Décision n° 233-R-2000
Avec l'arrêté no. 2000-R-102
le 31 mars 2000
RELATIVE à une plainte déposée par Steve Robinson en vertu de l'article 95 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, au sujet du bruit dans la cour de chargement de l'Algoma Central Railway Inc. située près d'un secteur résidentiel de Sault Ste. Marie (Ontario).
Référence no R 8030/S9
PLAINTE
Le 7 septembre 1999, Steve Robinson (ci-après le plaignant) a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) au sujet du bruit causé par le chargement des billes sur les wagons de l'Algoma Central Railway Inc. (ci-après l'ACRI) près d'un secteur résidentiel de Sault Ste. Marie (Ontario).
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 1er avril 2000.
QUESTIONS
L'Office doit déterminer s'il a la compétence nécessaire, en vertu de l'article 37 et des paragraphes 95(1) et (2) de la LTC, pour examiner la plainte, et, dans l'affirmative, si l'ACRI, dans l'exercice de ses pouvoirs, a limité les dommages au minimum comme le stipule le paragraphe 95(2) de la LTC, et, dans le cas contraire, les mesures que l'Office devrait prendre, s'il y a lieu.
FAITS
La voie de chargement de l'ACRI, située en face du secteur résidentiel, est désignée comme la voie 594 et est actuellement utilisée par la société Timber Forest Products (ci-après la TFP). L'ACRI a une réserve de wagons (généralement quatre ou cinq au total) dont la TFP a l'usage exclusif. Lorsque ceux-ci sont chargés sur la voie 594, la TFP délivre une lettre de transport à l'ACRI pour l'acheminement jusqu'à destination. Lorsqu'ils ont été déchargés une fois rendus à destination, les wagons sont automatiquement renvoyés sur la voie 594.
L'emprise de l'ACRI se termine à l'extrémité est de la voie 594. L'ACRI aiguille les wagons vides sur cette voie pour qu'ils soient chargés par la TFP, et, lorsqu'ils ont été chargés, l'ACRI les achemine vers ses triages principaux en vue de leur circulation ultérieure. Même si toutes les voies sont sur l'emprise de l'ACRI, le matériel qui charge les billes appartient à la TFP et est situé sur son terrain.
Le zonage du terrain de la TPF est affecté à l'industrie légère, alors que celui du secteur résidentiel visé est résidentiel.
POSITIONS DES PARTIES
Le plaignant se dit préoccupé par le bruit provenant des activités de l'ACRI et des activités forestières, qui étaient autrefois à proximité d'un autre secteur résidentiel mais qui sont maintenant exercées à un endroit situé en face du sien. Il indique qu'il a communiqué à quelques reprises avec le service de police de Sault Ste. Marie à cause du bruit causé par le chargement et le déchargement des billes, et qu'en invoquant les règlements de la Ville de Sault Ste. Marie relativement au bruit, la police a pu mettre fin à ces activités pendant un jour ou deux. Mais celles-ci recommençaient inévitablement.
L'ACRI allègue qu'elle n'a aucun contrôle sur les activités forestières qui ont lieu dans la cour de chargement située en face du domicile du plaignant. Ces activités sont exercées depuis un certain temps et gérées par la TFP; l'ACRI ne peut intervenir directement à cet égard. Elle ne fait que fournir des wagons à la TFP, comme elle le fait pour d'autres clients. L'ACRI fait valoir également que les activités de la TFP sont régies par les règlements municipaux relatifs au bruit, et que le plaignant devrait retirer la plainte qu'il a déposée auprès de l'Office.
Le plaignant déclare que le déchargement des billes et les amoncellements de billes sont sur les terrains de la TFP, mais que le chargement réel des wagons s'effectue sur les terrains de l'ACRI. Il prétend que les activités ont augmenté sensiblement dans le secteur, et que le bruit provenant du chargement et du déchargement des wagons existe à toutes les heures du jour et de la nuit. Il allègue que le chargement se poursuit de façon sporadique, et que celui-ci a même eu lieu pendant la fin de semaine du congé de l'Action de grâce. Il affirme en outre que le train no 1567 est demeuré en régime ralenti en face de son domicile pendant la plus grande partie du début d'une matinée, période au cours de laquelle il a émis des vapeurs diesels et des bruits de moteur, avant que l'on reprenne les activités de chargement.
