Décision n° 365-AT-A-2006
le 22 juin 2006
DEMANDE présentée par Karen L. Ridout, en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant les difficultés qu'elle a éprouvées relativement au niveau d'assistance avec fauteuil roulant qui lui a été fourni par Air Canada à l'aéroport international Lester B. Pearson-Toronto le 11 mai 2005.
Référence no U3570/05-32
DEMANDE
[1] Le 27 juin 2005, Karen L. Ridout a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Par voie de la décision no LET-AT-A-229-2005 du 16 août 2005, l'Office a accordé à Mme Ridout un délai de 10 jours pour fournir certaines précisions, à Air Canada un délai de 30 jours pour déposer une réponse à la demande, et à Mme Ridout un délai de 10 jours pour déposer une réplique à la réponse du transporteur.
[3] Le 2 septembre 2005, Mme Ridout a donné suite à la demande de clarifications et le 15 septembre 2005, Air Canada a répondu à la demande. Mme Ridout n'y a pas répliqué.
[4] Le 31 octobre 2005, l'Office a rendu la décision no LET-AT-A-283-2005 qui avise les parties de sa décision de dissocier les points soulevés dans la demande de Mme Ridout ayant trait à la question de l'assistance avec fauteuil roulant et ceux qui ont trait à la fourniture d'oxygène. Aussi, l'Office avise qu'il traitera, séparément, la question de l'assistance avec fauteuil roulant dans le cas en l'espèce et, ensemble, les préoccupations soulevées dans les diverses demandes qu'il a reçues concernant la fourniture d'oxygène.
[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 31 octobre 2006.
QUESTION
[6] L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qu'Air Canada a fourni à Mme Ridout à l'aéroport international Lester B. Pearson-Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, dans l'affirmative, quelles mesures correctives s'imposent.
FAITS
[7] Le 7 janvier 2005, une réservation a été faite au nom de Mme Ridout pour qu'elle voyage avec Air Canada de Calgary à Toronto le 11 mai 2005. Le retour était prévu le 30 mai 2005. Le but du voyage était d'assister à un mariage le 14 mai 2005. Ayant subi une chirurgie de poumon le 14 avril 2005, Mme Ridout a avisé Air Canada qu'elle aurait besoin pendant le voyage d'un débit continu d'oxygène et d'assistance avec un fauteuil roulant.
[8] Le formulaire d'Air Canada qui atteste de la capacité d'une personne à voyager (ci-après le formulaire), et que le médecin de Mme Ridout a rempli aux fins d'approbation par le service Meda Desk d'Air Canada pour qu'elle puisse recevoir de l'oxygène à bord des vols, précisait que Mme Ridout aurait besoin d'aide avec fauteuil roulant pour se rendre à son siège. Air Canada a enregistré la demande d'assistance avec fauteuil roulant dans le dossier passager de Mme Ridout au moyen du code WCHC qui est défini en partie comme suit dans le Reservations Services Manual de l'Association du transport aérien international : « Fauteuil roulant – C pour siège en cabine. Le passager est complètement immobile et requiert un fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef/au transbordeur et le quitter et doit être transporté pour monter un escalier et le descendre et se rendre à son siège à bord de l'aéronef et le quitter ». [traduction libre]
[9] Le 9 mai 2005, la Croix rouge a prêté une marchette à Mme Ridout et celle-ci a décidé de l'apporter avec elle lors de son voyage. À la date du départ, Mme Ridout s'est présentée avec la marchette au comptoir d'enregistrement d'Air Canada à l'aéroport de Calgary. À la suite d'une discussion avec le préposé à l'enregistrement d'Air Canada au sujet de la demande d'aide avec fauteuil roulant, et puisqu'elle pouvait utiliser la marchette, Mme Ridout a décidé de se rendre à la porte d'embarquement sans fauteuil roulant. Elle s'y est rendue et a pu monter à bord de l'aéronef avec l'aide de son fils à qui on avait accordé un laissez-passer.
[10] À l'arrivée du vol à l'aéroport de Toronto, on a apporté un cylindre d'oxygène jusqu'au siège de Mme Ridout à bord de l'aéronef. Mme Ridout a quitté l'aéronef en utilisant sa marchette avant qu'on vienne lui prêter l'assistance demandée avec un fauteuil roulant. Plus loin, elle a reçu de l'assistance de la part de membres du personnel d'Air Canada qui l'ont aidée à prendre place à bord d'une voiturette, puis l'ont transférée dans un fauteuil roulant avant de la reconduire à la zone de récupération des bagages, où sa sœur l'attendait.
