Décision n° 305-AT-A-2005
le 13 mai 2005
DEMANDE présentée par Jean-Frédéric Nazon en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement au niveau d'assistance avec fauteuil roulant qui lui a été fourni par Air Canada à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Londres, en Angleterre, et lors de son vol de retour en provenance de Genève en Suisse à Francfort en Allemagne, puis de Francfort à Toronto (Ontario), au Canada.
Référence no U3570/05-4
DEMANDE
[1] Le 14 juillet 2004, Jean-Frédéric Nazon a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Le 16 juillet 2004, une lettre accusant réception de la demande a été envoyée aux parties. La lettre indiquait également que la Cour supérieure de justice de l'Ontario avait rendu une ordonnance suspendant toutes les instances auxquelles Air Canada était partie, y compris certaines de ses filiales. Ainsi, l'Office s'est vu imposer des contraintes quant au traitement des demandes visant Air Canada.
[3] Le 1er octobre 2004, M. Nazon a été avisé que la suspension imposée par l'ordonnance de la Cour supérieure de justice de l'Ontario avait pris fin le 30 septembre 2004 et que l'Office pouvait dès lors traiter les demandes ou poursuivre les enquêtes visant Air Canada. M. Nazon devait toutefois confirmer s'il désirait que l'Office poursuive son enquête relativement à sa demande ou s'il préférait retirer sa demande.
[4] À défaut d'une réponse de la part de M. Nazon, l'Office, par la décision no LET-AT-A-322-2004 du 22 novembre 2004, lui a enjoint de faire connaître ses intentions concernant sa demande au plus tard le 6 décembre 2004, sinon son dossier serait clos. N'ayant toujours par reçu de réponse de M. Nazon, l'Office, le 14 décembre 2004, lui a fait savoir que son dossier était clos.
[5] Le 13 janvier 2005, M. Nazon a indiqué qu'il n'avait pas donné suite à la décision précitée en raison d'une absence prolongée et qu'il désirait rouvrir son dossier.
[6] Dans sa décision no LET-AT-A-40-2005 du 28 janvier 2005, l'Office acceptait de rouvrir le dossier de M. Nazon et de procéder à l'enquête relativement à sa demande. L'Office avisait les parties que seul le point concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant serait traité, étant donné que les autres points soulevés dans la demande relevaient soit du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, soit de Transports Canada.
[7] Le 23 février 2005, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 15 mars 2005 pour déposer sa réponse, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-AT-A-64-2005 du 25 février 2005. Le 11 mars 2005, Air Canada a déposé sa réponse, y compris le dossier passager (ci- après le DP) de M. Nazon. Le 16 mars 2005, M. Nazon a déposé sa réplique.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[8] Dans sa demande, M. Nazon indique que l'on aurait dû lui permettre d'accéder au salon « Feuille d'érable » d'Air Canada. Ces salons assurent une attente plus confortable aux clients du transporteur. Cependant, parce que le nombre de places dans ces salons est limité, ils ne sont pas accessibles à tous les passagers. Ce service ne fait pas partie des services reliés au billet acheté par M. Nazon. L'Office accepte l'argument d'Air Canada que l'accès au salon « Feuille d'érable » ne fait pas partie du contrat de transport passé avec M. Nazon et, par conséquent, il n'en tiendra pas compte dans le cadre de son examen de la présente affaire.
QUESTION
[9] L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qui a été fourni à M. Nazon par Air Canada à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Londres et lors de son vol de retour de Genève à Francfort, puis de Francfort à Toronto, a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives doivent être prises.
FAITS
[10] M. Nazon est aveugle au sens de la loi. Les préparatifs du voyage de M. Nazon ont été faits par l'entremise d'une agence de voyages. L'assistance avec fauteuil roulant a été demandée pour M. Nazon.
