Décision n° 324-C-A-2002

le 11 juin 2002

le 11 juin 2002

RELATIVE à une plainte déposée par Jan McCarthy contre Lignes aériennes Skyservice Inc. exerçant son activité sous les noms de Skyservice et Roots Air concernant la limite de sa responsabilité quant à la perte de bagages enregistrés applicable au transport entre Toronto (Ontario), Canada, et Cancun, Mexique.

Référence no M4370/R177/00-6


PLAINTE

Le 25 octobre 2000, Jan McCarthy a déposé auprès du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien la plainte énoncée dans l'intitulé. Toutefois, en raison de la nature réglementaire de la plainte, celle-ci a été transmise à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) le 8 janvier 2001.

Le 11 janvier 2001, le personnel de l'Office a demandé que Lignes aériennes Skyservice Inc. exerçant son activité sous les noms de Skyservice et Roots Air (ci-après Skyservice) traite la plainte à la lumière des articles 111 et 113 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).

Le 2 février 2001, Skyservice a déposé sa réponse à la plainte et le 22 février 2001, Mme McCarthy y a répliqué.

Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Bien que Mme McCarthy ait fait parvenir sa réplique après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.

QUESTIONS

L'Office doit déterminer :

  1. si Skyservice a appliqué les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés spécifiées dans son tarif d'affrètement international, conformément au paragraphe 110(4) du RTA;
  2. si les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés spécifiées dans le tarif d'affrètement international de Skyservice sont justes et raisonnables au sens du paragraphe 111(1) du RTA.

POSITIONS DES PARTIES

La plainte a trait à la perte des bagages enregistrés de Mme McCarthy le 14 juin 2000 alors qu'elle voyageait avec Skyservice sur le vol numéro 580 de Toronto (Ontario), Canada, à Cancun, Mexique. Mme McCarthy affirme que les articles dans ses bagages enregistrés valaient plus de 4 000 $ CAN, que le personnel de Skyservice à Cancun l'a informée qu'elle pouvait dépenser 400 $ CAN pour l'achat immédiat d'articles de rechange, qu'on lui rembourserait ce montant et qu'elle recevrait une indemnité pour ses articles égarés. Cependant, après le retour de Mme McCarthy au Canada, Skyservice lui a seulement offert 500 $ CAN, ainsi qu'un bon de transport d'un montant de 50 $ CAN. Mme McCarthy ajoute que la limite de responsabilité de Skyservice quant aux bagages enregistrés, qui est basée sur le poids de leur contenu plutôt que sur leur valeur, est [Traduction] « injuste et déraisonnable ». Mme McCarthy soutient que l'indemnité offerte par Skyservice était insuffisante, d'autant plus que le représentant de Skyservice l'avait informée qu'elle pouvait acheter des articles de rechange jusqu'à concurrence d'un montant de 50 $ par jour et qu'elle serait remboursée pour ces articles en plus de recevoir une indemnité pour ses bagages égarés. Mme McCarthy fait valoir que, parce qu'elle a mal été informée par un des employés de Skyservice au sujet de l'indemnité, le transporteur devrait lui offrir plus qu'un bon de transport de 50 $ CAN.

Skyservice affirme que ses billets d'avion et ses tarifs prévoient des limites de responsabilité quant à la perte de bagages qui, dans le cadre d'un service de transport international, sont régies par la Convention de Varsovie. Skyservice ajoute que, selon la Convention de Varsovie, la responsabilité d'un transporteur quant aux bagages égarés est déterminée par le poids des bagages enregistrés. Comme les bagages de Mme McCarthy pesaient à l'enregistrement 20 kilogrammes, soit le poids maximal permis, Skyservice a offert de payer 500 $ CAN à Mme McCarthy (ou 25 $ CAN par kilogramme). Pour montrer sa bonne foi, Skyservice a aussi offert à Mme McCarthy un bon de transport d'un montant de 50 $ CAN. Skyservice affirme qu'elle a agi en conformité avec les dispositions de son tarif concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés. De plus, Skyservice précise que son tarif a été approuvé à l'avance par l'Office et [Traduction] « que son caractère juste et raisonnable est donc présumé ». Skyservice ajoute que la formule d'indemnité dans des cas comme celui-ci est courante dans l'industrie aérienne et note que les passagers peuvent acheter une assurance-bagages en même temps que leurs billets.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a aussi examiné les limites de responsabilité de Skyservice applicables au transport des bagages entre des points situés au Canada et des points situés à l'extérieur du Canada selon les modalités des paragraphes a), b) et c) de la règle 10 [Traduction] « Limites de responsabilité quant aux bagages ou aux marchandises et taxes sur la valeur excédentaire » de son tarif d'affrètement international CTA (A) no 3, qui prévoient :

