Décision n° 272-R-2013

le 17 juillet 2013

DEMANDE présentée par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada conformément au paragraphe 33(4) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.

DEMANDE

[1] La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a demandé à l’Office des transports du Canada (Office) de déterminer que le calcul des frais généraux contenu dans la facture présentée au ministère des Transports du Québec (MTQ) est conforme au Guide des frais ferroviaires pour l’entretien et la construction des franchissements  (Guide de l’Office) et que la facture doit être payée par MTQ en vertu de l’arrêté no 2010-AGR-374 du 7 juillet 2010.

[2] De façon subsidiaire, MTQ demande à l’Office, en vertu de l’article 32 de la Loi sur les transports au Canada (LTC), de réviser ou de modifier l’arrêté n2010-AGR-374">2010-AGR-374 afin qu’il y soit indiqué qu’un taux de 3 pour cent s’applique en cas de sous‑traitance, dans ce cas Safetran, qui fournit le matériel précâblé ou préassemblé utilisé pour les travaux de passage à niveau, de la même manière que le prévoit le Guide du demandeur pour les compagnies de chemin de fer - Programme d’amélioration des passages à niveau de Transports Canada (Guide de TC).

CONTEXTE

[3] CN et MTQ ont signé une entente le 25 mars 2010 visant la modification du système d’avertissement au passage à niveau situé au point milliaire 41,16 de la subdivision Pelletier de CN, dans la municipalité de Rivière-Bleue, dans la province de Québec.

[4] L’entente prévoit qu’après l’application d’une subvention de Transports Canada, MTQ versera 62,5 pour cent et CN, 37,5 pour cent de la balance des coûts associés à la modification du système d’avertissement au passage à niveau. De plus, l’article 6 de l’entente prévoit que CN « établit ses comptes aussi bien pour les travaux de construction que d’entretien conformément aux prix figurant dans le dernier Guide […] publié par l’Office ».

[5] CN a déposé une copie de l’entente auprès de l’Office le 17 mai 2010. Le 7 juillet 2010, le Secrétaire de l’Office a émis un arrêté confirmant que l’entente était assimilée à un arrêté de l’Office prenant effet le 17 mai 2010.

[6] Le 1er août 2009, CN et Sa Majesté la reine du chef du Canada, représentée par le Ministre des Transports, ont conclu un accord de contribution en vertu de l’article 12 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. (1985), ch. 32 (4e suppl.) [LSF]. L’accord de contribution prévoyait le financement partiel par Transports Canada de divers projets entrepris par CN, incluant le projet lié à la modification du système d’avertissement au passage à niveau  situé au point milliaire 41,16 de la subdivision Pelletier de CN (Projet). Cet accord de contribution a été modifié le 30 mai 2011.

[7] Le 9 juin 2011, CN a présenté à MTQ une facture au montant de 21 480,19 $.

[8] Le 30 juin 2011, MTQ a avisé CN qu’il y avait un écart dans les frais facturés à MTQ et à Transports Canada.

[9] CN a émis une nouvelle facture au montant de 20 863,12 $, soit la facture n° 90496008 (facture) du 3 août 2011. Le 5 août 2011, CN a fourni à MTQ des explications concernant les calculs utilisés dans l’établissement de la facture.

[10] Le 13 septembre 2011, MTQ a informé CN de son désaccord à l’égard des explications fournies relativement à la facture.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Demande de MTQ en vertu de l’article 32 de la LTC

[11] MTQ soutient que la facturation de CN n’est pas conforme au Guide de l’Office. Il soutient que si l’Office arrivait à la conclusion que la facturation est conforme au Guide de l’Office, l’opacité entourant la méthode de calcul des coûts présentée par CN constitue un fait ou une circonstance justifiant la modification ou la révision de l’arrêté.

[12] Selon CN, l’application de l’article 32 de la LTC ne ferait pas que donner lieu à la révision de l’arrêté de l’Office. En fait, MTQ cherche à modifier unilatéralement les conditions d’une entente négociée. CN affirme que permettre une révision de l’entente violerait l’esprit de déférence à l’égard des contrats qui est un principe inhérent à la LTC. Selon CN, l’article 101 de la LTC prévoit expressément que les particuliers gèrent leurs relations au moyen d’une entente.

