Décision n° 261-W-2007
le 18 mai 2007
DEMANDE présentée par PF Collins Customs Broker Ltd. au nom de Global Marine Systems, conformément à la Loi sur le cabotage, L.C. (1992), ch. 31, en vue d'obtenir une licence pour l'utilisation du « CABLE INNOVATOR », un navire britannique d'installation de câbles sous-marins, pour l'entretien et la réparation, au besoin, du système de câbles de télécommunications à fibre optique Hibernia Atlantic et VSNL au cours de la période commençant le ou autour du 1er avril 2007 se terminant le 28 mars 2008.
Référence no W9125/P5/07-12
DEMANDE
[1] PF Collins Customs Broker Ltd. a, au nom de Global Marine Systems, déposé une demande auprès du ministre du Revenu national en vue d'obtenir une licence pour l'exploitation du service énoncé dans l'intitulé. L'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a été saisi de l'affaire le 8 mars 2007.
[2] L'Office a effectué une recherche auprès des principaux intéressés de l'industrie du transport maritime et le 21 mars 2007, Atlantic Towing Limited (ci-après Atlantic Towing) s'est opposée à l'agrément de la demande, faisant valoir qu'elle dispose de navires adaptés et disponibles, battant pavillon canadien, qui sont en mesure d'effectuer les travaux projetés.
QUESTION
[3] L'Office doit déterminer s'il existe des navires canadiens qui soient à la fois adaptés et disponibles pour offrir le service proposé ou pour être affectés aux activités visées par la demande.
POSITIONS DES PARTIES
Demande de Global Marine Systems
[4] Global Marine Systems (ci-après Global Marine) affirme qu'elle est une entreprise qui a son siège au Royaume-Uni et qu'elle est reconnue en tant que chef de file mondial dans la prestation de services d'installation et d'entretien de câbles sous-marins à fibre optique. Global Marine précise qu'elle possède une flotte de navires de pose et de réparations de câbles spécialement conçus et stratégiquement répartis partout dans le monde, pour la prestation de services d'entretien pour des systèmes de câbles de plus de 100 000 km. Le navire « CABLE INNOVATOR » est basé aux Bermudes et dessert le nord et le milieu de l'Atlantique, le Canada, les États-Unis et la région des Caraïbes.
[5] Global Marine mentionne qu'elle a signé un contrat pour l'entretien et la réparation de deux systèmes de câbles qui aboutissent au Canada. Le premier client, Hibernia Atlantic, a son siège en Irlande et possède un système de 12 000 km, dont 100 km en eaux canadiennes. Le second client, Videsh Sanchar Nigam Ltd (ci-après VSNL), a son siège en Inde et possède un système de 6 000 km, dont 95 km en eaux canadiennes.
[6] Selon Global Marine, l'activité consiste à localiser le bris d'un câble sous-marin, à récupérer le câble et à effectuer la réparation nécessaire (réparation du bris, installation d'un nouveau câble ou d'un nouvel équipement, épissure du câble à fibres optiques, raccordement, réinstallation des systèmes de protection et de gainage des câbles), à faire l'essai du câble, à inspecter les relais et à procéder à l'enfouissement, au besoin, pour les deux systèmes de câbles qui aboutissent en Nouvelle-Écosse.
[7] Global Marine affirme que 90 pour cent des communications à l'échelle mondiale sont effectuées grâce à des câbles. Une pratique courante des entreprises de câblodistribution consiste à signer un contrat d'entretien pour les réparations d'urgence effectuées au moyen d'un navire spécialisé disponible 24 heures par jour, 365 jours par année.
[8] Global Marine fait observer que lorsqu'un système de câbles n'est pas disponible, les communications doivent être déroutées sur le câble d'un compétiteur à un coût plus élevé, qui peut atteindre des centaines de milliers de dollars par jour.
