Décision n° 319-C-A-2006

le 1 juin 2006

RELATIVE à une plainte déposée par Darren et Beth Jakubec concernant le décès de leur chien de compagnie, Sila, durant le transport par Air Canada entre Smithers (Colombie-Britannique) et Winnipeg (Manitoba), via Vancouver (Colombie-Britannique) le 4 janvier 2004.

No de référence : 
M4370/04-7454

DEMANDE

[1] Le 13 décembre 2004, Darren et Beth Jakubec (ci-après les plaignants) ont déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.

[2] Dans la décision no LET-C-A-64-2006 du 9 mars 2006, l'Office a formulé quelques constatations préliminaires en ce qui concerne l'affaire susmentionnée et a donné à Air Canada ainsi qu'aux plaignants l'occasion de formuler des commentaires concernant ses constatations préliminaires dans un délai de dix (10) jours suivant la date de réception de la décision. L'Office a aussi enjoint à Air Canada de lui justifier pourquoi certaines mesures ne devraient pas être prises. De plus, l'Office a offert aux plaignants et à Air Canada l'occasion de formuler des commentaires concernant le mémoire présenté par l'autre partie dans un délai de dix (10) jours suivant la réception de ce mémoire.

[3] Le 17 mars 2006, les plaignants ont demandé une prolongation jusqu'au 31 mars 2006 pour déposer leur mémoire. Dans la décision no LET-C-A-78-2006 du 20 mars 2006, l'Office a accordé cette prolongation. Le 21 mars 2006, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 9 avril 2006 pour déposer son mémoire. Dans la décision no LET-C-A-84-2006 du 24 mars 2006, l'Office a accordé cette prolongation. Le 31 mars 2006, les plaignants et Air Canada ont déposé leurs mémoires respectifs. Le 10 avril 2006, les plaignants ont déposé des commentaires concernant le mémoire d'Air Canada et le 12 avril 2006, Air Canada a déposé ses commentaires.

[4] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 1er juin 2006.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

[5] Bien que le mémoire d'Air Canada du 12 avril 2006 ait été déposé après le délai prescrit et qu'il répondait au mémoire des plaignants du 10 avril 2006, au lieu du mémoire du 31 mars 2006, comme l'exigeait la décision no LET-C-A-64-2006, l'Office, en vertu de l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, accepte le mémoire d'Air Canada le jugeant pertinent et nécessaire à l'examen de la présente affaire.

QUESTION

[6] L'Office doit déterminer si certaines dispositions du tarif d'Air Canada régissant les voyages intérieurs, à savoir le Canadian Domestic General Rules Tariff (Tarif des règles générales applicables au transport intérieur au Canada), publié par la Airline Tariff Publishing Company, Agent (ci-après le tarif d'Air Canada), sont déraisonnables et injustement discriminatoires au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

DANS LE CAS PRÉSENT

[7] Dans le cadre de la présente décision, l'Office fera connaître sa position finale à propos des constatations préliminaires qu'il a faites dans la décision no LET-C-A-64-2006, se fondant sur son analyse des éléments de preuve qui lui ont été soumis comme suite aux constatations formulées dans la décision précitée.

[8] La présente décision sera structurée de manière à décrire la question visée, les constatations préliminaires y reliées, les mémoires des parties en réponse à la demande de justification de l'Office et les constatations finales ainsi que la conclusion de l'Office.

Les exclusions de responsabilité d'Air Canada à l'égard du transport des animaux

Constatation préliminaire de l'Office

[9] L'Office a formulé une constatation préliminaire selon laquelle les exclusions de responsabilité à l'égard du transport des animaux ne sont pas déraisonnables en raison de la fragilité inhérente des êtres vivants et des difficultés occasionnelles associées au transport dans la soute inférieure de l'aéronef qui pourraient avoir un impact négatif sur le bien-être de ces animaux. À cet égard, l'Office a reconnu les arguments d'Air Canada, qui fait valoir qu'un animal pourrait se blesser ou tomber malade lors du transport dans la soute inférieure de l'aéronef ou pourrait subir les effets néfastes d'articles contenus dans les bagages d'autres passagers qui pourraient être nuisibles, ce sur quoi Air Canada n'a aucun contrôle.

