Décision n° 296-R-2011
PLAINTE déposée par Transport Action Ontario au sujet de la cessation de l’exploitation ferroviaire sur la subdivision Chalk River entre les points milliaires 0,5 et 115,3 et sur la subdivision North Bay entre les points milliaires 0,0 et 70,0, dans la province d’Ontario.
Introduction
[1] Le 6 juin 2011, Transport Action Ontario (TAO) a déposé une plainte officielle auprès de l’Office des transports du Canada (Office) à l’issue d’un échange de correspondance initial entre l’Office et les parties. Dans sa plainte, TAO affirme que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) ne s’est pas conformée à la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) lorsqu’elle a cessé son exploitation ferroviaire sur la subdivision Chalk River entre les points milliaires 0,5 et 115,3 et sur la subdivision North Bay entre les points milliaires 0,0 et 70,0, étant donné que les lignes de chemin de fer n’étaient pas désignées comme faisant l’objet d’une cessation d’exploitation dans le Plan triennal de CP, comme le prescrit l’article 141 de la LTC.
[2] TAO affirme avoir déposé sa plainte dans l’intérêt public pour que la procédure réglementaire de cessation d’exploitation soit respectée en l’occurrence, pour clarifier les règles de toute cessation d’exploitation future et pour empêcher que des procédures contraires aux règles ne deviennent des précédents.
Question
[3] L’Office doit déterminer si CP s’est conformée à la procédure énoncée dans la LTC pour ce qui est de cesser l’exploitation de lignes de chemin de fer.
Contexte
Location des lignes de chemin de fer
[4] En 1996, CP a loué ses lignes de chemin de fer reliant Smiths Falls à Coniston (près de Sudbury) et reliant Mattawa à Temiscaming à Trans-Ontario Railway Company Limited (désormais RaiLink Canada Ltd.), qui a exploité ces lignes sous le nom d’Ottawa Valley Railway jusqu’à ce que RaiLink Canada Ltd. résilie la convention de bail.
Restitution des lignes à CP
Les lignes de chemin de fer en question ont été restituées à CP à deux dates différentes.
[5] Le premier tronçon des lignes de chemin de fer à restituer, soit la subdivision Chalk River entre les points milliaires 0,5 et 104,0 (de Scott à Camspur, près de Petawawa), a été restitué à CP le 18 décembre 2009. Au cours de la période du 1er au 4 février 2010, CP a fait connaître le fait que ce tronçon des lignes pouvait faire l’objet d’une vente, d’un bail ou d’un transfert en vue de la continuation de son exploitation, aux termes de l’article 143 de la LTC. CP déclare qu’elle a reçu deux déclarations d’intérêt, mais qu’aucune entente n’a été conclue dans le délai de six mois prescrit par le paragraphe 144(4) de la LTC. Le 6 octobre 2010, CP a avisé les gouvernements fédéral et provincial, une administration locale de transport en commun (OC Transpo) et les municipalités concernées de son offre de transférer ses intérêts pour ce tronçon des lignes de chemin de fer, et chaque ordre s’est vu accorder 30 jours pour accepter l’offre, aux termes de l’article 145 de la LTC. CP n’a reçu aucune offre.
[6] Deux autres tronçons à restituer dans le deuxième cas, la subdivision Chalk River entre les points milliaires 104,0 et 115,3 (de Camspur à Chalk River) et la subdivision North Bay entre les points milliaires 0,0 et 70,0 (de Chalk River à Mattawa), ont été restitués à CP le 11 avril 2010. Le 19 avril 2010, CP a fait connaître le fait que ces tronçons de lignes de chemin de fer pouvaient faire l’objet d’une vente, d’un bail ou d’un transfert en vue de la continuation de leur exploitation. CP déclare avoir reçu deux déclarations d’intérêt, mais qu’aucune entente n’a été conclue dans le délai de six mois. Le 13 janvier 2011, CP a avisé le gouvernement provincial et les municipalités concernées de son offre de transférer ses intérêts pour les lignes de chemin de fer, et chaque ordre s’est vu accorder 30 jours pour accepter l’offre. CP n’a reçu aucune offre.
[7] Le 30 mai 2011, CP a déposé auprès de l’Office des avis de cessation d’exploitation pour les lignes de chemin de fer en question, en vertu du paragraphe 146(1) de la LTC.
La loi
[8] La section V de la partie III de la LTC énonce les dispositions régissant les transferts et la cessation de l’exploitation de lignes de chemin de fer.