[13] CN maintient qu’étant donné que les taux de frais généraux pertinents on été précisés dans les estimations fournies avant que tout travail ne soit entrepris, MTQ n’a pas démontré que des changements dans les faits ou les circonstances justifient une modification de la décision.

Analyse et constatations

[14] Aux termes de l’article 32 de la LTC, l’Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d’en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d’évolution, selon son appréciation, des circonstances de l’affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.

[15] L’article 32 de la LTC n’accorde à l’Office qu’un pouvoir limité de revenir sur ses décisions. En fait, l’Office ne peut exercer le pouvoir qui lui est conféré en vertu de cet article que s’il y a eu, à son avis, des faits nouveaux ou une évolution des circonstances entourant l’affaire visée par une décision depuis qu’elle a été rendue.

[16] Pour les motifs ci-dessous, l’Office est d’avis que l’article 32 de la LTC ne s’applique pas à la présente instance.

[17] Aux termes du paragraphe 101(1) de la LTC, toute entente, ou toute modification apportée à celle‑ci, concernant la construction, l’entretien ou la répartition des coûts d’un franchissement routier ou par desserte peut être déposée auprès de l’Office.

[18] Un arrêté confirmant que l’entente est assimilée à un arrêté de l’Office est émis par le Secrétaire chaque fois qu’une entente est déposée.

[19] Bien qu’un arrêté soit émis pour confirmer le dépôt d’une entente auprès de l’Office, l’entente est, par la simple opération du paragraphe 101(2) de la LTC, assimilée à un arrêté de l’Office qui autorise la construction ou l’entretien d’un franchissement, ou qui répartit les coûts afférents, conformément au document déposé. L’Office peut, conformément au paragraphe 33(4) de la LTC, faire exécuter l’entente ainsi assimilée à un arrêté de l’Office.

[20] La Cour d’appel fédérale (CAF) a examiné la question du statut d’une ordonnance d’un tribunal administratif assimilée à une ordonnance de la Cour fédérale dans l’affaire Canada (Commission canadienne de la personne) c. Warman, (2011 CAF 297) [Warman]. Dans cette affaire, la CAF a conclu que l’ordonnance d’un tribunal administratif, une fois déposée pour homologation à la Cour fédérale suivant les dispositions de la loi, demeure une ordonnance d’un tribunal administratif malgré son dépôt devant la Cour fédérale pour exécution :

Selon moi, la question soulevée dans le présent appel porte sur l’enregistrement des ordonnances aux termes de l’article 57 de la Loi, et en particulier la question de savoir si l’ordonnance exécutée en vertu de cette disposition est l’ordonnance du Tribunal ou celle de la Cour.

La réponse à cette question est relativement simple si l’on considère que l’unique ordonnance exécutée selon ce régime est celle du Tribunal et qu’il n’existe aujourd’hui aucun principe juridique limitant la procédure de l’outrage aux seules ordonnances rendues par les cours supérieures.

[…] dans la présente affaire, il n’y a qu’une seule ordonnance – l’ordonnance du Tribunal – qui est exécutée par la Cour fédérale conformément à l’article 57, comme si elle était une ordonnance de cette Cour. Cette intention est on ne peut mieux exprimée par la version française, selon laquelle : « [L]es ordonnances rendues en vertu des articles 53 et 54 […] peuvent […] être assimilées aux ordonnances rendues par celle-ci [c’est-à-dire la Cour fédérale]. »

[21] Dans l’affaire Institut canadien de la fonction publique c. Bremsak (2012 CAF 147) [Bremsak], la CAF a confirmé l’approche établie dans l’affaire Warman. Se référant aux motifs du juge Noël, qui a rédigé la décision majoritaire dans Warman, la CAF a indiqué dans l’affaire Bremsak que : « [d]e façon plus générale, Warman établit que la procédure d’exécution faisant suite au dépôt de l’ordonnance d’un tribunal administratif devant la Cour fédérale vise l’ordonnance du tribunal administratif ».

[22] Il ressort clairement des affaires Warmanet Bremsak que l’opération du mécanisme par lequel une ordonnance d’un tribunal administratif est assimilée à une ordonnance d’une cour aux fins d’exécution n’altère pas la nature de cette ordonnance. L’ordonnance d’un tribunal administratif demeure une ordonnance de ce tribunal, malgré son dépôt devant la Cour fédérale pour exécution.