[11] Mme Ridout a communiqué avec Air Canada le 15 mai 2005 pour modifier la date de son retour au 17 mai suivant; ce changement lui a coûté 304,81 $. Le 17 mai, Air Canada a prêté assistance avec un fauteuil roulant à Mme Ridout depuis l'arrivée de son vol à l'aéroport de Calgary jusqu'à la voiture de son fils.
POSITIONS DES PARTIES
Mme Ridout
[12] Mme Ridout fait valoir que le préposé d'Air Canada au comptoir d'enregistrement à l'aéroport de Calgary lui a suggéré que puisqu'elle avait une marchette, il serait probablement inutile d'utiliser un fauteuil roulant, ce à quoi elle a consenti. Mme Ridout explique qu'elle a renoncé à recevoir de l'aide avec fauteuil roulant à l'aéroport de Calgary, sachant que les portes d'embarquement ne sont pas loin du comptoir d'enregistrement. Elle soutient que le préposé à l'enregistrement a annulé la demande de fauteuil roulant à l'aéroport de Calgary, mais qu'il a omis de lui indiquer que sa demande d'assistance avec fauteuil roulant à l'aéroport de Toronto serait par le fait même annulée.
[13] Mme Ridout déclare qu'à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Toronto, après que l'agent de bord lui ait indiqué que sa sœur devait être tout près, on lui a permis de quitter l'aéronef. Elle ajoute avoir été préoccupée du fait qu'on l'avait laissée seule pour « s'occuper d'elle-même », et sans qu'on lui prête assistance avec un fauteuil roulant. Mme Ridout explique qu'elle était hors d'haleine après s'être rendue au haut de la rampe avec la marchette. Elle ajoute que personne n'était là pour l'accueillir. Elle déclare qu'elle a dû parcourir une bonne distance avant de pouvoir demander à des préposés d'Air Canada de lui prêter assistance. Ceux-ci ont fait appel à un employé d'Air Canada en voiturette. Mme Ridout a par la suite été transférée dans un fauteuil roulant et emmenée à la zone de récupération des bagages où sa sœur l'attendait.
[14] Mme Ridout fait valoir qu'elle s'est sentie profondément affligée du fait qu'Air Canada n'avait pas suivi la recommandation de son médecin voulant qu'elle reçoive de l'assistance avec un fauteuil roulant et que, à la fin, elle avait dû écourter son voyage en raison du stress que lui avait causé l'aller. Mme Ridout déclare qu'elle est rentrée chez elle plus tôt que prévu suivant la prescription du médecin et que, ce faisant, elle a dû supporter des frais additionnels de 304,81 $ pour modifier sa réservation. Mme Ridout indique qu'elle a également dû payer de nombreux appels interurbains.
Air Canada
[15] Air Canada renvoie à la copie du formulaire que le médecin de Mme Ridout a rempli avant le voyage, lequel fait état du fait que Mme Ridout peut marcher sans aide, mais qu'elle requiert un fauteuil roulant pour se rendre à son siège à bord de l'aéronef. Air Canada ajoute que le dossier passager de Mme Ridout indique que la demande d'assistance avec fauteuil roulant porte le code WCHC à la fois pour l'aller et le retour. Le dossier passager indique également que Mme Ridout est non ambulatoire et autonome.
[16] Air Canada fait valoir qu'elle s'est acquittée de ses obligations et que lorsque Mme Ridout s'est enregistrée à l'aéroport de Calgary, l'agent lui a offert le choix d'enregistrer la marchette et d'utiliser un fauteuil roulant, ou encore d'utiliser la marchette sur de courtes distances et de prendre la voiturette pour les plus longs parcours. Air Canada affirme que la décision revenait à Mme Ridout et qu'elle ne lui a pas été imposée. Le transporteur ajoute que lorsqu'une demande de fauteuil roulant est faite, surtout lorsqu'elle est assortie du code WCHC dans le dossier passager, le préposé n'encourage aucunement le passager à se rendre à la porte d'embarquement sans aide.
[17] Air Canada déclare que bien que son employé ait annulé la demande d'assistance avec fauteuil roulant pour l'embarquement du vol à l'aéroport de Calgary, toutes les autres demandes en ce sens sont demeurées intactes dans le système.
[18] En ce qui a trait à l'arrivée du vol à Toronto le 11 mai 2005, Air Canada déclare qu'il semblerait que la sœur de Mme Ridout ne soit par arrivée suffisamment à l'avance pour la rencontrer à la porte. Air Canada suppose que l'arrivée hâtive du vol à Toronto ce jour-là pourrait expliquer en partie cette situation.