Positions des parties

Position des plaignants

[10] Les plaignants font valoir que la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC prévoit en partie que les liaisons assurées par chaque transporteur s'effectuent, dans la mesure du possible, selon des modalités qui ne constituent pas un désavantage injuste, mis à part le désavantage inhérent aux lieux desservis, à l'importance du trafic, à l'ampleur des activités connexes ou à la nature du trafic ou du service en cause. Les plaignants soutiennent qu'il n'y a rien d'inhérent au transport des animaux qui exige ou rend raisonnable une exclusion générale de responsabilité si un animal devait subir un préjudice lors de son transport par un transporteur aérien. Ils ajoutent qu'il ne serait pas impossible d'obliger les transporteurs à accepter une part de responsabilité de ce préjudice, notamment lorsqu'on peut prouver que celui-ci est le résultat d'actions ou d'omissions d'un transporteur, ou à l'inverse lorsqu'on ne peut prouver que le préjudice a été causé par autre chose.

[11] Les plaignants soutiennent que les exclusions de responsabilité d'Air Canada sont déraisonnables puisqu'elles sont abusives. À cet égard, ils affirment qu'il existe une inégalité claire dans le pouvoir de négociation entre les clients et les transporteurs aériens puisque, par exemple, le transport aérien est souvent le seul moyen viable de voyager sur de longues distances ou vers certaines destinations, comme les régions éloignées. Les plaignants maintiennent que cette inégalité est plus marquée lorsqu'un transporteur assure les seuls services aériens vers une destination.

[12] En ce qui concerne les risques inhérents associés au transport des animaux, les plaignants font valoir qu'Air Canada n'a présenté aucune preuve qui laissait entendre que les animaux sont des êtres fragiles en soi. Ils affirment également qu'il est permis de penser que les êtres humains sont aussi fragiles que les autres « êtres vivants » lorsqu'ils voyagent par avion, mais Air Canada n'a pas choisi de se soustraire à sa responsabilité si un être humain tombait malade, se blessait ou décédait lors de son voyage par avion. Les plaignants soutiennent que si on considère que les animaux transportés dans la soute inférieure de l'aéronef sont exposés à de plus grands risques que s'ils étaient transportés dans la cabine de l'aéronef, la responsabilité d'Air Canada devrait être accrue et certainement pas exclue, étant donné que :

  • le transporteur n'accepte de transporter les animaux que dans la soute inférieure;
  • à l'égard de tout passager, Air Canada exerce un plus grand contrôle sur les animaux transportés dans la soute inférieure de l'aéronef sur le plan, par exemple, des autres articles qui peuvent se trouver dans la soute inférieure, du placement des animaux, de la qualité de l'air et de la température et de la surveillance des conditions;
  • les exclusions de responsabilité entraînent un élément de dissuasion pour Air Canada de s'assurer que les animaux sont transportés de façon sécuritaire;
  • Air Canada ne se soustrait pas à sa responsabilité à l'égard des bagages transportés dans la soute inférieure.
Position d'Air Canada

[13] Air Canada note que la Règle 95(F) du tarif intérieur du transporteur prévoit ce qui suit :

Le transporteur ne pourra faire l'objet de poursuites pour des dommages indirects, spéciaux, punitifs ou exemplaires qui découlent d'un acte ou d'une omission de la part du transporteur [...] que le transporteur aérien ait commis un acte ou une omission par négligence [...] (Traduction)

[14] Air Canada fait valoir que les exclusions énoncées dans cette disposition tarifaire sont utilisées très couramment dans les transactions avec les clients et les transactions commerciales, et que les autres transporteurs aériens intérieurs et internationaux disposent aussi de telles exclusions. Air Canada soutient ce qui suit :

[...] cette disposition ne limite pas la responsabilité du transporteur à l'égard des dommages directs, elle limite uniquement la responsabilité de celui-ci dans le cas de dommages indirects, spéciaux, punitifs ou exemplaires. Par conséquent, Air Canada ne limite pas sa responsabilité à l'égard des dommages directs pas plus qu'elle ne la limite dans les cas de négligence grave ou de faute intentionnelle. [Traduction]

[15] Air Canada fait valoir que les dispositions liées aux marchandises qui figurent dans la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C-26, laquelle renferme des instruments régissant les limites de responsabilité qui s'appliquent au transport aérien international, tels que les Conventions de Varsovie et de Montréal, reconnaissent le principe des limites de responsabilité, même dans les cas de négligence grave.