Positions des parties
[9] TAO prétend que CP n’a pas respecté la procédure de cessation d’exploitation énoncée dans la LTC en raison de son défaut de mentionner les lignes de chemin de fer en question dans son Plan triennal du réseau ferroviaire, comme le prescrit le paragraphe 141(1) de la LTC. TAO indique que l’exemption prévue au paragraphe 146.01(2) de la LTC, qui soustrait une compagnie de chemin de fer à l’obligation que lui impose le paragraphe 142(2) de la LTC de ne pas cesser l’exploitation d’une ligne de chemin de fer avant qu’elle n’ait fait part de son intention d’en cesser l’exploitation dans son plan triennal du réseau ferroviaire pendant au moins douze mois, ne s’applique pas à l’obligation que contient le paragraphe 141(1). TAO fait valoir qu’étant donné que CP ne s’est pas conformée au paragraphe 141(1) de la LTC, les mesures que CP a prises en vertu des articles 143 et 145 doivent être répétées.
[10] TAO affirme que si les lignes avaient été mentionnées dans le Plan triennal de CP comme devant faire l’objet d’une cessation d’exploitation, les renseignements auraient été à la disposition du public aux fins de consultation, comme le prescrit le paragraphe 141(2) de la LTC, et CP aurait signifié les avis prescrits de modification de son Plan aux parties mentionnées dans le paragraphe 141(2.1). TAO maintient que CP est tenue de se conformer au processus de cessation d’exploitation et de répéter les étapes du processus. TAO a également demandé à l’Office d’interdire à CP d’enlever ou d’entraver les infrastructures ferroviaires tant que sa plainte n’aura pas été entendue.
[11] CP affirme qu’elle est dispensée de mentionner les lignes dans son Plan triennal, car le paragraphe 146.01(2) de la LTC prévoit une exemption pour les lignes qui ont été transférées et qui ont été restituées à la compagnie de chemin de fer qui les a transférées. Lorsqu’une ligne de chemin de fer est restituée, la compagnie de chemin de fer a 60 jours pour rétablir l’exploitation de la ligne ou suivre le processus énoncé aux articles 143 à 145 de la LTC. CP indique qu’étant donné qu’elle a choisi la seconde option, et qu’elle a suivi les mesures énoncées aux articles 143 à 145 de la LTC, elle n’est pas assujettie à l’obligation énoncée au paragraphe 142(2) de la LTC. CP affirme que l’article 141 constitue une obligation imposée à la compagnie de chemin de fer à l’égard de l’exploitation des lignes de chemin de fer et que ces lignes en sont exclues, compte tenu des dernières dispositions du paragraphe 146.01(2), à savoir que la compagnie de chemin de fer n’a aucune obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation de la ligne de chemin de fer.
Analyse et constatations
Compétence
[12] L’Office a la compétence nécessaire pour entendre cette plainte aux termes des articles 26 et 37 de la LTC. L’article 26 prévoit que l’Office peut ordonner à quiconque d’accomplir un acte ou de s’en abstenir lorsque l’accomplissement ou l’abstention sont prévus par la LTC. L’article 37 de la LTC stipule que l’Office peut enquêter sur une plainte, l’entendre ou en décider lorsqu’elle porte sur une question relevant d’une loi fédérale qu’il est chargé d’appliquer en tout ou en partie.
Le cas présent
[13] Le paragraphe 146.01(1) de la LTC prévoit que, si une ligne de chemin de fer ou les droits d’exploitation d’une telle ligne font retour à la compagnie de chemin de fer qui les avait transférés, la compagnie peut soit reprendre l’exploitation de la ligne ou se conformer au processus établi en vertu des articles 143 à 145. Le paragraphe 146.01(2) de la LTC stipule que si la compagnie de chemin de fer choisit de suivre le processus établi en vertu des articles 143 à 145 en l’occurrence, la compagnie n’est alors pas assujettie au paragraphe 142(2) à l’égard de la ligne ou des droits d’exploitation, et elle n’a pas d’obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation de la ligne de chemin de fer. Le paragraphe 142(2) prévoit qu’une compagnie de chemin de fer ne peut cesser d’exploiter une ligne de chemin de fer que si son intention de ce faire a figuré à son plan triennal (comme le prévoit l’article 141 de la LTC) pendant au moins douze mois.
