Décision n° 29-C-A-2005

le 26 janvier 2005

le 26 janvier 2005

RELATIVE à une plainte déposée par Charanjit K. Gill contre Aeroflot - lignes aériennes russes concernant un dédommagement pour la perte de ses deux bagages enregistrés lors d'un voyage au départ de New Delhi, Inde, via Moscou, Russie à destination de Toronto (Ontario) Canada le 7 mars 2001.

Référence no M4370/A896/01-2


PLAINTE

[1] Le 3 juillet 2001, Charanjit K. Gill a déposé auprès du Commissaire aux plaintes relatives au transport aérien (ci-après le CPTA) la plainte énoncée dans l'intitulé. Toutefois, vu la nature réglementaire de la plainte, celle-ci a été transmise à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).

[2] Dans sa décision no LET-C-A-295-2002 du 8 octobre 2002, l'Office a demandé à Mme Gill de l'informer si elle désirait officiellement déposer sa demande devant l'Office, et, dans l'affirmative, si elle acceptait que les commentaires déposés auprès du CPTA tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office. L'Office a également demandé à Aeroflot - lignes aériennes russes (ci-après Aeroflot), de confirmer si elle consentait à ce que les commentaires qu'elle avait déposés auprès du CPTA tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office.

[3] Le 11 décembre 2002, Mme Gill a informé l'Office qu'elle désirait déposer officiellement sa demande devant l'Office et qu'elle acceptait que les commentaires déposés auprès du CPTA tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office.

[4] Le 12 décembre 2002, une copie de la réponse de Mme Gill a été envoyée à Aeroflot, et on a demandé au transporteur de confirmer, dans un délai de dix (10) jours, s'il acceptait que les commentaires qu'il avait déposés auprès du CPTA tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office. Aeroflot n'a pas répondu à cette demande. Toutefois, le 20 décembre 2002, Aeroflot a déposé une copie du formulaire de renonciation signé par Mme Gill le 19 octobre 2002, ainsi qu'une copie d'un chèque de 1 591,50 $CAN du 7 novembre 2002 et libellé à l'ordre de Mme Gill.

[5] Dans sa décision no LET-C-A-165-2004 du 23 juin 2004, l'Office a informé Aeroflot et Mme Gill que la compétence de l'Office dans cette affaire est énoncée aux paragraphes 110(4) et (5) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), qui prévoit qu'un transporteur doit mettre en application les conditions de transport énoncées dans son tarif. L'Office informe également les parties que conformément aux conditions visées énoncées dans le tarif des règles et des prix applicables au transport international de passagers d'Aeroflot NTA(A) no 210, de la Airline Tariff Publishing Company, Agent (ci-après le tarif d'Aeroflot), la responsabilité d'Aeroflot pour la perte de bagages se limite à 20 $ par kilogramme dans le cas de bagages enregistrés, à moins qu'une valeur supérieure ait été déclarée à l'avance et que les frais additionnels exigibles aient été payés, et qu'il semblait y avoir une incompatibilité sur le formulaire d'irrégularité déposé par Mme Gill concernant le poids de ses bagages perdus.

[6] Par conséquent, l'Office a demandé à Aeroflot de justifier pourquoi l'Office ne devrait pas déterminer qu'en payant à Mme Gill la somme de 1 591,50 $CAN pour la perte de 50 kilogrammes de bagages, Aeroflot avait contrevenu aux paragraphes 110(4) et (5) du RTA. L'Office a de plus demandé à Aeroflot de lui expliquer en quoi le formulaire de renonciation signé par Mme Gill le 19 octobre 2002 était conforme à l'article 23 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, modifié (ci-après la Convention de Varsovie).

[7] L'Office a accordé à Aeroflot trente (30) jours à compter de la date de réception de sa décision no LET-C-A-165-2004 du 23 juin 2004 pour déposer auprès de l'Office et signifier à Mme Gill ses commentaires traitant des questions soulevées dans cette décision. L'Office a donné à Mme Gill dix (10) jours à compter de la date de réception des commentaires d'Aeroflot pour déposer sa réponse auprès de l'Office.