Analyse et constatations

[16] Air Canada a exprimé l'opinion que les animaux sont fragiles et qu'il s'avère extrêmement difficile pour un transporteur aérien d'exercer un contrôle absolu sur l'environnement dans lequel les animaux sont placés lorsqu'ils sont transportés par avion et de tenir compte de toutes les situations auxquelles un animal pourrait être exposé et de remédier à celles-ci. L'Office reconnaît et accepte qu'Air Canada peut vouloir limiter sa responsabilité dans les situations touchant le transport d'articles présentant une plus grande fragilité inhérente que d'autres articles.

[17] L'Office note que les tribunaux acceptent les clauses d'exclusion et de limitation pourvu que certains facteurs soient respectés, les plus importants étant qu'un avis adéquat de ces clauses soit donné et que le Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), appuie la notion que ces clauses peuvent être introduites dans le tarif d'un transporteur. Le sous-alinéa 107(1)n)(x) du RTA prévoit que tout tarif intérieur doit contenir les conditions de transport dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien régissant les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises. Le sous-alinéa 107(1)n)(xi) du RTA établit la même exigence concernant les exclusions de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises.

[18] L'Office note aussi que l'exclusion de responsabilité d'Air Canada n'est pas absolue. Air Canada a affirmé qu'elle ne limite pas sa responsabilité à l'égard des dommages directs ou dans les cas de négligence grave ou de faute intentionnelle. Elle a affirmé qu'elle limite uniquement sa responsabilité à l'égard des dommages indirects, spéciaux, punitifs ou exemplaires. L'Office note aussi que ce type de régime de responsabilité n'est pas unique à Air Canada.

[19] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que les dispositions tarifaires d'Air Canada, qui limitent la responsabilité du transporteur à l'égard du transport des animaux, ne sont pas déraisonnables.

Avis donné par Air Canada au sujet de ses exclusions de responsabilité

Constatation préliminaire de l'Office

[20] L'Office a formulé une constatation préliminaire selon laquelle une mention générale sur les billets ou le site Web d'Air Canada à propos des tarifs ou conditions qui régissent les services offerts par le transporteur ne constitue pas un avis adéquat de l'exclusion de responsabilité d'Air Canada pour le transport des animaux. De plus, un tel avis est particulièrement important dans les situations où un transporteur aérien décline une responsabilité et est essentiel afin de permettre aux personnes de faire des choix éclairés au sujet du transport des animaux.

Positions des parties

Position d'Air Canada

[21] Air Canada fait valoir qu'une décision rendue par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Ocean Accident & Guarantee Corporation Ltd et Reliance Insurance Company of Philadelphia c. Air Canada, [1975] R.P. 193 (ci-après la décision Ocean Accident) a statué que pour qu'un tarif s'applique, le transporteur doit avertir le passager qu'un tel tarif existe et il doit rendre ce tarif disponible à des fins de consultation. Air Canada maintient que le principe que des tarifs soient incorporés par renvoi et qu'ils soient traités comme un tout est reconnu par l'Office et les tribunaux, et que le transporteur ne devrait pas être obligé de souligner et d'attirer l'attention d'un passager sur une disposition tarifaire en particulier. Air Canada fait valoir qu'elle a rempli son obligation légale en informant les personnes qui réservent leurs vols sur le site Web d'Air Canada que le transport est assujetti aux tarifs applicables et en inscrivant le même avis sur les billets d'Air Canada ainsi que sur les itinéraires et les reçus. Air Canada note que ses itinéraires et ses reçus comprennent des dispositions qui indiquent qu'Air Canada ne sera pas tenue responsable des articles périssables ou fragiles, entre autres choses, et que des « règles spéciales » peuvent s'appliquer à ces articles. Air Canada maintient que les animaux vivants sont considérés comme étant périssables ou fragiles. Air Canada soutient qu'elle a modifié son site Web afin de mieux communiquer ses conditions de transport. Elle y a inclus une disposition affirmant qu'Air Canada n'est pas responsable de la perte, du retard, de la blessure, de la maladie ou du décès d'un animal accepté pour le transport.