L'ACRI répète que les activités ayant supposément suscité la plainte au sujet du bruit ont lieu sur un terrain privé, et qu'elle ne fait rien d'autre que d'acheminer les wagons vers la voie de garage ou de les y ramasser; l'Office n'a, par conséquent, aucune compétence en la matière. La plainte devrait être déposée en vertu des règlements de la Ville de Sault Ste. Marie relativement au bruit. À la lumière d'une autre plainte, l'ACRI a néanmoins envoyé une lettre rappelant aux exploitants forestiers, y compris à la TFP, leur obligation de se conformer aux règlements municipaux relatifs au bruit. De plus, elle indique qu'elle a discuté des plaintes au sujet du bruit avec la TFP le 19 mai 1999, date à laquelle celle-ci lui a indiqué qu'elle allait respecter les règlements municipaux en question.
Le 20 janvier 2000, l'Office a demandé que l'ACRI lui fournisse des renseignements supplémentaires au sujet des activités forestières, notamment un plan montrant clairement ses voies, une description de toutes ses activités et de toutes celles de la TFP, une copie des règlements municipaux relatifs au bruit, et des mesures qu'elle a prises pour s'assurer que les activités de rechargement ayant lieu sur son terrain limitent les dommages au minimum. L'Office a également demandé au plaignant de préciser quels aspects des activités causent du bruit, comment ce bruit les dérange, lui et sa famille, quelles mesures correctives il attend de l'ACRI, et quelles sont ses interactions avec la TFP et la Ville de Sault Ste. Marie.
En réponse, le plaignant fait valoir que le chargement des billes sur les wagons de l'ACRI produit un bruit semblable à celui que feraient des pierres tombant dans un fût en acier vide, qui peut être entendu jour et nuit. Il fait valoir que l'ACRI devrait cesser de charger des billes en face de tous domiciles, qu'il a envoyé des lettres de plainte à la Ville de Sault Ste. Marie, et qu'il a également écrit à cette dernière le 1er septembre 1999 au sujet du bruit produit par le chargement des billes.
L'ACRI allègue que les activités de chargement des wagons sont exercées au moyen d'un grumier équipé d'une benne preneuse hydraulique garé entre l'amoncellement de billes contigu à la voie de garage et la voie de garage elle-même où se trouvent les wagons. Le grumier et l'amoncellement de billes sont situés tous les deux sur les terrains de la TFP. Le seul bruit qui émane des wagons se produit lorsque les billes sont placées sur le plancher de ces derniers. L'ACRI déclare qu'elles ne sont pas jetées sur les wagons puisque cela endommagerait et userait excessivement ces derniers.
L'ACRI fait valoir en outre qu'il y a de nombreuses activités de déchargement et de chargement des grumiers sur les terrains de la TFP, qui permettent de constituer divers amoncellements de billes et de charger ces dernières dans des remorques routières. Elle signale de nouveau que tout ce qu'elle a à faire, c'est d'aiguiller les wagons sur la voie de garage pour leur chargement, et à partir de cette dernière jusqu'à son triage principal. Elle indique qu'elle a envoyé une lettre à la TFP le 12 octobre 1999, et de nouveau le 15 février 2000, pour lui rappeler son obligation de se conformer aux règlements municipaux relatifs au bruit. En outre, elle a informé ses équipes de train de leur obligation de réduire le bruit au minimum au cours des manœuvres.
L'ACRI soutient qu'elle a fait tout son possible pour réduire au minimum les dommages causés par ses activités.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Fondement législatif
Les paragraphes 95(1) et (2) prévoient ce qui suit :
(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie ou de toute autre loi fédérale, la compagnie de chemin de fer peut, pour la construction ou l'exploitation d'un chemin de fer :
a) faire ou construire des tunnels, remblais, aqueducs, ponts, routes, conduites, égouts, piliers, arches, tranchées et clôtures, le long ou en travers d'un chemin de fer, d'un cours d'eau, d'un canal ou d'une route que son chemin de fer croise ou touche;
b) détourner ou changer les cours d'eau ou les routes, ou en élever ou abaisser le niveau, afin de les faire passer plus commodément le long ou en travers du chemin de fer;
c) faire des drains ou conduites dans, à travers ou sous des terres contiguës au chemin de fer, afin de drainer l'emplacement du chemin de fer ou d'y amener l'eau;
d) détourner une conduite d'eau ou de gaz, un égout ou drain ou en changer la position, et déplacer des lignes, fils ou poteaux télégraphiques, téléphoniques ou électriques, le long ou en travers du chemin de fer;
e) faire tout ce qui est par ailleurs nécessaire à cette fin.