[Traduction]

a) Sous réserve du paragraphe 10b), la responsabilité de Skyservice pour toute perte, dommage ou retard est limitée à 25,00 $ CAN par kilogramme dans le cas de bagages enregistrés et à 500,00 $ CAN quant aux bagages non enregistrés par passager, à moins qu'une valeur supérieure ait été déclarée et payée à l'avance.

b) La responsabilité du transporteur est limitée à la valeur déclarée des bagages lorsque le passager :

i) a déclaré des bagages d'une valeur supérieure à 100,00 $ CAN;

ii) a déclaré, au moment où il a présenté ces biens pour le transport, une valeur supérieure et a payé des frais supplémentaires de transport au taux de 0,50 $ CAN par tranche de 100,00 $ CAN sur la somme excédentaire déclarée.

c) En aucun cas la responsabilité du transporteur ne doit excéder la valeur réelle de la perte subie par le passager. Une preuve du montant de la perte est exigée pour toutes les réclamations.

L'Office a aussi examiné les limites de la franchise de bagages de Skyservice, fixées par le paragraphe h) de la règle 7 [Traduction] « Acceptation des bagages ou des marchandises » de son tarif d'affrètement international CTA (A) no 3 qui prévoit :

[Traduction]

h) Frais pour l'excédent de poids des bagages :

Les bagages dont le poids n'excède pas :

Airbus  
- A-320-200 20 kilogrammes par passager occupant un siège
- A-330-300 20 kilogrammes par passager occupant un siège, sauf pour les destinations italiennes où le poids permis est de 50 kilogrammes,

seront transportés sans paiement de frais supplémentaires.

Les bagages excédant la franchise seront taxés comme suit :

Airbus  
- A-320-200 5,00 $ CAN par kilogramme
- A-330-300 5,00 $ CAN par kilogramme

La compétence de l'Office concernant les plaintes portant sur les conditions de transport établies et appliquées par un transporteur qui exploite un service international est définie par les articles 111 et 113 du RTA.

L'article 111 du RTA prévoit que :

(1) Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

(2) En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien :

a)d'établir une distinction injuste à l'endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;

b) d'accorder une préférence ou un avantage indû ou déraisonnable, de quelque nature que ce soit, à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre transporteur aérien;

c) de soumettre une personne, un autre transporteur aérien ou un genre de trafic à un désavantage ou à un préjudice indû ou déraisonnable de quelque nature que ce soit.

(3) L'Office peut décider si le trafic doit être, est ou a été acheminé dans des circonstances et à des conditions sensiblement analogues et s'il y a ou s'il y a eu une distinction injuste, une préférence ou un avantage indû ou déraisonnable, ou encore un préjudice ou un désavantage au sens du présent article, ou si le transporteur aérien s'est conformé au présent article ou à l'article 110.

L'article 113 du RTA prévoit que :

L'Office peut :

a) suspendre tout ou partie d'un tarif qui paraît ne pas être conforme aux paragraphes 110(3) à (5) ou aux articles 111 ou 112, ou refuser tout tarif qui n'est pas conforme à l'une de ces dispositions;

b) établir et substituer tout ou partie d'un autre tarif en remplacement de tout ou partie du tarif refusé en application de l'alinéa a).

En ce qui concerne la question de savoir si Skyservice a appliqué les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés spécifiées dans son tarif d'affrètement international, conformément au paragraphe 110(4) du RTA, l'Office note qu'il n'a pas d'information indiquant que Mme McCarthy a déclaré une plus grande valeur et a payé un coût de transport supplémentaire pour ses bagages enregistrés. En conséquence, l'Office a déterminé qu' en offrant une indemnité à Mme McCarthy d'un montant de 25 $ CAN par kilogramme de bagages égarés, Skyservice a appliqué la règle 10a) de son tarif d'affrètement international CTA (A) no 3.

Pour ce qui est de la question de savoir si les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés spécifiées dans le tarif d'affrètement international de Skyservice sont justes et raisonnables au sens du paragraphe 111(1) du RTA, l'Office note que les limites de responsabilité quant aux dommages, retards ou pertes de bagages applicables au transport aérien international sont établies dans la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (Convention de Varsovie). Les dispositions de la Convention de Varsovie ont force de loi au Canada en vertu de la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C-26. Plus particulièrement, l'article 22 de l'annexe I de la Loi sur le transport aérien prévoit en partie :

(2) Dans le transport de bagages enregistrés et de marchandises, la responsabilité du transporteur est limitée à la somme de deux cent cinquante francs par kilogramme, sauf déclaration spéciale d'intérêt à la livraison faite par l'expéditeur au moment de la remise du colis au transporteur et moyennant le paiement d'une taxe supplémentaire éventuelle. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu'à concurrence de la somme déclarée, à moins qu'il ne prouve qu'elle est supérieure à l'intérêt réel de l'expéditeur à la livraison.