Position des plaignants

[22] Les plaignants maintiennent que le régime législatif qui existait au moment de la décision Ocean Accident n'imposait pas aux transporteurs aériens une obligation relative à l'avis et à la divulgation, comme c'est le cas maintenant en vertu du paragraphe 67(1) de la LTC. Les plaignants affirment que cette disposition oblige un transporteur aérien à publier ou à afficher un tarif et qu'il doit mettre ce tarif à la disposition du public à des fins de consultation. En ce qui concerne la disponibilité du tarif d'Air Canada à des fins de consultation par le public, les plaignants maintiennent qu'Air Canada n'a pas donné suite à leurs demandes en vue d'obtenir un exemplaire des règles tarifaires pertinentes, après le décès de Sila, et que ce n'est qu'après que leur avocat a communiqué avec la direction juridique d'Air Canada qu'ils ont réussi à obtenir un exemplaire de ces règles.

[23] Les plaignants font valoir que ces tarifs ne peuvent être considérés comme « accessibles » et qu'Air Canada n'a ni publié ni affiché son tarif, comme elle devait le faire. En ce qui a trait à l'argument d'Air Canada que les dispositions apparaissant sur son site Web et sur les reçus et les itinéraires, qui exonèrent le transporteur de toute responsabilité à l'égard des articles fragiles ou périssables, donnaient un avis des limites de responsabilité du transporteur à l'égard des animaux, les plaignants affirment qu'il n'est pas raisonnable d'assumer que, à la suite de la lecture de ces dispositions, une personne comprendra que le terme fragile ou périssable englobe les animaux. Ils notent aussi que les animaux ne sont pas raisonnablement considérés comme des objets ou des choses et qu'ils ne devraient donc pas être considérés comme des articles.

[24] Les plaignants réitèrent que la jurisprudence stipule que les dispositions désavantageuses des contrats d'adhésion doivent être portées à l'attention des clients, ce qu'Air Canada n'a pas fait.

Position d'Air Canada

[25] En ce qui a trait à l'affirmation des plaignants selon laquelle la décision Ocean Accident a été rendue dans le cadre d'une législation différente, Air Canada maintient que la décision continue de s'appliquer puisque ni la législation qui existait au moment de l'annonce de la décision Ocean Accident ni la législation qui s'applique maintenant n'exige qu'un transporteur aérien fournisse un exemplaire de son tarif à tous ses passagers. Elle réitère qu'elle a rempli ses obligations en vertu de la LTC en publiant ses tarifs, par l'entremise de la Airline Tariff Publishing Company, en rendant disponibles ses tarifs à son bureau, soit la direction juridique d'Air Canada située au siège social du transporteur à Montréal, en donnant un avis sur son site Web et sur les billets que le contrat de transport est assujetti aux tarifs du transporteur et que ces tarifs sont mis à la disposition du public à des fins de consultation, sur demande, au bureau d'Air Canada, et en rendant ses tarifs disponibles.

[26] Air Canada souligne également qu'avant le décès de Sila, les plaignants ont utilisé les services du transporteur à maintes reprises et qu'ils avaient reçu l'avis susmentionné lors de ces voyages.

[27] En ce qui concerne la question de savoir si les animaux doivent être considérés comme périssables, Air Canada affirme que le terme utilisé dans l'avis du transporteur englobe tout article qui est périssable, ce qui inclut les animaux. En ce qui a trait à la notion que les animaux sont des « articles », Air Canada maintient que la Loi sur le transport aérien, qui renferme des instruments liés aux limites de responsabilité régissant le transport aérien international, dont les Conventions de Varsovie et de Montréal, crée trois secteurs d'activités concernant le transport aérien, soit le transport de passagers, de bagages et de marchandises. Air Canada affirme qu'étant donné ces trois secteurs, un animal ne peut être considéré que comme un bagage ou une marchandise. Par conséquent, dans le contexte du transport aérien, un « article » doit englober les animaux.

Analyse et constatations

[28] Air Canada a affirmé qu'elle a rempli ses obligations légales en publiant ses tarifs, par l'entremise de la Airline Tariff Publishing Company, en informant les personnes, par le biais de divers moyens, que le transport est assujetti aux conditions énoncées dans les tarifs du transporteur et en mettant ces tarifs à la disposition du public pour qu'il puisse les consulter au bureau d'Air Canada, soit la direction juridique d'Air Canada située au siège social du transporteur à Montréal. Air Canada soutient aussi qu'elle a donné un avis de ses exclusions de responsabilité à l'égard du transport des animaux en inscrivant les dispositions pertinentes sur ses itinéraires et ses reçus. Ces dispositions indiquent qu'Air Canada n'assume aucune responsabilité à l'égard des articles périssables ou fragiles, entre autres choses, et que des « règles spéciales » peuvent s'appliquer à ces articles.