[19] Air Canada indique qu'elle demande aux passagers qui requièrent de l'aide de rester assis en attendant de recevoir l'assistance. Dans ce cas-ci, Air Canada déclare que selon le code WCHC indiquant le genre d'assistance dont Mme Ridout avait besoin, les préposés devaient d'abord se présenter pour la transférer de son siège passager à un fauteuil roulant de bord, puis dans un fauteuil roulant ordinaire lors du débarquement. Air Canada souligne que les préposés qui assurent le transfert ne sont pas les mêmes qui offrent l'assistance avec fauteuil roulant dans l'aérogare. Air Canada explique que l'arrivée hâtive du vol à Toronto a perturbé la prestation d'assistance aux passagers qui en avaient fait la demande et pourrait expliquer pourquoi Mme Ridout n'a pas reçu immédiatement l'assistance demandée.
[20] Air Canada déclare qu'il semblerait, selon la version des événements que Mme Ridout a relatée, qu'elle ait choisi de laisser le cylindre d'oxygène à bord de l'aéronef et de franchir toute seule la passerelle pour se rendre à la porte d'arrivée. Air Canada note toutefois que ses préposés lui ont prêté assistance avec un fauteuil roulant jusqu'à la zone de récupération des bagages. Le transporteur fait donc valoir que ceci confirme que l'assistance a été prêtée peu après l'arrivée du vol.
[21] Air Canada n'assume aucune responsabilité du fait que Mme Ridout a décidé de prendre un vol de retour anticipé et note à cet égard que l'appel en vue de modifier la date du retour a été fait le 15 mai, soit quatre jours suivant son arrivée et le lendemain du mariage auquel elle devait assister.
[22] Air Canada fait valoir qu'au retour à Calgary, le préposé est allé au-delà de ses responsabilités en accompagnant Mme Ridout jusqu'à la voiture de son fils.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[23] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[24] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. L'Office note que Mme Ridout a subi une chirurgie de poumon le 14 avril 2005, et qu'elle a avisé Air Canada qu'elle aurait besoin pendant le voyage d'un débit continu d'oxygène et d'assistance avec un fauteuil roulant. Ainsi, l'Office estime que Mme Ridout est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[25] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle?
[26] Le mot « obstacle » s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Puisque ce terme n'est pas défini dans la LTC, il doit être interprété dans le contexte législatif ponctuel, c'est-à-dire aux fins de l'application de la partie V de la LTC relative aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, ledit déplacement ne pouvant être effectué qu'en ayant accès à des services convenables de transport de compétence fédérale. Par conséquent, l'obstacle doit être directement lié à la déficience d'une personne et ne peut être qualifié comme tel du simple fait que c'est une personne ayant une déficience qui y a été confrontée.
[27] Pour déterminer si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas particulier, l'Office examine l'expérience que cette personne a vécue pendant son voyage et qui est relatée dans la demande. L'Office a conclu dans des cas antérieurs qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité après leur retour parce qu'elles avaient été endommagées pendant le transport. De plus, l'Office peut conclure en la présence d'obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais où les circonstances entourant l'expérience soulèvent la question de savoir si la personne a ou non eu accès à des services de transport efficaces.
Le cas présent
[28] Mme Ridout a décrit les événements survenus avant l'embarquement à bord du vol de Calgary et bien qu'Air Canada ait fourni des commentaires à ce sujet dans sa réponse, Mme Ridout n'a soulevé aucune préoccupation relativement à la façon dont elle s'est rendue à l'aéronef et y est montée à bord. L'Office n'abordera donc pas cette étape de son voyage dans la présente décision.
[29] Mme Ridout a avisé Air Canada qu'elle aurait besoin d'un débit continu d'oxygène et d'assistance avec un fauteuil roulant lors de son voyage. Air Canada a enregistré cette requête dans le dossier passager de Mme Ridout au moyen du code WCHC selon lequel elle devait être transportée jusqu'à son siège.
[30] À l'arrivée hâtive du vol à l'aéroport de Toronto, on a apporté un cylindre d'oxygène jusqu'au siège de Mme Ridout à bord de l'aéronef. L'agent de bord a indiqué à Mme Ridout que sa sœur devait être tout près. Mme Ridout a quitté l'aéronef en utilisant sa marchette.
[31] L'Office note que Mme Ridout a été préoccupée du fait qu'on l'avait laissée seule, sans fauteuil roulant, et ce après lui avoir dit que sa sœur devait être tout près. S'étant rendue au haut de la rampe avec sa marchette, Mme Ridout était hors d'haleine. Les plaidoiries n'indiquent pas si elle était en possession ou non du cylindre d'oxygène qu'on lui avait apporté dans l'aéronef à l'arrivée du vol. Cependant, il est raisonnable de croire qu'il a été difficile pour Mme Ridout de se rendre au haut de la rampe avec sa marchette.