(3) En ce qui concerne les objets dont le voyageur conserve la garde, la responsabilité du transporteur est limitée à cinq mille francs par voyageur.

(4) Les sommes indiquées ci-dessus sont considérées comme se rapportant au franc français constitué par soixante-cinq et demi milligrammes d'or au titre de neuf cents millièmes de fin. Elles pourront être converties dans chaque monnaie nationale en chiffres ronds.

En vertu des paragraphes 2(6) et (7) de la Loi sur le transport aérien, le franc (or français) doit être converti en dollars canadiens de la manière suivante :

2.(6) Les sommes mentionnées en francs à l'article 22 de l'annexe I sont, aux fins des actions intentées contre les transporteurs, converties en dollars canadiens au taux de change en vigueur le jour où le tribunal fixe le montant des dommages-intérêts à payer par le transporteur.

(7) Pour l'application du paragraphe (6), l'équivalent, en dollars canadiens, des sommes exprimées en droits de tirage spéciaux ou en francs, aux termes de l'article 22 de la convention figurant à l'annexe I, est déterminé de la manière suivante :

a) pour la conversion des francs en droits de tirage spéciaux, le taux de change est de 15,075 francs par droit de tirage spécial;

b) pour la conversion des droits de tirage spéciaux en dollars canadiens, le taux de change sera celui établi par le Fonds monétaire international.

En utilisant la formule susmentionnée, prescrite par l'article 2 de la Loi sur le transport aérien, on convertit 250 francs or français (FOF) en 16,58 droits de tirage spéciaux (DTS) et 5 000 FOF en 331,65 DTS.

Le 14 juin 2000, le jour où Skyservice a égaré les bagages de Mme McCarthy, le Fonds monétaire international (ci-après le FMI) convertissait les DTS en dollars canadiens ($ CAN) au taux de 1 DTS = 1,95977 $ CAN. En utilisant ce taux, 250 FOF équivalaient à 32,49 $ CAN et 5 000 FOF, à 649,96 $ CAN.

À des fins de comparaison, en utilisant le taux du FMI de 1 DTS = 1,97500 $ CAN, qui était en vigueur le 1er mai 2002, la conversion actuelle de ces mêmes montants donne 250 FOF équivalant à 32,75 $ CAN et 5 000 FOF équivalant à 655,01 $ CAN.

Donc, le 14 juin 2000 et le 1er mai 2002, la responsabilité d'un transporteur aérien exploitant un service international quant aux bagages enregistrés était limitée, respectivement, à 32,49 $ CAN et à 32,75 $ CAN par kilogramme. L'Office note que la limite de responsabilité de Skyservice de 25 $ par kilogramme quant aux bagages enregistrés, prévue par son tarif d'affrètement international CTA (A) no 3, ne respecte pas la limite fixée par la Loi sur le transport aérien.

En conséquence, l'Office a déterminé que les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages enregistrés, établies à l'article 10a) du tarif d'affrètement international CTA (A) no 3 de Skyservice, ne sont pas justes et raisonnables, contrairement à ce qui est prescrit par le paragraphe 111(1) du RTA.

L'Office remarque aussi que, en vertu des dispositions de la Loi sur le transport aérien, le 14 juin 2000 et le 1er mai 2002, la responsabilité d'un transporteur aérien exploitant un service international quant aux bagages non enregistrés (dont s'occupent les passagers) était limitée, respectivement, à 649,96 $ CAN et à 655,01 $ CAN par passager. L'Office ajoute que la limite de responsabilité de Skyservice de 500 $ CAN par passager quant aux bagages non enregistrés, prévue par son tarif d'affrètement international CTA (A) no 3, ne respecte pas la limite fixée par la Loi sur le transport aérien.

En conséquence, l'Office a déterminé que les conditions concernant les limites de responsabilité quant aux bagages non enregistrés, établies à l'article 10a) du tarif d'affrètement international CTA (A) no 3 de Skyservice, ne sont pas justes et raisonnables, contrairement à ce qui est prescrit par le paragraphe 111(1) du RTA.

CONCLUSION

Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office, en vertu de l'article 113 du RTA, rejette par les présentes la règle 10a) du tarif d'affrètement international CTA (A) no 3 de Skyservice. Conformément à l'article 28 de la LTC, ce rejet entrera en vigueur 30 jours après la date de cette décision.

L'Office constate qu'en raison de ce rejet, le tarif d'affrètement international de Skyservice ne comprend plus la politique du transporteur aérien sur les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises, comme le prescrit le sous-alinéa 122c)(x) du RTA. Par conséquent, Skyservice est sommée par les présentes, en vertu de l'article 26 de la LTC, de déposer auprès de l'Office une nouvelle disposition tarifaire qui fait clairement état de sa politique sur les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises.

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