[23] Les décisions rendues dans les affaires Warman et Bremsak ont trait à des ordonnances de tribunaux administratifs assimilées par l’opération de la loi à des ordonnances de la Cour fédérale. Cependant, l’Office note que les dispositions législatives examinées dans ces deux affaires établissaient un mécanisme d’assimilation décrit par les mêmes termes, ou des termes ayant à toute fin pratique le même effet, que ceux utilisés au paragraphe 101(2) de la LTC. En français, le paragraphe 101(2) de la LTC utilise l’expression « est assimilée à un arrêté de l’Office » (en anglais, « becomes an order »), tandis que l’article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et le paragraphe 52(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique utilisent respectivement les expressions « peuvent être assimilées aux ordonnances rendues par [la CF] » (en anglais, « may be made an order » ) et « est assimilée à une ordonnance rendue par [la CF] » (en anglais, « becomes an order »). Pour cette raison, l’Office considère que les principes élaborés dans les affaires Warman et Bremsak sont applicables, par analogie et avec les adaptations nécessaires, à l’interprétation du paragraphe 101(2) de la LTC.

[24] L’Office conclut qu’une entente déposée auprès de l’Office conformément au paragraphe 101(1) de la LTC est assimilée à un arrêté de l’Office à des fins d’exécution. Toutefois, l’entente demeure une entente entre les parties, même après son dépôt auprès de l’Office et ce, malgré l’opération du paragraphe 101(2) de la LTC. Une telle entente pourrait être modifiée par les parties sans l’intervention de l’Office, et la modification être déposée subséquemment auprès de l’Office, tel que l’a envisagé le législateur aux paragraphes 101(1) et (2) de la LTC.

[25] L’Office est d’avis que MTQ, par l’intermédiaire de l’article 32 de la LTC, tente de rouvrir le contrat qu’il a négocié avec CN pour en modifier le contenu de manière à y insérer une clause qui n’y était pas au moment où l’entente à été conclue, soit qu’un taux de 3 pour cent s’applique en cas de sous‑traitance, de la même manière que le prévoit le Guide de TC. Or, l’intention des paragraphes 101(1) et 101(2) de la LTC est de faciliter l’exécution des ententes conclues entre les parties. Si l’article 32 de la LTC s’appliquait aux ententes déposées en vertu du paragraphe 101(1) de la LTC, cela entraînerait l’effet contraire en permettant aux parties de rouvrir une entente négociée, créant ainsi un climat d’incertitude.

[26] De plus, si l’Office accordait la demande de MTQ, il utiliserait son pouvoir de révision à l’égard d’une entente conclue entre deux parties, alors que ce pouvoir est expressément limité aux arrêtés et aux décisions de l’Office.

[27] Ayant statué que l’entente conclue entre MTQ et CN demeure une entente entre les parties, l’Office conclut que l’article 32 de la LTC ne s’applique pas dans le cas présent.

QUESTION

[28] Le calcul des frais généraux contenus dans la facture envoyée à MTQ est-il conforme à la clause 6 de l’entente conclue entre les parties le 25 mars 2010 visant le Projet, et aux dispositions du Guide?

POSITIONS DES PARTIES

MTQ

[29] MTQ soutient que l’écart dans la facture présentée à Transports Canada et celle présentée à MTQ est l’élément déclencheur qui lui a permis de questionner CN sur la méthode retenue pour effectuer la facturation de la part des coûts assumés par MTQ relativement au Projet. MTQ est d’avis que le coût véritable du Projet correspond à la demande de remboursement des « coûts admissibles » figurant dans l’entente de contribution. Selon MTQ, il ne peut y avoir qu’un seul coût total pour le Projet et c’est celui présenté à Transports Canada dans la facture au montant de 110 694,03 $ et non le coût de 121 936,12$ présenté dans la facture de MTQ.