[11] M. Nazon a pris place à bord des vols suivants :
De Toronto à Londres (Heathrow) | 20 avril 2004 | AC 856 | 1815 | 0625 |
---|---|---|---|---|
De Londres (Heathrow) à Bruxelles | 21 avril 2004 | AC 6600 | 0825 | 1035 |
De Genève à Francfort | 27 avril 2004 | LH3677 | 1500 | 1615 |
De Francfort à Toronto | 27 avril 2004 | AC 877 | 1705 | 1945 |
[12] À l'arrivée de son vol à l'aéroport de Londres le 21 avril 2004, M. Nazon a attendu environ 30 minutes avant qu'on lui prête assistance avec fauteuil roulant.
[13] À l'arrivée de son vol à l'aéroport de Toronto le 27 avril 2004, M. Nazon a été laissé seul dans l'aérogare terminale appelée « in-field » et, après avoir attendu environ une heure, il a demandé de l'assistance à une employée.
[14] Air Canada a un système informatique qui génère un DP contenant de l'information à propos des passagers, y compris les passagers ayant des besoins précis. Dans le cas présent, le besoin d'assistance de M. Nazon était indiqué dans son DP, lequel comprenait de multiples entrées pour des demandes de services spéciaux (ci-après SSR), avec les codes et la remarque qui suivent :
- SSRWCHRACKK1
- SSRWCHRACHK1
- SSRMAASACPN1 LOWER VISION
[15] Le code « WCHR » signifie, selon le Passenger Services Conference Resolutions Manual de l'Association du transport aérien international (ci-après l'IATA), que le passager peut monter/descendre des marches et se rendre jusqu'à son siège et le quitter, mais nécessite de l'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter, c'est-à-dire sur l'aire de trafic, une passerelle d'embarquement ou jusqu'à une salle d'embarquement mobile, selon le cas. Le code « MAAS » signifie, selon l'IATA, que l'on doit accueillir et aider le passager (et préciser l'aide requise).
POSITIONS DES PARTIES
[16] M. Nazon indique que lors de la réservation, il a demandé l'assistance avec fauteuil roulant. M. Nazon allègue qu'il signale toujours au moment de la réservation et au départ de chaque vol qu'on doit lui prêter assistance avec fauteuil roulant au point de destination.
[17] M. Nazon mentionne qu'à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Londres, il a été contrarié par le fait qu'un seul employé avait été chargé de prêter assistance aux 7 ou 8 passagers qui l'avaient demandé. Il estime donc qu'il n'a pas reçu l'aide demandée lors de la réservation. Dans sa réplique, M. Nazon précise qu'il a accepté de céder le fauteuil roulant qui lui était destiné à une personne âgée. Pendant que l'agent s'occupait des besoins d'autres passagers, il s'est vu contraint d'attendre 30 minutes dans l'aérogare.
[18] Pour ce qui est de son voyage de retour, M. Nazon soumet que l'absence totale d'un agent à l'arrivée de la navette utilisée dans l'aéroport de Francfort constitue une grave lacune.
[19] M. Nazon soumet également qu'à l'aéroport de Toronto, il a été abandonné pendant près d'une heure dans l'aérogare terminale « in-field », une attente qu'il trouve inacceptable. M. Nazon indique qu'afin de ne pas passer la nuit dans l'aérogare en question, il a demandé l'aide d'une employée qui passait par là.
[20] Air Canada soumet que le fichier de réservation, lequel a été complété par une agence de voyages, indique que M. Nazon a une vue faible et qu'il nécessite un fauteuil roulant pour les longues distances.
[21] Air Canada indique que des agents passagers sont affectés pour chaque vol afin d'accueillir les passagers ayant besoin d'assistance et que, pour de plus longues distances, souvent des petites voiturettes sont utilisées. Air Canada précise que c'est la cas à Londres pour certains trajets. Air Canada ajoute qu'elle affecte le personnel nécessaire pour répondre aux besoins identifiés et qu'un agent n'est pas nécessairement affecté pour chaque passager. De plus, il est possible que les passagers ayant requis l'assistance avec fauteuil roulant pour les longues distances doivent attendre un peu.
[22] Air Canada mentionne, en ce qui a trait au vol de retour, que le vol entre Genève et Francfort n'était pas assuré par Air Canada.
