Décision n° 379-AT-R-2016
RÉSUMÉ
[1] Anne Rector a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC concernant les difficultés qu’elle a rencontrées lorsqu’elle a présenté des demandes d’accommodement à VIA entre 2000 et 2015, et la manière dont elle a été traitée par le personnel de VIA à la gare de Montréal le 12 octobre 2015.
[2] L’Office a ouvert les actes de procédure le 5 mai 2016. VIA a déposé sa réponse le 3 juin 2016 et Mme Rector a déposé sa réplique le 17 juin 2016.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes dans la présente décision :
- Est-ce que Mme Rector est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC?
- Le processus d’approbation médicale de VIA et son impossibilité de créer un dossier médical permanent constituent-ils des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Rector? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?
- La manière dont Mme Rector affirme avoir été traitée par le personnel de VIA à la gare de Montréal le 12 octobre 2015, y compris l’absence d’assistance pour faire transporter ses bagages, le refus initial du personnel de VIA de transporter son aide médicale, et l’absence de sensibilité envers ses besoins liés à sa déficience constituent-ils des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?
[4] Pour les raisons indiquées ci-après, l’Office conclut que Mme Rector est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC; que le processus d’approbation médicale de VIA ne constitue pas un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Rector; et que la manière dont Mme Rector a été traitée par le personnel de VIA à la gare de Montréal le 12 octobre 2015 constitue un obstacle abusif.
CONTEXTE
[5] Mme Rector a voyagé quatre fois avec VIA, soit en 2000, 2003, 2005 et 2015.
[6] Voici l’itinéraire de Mme Rector lors de son voyage en octobre 2015 :
Trajet de départ le 10 octobre 2015
Belleville (Ontario) – Montréal (Québec) – Train 64
Trajet de retour le 12 octobre 2015
Montréal– Kingston (Ontario) – Train 65
Kingston– Belleville– Train 47
[7] L’Office note que tout au long de l’instance, les parties ont fait référence à la chaise inclinable de Mme Rector comme étant une aide à la mobilité; l’Office la nommera toutefois aide médicale. En général, une aide à la mobilité est utilisée pour faciliter les déplacements d’une personne ayant une déficience. La chaise inclinable de Mme Rector ne l’aide pas à se déplacer, mais plutôt à être assise confortablement.
La LOI
[8] Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure particulière en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :
- si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
- si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni un accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience;
- si l’obstacle est abusif. Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services de transport puisse prouver qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique ou impossible, de sorte qu’il ne peut pas fournir l’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.
QUESTION 1: Mme RECTOR EST-ELLE UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE AU SENS DE LA PARTIE V DE LA LTC?
[9] Bien qu’il existe des cas où la déficience est évidente (p. ex. une personne qui se déplace en fauteuil roulant), il y en a d’autres où des éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires pour établir à la fois l’existence d’une déficience et le besoin d’accommodement. Dans pareils cas, l’Office peut avoir recours à la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un instrument mondialement reconnu de classification normalisée du fonctionnement et des handicaps en lien avec des problèmes de santé, à d’autres publications de l’OMS, ou à de la documentation médicale.
[10] Dans sa demande, Mme Rector a déposé, entre autres, les documents suivants :
- une carte de voyage pour les personnes ayant une déficience et une carte Accès 2 délivrées le 5 avril 2005 par Timbres de Pâques Canada;
- une approbation de sa chaise inclinable en tant que nécessité médicale le 13 mars 2003 par le service d’incendie de Belleville;
- un certificat médical délivré par son chirurgien orthopédiste le 18 avril 2000, indiquant son besoin de voyager avec un accompagnateur.
[11] Dans sa réponse, VIA conteste l’affirmation de Mme Rector selon laquelle elle est une personne ayant une déficience, faisant valoir qu’elle n’a pas fourni de preuves suffisamment convaincantes pour démontrer l’existence d’une déficience en vertu de la partie V de la LTC. En réplique, Mme Rector a déposé le document Formulaire d’évaluation visant à déterminer une déficience aux termes de la Loi sur les transports au Canada (formulaire médical). L’Office a donné à VIA l’occasion de répondre aux nouveaux renseignements contenus dans l’évaluation. Dans cette réponse, VIA n’a pas contesté le fait que Mme Rector est une personne ayant une déficience.