(2) Elle doit limiter les dommages au minimum dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs.
L'article 37 de la LTC prévoit ce qui suit :
L'Office peut enquêter sur une plainte, l'entendre et en décider lorsqu'elle porte sur une question relevant des lois fédérales qu'il est chargé d'appliquer en tout ou en partie.
Compétence
Dans plusieurs lettres envoyées à l'Office, l'ACRI a adopté la position selon laquelle les plaintes au sujet du bruit sur des terrains privés et non ferroviaires ne sont pas de la compétence de l'Office. L'Office est d'accord avec cette position. Toutefois, comme le montrent hors de tout doute les renseignements fournis, le bruit qui dérange le plus le plaignant est celui du chargement des billes sur des wagons qui appartiennent à une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale, qui sont exploités par celle-ci et qui sont situés sur ses terrains. Par conséquent, en se fondant sur ce qui précède, l'Office conclut que le bruit émanant du chargement des billes sur les wagons est de sa compétence, de sorte qu'il considérera la plainte en application du paragraphe 95(2) de la LTC.
Activités de chargement
Les activités de chargement des billes font appel à des grumiers équipés d'une benne preneuse hydraulique qui prend les billes soit dans ces derniers, soit dans les amoncellements de billes situés sur les terrains de la TFP, pour les charger sur les wagons placés sur une voie de garage située sur les terrains de l'ACRI. Cette dernière est une voie de garage de l'ACRI située sur sa propriété, sur laquelle l'ACRI doit y placer les wagons pour que leur chargement ait lieu. Si les wagons n'étaient pas placés sur ladite voie de garage, le chargement ne pourrait s'effectuer. Par conséquent, l'Office conclut qu'il s'agit d'une activité conjointe de la TFP et de l'ACRI. Cette dernière doit par conséquent partager la responsabilité du bruit du chargement de ses wagons sur ses terrains, et veiller à ce que les activités de chargement qui y sont exercées causent le moins de dommages possible.
L'Office note qu'il y a des règlements municipaux contre le bruit excessif provenant des terrains industriels au cours de périodes précises, notamment la nuit et pendant les jours fériés, mais que l'ACRI n'est pas assujettie à ces règlements. Il note également que le secteur résidentiel du plaignant est très proche de la zone industrielle, et que l'ACRI a rappelé à plusieurs reprises aux exploitants forestiers leur obligation de se conformer aux règlements municipaux relatifs au bruit. En l'occurrence, la TFP doit respecter ceux-ci sur ses terrains. Pour que l'ACRI limite les dommages au minimum dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs, l'Office est d'avis qu'étant donné qu'il s'agit d'activités conjointes de la TFP et de l'ACRI, l'action ou l'inaction de l'ACRI ne devrait pas faire en sorte que l'on contrevienne aux règlements municipaux.
Pour que l'Office soit convaincu que l'ACRI fait tout en son pouvoir pour limiter les dommages au minimum, celle-ci doit lui fournir un plan de mise en œuvre, à la satisfaction de l'Office, dans les soixante (60) jours suivant la prise de l'arrêté, exposant les solutions de rechange qu'elle a envisagées et les mesures qu'elle prendra pour s'assurer que les activités de chargement conjointes de la TFP et de l'ACRI ayant lieu sur ses terrains ne devraient pas faire en sorte que l'on contrevienne aux règlements municipaux.
CONCLUSION
À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine par les présentes que l'ACRI ne respecte pas ses obligations de limiter les dommages au minimum dans l'exercice de ses pouvoirs d'exploiter son chemin de fer. Toutefois, l'Office conclut que l'ACRI aura respecté ses obligations à cet effet lorsqu'elle aura mis en œuvre, à la satisfaction de l'Office, des mesures afin de s'assurer que les activités de chargement conjointes de l'ACRI et de la TFP qui ont lieu sur ses terrains sont assujetties aux mêmes dispositions des règlements municipaux, qui limitent les niveaux de bruit entre 23 h et 7 h ou en tout temps le dimanche et les jours fériés.
L'Office prendra un arrêté à cet effet.
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