[9] Selon Global Marine, la majorité des dommages ou des bris causés aux câbles se produisent en eaux peu profondes, près de la rive. À cet égard, elle indique que 68 pour cent des bris se produisent dans les eaux de moins de 200 m et sont attribuables à des engins de pêches ou à des ancres de navires. La prestation d'un service d'entretien des câbles nécessite des connaissances, de l'expertise et des compétences spécialisées, sans parler de la gamme complète d'équipement pour effectuer les réparations conformément au contrat et aux normes de l'industrie.
[10] Global Marine précise qu'aux termes des contrats signés avec les entreprises de câblodistribution, elle doit avoir tout l'équipement spécialisé nécessaire pour se déplacer sur avis de 24 heures pour Hibernia Atlantic et sur avis de 6 heures pour VSNL. La réparation du câble doit aussi être effectuée dans les 5,5 à 6 jours suivant la date d'avis du bris. Global Marine indique qu'elle doit respecter ces conditions, sous peine de sanctions financières.
[11] Global Marine indique que pour respecter les exigences des services de réparation des câbles, un navire doit posséder : 1) des propulseurs avant et arrière afin de tenir sa position; 2) des systèmes de navigation et de positionnement redondants, afin de positionner correctement le navire et un véhicule téléguidé (ci-après VTG); 3) du matériel spécialisé de manipulation, de raccordement et d'essai des câbles pour la récupération et la réparation des câbles ainsi que l'installation de relais, au besoin; 4) l'équipement de raccordement des câbles entreposé dans une installation spécialement conçue à environnement contrôlé pour assurer la propreté; 5) un VTG capable de fonctionner dans des profondeurs allant jusqu'à 2 500 m; et 6) de l'équipement de déploiement et de récupération du VTG.
[12] Global Marine affirme que l'utilisation d'un navire annexe canadien n'est pas une solution financièrement viable pour l'exécution de réparations. Global Marine ajoute que les droits annuels qu'elle reçoit pour quatre réparations sont 40 pour cent moins élevés que le coût d'utilisation d'un navire annexe canadien pour une seule réparation. Elle fait valoir que le coût d'utilisation d'un navire annexe par une entreprise de câblodistribution n'est pas commercialement et économiquement viable.
[13] Global Marine soutient que pour pouvoir assurer les services de réparation des câbles dans un court délai il faut un navire hautement spécialisé et les compétences qui y sont associées. À cet égard, Global Marine note qu'afin d'obtenir des renseignements détaillés des exploitants canadiens à propos de leurs navires et de leurs capacités, elle a conçu un questionnaire qui devrait être rempli par n'importe quel opposant qui envisage d'offrir un navire afin que les réponses puissent être comparées aux résultats prévus dans le contrat signé.
[14] Global Marine affirme que l'utilisation du navire « CABLE INNOVATOR » représente la solution éprouvée la plus pratique et la plus logique pour effectuer les réparations en l'absence d'un navire canadien comparable.
Offre d'Atlantic Towing
[15] Atlantic Towing indique qu'elle a à sa disposition plusieurs navires hautement spécialisés pour répondre aux besoins d'entretien et de réparation des câbles. À cet égard, Atlantic Towing offre le « ATLANTIC HAWK », le « ATLANTIC KINGFISHER » et le « ATLANTIC EAGLE ».
[16] Atlantic Towing affirme qu'elle jouit d'une grande expérience dans l'entretien et la réparation de câbles et qu'au cours des 5 dernières années, bon nombre de ses navires ont participé activement à ce genre de travail. Atlantic Towing indique que ses réparations de câbles à fibres optiques les plus récentes ont eu lieu au cours de l'été et de l'automne 2004.
[17] Atlantic Towing fait référence à la décision no 184-W-2001 du 12 avril 2001, dans laquelle l'Office a déterminé qu'un navire canadien était disponible. Selon Atlantic Towing, la demande actuelle implique des travaux de même envergure que ceux qui étaient visés dans cette décision.
[18] Atlantic Towing indique qu'elle voudrait une copie du questionnaire pour les exploitants canadiens.