[29] Les plaignants ont soutenu qu'étant donné la difficulté à accéder aux tarifs d'Air Canada, on ne peut affirmer que ces tarifs ont été mis à la disposition du public à des fins de consultation. Ils ont également maintenu qu'il n'est pas raisonnable d'affirmer que les dispositions qui figurent sur le site Web d'Air Canada et sur les reçus et les itinéraires, exonérant Air Canada de sa responsabilité à l'égard des articles périssables ou fragiles, doivent être interprétées comme englobant les animaux.

[30] En ce qui concerne la question de l'avis sur l'exclusion de responsabilité d'Air Canada à l'égard du transport des animaux, l'Office est d'avis que, même si les clients ont une certaine responsabilité de s'informer en consultant les conditions de transport générales et notamment les conditions particulières avant de conclure un contrat, une partie qui souhaite appliquer une condition astreignante doit porter cette condition à l'attention du client. À cet égard, la common law exige que les conditions astreignantes, telles que les limites de responsabilité dont il est actuellement question, soient correctement portées à l'attention de l'autre partie avant ou au moment de conclure le contrat et que les clauses afférentes soient claires et sans ambiguïté.

[31] L'Office est d'avis qu'une mention aux tarifs régissant le transport sur le site Web d'Air Canada et sur les documents fournis aux passagers ne constitue pas un avis suffisant des limites de responsabilité d'Air Canada pour le transport des animaux. Il est aussi d'avis que les textes pertinents concernant la responsabilité d'Air Canada à l'égard des articles fragiles ou périssables qui figurent sur le site Web d'Air Canada et ses itinéraires et reçus sont imprécis et ambigus. Par conséquent, les dispositions applicables ne représentent pas un avis adéquat des limites de responsabilité d'Air Canada pour le transport des animaux. L'Office note qu'Air Canada a modifié le contenu de son site Web qui contient maintenant une déclaration selon laquelle le transporteur n'assume aucune responsabilité pour la perte, le retard, la blessure, la maladie ou le décès d'un animal accepté pour le transport. Cette déclaration ne semble pas correspondre à l'affirmation qu'Air Canada a faite dans un mémoire qu'elle a déposé dans cette affaire selon laquelle elle ne limite pas sa responsabilité à l'égard des dommages directs et dans le cas de négligence grave ou de faute intentionnelle.

[32] En ce qui concerne la disponibilité des tarifs d'Air Canada, l'alinéa 67(1)a) de la LTC prévoit ce qui suit :

1) Le licencié doit :

(a) publier et soit afficher, soit permettre au public de consulter à ses bureaux tous les tarifs du service intérieur qu'il offre;

[33] Cette disposition impose deux exigences au transporteur au sujet des tarifs intérieurs :

  1. publier ou afficher les tarifs;
  2. mettre les tarifs à la disposition du public pour qu'il puisse les consulter aux bureaux du licencié.

[34] L'article 2 du RTA définit le terme « bureau » comme suit :

Est assimilé à un bureau du transporteur aérien tout endroit au Canada où celui-ci reçoit des marchandises en vue de leur transport ou met en vente des billets de passagers. La présente définition exclut les bureaux d'agents de voyages.

[35] L'Office est d'avis que la position d'Air Canada selon laquelle elle a respecté l'alinéa 67(1)a) de la LTC en mettant ses tarifs à la disposition du public pour qu'il puisse les consulter au bureau d'Air Canada, soit la direction juridique d'Air Canada située au siège social du transporteur à Montréal, est déraisonnable et ne répond pas à l'intention de l'alinéa en question.

[36] L'Office note que les mémoires présentés par Air Canada laissent entendre que ses tarifs ne sont disponibles qu'au bureau susmentionné. Il note aussi que, d'après l'expérience des plaignants, il est difficile pour une personne d'obtenir un exemplaire du tarif. Étant donné l'intention de l'alinéa 67(1)a) de la LTC, qui est de s'assurer qu'une personne peut obtenir un exemplaire du tarif si elle souhaite examiner les conditions de transport applicables, il s'ensuit que les tarifs devraient être raisonnablement accessibles. L'Office est d'avis que cela ne semble actuellement pas le cas.

[37] Air Canada doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que le transporteur se conforme aux exigences de l'alinéa 67(1)a) de la LTC.