[12] Dans le formulaire médical de Mme Rector, son médecin de famille indique qu’elle a une discopathie dégénérative, des vertiges positionnels bénins, une blessure lombaire, un microtraumatisme répété à la main droite, et une blessure à la coiffe des rotateurs. Il poursuit en indiquant qu’elle est incapable de s’asseoir droit et que sa capacité de rester debout est grandement limitée. En conséquence, une aide médicale inclinable est nécessaire et doit être accessible en tout temps. Le médecin de Mme Rector a qualifié son état de santé comme étant permanent et grave.
[13] La CIF classe la discopathie dégénérative (spondylarthrose) comme étant une invalidité. Les renseignements médicaux indiquent que Mme Rector a une blessure permanente au dos et des blessures à la main droite et à la coiffe des rotateurs affectant sa capacité de s’asseoir, de rester debout et de transporter des bagages, donc sa capacité de voyager. L’Office conclut que Mme Rector a une invalidité et se heurte à une limitation d’activité et à une restriction de participation dans le contexte de voyage dans le réseau de transport fédéral.
[14] Par conséquent, l’Office conclut que Mme Rector est une personne ayant une déficience aux fins de la partie V de la LTC.
QUESTION 2 : LE PROCESSUS D’APPROBATION MÉDICALE DE VIA ET SON IMPOSSIBILITÉ DE CRÉER UN DOSSIER MÉDICAL PERMANENT CONSTITUENT‑ILS DES OBSTACLES ABUSIFS AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE MME RECTOR? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?
[15] Pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office doit d’abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne sont restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l’Office doit alors décider si l’obstacle est abusif.
[16] Les fournisseurs de services ont l’obligation de prendre des mesures d’accommodement à l’égard des personnes ayant une déficience, sans se voir imposer une contrainte excessive. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle a besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres passagers dans le réseau de transport fédéral.
[17] S’il est déterminé que la personne a bénéficié d’un accommodement qui a répondu à ses besoins liés à sa déficience, il est alors impossible de prétendre qu’elle a rencontré un obstacle.
[18] Si un fournisseur de services veut affirmer qu’il est impossible pour lui de prendre les mesures d’accommodement pour un voyageur ayant une déficience, il doit prouver les éléments suivants :
- que la source de l’obstacle est rationnellement liée à la fourniture du service de transport;
- que la source de l’obstacle a été adoptée selon la conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour fournir le service de transport;
- qu’il ne peut fournir aucun accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.
Positions des parties
Mme Rector
[19] Mme Rector affirme que pour voyager par train, elle a besoin des accommodements suivants :
- deux sièges doubles, face-à-face (c.-à-d. une configuration de quatre sièges, dont deux sièges qui se font face (un pour elle et un pour ses jambes)
- un accompagnateur
- de l’assistance avec ses bagages
- le transport de son aide médicale (une chaise inclinable)
[20] Mme Rector affirme que lorsqu’elle a demandé des mesures d’accommodement dans le cadre de ses voyages en 2000, 2003, 2005 et 2015, elle a dû se « battre pour avoir accès » et « prouver de nouveau » son état de santé lors de chaque voyage. Mme Rector fait valoir qu’elle a dû fournir plusieurs documents pour appuyer ses demandes et donner de nombreuses explications au personnel des relations avec la clientèle de VIA concernant sa déficience et ses besoins liés à sa déficience. Elle fait ensuite valoir que le personnel des relations avec la clientèle met des semaines à approuver sa demande d’accommodement. Mme Rector indique qu’elle trouve fatigant, démoralisant et discriminatoire de devoir débattre de nouveau son cas chaque fois qu’elle veut faire une réservation. Mme Rector affirme avoir un désavantage important par rapport aux personnes bien portantes qui peuvent facilement faire des réservations et obtenir des billets.
[21] De plus, Mme Rector fait valoir que le 15 juin 2015, pendant qu’elle faisait une réservation pour son voyage prévu en octobre 2015, le personnel des relations avec la clientèle de VIA lui a dit que ses dossiers n’étaient pas conservés, car elle n’est pas un voyageur fréquent, et qu’elle pourrait être tenue d’obtenir de nouveaux documents d’un médecin.
[22] Mme Rector affirme qu’après chaque incident, le personnel des relations avec la clientèle de VIA l’a rassurée qu’elle n’aurait pas à passer de nouveau par le processus d’approbation médicale. Toutefois, selon Mme Rector, elle a dû subir le même processus onéreux le 15 juin 2015 lorsqu’elle a fait ses réservations pour son voyage prévu en octobre 2015.