[30] MTQ soumet qu’en comparant les factures présentées à MTQ et à Transports Canada, il appert que la différence réside en la somme de 11 959,78 $. MTQ fait valoir que cette somme représente les frais généraux relatifs à la facture de Safetran, que, selon MTQ, CN tente de « refiler » de deux manières différentes à MTQ et à Transports Canada. MTQ soutient que CN a majoré le montant facturé par Safetran d’un taux de 50 pour cent pour MTQ alors que ce même montant est augmenté de 3 pour cent sur la facture présentée à Transports Canada. Selon MTQ, CN aurait dû appliquer une méthode de calcul équitable pour l’item de Safetran du Projet. MTQ soutient également que l’imposition par CN d’un taux de 50 pour cent occasionne des frais généraux excédentaires qui, selon MTQ, ne sont pas admissibles selon le Guide de TC. MTQ soutient également qu’un taux de frais généraux de matériel de 50 pour cent devait être autorisé par MTQ pour pouvoir être appliqué.

[31] Selon MTQ, l’examen de la facture de Safetran révèle qu’il y a fourniture à la fois de matériel et de temps incluant des heures en ingénierie, en conception et en atelier fourni par une tierce partie. MTQ soutient que le Guide de l’Office traite de la question de la sous-traitance et que, à son avis, le taux applicable aux frais liés à ce fournisseur devrait être de 3 pour cent et non le taux de 50 pour cent établi pour du matériel fourni par CN.

[32] Par conséquent, MTQ conclut que la somme de 20 863,12 $ facturée par CN ne représente pas 62,5 pour cent de la balance des coûts associés au Projet, après le versement de la subvention de Transports Canada de 88 555,22 $, mais plutôt 94,24 pour cent. MTQ soumet que son obligation totale est de 13 836,76 $.

[33] MTQ réfère au Guide de TC pour soutenir son point de vue, plus particulièrement en ce qui concerne les coûts admissibles à la subvention de Transports Canada. MTQ maintient que les coûts admissibles sont les coûts engagés par le bénéficiaire qui ont un rapport direct avec le projet admissible et qui, selon Transports Canada, sont raisonnables et nécessaires pour atteindre les objectifs et les résultats du programme. À l’inverse, les coûts inadmissibles énumérés dans le Guide de TC, de par leur nature, sont des coûts inadmissibles non seulement pour Transports Canada mais également pour tout partenaire d’un projet avec CN.

[34] MTQ fait valoir que selon l’arrêté, le partage de la balance des coûts de tout projet, soit 20 pour cent après la subvention de Transports Canada, est conforme au principe énoncé dans le Guide de TC. MTQ indique que CN nie l’application du Guide de TC alors que l’arrêté contient la référence expresse à un projet subventionné, donc à un renvoi externe au Guide de TC et à la LSF.

CN

[35] CN affirme que l’entente conclue entre MTQ et CN, et qui a donné lieu à l’arrêté qui confirme l’entente, précise que les coûts du Projet doivent être déterminés conformément à l’entente ou à l’arrêté qui prévoit, de façon non équivoque, que le Guide de l’Office doit servir de base convenue à une telle détermination.

[36] CN maintient que le choix de Transports Canada de ne pas couvrir certain coûts qui sont pourtant  reconnus dans le Guide de l’Office, ne modifie pas les obligations de CN et de MTQ en vertu de leur entente et de l’arrêté. CN ajoute que la facture présentée à Transports Canada exclue certains coûts pertinents pour des raisons pratiques bien évidentes qui  se situent hors de la portée du programme de financement de Transports Canada et retarderaient ou compliqueraient le traitement de la demande de financement.

[37] Selon CN, MTQ se base sur l’écart entre le coût total du Projet, établi selon le Guide de l’Office, et le coût que Transports Canada a choisi de subventionner en vertu de son pouvoir discrétionnaire. CN fait valoir que l’écart porte sur le calcul du taux du matériel précâblé ou préassemblé utilisé dans le cadre des travaux de passage à niveau.

[38] CN précise que la clause 1.01.01 de l’entente de contribution de Transports Canada est fondée sur les taux prévus dans le Guide de l’Office, sauf l’exception : « the allowance applicable to prewired packages shall be the allowance applicable for contracts overhead » [traduction libre de CN - le financement applicable aux ensembles précâblés correspond au financement applicable aux frais généraux de projet]. CN affirme que comme Transports Canada a décidé de financer des projets jusqu’à un maximum de 80 pour cent seulement pour certains coûts, il a décidé également de financer jusqu’à un maximum de 3 pour cent certains frais généraux. CN soutient que la décision de Transports Canada de restreindre le financement de certains frais généraux ne peut pas être interprétée comme une indication que les coûts ne sont pas réels. Selon CN, toute insuffisance au chapitre du financement de Transports Canada, y compris sa décision de ne financer que la première part de 3 pour cent de certains frais généraux, touche à la fois MTQ et CN, selon le pourcentage convenu par les parties.

