Décision n° 352-W-2005

le 3 juin 2005

le 3 juin 2005

DEMANDE présentée par PF Collins Customs Broker Ltd., au nom de TGS-NOPEC Geophysical Company, conformément à la Loi sur le cabotage, L.C. (1992), ch. 31, en vue d'obtenir une licence pour l'utilisation du « NORTHERN EXPLORER », un navire de recherche sismique chypriote, afin d'effectuer des relevés sismiques bidimensionnels non exclusifs, au large de la côte Est du Canada, exclusivement dans les eaux du plateau continental, au cours de la période commençant le ou aux alentours du 15 mars 2005 et se terminant le 15 novembre 2005.

Référence no W9125/P5/05-6


[1] PF Collins Customs Broker Ltd. a, au nom de TGS-NOPEC Geophysical Company (ci-après la demanderesse), déposé une demande auprès du ministre du Revenu national en vue d'obtenir une licence pour l'exploitation du service énoncé dans l'intitulé. L'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a été saisi de l'affaire le 4 février 2005.

[2] L'Office a effectué une recherche auprès de l'industrie du transport maritime et, par lettre datée du 15 février 2005, Geophysical Service Incorporated (ci-après GSI) a offert son navire canadien non dédouané, le GSI ADMIRAL, un navire pouvant effectuer des relevés bidimensionnels et tridimensionnels avec une équipe sismique qui, selon GSI, est disponible pour fournir un service adapté.

[3] Le 11 mai 2005, Puddister Trading Company Limited (ci-après Puddister) a déposé une intervention à l'appui de la demande et GSI avait jusqu'au 24 mai 2005 pour commenter. GSI n'a pas commenté l'intervention.

QUESTION

[4] En vertu du paragraphe 8(1) de la Loi sur le cabotage, l'Office doit déterminer s'il existe des navires canadiens ou non dédouanés à la fois adaptés et disponibles pour assurer le service projeté ou être affectés aux activités visées dans la demande.

POSITIONS DES PARTIES

La demanderesse

[5] La demande donne des détails précis du navire étranger proposé et indique que l'utilisation de flûtes de 8 000 mètres est nécessaire. La demanderesse précise aussi qu'une efficacité de production de plus de 35 pour cent est nécessaire pour que le projet soit économique.

[6] Une fois que GSI a offert son navire, la demanderesse a lancé un appel d'offres pour un programme bidimensionnel au large de la côte Est de Terre-Neuve-et-Labrador, donnant les paramètres précis à l'égard du projet, et GSI y a répliqué. Dans ses commentaires, la demanderesse affirme que le GSI ADMIRAL se trouve actuellement aux îles Malouines et qu'il faudrait 35 à 45 jours pour mobiliser le navire, alors que le NORTHERN EXPLORER peut être mobilisé en 11 jours seulement. De plus, la demanderesse affirme qu'avec une efficacité de production de 3,46 kilomètres par heure, il est prévu que le NORTHERN EXPLORER terminerait le programme en 120 jours alors qu'avec un taux d'efficacité basé sur des données de production antérieures de 2,8 et 1,48 kilomètres par heure, il faudrait au GSI ADMIRAL 149 jours pour obtenir les données.

[7] La demanderesse soutient aussi que le tarif de 50 000 $US par jour proposé par GSI excède ceux que TGS NOPEC Geophysical Company (ci-après TGS NOPEC) paye pour des navires comparables, soit quelque 28 000 $US à 32 000 $US par jour. Même si la demanderesse reconnaît que l'exploitation au Canada peut être plus dispendieuse, elle fait valoir qu'une « prime » de 56 pour cent est excessive. De plus, la demanderesse affirme que le coût de mobilisation de 650 000 $US du GSI ADMIRAL est inacceptable et démontre la non-disponibilité de ce navire au Canada. Finalement, la demanderesse affirme que les 29 jours supplémentaires requis pour effectuer le programme représentent un montant supplémentaire de 1,45 million $US, pour une augmentation totale de 2,1 millions $US. Par conséquent, la demanderesse soutient que pour des raisons commerciales concernant les coûts déraisonnables pour obtenir les données et le fait que le GSI ADMIRAL n'est « pas disponible au Canada » afin d'entreprendre ce programme, un accès temporaire au Canada devrait être accordé au NORTHERN EXPLORER pour la période demandée.

Puddister

[8] Puddister précise qu'elle appuie la demande puisqu'elle pourrait fournir du travail à son équipage et son navire, le GESMER, un navire d'escorte, qui n'a pas de travail pour 2005. Si on permet au NORTHERN EXPLORER d'être exploité en eaux canadiennes, Puddister fera une proposition à GSI.