[32] De plus, lorsqu'elle est arrivée au haut de la rampe, personne ne l'attendait et elle a dû parcourir une certaine distance avant de pouvoir prendre place à bord d'une voiturette, puis être transférée dans un fauteuil roulant pour ensuite aller à la rencontre de sa sœur.
[33] En se fondant sur ce qui précède, l'Office détermine que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qu'Air Canada a prêté à Mme Ridout à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif?
[34] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[35] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
[36] Ayant déterminé que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qu'Air Canada a prêté à Mme Ridout à l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.
[37] L'Office reconnaît depuis longtemps l'importance des services offerts aux personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent par avion et, depuis 1994, les transporteurs aériens qui assurent des services intérieurs sont tenus d'assurer des services uniformes à ces personnes. La partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) établit les conditions de transport des personnes ayant une déficience et exige que les transporteurs aériens doivent assurer la prestation de services à ces personnes si la demande en ce sens est faite au moins 48 heures avant le voyage. Ces services comprennent l'assistance lors de l'embarquement et du débarquement. Le RTA prévoit également que les transporteurs aériens doivent faire des efforts raisonnables en vue d'assurer la prestation de tels services lorsqu'une demande est faite dans un délai de moins de 48 heures avant le voyage.
[38] Dans le cas présent, Air Canada a été avisée plus de 48 heures avant le départ que Mme Ridout aurait besoin d'assistance avec un fauteuil roulant pour se rendre à son siège et le transporteur était disposé à offrir ce service, bien qu'en accusant un léger retard en raison de la perturbation résultant de l'arrivée du vol plus tôt que prévu. Puisque le médecin de Mme Ridout avait recommandé qu'on lui prête assistance avec un fauteuil roulant pour se rendre à son siège, et qu'Air Canada exige de ses passagers qu'ils restent assis en attendant de recevoir l'assistance demandée, l'Office est d'avis que Mme Ridout aurait dû rester à bord de l'aéronef en attendant qu'on vienne lui prêter assistance avec un fauteuil roulant.
[39] L'Office reconnaît les difficultés qu'a connues Mme Ridout à l'aéroport de Toronto, et il note que la décision de Mme Ridout de quitter l'aéronef avec sa marchette était la sienne, après avoir été avisée que sa sœur devait être tout près. L'Office note que lorsqu'elle a appris cette nouvelle, Mme Ridout n'a pas rappelé au personnel d'Air Canada qu'elle avait fait une demande d'aide avec un fauteuil roulant; elle a plutôt décidé d'elle-même de quitter l'aéronef, contrairement à la recommandation du médecin qu'on lui prête assistance avec un fauteuil roulant. De plus, puisque Mme Ridout a décidé de se rendre à pied avec sa marchette pour prendre le vol à l'aéroport de Calgary, l'Office estime qu'il est raisonnable de croire que le personnel de bord d'Air Canada ne se soit pas interrogé sur le fait qu'elle quitte l'aéronef à pied à l'arrivée du vol à l'aéroport de Toronto. L'Office est d'avis que lorsqu'une personne ayant une déficience sait qu'elle a besoin d'assistance, elle se doit de le laisser savoir afin que le transporteur puisse se préparer en vue de répondre à ses besoins particuliers.
[40] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant qu'Air Canada a prêté à Mme Ridout à l'aéroport de Toronto n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
COMPENSATION
[41] L'Office note que dans sa demande Mme Ridout exige le remboursement du prix de solde initial qu'elle a payé pour son billet, des frais supportés pour modifier la date de son vol de retour, des pourboires et autres sommes d'argent donnés au personnel d'aérogare du transporteur et d'un montant indéterminé pour des appels interurbains.
[42] En vertu du paragraphe 172(3) de la LTC, s'il conclut qu'une personne a été confrontée à un obstacle abusif lors de ses déplacements, l'Office peut ordonner le versement d'une indemnité pour toutes dépenses engagées par la personne en raison de l'obstacle abusif en question.
[43] Dans le cas en l'espèce, l'Office a déterminé que Mme Ridout n'a pas été confrontée à un obstacle abusif pendant son voyage. Par conséquent, elle n'a droit à aucune compensation aux termes du paragraphe 172(3) de la LTC.
CONCLUSION
[44] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office conclut que bien que le niveau d'assistance qu'Air Canada a prêté à Mme Ridout à l'aéroport de Toronto ait constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'obstacle n'était pas abusif.
[45] Par conséquent, l'Office n'envisage aucune mesure relativement à cette affaire.
Membres
- Marian L. Robson
- Gilles Dufault
- Beaton Tulk
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