[8] Le 19 juillet 2004, Aeroflot a déposé ses commentaires. Mme Gill n'a pas déposé de réponse.

[9] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

QUESTIONS

[10] L'Office doit déterminer si Aeroflot a appliqué les conditions à la limite de sa responsabilité à l'égard des bagages enregistrés spécifiée dans son tarif international, telles qu'exigées par les paragraphes 110(4) et 110(5) du RTA, et si le formulaire de renonciation signé par Mme Gill le 19 octobre 2002 et déposé auprès de l'Office par Aeroflot le 20 décembre 2002 est valide.

FAITS

[11] Mme Gill a voyagé sur le vol no 535 d'Aeroflot au départ de New Delhi vers Moscou et sur le vol no 303 de Moscou à Toronto le 7 mars 2001. Lors de son arrivée à Toronto, elle a découvert que ses deux bagages enregistrés manquaient. Mme Gill a déposé une plainte auprès du CPTA et a inclus avec sa lettre de plainte une copie de son billet d'avion et de son formulaire d'irrégularité déposés auprès d'Aeroflot lorsqu'elle a découvert que ses deux valises enregistrées n'étaient pas arrivées à Toronto avec elle. En guise de dédommagement, Aeroflot a offert à Mme Gill 1 591,50 $CAN. Celle-ci a signé un formulaire de renonciation indiquant qu'elle acceptait cette somme, qu'Aeroflot lui a ensuite versée.

POSITION DES PARTIES

[12] Aeroflot déclare que le dédommagement payé à Mme Gill était « strictement conforme » [traduction] à la Convention de Varsovie et au tarif d'Aeroflot. Le transporteur fait valoir que le dédommagement est fondé sur un poids total de 50 kilogrammes, et que le poids initial des bagages enregistrés sur le formulaire d'irrégularité original avait été « corrigé de façon illégitime » [traduction] pour indiquer 64 kilogrammes au lieu de 50 kilogrammes. Aeroflot ajoute que le dédommagement payé à Mme Gill est fondé sur un poids qui n'a pas été contesté par celle-ci lorsqu'elle a accepté le règlement d'Aeroflot. Le transporteur maintient qu'à cause de ces faits, l'allégation de l'Office voulant qu'Aeroflot aurait contrevenu à l'article 23 de la Convention de Varsovie est « de mauvaise mise » [traduction] et que la réouverture de l'instance par l'Office est hors de propos et déraisonnable. Mme Gill n'a pas réfuté la position d'Aeroflot.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[13] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné attentivement tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a aussi examiné les limites de responsabilité d'Aeroflot applicables au transport des bagages entre des points situés au Canada et des points à l'extérieur du Canada, selon le tarif en vigueur au moment de la plainte de Mme Gill.

[14] La compétence de l'Office dans cette affaire est décrite aux paragraphes 110(4) et (5) du RTA, qui prévoient ce qui suit :

110(4) Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

110(5) Il est interdit au transporteur aérien ou à ses agents d'offrir, d'accorder, de donner, de solliciter, d'accepter ou de recevoir un rabais, une concession ou un privilège permettant, par un moyen quelconque, le transport de personnes ou de marchandises à une taxe ou à des conditions qui diffèrent de celles que prévoit le tarif en vigueur.

[15] De plus, si un transporteur n'applique pas les prix ou conditions de transport figurant à son tarif, l'Office peut, conformément aux alinéas 113.1a) et b) du RTA :

  1. lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;
  2. lui enjoindre d'indemniser des personnes lésées par la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[16] L'Office a examiné le tarif d'Aeroflot déposé auprès de l'Office. La règle 55(C)(3)(b) du tarif en vigueur le 7 mars 2001 prévoit que :

[Traduction] Toute responsabilité du transporteur se limite à 20 $ (250 francs français constitués par soixante-cinq et demi milligrammes d'or au titre de neuf cents millièmes de fin) par kilogramme dans le cas de bagages enregistrés et de 400 $ (5 000 francs-or français) par passager dans le cas de bagages non enregistrés ou d'autres biens, à moins qu'une valeur plus élevée ait été déclarée à l'avance et que les frais additionnels requis aient été payés conformément aux règlements du transporteur. Dans de tels cas, la responsabilité du transporteur se limite à la valeur plus élevée ainsi déclarée. La responsabilité du transporteur ne dépassera en aucun cas la perte réelle subie par le passager. Toutes les réclamations sont sujettes à l'obtention d'une preuve de la valeur de la perte subie.