[39] De plus, CN soutient que le Guide de l’Office fournit des taux clairement définis à l’égard des frais généraux, qui sont expressément et sans équivoque applicables au matériel précâblé. CN soutient qu’appliquer un taux de frais généraux différent, comme l’insinue MTQ, serait incompatible avec l’entente et le Guide de l’Office et qu’ainsi CN devrait absorber une part disproportionnée des coûts du Projet. CN ajoute que l’incorporation du Guide de l’Office dans l’entente, de même que les taux de frais généraux qui y figurent, ont été négociés librement par les parties. Selon CN, le fait de négliger ou d’annuler de façon sélective tout élément de l’entente, donnerait lieu à un compromis injustifié quant à l’intégrité de l’entente dans son ensemble.

[40] En réponse à MTQ qui soutient qu’un taux de frais généraux de matériel de 50 pour cent devait être autorisé par MTQ pour pouvoir être appliqué, CN fait valoir que cette autorisation n’était pas requise, puisque les parties avaient déjà convenu d’appliquer le taux de frais généraux prévus dans le Guide de l’Office en l’incorporant dans l’entente. CN affirme que MTQ avait été avisé à l’avance du taux de frais généraux pertinents d’une manière évidente et transparente étant donné la clarté du libellé de l’entente et qu’il en avait été convenu au moment de conclure l’entente.

[41] CN soutient que les taux de frais généraux de matériel en cause ont déjà fait l’objet d’une analyse approfondie de l’Office. Plus précisément, en réponse à des questions posées par Transports Canada relativement aux taux de frais généraux applicables aux ensembles précâblés, l’Office, dans la décision no LET-R-254-2003 du 19 décembre 2003, a confirmé l’application des taux de frais généraux du Guide de l’Office à ces ensembles.

[42] CN indique que le Guide de l’Office précise que les frais occasionnés par le matériel utilisé pour les travaux de construction, « incluant le matériel précâblé et/ou présassemblé », comme les ensembles de Safetran, comprennent deux volets :

Le prix d’achat réel (incluant la taxe de vente applicable) payé par la compagnie de chemin de fer pour un article quelconque.

Un taux de frais généraux de matériel qui couvre les frais liés à l’administration, à la supervision, à l’acquisition, à la comptabilité, ainsi qu’aux autres frais connexes tels que les frais de services publics. Ce taux comprend également les travaux de conception et d’ingénierie internes, les questions d’ordre juridique, les inspections et le contrôle de la qualité, et les activités de dédouanement.

L’annexe C du Guide indique le taux de frais généraux de matériel approprié, qui s’appliquera à tous les frais de matériel relatifs aux travaux de construction ou d’entretien imprévu.

[43] CN soutient que l’annexe C du Guide de l’Office prévoit un pourcentage de frais généraux à appliquer, lequel totalise 50 pour cent des frais de matériel.

[44] CN est en désaccord avec le fait que  la facture de Safetran est caractéristique d’un sous-traitant,  et fait valoir que même si la facture comporte une ventilation de la main-d’œuvre et du matériel utilisés pour fabriquer les ensembles précâblés, cette ventilation détaillée ne peut, en elle-même, transformer fondamentalement la nature d’un produit livrable final en un service. CN soutient qu’étant donné que les ensembles précâblés doivent être personnalisés et fabriqués sur mesure, les frais généraux associés à l’achat de tels ensembles devraient être supérieurs à ceux du matériel normalisé en série,  qui fait déjà incontestablement l’objet d’une attribution de frais généraux de 50 pour cent. CN explique que ce sont ses ingénieurs qui doivent fournir un avant-projet sommaire et d’autres spécifications à adapter à chaque emplacement où des ensembles précâblés doivent être installés.

