont expliqué en quoi un remboursement devrait être ordonné, même si l’Office a déjà rejeté leur demande.

[4] Les demandeurs n’ont pas déposé de requête pour pouvoir déposer leur présentation conformément aux Règles pour le règlement des différends. Cependant, l’Office conclut qu’une partie de leur présentation peut s’avérer pertinente pour déterminer si l’exception 2 de la règle 100(C) est raisonnable au sens du Règlement sur les transports aériens (RTA).

[5] Par conséquent, l’Office exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu des Règles pour le règlement des différends pour verser la présentation des demandeurs aux archives de la présente instance. Cependant, l’Office prendra uniquement en considération leurs arguments concernant le caractère raisonnable du tarif d’Air Canada étant donné qu’il a déjà rejeté leur demande.  

Abrogation du paragraphe 17(7) du RPPA

[6] Le 8 septembre 2022, de nouvelles modifications au RPPA concernant des exigences supplémentaires en matière de remboursement sont entrées en vigueur. Ces modifications ont entraîné la suppression du paragraphe 17(7) et son remplacement par le paragraphe 18.2(1), qui prévoit que les remboursements prévus par le RPPA doivent être versés à la personne qui a acheté le billet, selon le mode de paiement initial, sauf si la personne accepte un remboursement selon un mode différent sous certaines conditions. Étant donné que le mode utilisé pour les remboursements fait toujours l’objet d’une disposition équivalente dans le RPPA, l’abrogation du paragraphe 17(7) n’a aucune incidence sur l’avis, à titre préliminaire, de l’Office dans le cas présent.

Demande de justification

Position des parties

Air Canada

[7] Air Canada soutient que l’Office a fait une distinction inexacte entre « le mode de paiement initial » et le « compte ». Elle affirme que le RPPA n’exclut pas la possibilité pour les transporteurs de verser des remboursements sur un compte autre que celui utilisé pour le paiement initial. Elle affirme également que la règle 100(C) reflète les modalités de ses ententes commerciales avec les sociétés émettrices de carte de crédit et que l’Office n’a pas compétence sur ces ententes contractuelles.

[8] Air Canada n’est pas d’accord avec l’affirmation de l’Office selon laquelle les passagers qui achètent des billets par carte de crédit sont désavantagés par rapport aux autres passagers. Elle affirme que cette affirmation est uniquement fondée sur le cas présent, qui n’est pas révélateur d’un problème systémique. Elle affirme également que, sous réserve d’exceptions applicables, les remboursements par carte de crédit devraient toujours être effectués sur le même compte associé à la carte de crédit que celui utilisé lors de la transaction initiale.

[9] Air Canada soutient que l’exigence de verser un remboursement à un compte autre que celui utilisé pour le paiement initial pourrait entraîner une violation de ses ententes avec les réseaux émetteurs de carte de crédit et l’exposer à la fraude. Elle affirme qu’une telle exigence devrait être imposée par voie réglementaire, selon les pouvoirs délégués par le Parlement, afin de maintenir des conditions de concurrence équitables pour l’ensemble des transporteurs.

Demandeurs

[10] Les demandeurs font valoir que le libellé de l’exception 2 de la règle 100(C) énonce clairement qu’elle ne s’applique pas aux comptes fermés et qu’Air Canada ne devrait pas invoquer cette exception dans de tels cas.

[11] Ils soutiennent que, contrairement aux arguments d’Air Canada, les éléments de preuve que la compagnie a fournis indiquent que les principaux réseaux émetteurs de carte de crédit, les fournisseurs de services de traitement de paiements et les commerçants autorisent d’autres modes de remboursement s’il est impossible d’utiliser le mode de paiement initial ou si la transaction est refusée.

Analyse et détermination

[12] L’Office a compétence pour se prononcer sur les questions liées aux tarifs des transporteurs en vertu du RTA, qui exige que les transporteurs énoncent clairement leurs politiques relatives aux conditions de transport dans leurs tarifs. Le RTA prévoit également que les tarifs doivent contenir une disposition sur le remboursement des services achetés, mais non utilisés. Le tarif d’Air Canada incorpore par renvoi le RPPA, qui prescrit des obligations de remboursement précises pour les transporteurs. Dans le cas présent, la politique de remboursement par carte de crédit d’Air Canada est expressément énoncée dans son tarif. Par conséquent, l’Office a le pouvoir de prendre des décisions concernant le caractère raisonnable des dispositions du tarif liées aux remboursements par carte de crédit.

[13] L’Office conclut qu’Air Canada n’a pas démontré que son tarif est juste et raisonnable. L’Office conclut que la règle 100(C) ne donne pas à la personne qui a acheté le billet une autre option raisonnable de remboursement si le compte associé à la carte de crédit qui a été utilisé lors de la transaction initiale est fermé. Il est déraisonnable de n’offrir aucune autre option permettant le versement d’un remboursement pécuniaire à la personne qui a acheté le billet dans les cas où le compte associé à leur carte de crédit est fermé.

[14] Air Canada est tenue, au titre du paragraphe 18.2(1) du RPPA, de verser un remboursement pécuniaire à la personne qui a acheté le billet. Le remboursement doit être effectué selon le mode de paiement initial, par exemple, par carte de débit, par carte de crédit ou en argent, sauf si la personne accepte un mode de remboursement différent qui n’a pas de date d’expiration et confirme par écrit qu’elle a été informée de son droit de recevoir le remboursement selon le mode de paiement initial.

[15] Le remboursement versé au compte initial peut être une façon pour les transporteurs de se conformer au paragraphe 18.2(1) du RPPA et de confirmer que le remboursement est versé à la personne qui a acheté le billet. Toutefois, aucune disposition du RPPA ne permet aux transporteurs de limiter les remboursements par carte de crédit qu’au compte utilisé lors de la transaction initiale, surtout s’ils ont été informés que le compte est fermé.

[16] De plus, les éléments de preuve fournis par Air Canada ne soutiennent pas son argument selon lequel elle serait commercialement désavantagée de devoir verser un remboursement selon un mode différent si le compte associé à la carte de crédit qui a été utilisé pour acheter le billet était fermé. Les éléments de preuve démontrent que les principaux réseaux émetteurs de carte de crédit, les fournisseurs de services de traitement de paiements et les commerçants versent des remboursements selon un mode différent s’ils ne sont pas en mesure de rembourser le montant au compte associé à la carte de crédit qui a été utilisé pour faire l’achat.

[17] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que la règle 100(C) n’établit pas un équilibre entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’Air Canada, car elle ne prévoit aucune autre option de remboursement aux passagers dont le compte associé à la carte de crédit qui a été utilisé lors de la transaction initiale pour acheter le billet est fermé. Par conséquent, l’Office conclut que la règle 100(C) du tarif est déraisonnable.

Ordonnance

[18] L’Office ordonne à Air Canada de modifier la règle 100(C) de son tarif afin d’offrir d’autres options de remboursement à la personne qui a acheté un billet si cette dernière informe le transporteur que le compte associé à la carte de crédit qui a été utilisé lors de la transaction initiale pour l’achat est fermé.

[19] Air Canada doit déposer la règle modifiée de son tarif auprès de l’Office le plus tôt possible, mais au plus tard le 21 avril 2023.

Dispositions en référence  Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 5(c); 111.1; 113; 122(c)(xii)
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150  18.2(1)
Règles de l’Office des transports du Canada (Instance de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 5(2); 6; 34
International Passenger Rules and Fares Tariff AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, CTA 458 5(C); 100(C)

Membre(s)

Heather Smith
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