[17] La disposition précitée reproduit essentiellement l'article 22 de la Convention de Varsovie qui a force de loi au Canada en vertu de la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C-26.

[18] De plus, l'Office note que l'article 23 de la Convention de Varsovie prévoit en partie que :

(1) Toute clause tendant à exonérer le transporteur de sa responsabilité ou à établir une limite inférieure à celle qui est fixée dans la présente Convention est nulle et de nul effet, mais la nullité de cette clause n'entraîne pas la nullité du contrat qui reste soumis aux dispositions de la présente Convention.

[19] L'Office prend note que sur la télécopie du billet d'avion de Mme Gill envoyée à l'Office, quelqu'un a écrit à la main en gros caractères à l'aide d'un crayon marqueur « 2/50 » sur le texte imprimé du billet. L'Office est d'avis qu'une telle note indique généralement le nombre de bagages et le poids combiné des bagages accompagnant le voyageur. Une très petite note écrite à la main à côté de celle indiquant « 2/50 » semble indiquer « 64 », mais étant donné la qualité de la télécopie envoyée à l'Office et le style de la note, l'indication « 64 » pourrait également être perçu comme étant « kg ». Les mêmes notes écrites à la main apparaissent sur la télécopie du formulaire d'enregistrement des bagages déposée à l'Office par Aeroflot. De plus, sur le formulaire d'irrégularité, dans la boîte réservée à l'identification du nombre de bagages accompagnant le voyageur, le chiffre « 2 » identifie clairement le nombre de bagages. Cependant, dans la boîte réservée au poids des bagages, le chiffre semble avoir été modifié, démontrant au départ le chiffre « 50 » qui a été changé à « 64 ».

[20] Aeroflot déclare qu'elle a utilisé un poids de 50 kilogrammes dans le calcul du dédommagement qu'elle a payé à Mme Gill. L'Office prend note que Mme Gill ne s'est pas objectée à ce calcul.

[21] En se fondant sur la formule énoncée dans le tarif d'Aeroflot en date du 7 novembre 2002, date où le chèque d'Aeroflot a été libellé au nom de Mme Gill, la responsabilité d'Aeroflot pour la perte de bagages perdus au poids de 50 kilogrammes se limitait à 1 553 $CAN, et sa responsabilité pour un poids de 64 kilogrammes se limitait à 1 987,84 $CAN.

[22] L'Office a examiné attentivement le formulaire d'irrégularité, les billets et le formulaire d'enregistrement des bagages et il a pris en considération l'argument d'Aeroflot selon lequel le formulaire d'irrégularité original avait été modifié de « façon illégitime » dans le but d'indiquer 64 kilogrammes au lieu de 50. L'Office prend note que Mme Gill n'a fourni aucune preuve pouvant réfuter la position d'Aeroflot en tout état de cause. L'Office ajoute qu'étant donné les différences dans la documentation concernant le poids des bagages perdus de Mme Gill, il ne peut déterminer si le poids réel était de 50 ou de 64 kilogrammes. Vu l'absence de toute autre preuve, et vu que Mme Gill a accepté le paiement et signé un formulaire de renonciation, l'Office est d'avis qu'il n'est pas déraisonnable que le dédommagement soit fondé sur un poids de 50 kilogrammes.

[23] À la lumière de ce qui précède, l'Office juge qu'Aeroflot a appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif concernant les limites de responsabilité pour les bagages enregistrés en versant à Mme Gill une indemnité de 1 591,50 $CAN en dédommagement pour la perte de ses bagages au poids de 50 kilogrammes.

[24] À la lumière des constatations qui précèdent, la question de la validité du formulaire de renonciation signé par Mme Gill le 19 octobre 2002 est sans objet.

CONCLUSION

[25] Compte tenu de ce qui précède, l'Office rejette, par les présentes, la plainte.

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