[45] Par conséquent, CN maintient que la facture envoyée à MTQ est conforme au Guide de l’Office et que la part de frais de MTQ a été établie conformément au libellé explicite de l’arrêté. Par conséquent, MTQ doit verser la somme de 20 863,12 $, représentant 62,5 pour cent de la balance des coûts associés au Projet.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Contexte législatif

[46] En vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, l’Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l’entente ou une modification mentionnées au paragraphe 101(1) de la LTC, autoriser la construction d’un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l’entretien du franchissement. Dans le cas d’une répartition des coûts, le paragraphe 101(4) de la LTC oblige en outre l’Office à appliquer l’article 16 de la LSF. Cette disposition précise les critères dont l’Office doit tenir compte pour déterminer cette répartition.

[47] En règle générale, l’Office n’intervient pas lorsque des ententes aux termes de l’article 101 de la LTC ont été signées. L’Office estime que toute entente contractuelle conclue librement entre les parties les lie l’une à l’autre et les oblige à respecter les modalités de l’entente.

[48] L’Office a examiné la preuve au dossier et estime que les parties ont négocié et se sont entendues sur tous les aspects visant le Projet, y compris sur la question de la répartition des coûts, ainsi que sur les responsabilités afférentes au passage à niveau. Puisqu’une entente a été conclue, le paragraphe 101(4) de la LTC ne s’applique pas et l’Office ne peut donc pas intervenir quant à la répartition des coûts.  

[49] Aux termes du paragraphe 33(4) de la LTC, l’Office peut toujours faire exécuter lui-même ses décisions ou arrêtés, même s’ils ont été homologués par une cour. Puisque l’entente déposée en vertu du paragraphe 101(2) est assimilée à un arrêté de l’Office à des fins d’exécution, l’Office peut prendre compétence relativement à l’exécution de l’entente assimilée à un arrêté. L’Office note également que la clause 12 de l’entente contient une disposition reconnaissant la compétence de l’Office.

[50] La question soulevée dans la présente demande concerne l’interprétation de l’application du Guide de l’Office. La question dépasse de simples considérations d’ordre privé et par conséquent, l’Office juge approprié d’exercer la discrétion prévue au paragraphe 33(4) de la LTC.

Analyse

[51] L’Office note le point de vue de MTQ qui considère que les coûts qui lui sont facturés par CN devraient être facturés de la même façon qu’ils ont été facturés à Transports Canada. CN est d’avis que les coûts non remboursés par Transports Canada, mais engagés dans le cadre du Projet, doivent être inclus dans le montant applicable et répartis entre les parties selon les proportions prévues dans l’entente.

[52] L’Office est d’avis que les clauses 3 et 4 de l’entente établissent de façon non équivoque les responsabilités des parties concernant la répartition des coûts associés à la modification du système d’avertissement au passage à niveau. De plus, la clause 6 prévoit que CN établit ses comptes conformément aux coûts figurant dans le Guide de l’Office, tant pour les travaux de construction que pour ceux liés à l’entretien. Les coûts sont calculés sur la base des coûts établis dans le Guide de l’Office, après déduction du montant couvert par Transports Canada. Lorsque lues ensemble, ces clauses de l’entente indiquent clairement qu’une partie des coûts peut ne pas être couverte par Transports Canada, et être tout de même réclamée à MTQ par CN en conformité avec l’entente et le Guide de l’Office, dans les proportions établies aux clauses 3 et 4. Ainsi, l’entente prévoit la répartition de la balance des coûts associés à la modification du système d’avertissement au passage à niveau après la subvention de Transports Canada, en se servant du Guide de l’Office comme base de calcul des coûts. L’Office conclut donc que la décision de Transports Canada de ne pas couvrir certains coûts liés aux frais généraux dans le cadre de son programme de financement est externe à l’entente ainsi qu’au Guide de l’Office et n’est pas pertinente au règlement du présent différend.

[53] Le Guide de l’Office indique la façon dont les frais engagés pour les travaux aux  franchissements doivent être facturés. Plus précisément, la section du Guide de l’Office concernant les lignes directrices générales sur la facturation, à la page 5, prévoit que ces lignes directrices s’appliquent à tous les travaux effectués aux franchissements et définissent clairement l’imputation des frais engagés par une compagnie de chemin de fer.