[23] Mme Rector affirme avoir prouvé sa déficience et ses besoins médicaux à la satisfaction de VIA dans le passé, et qu’en ce moment, elle est incapable de fournir à VIA son formulaire médical pour voyageurs ayant des besoins spéciaux (formulaire d’accommodement), ni d’autres documents médicaux, car son médecin de famille a cessé de pratiquer.
VIA
[24] VIA affirme que puisque la demande d’accommodement de Mme Rector comprend le transport de sa chaise inclinable et deux sièges supplémentaires, elle exige que Mme Rector justifie ses demandes chaque fois qu’elle voyage, compte tenu de la portée des demandes et des coûts qu’elles supposent.
[25] De plus, VIA fait valoir que les documents que Mme Rector a déposés à l’appui de ses requêtes (c.-à-d. une lettre du 18 avril 2000 de son chirurgien orthopédiste, une attestation de 2003 du service d’incendie local et une carte d’accès pour les personnes ayant une déficience délivrée en 2005 par Timbres de Pâques Canada) ne prouvent pas que l’accommodement demandé était approprié ou nécessaire pour gérer sa déficience pendant ses voyages en train.
[26] VIA prétend que pour ses voyages futurs, Mme Rector devra appuyer sa demande d’accommodement au moyen de son formulaire qui permet d’indiquer des détails sur les problèmes médicaux affectant la capacité d’un voyageur de voyager en train. Selon VIA, son processus d’approbation médicale est essentiel pour fournir l’accommodement approprié aux personnes ayant une déficience, et le fait de demander aux voyageurs de remplir ce formulaire d’accommodement est tout à fait raisonnable et justifiable.
[27] VIA affirme que nonobstant ce qui précède, et malgré l’absence de documents récents supplémentaires, elle a fourni à Mme Rector l’accommodement demandé en guise de bonne foi.
[28] En ce qui a trait à l’absence d’un dossier médical permanent pour Mme Rector, VIA affirme avoir consigné dans son système de profil de préférences pendant plusieurs années les renseignements sur les accommodements particuliers; toutefois, ce système n’était pas en place lors du voyage de Mme Rector en 2005.
[29] VIA affirme avoir créé un profil de préférences (profil) pour Mme Rector lors de son voyage en octobre 2015, dans lequel ses besoins personnels ont été consignés. VIA fait valoir que ce système peut se désactiver s’il n’est pas utilisé pendant plusieurs années; toutefois, ses agents continuent d’avoir accès aux renseignements sur les besoins personnels des voyageurs pour des réservations subséquentes. Dans ce cas, VIA connaîtra donc immédiatement les besoins de Mme Rector en consultant son profil. Finalement, VIA affirme que la création d’un profil pour Mme Rector ne réduit en rien l’importance ou la nécessité pour VIA d’obtenir de nouveaux documents médicaux justificatifs la concernant.
Analyse et constatations
Processus d’approbation médicale de VIA
[30] Il revient au fournisseur de services, dans le cadre de son obligation d’offrir un accommodement, de déterminer et de fournir la mesure qui sera nécessaire pour répondre aux besoins d’une personne ayant une déficience. Dans Provencher c. Air Canada, décision no 19-AT-A-2013, l’Office a reconnu que les transporteurs ont besoin de renseignements des médecins des personnes afin d’évaluer leur aptitude à voyager et de déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins liés à leur déficience.
[31] L’Office conclut que dans les circonstances, il était raisonnable que VIA exige que Mme Rector fournisse des renseignements médicaux à jour étant donné que plusieurs années (10 ans) se sont écoulées depuis les derniers documents qu’elle a fournis à VIA. De plus, l’Office conclut que comme les documents déposés antérieurement par Mme Rector n’indiquent pas que sa déficience est permanente, il était également raisonnable que VIA demande au médecin de Mme Rector de remplir le formulaire d’accommodement de VIA.
[32] L’Office reconnaît que la personne qui demande un accommodement a l’obligation de participer au processus visant à déterminer le meilleur accommodement. Par conséquent, selon ce qui précède, l’Office conclut que le processus d’approbation médicale de VIA ne constitue pas un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Rector. Il se veut plutôt un outil nécessaire pour permettre à un fournisseur de services de fournir un accommodement à une personne ayant une déficience.