GSI

[9] GSI affirme que le GSI ADMIRAL est disponible pour la période proposée, soit entre le 15 mars et le 15 novembre 2005, et qu'il effectuerait les relevés bidimensionnels en 2005 lors de la période météorologique optimale et en dehors des périodes critiques du cycle de vie des poissons.

[10] En réponse aux commentaires de la demanderesse concernant la disponibilité du GSI ADMIRAL pour effectuer les activités, GSI confirme que le GSI ADMIRAL n'est pas inactif et indique que, par défaut, elle offre le GSI ADMIRAL pour effectuer des travaux tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des eaux canadiennes. GSI fait observer que, lorsqu'elle a un engagement ferme d'un client, un navire précis est affecté aux activités.

[11] GSI note qu'il est impossible d'effectuer des activités au large des côtes du Labrador en mars et, donc, elle doute que les travaux pourront commencer à la date proposée. GSI prétend que les statistiques avancées sur le plan de l'efficacité de production relatives au NORTHERN EXPLORER et du GSI ADMIRAL sont non fondées et fausses. GSI fait valoir que, selon son expérience, le matériel sismologique dont serait muni le NORTHERN EXPLORER ne respecte pas les normes de l'industrie et que par le passé, l'utilisation de ce matériel n'a jamais donné de bons résultats. GSI prévoit qu'elle peut réaliser un programme de 10 000 kilomètres en moins de 90 jours en utilisant le GSI ADMIRAL de juillet à septembre, soit la période la plus favorable sur le plan des conditions météorologiques.

[12] En ce qui a trait à l'établissement des prix, GSI fait valoir que, selon le rapport de TGS NOPEC, une augmentation de 10 à 20 pour cent est prévue en 2005. GSI indique avoir travaillé pour TGS NOPEC en 2002 et ajoute que les coûts de mobilisation étaient alors de 300 000 $US, depuis le golfe du Mexique. Donc, GSI soutient que les 650 000 $US exigés au titre de la mobilisation du navire depuis les îles Malouines représentent une aubaine, compte tenu de la distance qui est approximativement trois fois plus importante. En 2002, le tarif quotidien de GSI était de 24 000 $US, plus 160 $US du kilomètre, soit environ 40 000 $US par jour. GSI ajoute que le tarif de 50 000 $US par jour présentement offert repose, à juste titre, sur les conditions actuelles du marché. GSI indique qu'elle aurait été disposée à discuter davantage de sa proposition initiale avec TGS NOPEC mais cette dernière n'a pas communiqué avec GSI.

[13] GSI souligne qu'elle investit des millions de dollars annuellement pour maintenir les normes les plus élevées en matière de sécurité et d'entretien à l'égard de ses navires et pour assurer la formation continue de ses employés canadiens. GSI fait valoir que TGS NOPEC n'a jamais eu l'intention d'utiliser le GSI ADMIRAL puisqu'elle n'a jamais communiqué avec GSI pour discuter du projet de TGS NOPEC ou de l'offre de GSI. Elle maintient que le GSI ADMIRAL est un navire canadien adapté et disponible pour être affecté aux activités visées dans la demande.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[14] L'intention de la Loi sur le cabotage est de permettre l'utilisation de navires étrangers dans les eaux canadiennes lorsqu'il n'y a pas de navire canadien non dédouané adapté et disponible pour assurer un service ou être affecté aux activités projetées. Dans le cas présent, la demande de licence de cabotage est présentée dans le but de permettre d'effectuer un programme de relevés sismiques bidimensionnels sur une distance de 10 000 kilomètres dans les eaux du plateau continental du Labrador entre les 15 mars et 15 novembre 2005. Le programme ne répond pas à une demande spécifique d'un client, mais vise l'acquisition de données que TGS NOPEC propose de commercialiser plus tard aux compagnies pétrolières intéressées par le développement des ressources en pétrole et de gaz au large des côtes. GSI a offert l'utilisation d'un navire canadien non dédouané pour effectuer les activités décrites dans la demande et, par conséquent, l'Office doit maintenant déterminer si le navire offert est adapté et disponible pour le programme proposé de relevés sismiques.

[15] En ce qui a trait à la disponibilité, même si la demanderesse a affirmé que le navire devait être disponible en mars pour commencer les travaux projetés, l'Office accepte la preuve de GSI qu'il n'est ni nécessaire, ni possible de débuter un programme comme celui-ci en mars. Dans ses décisions antérieures, l'Office a déterminé que, de façon générale, les dates proposées pour une activité de relevés sismiques ne sont pas impératives ou essentielles et que le fardeau incombe à la demanderesse de démontrer qu'elles le sont. Dans la décision no 250-W-2001 du 16 mai 2001, l'Office, après avoir examiné les demandes reçues au cours des dernières années, a conclu que « la période pour se livrer à de telles activités se situe entre avril et novembre. » De plus, dans le cas présent, GSI a affirmé pouvoir terminer les travaux dans les délais requis par la demanderesse, soit au plus tard le 15 novembre 2005.