Établir si les dispositions d'Air Canada concernant les limites de responsabilité à l'égard du transport des animaux sont injustement discriminatoires

Constatation préliminaire de l'Office

[38] L'Office a formulé une constatation préliminaire que, dans cette affaire, étant donné que les dispositions tarifaires d'Air Canada liées aux limites de responsabilité à l'égard du transport des animaux s'appliquent équitablement à tout service de transport de cette nature, aucune preuve n'a été présentée devant l'Office qui laissait entendre que ces dispositions étaient discriminatoires ou qu'elles étaient appliquées de façon discriminatoire.

Positions des parties

Position des plaignants

[39] Les plaignants maintiennent que la décision de l'Office devrait s'appuyer sur une comparaison des conditions qui s'appliquent aux personnes voyageant avec des animaux et celles qui s'appliquent aux personnes qui voyagent sans animaux. Une telle comparaison laisse entendre que les personnes voyageant avec des animaux font l'objet d'une discrimination parce qu'Air Canada se soustrait à sa responsabilité à l'égard du transport des animaux et qu'elle assume sa responsabilité à l'égard des bagages.

[40] Les plaignants affirment que les limites de responsabilité d'Air Canada à l'égard du transport des animaux sont injustement discriminatoires puisque celles-ci ne permettent aucun recours légal aux propriétaires d'animaux contre le transporteur pour la perte, la blessure, la maladie ou le décès d'un animal lors de son transport par avion. Ils affirment aussi qu'il serait approprié qu'un régime d'indemnisation soit mis en place qui reflète la valeur des animaux pour leurs propriétaires ou gardiens.

Position d'Air Canada

[41] Air Canada n'a déposé aucun commentaire se rattachant à cette question.

Analyse et constatations

[42] L'Office a examiné avec soin la position des plaignants en ce qui a trait à cette question et il demeure d'avis que sa décision devrait s'appuyer sur les conditions de transport auxquelles sont assujetties toutes les personnes qui voyagent avec un animal. L'Office conclut que les limites de responsabilité d'Air Canada à l'égard du transport des animaux s'appliquent équitablement à tout service de transport de cette nature et qu'aucune preuve n'a été présentée devant l'Office qui laissait entendre que ces dispositions étaient discriminatoires ou qu'elles étaient appliquées d'une manière discriminatoire.

CONCLUSION

[43] À la lumière de ce qui précède, l'Office, en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC, annule par les présentes la Règle 230(B)(1) du tarif d'Air Canada, en raison de l'absence d'une disposition qui oblige Air Canada à donner un avis adéquat de façon opportune aux personnes au sujet des limites de responsabilité du transporteur pour le transport des animaux. L'Office enjoint par les présentes à Air Canada de réviser son tarif, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, afin d'y énoncer clairement qu'un avis adéquat et opportun des limites de responsabilité d'Air Canada pour le transport des animaux doit être fourni, ainsi que les moyens par lesquels Air Canada fournit cet avis, y compris par le biais du site Web du transporteur, dans les annonces et les renseignements concernant le transport des animaux, et dans les documents fournis aux passagers qui pourraient aussi énoncer la responsabilité du transporteur au sujet des bagages comme les itinéraires et les billets électroniques. Cet avis doit bien refléter les limites de responsabilité d'Air Canada et il doit être formulé de façon claire et non ambiguë.

[44] En vertu du paragraphe 28(1) de la LTC, l'annulation susmentionnée entrera en vigueur trente (30) jours après la date de la présente décision ou avant pour coïncider avec l'entrée en vigueur d'une révision de la Règle 230(B)(1) qui soit jugée acceptable par l'Office.

[45] Le reste de la plainte est par les présentes rejeté.

ADJUDICATION DES FRAIS

[46] L'Office et les organismes qui l'ont précédé ont établi clairement que l'adjudication des frais n'est pas automatique, même lorsqu'une partie a pour ainsi dire eu gain de cause. En fait, la ligne de conduite de l'Office a été d'étudier chaque demande d'adjudication des frais selon son bien-fondé, et de ne les approuver que dans des cas spéciaux ou exceptionnels. L'Office conclut que la présente affaire ne constitue pas un tel cas spécial ou exceptionnel. Par conséquent, l'Office rejette, par les présentes, la requête des plaignants voulant qu'on leur attribue les dépens de la présente demande, y compris les frais et honoraires de leur procureur et la taxe sur les produits et services.

Membres

  • George Proud
  • Guy Delisle
  • Beaton Tulk
Date de modification :