[14] En l’occurrence, CP a transféré les droits d’exploitation des lignes de chemin de fer en question en vertu d’une convention de bail conclue avec RaiLink Canada Ltd. en 1996. Comme il est précédemment mentionné, les droits d’exploitation de ces lignes ont été restitués à CP le 18 décembre 2009 et le 11 avril 2010. CP a décidé de ne pas reprendre l’exploitation desdites lignes. Ainsi, conformément au paragraphe 146.01(2) de la LTC, CP était tenue de suivre le processus énoncé aux articles 143 à 145 et n’est pas assujettie à l’exigence du paragraphe 142(2) de la LTC.
[15] CP affirme avoir suivi le processus énoncé aux articles 143 à 145 de la LTC. TAO ne prétend pas que CP n’a pas suivi le processus; TAO maintient plutôt que CP est tenue d’indiquer les lignes dans son Plan triennal conformément à l’article 141 de la LTC étant donné que même si le paragraphe 146.01(2) dispense expressément CP d’avoir à se conformer au paragraphe 142(2), il ne la dispense pas de se conformer à l’article 141. TAO fait valoir qu’étant donné que CP ne s’est pas conformée à l’article 141 de la LTC, elle doit le faire dès maintenant et suivre le processus prescrit par les articles 143 à 145 de la LTC.
[16] L’Office juge que la position de TAO n’est pas recevable. L’article 141 prévoit que chaque compagnie de chemin de fer est tenue de mettre à jour un plan énumérant, pour les trois années suivantes, les lignes de chemin de fer qu’elle entend continuer à exploiter et celles dont elle entend cesser l’exploitation. Manifestement, cet article impose aux compagnies de chemin de fer l’obligation de dresser une liste des lignes de chemin de fer dont elles assurent l’exploitation, et de celles qu’elles entendent continuer d’exploiter ou celles qu’elles ont l’intention de cesser d’exploiter.
[17] Le paragraphe 141(3) de la LTC énonce qu’une compagnie de chemin de fer peut transférer, notamment par vente ou bail, ses droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne en vue de la continuation de son exploitation. Le paragraphe 146(2) de la LTC stipule qu’en cas de transfert – notamment par vente ou bail – par la compagnie de la ligne ou de droits qu’elle y détient, en vertu d’une convention résultant du processus établi en vertu des articles 143 à 145 ou autrement, la compagnie cessionnaire n’a plus d’obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation de la ligne, et ce à compter de la date de signature de l’acte de transfert.
[18] L’Office est d’avis que les paragraphes 141(3) et 146(2) de la LTC autorisent une compagnie de chemin de fer à transférer une ligne de chemin de fer en vue de la continuation de son exploitation à tout moment, peu importe que le transfert soit ou non survenu à la suite du processus prévu aux articles 141 à 145 de la LTC. Cela ressort clairement de la formulation « en cas de transfert […] en vertu d’une convention résultant du processus établi en vertu des articles 143 à 145 ou autrement » que contient le paragraphe 146(2) de la LTC. De plus, le paragraphe 146(2) stipule qu’une fois qu’une ligne de chemin de fer a été transférée, la compagnie de chemin de fer n’a plus d’obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation de la ligne, et ce à compter de la date de signature de l’acte de transfert.
[19] Ainsi, à compter de la date où CP a transféré par bail les lignes de chemin de fer à RaiLink Canada Ltd., CP n’avait plus d’obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation de ces lignes. Lors de la restitution des lignes de chemin de fer à l’expiration du bail, CP n’a pas exploité les lignes ni n’en a repris l’exploitation. CP a décidé de suivre le processus prescrit par les articles 143 à 145 de la LTC et, par conséquent, elle n’avait aucune obligation en vertu de la LTC relativement à l’exploitation des lignes de chemin de fer. De ce fait, CP n’était pas tenue de se conformer à l’article 141 de la LTC, car il n’est pas possible de déduire qu’elle avait l’intention de poursuivre ou de cesser l’exploitation des lignes de chemin de fer. Dans ce cas, le paragraphe 146.01(1) de la LTC impose à CP l’obligation de se conformer aux articles 143 à 145 de la LTC, ce qu’elle a fait.
Conclusion
[20] À la lumière des constatations qui précèdent, l’Office conclut que CP s’est conformée au processus de transfert et de cessation d’exploitation énoncé à la section V de la partie III de la LTC et qu’elle n’était pas tenue de mentionner ces lignes de chemin de fer dans son Plan triennal.
[21] Par conséquent, l’Office rejette la plainte déposée par TAO.
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