[54] Pour les travaux d’entretien imprévu et pour les projets de construction, le Guide de l’Office établit que les compagnies de chemin de fer doivent facturer les heures réelles travaillées ainsi que les prix d’achat réels de matériaux utilisés pour le projet de construction et appliquer les taux de frais généraux applicables pour la main-d’œuvre précisés dans les annexes B (main-d’œuvre) et C (matériaux) du Guide de l’Office. À la suite de l’examen de la facture de CN, l’Office conclut que CN détaille clairement chaque item requis pour la construction du Projet et les frais généraux applicables, conformément au Guide de l’Office,

[55] De plus, l’Office est convaincu que la facture de CN identifie séparément les heures réelles travaillées, les taux horaires de main-d’œuvre, et le facteur improductif résultant par catégories d’employés ou par groupe correspondant pour chacune des journées de travail. CN identifie également les quantités, le prix et le facteur improductif résultant pour chaque item de matériel utilisé pour la réalisation du Projet.

[56] L’Office note les arguments de MTQ concernant l’utilisation des ensembles de Safetran ainsi que  la facturation faite par CN. MTQ soutient que  l’utilisation de ces ensembles constitue une forme de sous-traitance, et CN n’effectue pas le travail de conception, d’ingénierie et d’assemblage pour ces ensembles. Plus précisément, MTQ allègue que les ensembles de Safetran exigent des heures de main-d’œuvre et du matériel comme c’est le cas pour certains travaux effectués au moyen de la sous-traitance et que, par conséquent, les frais généraux d’équipement et de services faisant l’objet de contrats devraient s’appliquer.

[57] Tel qu’il est indiqué dans le Guide de l’Office, les taux de frais généraux pour la construction et l’entretien de franchissements reflètent la portion des coûts des nombreuses activités de chaque projet exécuté par la compagnie de chemin de fer afin de permettre et de soutenir les projets de construction et d’entretien. Ces coûts couvrent les frais d’administration généraux engagés pour la gestion de la compagnie de chemin de fer, les frais d’administration liés aux opérations ferroviaires et aux systèmes de communications de voies ferrées servant au Projet ainsi qu’une allocation au titre des avantages sociaux des employés et la gestion des locaux pour les employés travaillant directement pour le Projet ou fournissant des services de soutien, et les taxes connexes, les assurances et le fond de roulement. Les taux de frais généraux sont calculés à partir du modèle de l’Office des coûts ferroviaires.

[58] La section Lignes directrices générales sur la facturation du Guide de l’Office, plus précisément dans les sections des Frais de main d’œuvre et Frais de matériel, aux pages 6 et 7, prévoit que les frais généraux applicables doivent être appliqués aux heures réelles travaillées et aux prix d’achat réels de matériel utilisé pour chaque projet. De plus, le Guide de l’Office prévoit que le matériel précâblé et/ou préassemblé utilisé pour les travaux d’entretien imprévu ou de construction sont des items auxquels les frais généraux de matériel s’appliquent.

[59] En ce qui a trait aux arguments de MTQ sur la question de savoir si l’utilisation des ensembles de Safetran constitue une forme de sous-traitance qui occasionnera des frais généraux de 3 pour cent, l’Office est d’accord avec CN lorsqu’elle fait valoir que l’Office s’est déjà penché sur la question du matériel précâblé et a confirmé l’application des taux de frais généraux à ce matériel. À cet égard, le Guide de l’Office, à la page 7, indique clairement que les frais occasionnés par le matériel utilisé pour les travaux d’entretien imprévu ou de construction incluent le matériel précâblé et/ou présassemblé.

[60] L’information détaillée contenue dans la facture de CN démontre qu’après la déduction de la subvention reçue de Transports Canada, la balance des coûts de matériel pour le Projet est assujettie à l’application de frais généraux de matériel de 50 pour cent. L’Office conclut que cette application des frais généraux de 50 pour cent est conforme à l’entente et au Guide de l’Office.

[61] L’Office détermine que la méthode de facturation utilisée par CN dans la préparation de sa facture est conforme au Guide de l’Office. Plus précisément, l’Office a conclu que CN a correctement appliqué les frais généraux de matériel aux frais de matériaux utilisés pour le Projet, y compris les frais du matériel acheté de Safetran, conformément à l’entente conclue entre les parties et au Guide de l’Office.

CONCLUSION

[62] L’Office conclut que CN a établi le calcul des frais généraux conformément à l’entente et au Guide de l’Office.

Membre(s)

Jean-Denis Pelletier, ing.
J. Mark MacKeigan
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