Réponse de Global Marine à l'offre
[19] Global Marine fait valoir que l'utilisation d'un navire annexe aurait un impact important sur le temps de réparation du câble et estime qu'il faudrait 10 à 14 jours à Atlantic Towing pour mobiliser et placer l'équipement nécessaire sur un de ses navires si tout l'équipement était aisément disponible. Atlantic Towing aurait alors besoin de 5 jours supplémentaires pour se rendre aux Bermudes et en revenir pour obtenir le câble nécessaire à la réparation.
[20] Selon Global Marine, Atlantic Towing n'a pas indiqué qu'elle peut respecter le temps d'intervention minimum pour qu'un navire soit prêt lorsqu'il y a avis d'un bris de câble et n'a pas fourni de renseignements sur l'équipement ou l'équipage actuels de ses navires par rapport à la demande. Global Marine soutient qu'Atlantic Towing n'a pas respecté les exigences des Lignes directrices de l'Office des transports du Canada relatives au traitement des demandes de licence de cabotage en réponse à un avis et a seulement fourni le minimum de renseignements.
[21] Global Marine note que les navires d'Atlantic Towing sont actuellement utilisés ailleurs et qu'il y aurait de ce fait un problème de disponibilité 365 jours par année.
[22] D'après Global Marine, puisque l'expérience la plus récente d'Atlantic Towing en ce qui a trait à la réparation de câbles remonte à 2004, elle n'est pas convaincue de la capacité de l'exploitant par comparaison avec la sienne, elle qui effectue des réparations de câbles partout dans le monde chaque année et dont le personnel suit une formation continue et se livre à des exercices afin de maintenir ses compétences.
[23] Global Marine déclare qu'en 2006, elle a invité Atlantic Towing à déposer une offre pour des services de réparation de câbles et que cette dernière a indiqué qu'elle utiliserait les services d'un tiers pour obtenir tout l'équipement de réparation des câbles. Cela signifie qu'Atlantic Towing n'a pas de navire spécialisé pour la réparation de câbles ou un navire équipé à cet effet. Selon Global Marine, l'objection d'Atlantic Towing est défaillante.
[24] Global Marine fait valoir qu'elle a obtenu le contrat d'entretien et de réparation dans le cadre d'un appel d'offres concurrentiel, processus auquel Atlantic Towing aurait pu participer, que les coûts facturés pour ces services sont ceux de l'industrie des télécommunications, laquelle n'exige pas la même rémunération que ce qui pourrait être prévu dans l'industrie pétrolière et gazière. Global Marine affirme qu'il est financièrement impossible de donner en sous-traitance ce contrat à un exploitant qui facture plus que ce que l'entreprise de câblodistribution paie à Global Marine.
[25] Global Marine a fourni à Atlantic Towing une copie du questionnaire pour les exploitants canadiens.
Réponse d'Atlantic Towing
[26] Atlantic Towing déclare qu'elle aimerait avoir l'occasion de faire une offre pour ces travaux, mais on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle puisse produire une proposition en deux jours. L'an dernier, Global Marine a offert à Atlantic Towing la possibilité de déposer une offre. Atlantic Towing aimerait examiner encore une fois la portée des travaux à accomplir et effectuer une proposition. Atlantic Towing soutient que cela n'est pas un processus de l'Office et qu'un processus d'appel d'offres devrait être mis en place.
[27] Atlantic Towing exige que la demande pour le « CABLE INNOVATOR » soit rejetée.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[28] En vertu de la Loi sur le cabotage, l'Office a la responsabilité de déterminer s'il existe des navires canadiens adaptés et disponibles pour exercer une activité lorsqu'une demande est faite pour l'utilisation d'un navire étranger pour cette activité. Dans l'exercice de ses responsabilités, l'Office impose au demandeur la tâche de fournir des renseignements détaillés à propos d'une activité proposée et du navire étranger qui sera utilisé, et aux exploitants canadiens celle de fournir des renseignements détaillés quant à la façon dont le navire canadien pourrait satisfaire aux exigences du demandeur.
[29] Afin de l'aider à exercer son mandat en vertu de la Loi sur le cabotage, l'Office a élaboré des lignes directrices qui décrivent le genre de renseignements que les parties doivent fournir.