[16] La demanderesse n'a pas contesté l'adaptabilité technique du GSI ADMIRAL pour effectuer les relevés visés. Toutefois, elle a mis en doute l'adaptabilité commerciale du navire et affirmé que sa demande visant l'utilisation du navire étranger proposé devrait être accordée en raison des coûts déraisonnables inhérents à l'utilisation du navire canadien offert et de la non-disponibilité de ce navire pour être affecté aux activités.

[17] En ce qui a trait à la question des coûts, l'Office a longtemps reconnu que l'intention de la Loi sur le cabotage est de nature protectionniste, c'est-à-dire qu'elle vise à protéger les intérêts des exploitants de navire canadiens. Lorsqu'il se penche sur de telles questions, l'Office reconnaît également que les coûts d'exploitation inhérents à l'utilisation d'un navire au Canada sont souvent plus élevés en raison du respect de règlements sévères en matière de sécurité et de l'embauche de travailleurs canadiens par les exploitants de navires; en fait, la demanderesse l'a aussi fait valoir dans ses plaidoiries. L'Office, dans ses décisions antérieures mettant en cause la présente demanderesse, et d'autres, a déterminé qu'il n'est pas suffisant que les demanderesses prétendent que les coûts d'utilisation d'un navire canadien sont plus élevés pour démontrer qu'un navire n'est pas adapté; elles doivent plutôt faire la preuve que le projet serait non rentable et commercialement non viable si elles utilisaient le navire canadien offert.

[18] Dans la décision no 427-W-2003 du 23 juillet 2003 mettant en cause les mêmes parties, l'Office a clairement déclaré ce qui suit : « [...] le fardeau de prouver que l'utilisation du navire canadien offert aurait un grave impact incombe au demandeur qui le prétend. [...] Dans un cas comme celui présentement à l'étude où le demandeur soutient que l'utilisation du navire canadien offert placerait un fardeau financier inacceptable sur ses épaules, le demandeur a la tâche de fournir les renseignements financiers qui prouveraient ces allégations. »

[19] Ainsi, dans le cas présent, même si la demanderesse a affirmé que le coût total inhérent à l'utilisation d'un navire canadien, établi en fonction du tarif de mobilisation et du taux quotidien ainsi que du temps requis pour terminer les travaux, est 56 pour cent plus élevé que celui fixé pour l'utilisation d'un navire étranger comparable, aucune preuve n'a été présentée devant l'Office pour étayer le coût inhérent à l'utilisation du navire étranger proposé. L'Office note la revendication de GSI que son tarif repose, à juste titre, sur les conditions actuelles du marché. De plus, la demanderesse a affirmé que le projet lui coûtera 2,1 millions $US de plus si elle utilise le GSI ADMIRAL, se fondant sur le tarif de mobilisation et le fait qu'il faudrait 29 jours supplémentaires pour terminer le programme à l'aide du navire canadien. Toutefois, GSI a affirmé que le navire canadien peut terminer les travaux en 90 jours, ce qui est 30 jours de moins que ce que requiert le navire étranger et que les tarifs de mobilisation sont choses courantes dans l'industrie. Finalement, la demanderesse n'a pas démontré que l'écart des coûts aurait un effet négatif sur la viabilité commerciale du projet, omettant ainsi de fournir la preuve de son allégation.

[20] L'Office note que les déclarations de Puddister au sujet de l'emploi possible de membres de son équipage et de l'utilisation de son navire sont purement spéculatives car la demanderesse ne s'est pas engagée à retenir les services de Puddister. De plus, la possibilité que des exploitants canadiens fournissent des services à une demanderesse ne fait pas partie des critères utilisés par l'Office pour évaluer l'adaptabilité et la disponibilité des navires canadiens.

[21] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime qu'il existe un navire canadien non dédouané adapté et disponible pour effectuer des relevés sismiques bidimensionnels sur une distance de 10 000 kilomètres au large de la côte Est du Canada au cours de la saison 2005.

CONCLUSION

[22] L'Office détermine, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi sur le cabotage, qu'il existe un navire canadien à la fois adapté et disponible pour assurer le service ou être affecté aux activités visées par la demande.

[23] Cette détermination sera communiquée au ministre du Revenu national pour la prise par celui-ci de toute mesure qu'il jugera nécessaire en vertu de la Loi sur le cabotage.

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