[23] Concernant l'arrivée à Toronto, Air Canada indique que tous les vols internationaux doivent atterrir à l'aérogare terminale « in-field ». Air Canada soumet que des agents passagers sont affectés pour chaque vol afin d'assurer le transfert en fauteuil roulant des passagers nécessitant le service, et ce de la porte d'embarquement jusqu'aux navettes. Air Canada ajoute que d'autres agents accueillent les passagers à la sortie de la navette. Finalement, Air Canada indique qu'il semble, par les propos de M. Nazon, que ce dernier a choisi de ne pas attendre l'agent.
[24] Air Canada mentionne que l'heure d'arrivée du vol de M. Nazon correspond à une heure de très grand achalandage à l'aérogare terminale « in-field » où de nombreux vols internationaux y atterrissent et partent.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[25] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[26] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. M. Nazon est aveugle au sens de la loi et requiert, lorsqu'il voyage, l'assistance en fauteuil roulant. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[27] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[28] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[29] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Niveau d'assistance à l'aéroport de Londres
[30] La demande de M. Nazon pour l'assistance avec fauteuil roulant a été faite à l'avance et inscrite au DP. Air Canada était donc au courant de la demande de M. Nazon. À l'arrivée de son vol à l'aéroport de Londres, M. Nazon a volontairement accepté qu'on prête assistance à une personne âgée à l'aide du fauteuil roulant qui lui avait été destiné. De ce fait, et parce qu'il n'y avait qu'un seul agent pour accueillir les 7 ou 8 voyageurs qui avaient besoin d'aide, M. Nazon a attendu environ 30 minutes avant d'obtenir l'assistance demandée. L'Office estime que M. Nazon est en grande partie responsable de cette attente et qu'il ne peut en imputer la responsabilité au transporteur.
[31] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que le niveau d'assistance reçu par M. Nazon à l'aéroport de Londres n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Niveau d'assistance à Francfort
[32] En ce qui concerne le vol entre Genève et Francfort, il appert de l'information obtenue du document intitulé « Official Airline Guide » que ce vol, effectué par Lufthansa Cityline Gmbh, relevait de Lufthansa German Airlines. Ce vol ne relevait donc pas d'Air Canada et, par conséquent, l'Office rejette cette partie de la demande.
Niveau d'assistance à Toronto
[33] La demande de M. Nazon pour de l'assistance avec fauteuil roulant a été faite à l'avance et inscrite à son DP. Air Canada en était donc au courant. Dans sa demande, M. Nazon a mentionné qu'à son arrivée à Toronto, il a été laissé seul dans l'aérogare terminale « in-field » pendant près d'une heure.
[34] Air Canada a indiqué qu'elle a des procédures en place pour l'arrivée des vols internationaux et que des agents passagers sont affectés pour chaque vol afin d'assurer le transfert en fauteuil roulant des passagers nécessitant le service, et ce de la porte d'embarquement jusqu'aux navettes. Air Canada a ajouté qu'à la sortie de la navette, d'autres agents accueillent les passagers. Air Canada a fait également remarquer que l'heure d'arrivée du vol de M. Nazon à Toronto correspond à une heure de très grand achalandage à l'aérogare terminale « in-field » en raison des nombreux départs et arrivées de vols internationaux. L'Office remarque qu'Air Canada a noté des propos de M. Nazon qu'il semble que M. Nazon a choisi de ne pas attendre l'agent à sa descente de la navette. M. Nazon, dans sa réplique, n'a pas réfuté cette allégation, se contentant simplement d'indiquer qu'il a été abandonné après l'arrivée de la navette à l'aérogare terminale « in-field ».
[35] À la lumière de ce qui précède et en l'absence d'une preuve prépondérante quant aux allées et venues de M. Nazon à son arrivée à l'aéroport de Toronto, l'Office conclut que le niveau d'assistance reçu par M. Nazon à Toronto n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
[36] Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office conclut que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qui a été fourni à M. Nazon par Air Canada n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, l'Office n'envisage aucune mesure corrective relativement à la présente affaire.
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