[30] Dans le cas présent, Global Marine a fourni une description détaillée de l'activité de réparation de câbles que le navire « CABLE INNOVATOR » effectuerait, des délais à respecter et de l'équipement et du matériel spécialisés requis à bord du « CABLE INNOVATOR ».
[31] Pour sa part, Atlantic Towing n'a fourni aucun renseignement sur la façon dont ses navires annexes répondraient aux exigences décrites par Global Marine. Elle n'a pas indiqué : 1) comment elle doterait un navire annexe de l'équipement spécialisé requis pour la manipulation et la réparation des câbles, ni le temps ou les coûts nécessaires pour le faire; 2) de quelle façon elle respecterait les délais de 24 et 6 heures d'Hibernia Atlantic et de VSNL, respectivement, pour qu'un navire soit prêt à partir sur réception d'un avis de bris de câble; 3) comment elle respecterait le délai de 5,5 à 6 jours pour terminer la réparation du câble suivant réception dudit avis. De plus, Atlantic Towing n'a pas fourni de renseignements quant aux coûts en réponse à la déclaration de Global Marine selon laquelle ses frais pour quatre réparations étaient 40 pour cent moins élevés que le coût d'utilisation d'un navire annexe pour une seule réparation.
[32] En outre, l'Office note qu'Atlantic Towing a demandé et reçu une copie du questionnaire élaboré par Global Marine pour les exploitants canadiens considérant l'offre d'un navire. Toutefois, Atlantic Towing n'a pas fourni de réponse au questionnaire. Le délai fixé dans l'avis pour une réponse de la part d'Atlantic Towing était de deux jours, mais cette dernière aurait pu demander une prolongation de délai afin de remplir le questionnaire ou de fournir des renseignements supplémentaires à propos de ses navires mais elle ne l'a pas fait.
[33] Atlantic Towing a fait valoir qu'elle devrait avoir l'occasion de soumissionner le travail et qu'il ne s'agit pas d'un processus de l'Office. Le processus que mène l'Office et qui a débuté par la demande de Global Marine est conforme à son mandat en vertu de la Loi sur le cabotage. Aux termes de ce mandat, l'Office doit déterminer l'adaptabilité et la disponibilité des navires canadiens offerts en réponse à une demande d'utilisation d'un navire étranger dans les eaux canadiennes. Le mandat de l'Office ne comprend pas le rejet d'une demande pour qu'un exploitant canadien puisse déposer une offre pour une activité. L'exploitant canadien doit démontrer qu'il a un navire capable de satisfaire aux exigences relatives à l'activité décrite par un demandeur.
[34] Par conséquent, l'Office conclut qu'Atlantic Towing n'a pas démontré que ses navires annexes peuvent être dotés d'équipements spécialisés pour la manipulation et la réparation de câbles de façon à respecter les délais prévus pour qu'un navire soit prêt sur réception d'un avis de bris de câble ou à respecter les délais de réparation d'un câble. Atlantic Towing a eu deux occasions de démontrer les capacités de ses navires mais a choisi de ne pas fournir de renseignements pour satisfaire aux exigences prévues dans la demande.
[35] En ce qui a trait aux décisions précédentes de l'Office relativement aux demandes d'utilisation du « CABLE INNOVATOR », l'Office étudie chaque demande selon ses propres mérites et se fie aux renseignements fournis par un demandeur et les exploitants canadiens dans chaque cas.
DÉTERMINATION
[36] À la lumière de ce qui précède, l'Office a déterminé, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi sur le cabotage, qu'il n'existe aucun navire canadien qui soit à la fois adapté et disponible pour assurer le service ou être affecté aux activités visées dans la demande.
[37] Cette détermination sera communiquée au ministre du Revenu national pour la prise par celui-ci de toute mesure qu'il jugera nécessaire en vertu de la Loi sur le cabotage.
[38] La présente décision n'accorde pas l'autorisation de commencer l'exploitation du service prévu aux termes de la demande.
Membres
- Gilles Dufault
- Raymon J. Kaduck
- Beaton Tulk
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