[33] Toutefois, l’Office note que Mme Rector aura de la difficulté à l’avenir à faire remplir le formulaire d’accommodement de VIA du fait que son médecin ne pratique plus. L’Office recommande donc que les parties trouvent un terrain d’entente. La recherche d’une mesure d’accommodement fait intervenir plusieurs parties (Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970 au paragr. 43) et l’intérêt de VIA à obtenir les renseignements concernant la déficience de Mme Rector doit être soupesé au regard du droit de Mme Rector de ne pas être surchargée de demandes de renseignements déraisonnables. Cette question est particulièrement vraie du fait que VIA a maintenant une copie du formulaire médical de Mme Rector qui renferme des renseignements médicaux pertinents sur sa déficience.
L’impossibilité de créer un dossier médical permanent
[34] L’Office note que dans certaines situations, différentes mesures d’accommodement peuvent répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne. Il n’est pas obligatoire que la mesure d’accommodement corresponde exactement à ce que demande la personne, pourvu que la mesure soit efficace.
[35] Mme Rector affirme qu’elle trouve le processus d’approbation médicale de VIA onéreux. Toutefois, des demandes raisonnables liées aux approbations médicales ne constituent pas nécessairement un obstacle aux possibilités de déplacement d’une personne. Le demandeur doit démontrer que le processus est si exigeant que la personne se voit privée d’un accès égal aux services disponibles pour les autres dans le réseau de transport fédéral. L’Office conclut que Mme Rector n’a pas démontré que c’était son cas.
[36] L’Office note en outre que VIA a pris de façon proactive des mesures positives pour créer des dossiers pour ses voyageurs réguliers au moyen de son système de profil de préférences. Même si le profil d’un voyageur devient inactif parce qu’il n’a pas été utilisé pendant plusieurs années, les agents de VIA continuent d’avoir accès aux renseignements qu’il renferme, ce qui crée de ce fait un dossier permanent. Dans le cas présent, VIA affirme avoir créé un profil pour Mme Rector qui renferme les renseignements sur ses besoins personnels. En conséquence, son profil devrait aider à répondre à ses besoins liés à sa déficience à l’avenir, particulièrement s’il est mis à jour grâce aux renseignements du formulaire médical de Mme Rector déposé aux fins de la présente instance. De plus, l’absence de dossier permanent, avant aujourd’hui, n’était pas un obstacle. Même s’il y avait eu un dossier permanent pour Mme Rector, il n’aurait pas été déraisonnable que VIA demande des renseignements médicaux supplémentaires si elle avait des raisons de croire que les renseignements au dossier n’étaient pas à jour.
[37] En fonction de ce qui précède, l’Office conclut que l’impossibilité de VIA de créer un dossier médical permanent pour Mme Rector ne constitue pas un obstacle.
QUESTION 3 : LA MANIÈRE DONT MME RECTOR AFFIRME AVOIR ÉTÉ TRAITÉE PAR LE PERSONNEL DE VIA À LA GARE DE MONTRÉAL LE 12 OCTOBRE 2015, Y COMPRIS L’ABSENCE D’ASSISTANCE POUR FAIRE TRANSPORTER SES BAGAGES, LE REFUS INITIAL DU PERSONNEL DE VIA DE TRANSPORTER SON AIDE MÉDICALE, ET L’ABSENCE DE SENSIBILITÉ ENVERS SES BESOINS LIÉS À SA DÉFICIENCE CONSTITUENT-ILS DES OBSTACLES ABUSIFS À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?
Positions des parties
Mme Rector
[38] Mme Rector affirme que même si, le 15 juin 2015, au moment de faire sa réservation pour octobre 2015, le personnel des relations avec la clientèle de VIA lui a assuré qu’elle recevrait de l’assistance pour le transfert de ses bagages le 12 octobre 2015 à la gare de Montréal, il n’y avait pas de portier ni de chariot à bagages pour lui fournir l’assistance à son arrivée. Mme Rector indique que lorsqu’elle est allée au comptoir des bagages pour demander l’assistance, on la lui a refusée.
[39] De plus, Mme Rector fait valoir que, pendant qu’elle demandait de l’assistance pour ses bagages et son aide médicale, deux employés de VIA avec qui elle a composé ont été désagréables et agressifs. Mme Rector affirme qu’elle et son époux ont été intimidés par eux devant les autres passagers, et qu’ils l’ont humiliée en la forçant à s’agenouiller par terre pour sortir ses documents. Mme Rector affirme que ces employés ont également remis en question la légitimité de son aide médicale.
[40] Selon Mme Rector, les employés de VIA ont insisté sur le fait que son aide médicale entrait dans la catégorie des bagages hors format et lui ont dit qu’elle devait prendre un train plus tard si elle voulait l’apporter avec elle. Mme Rector affirme qu’elle a essayé de fournir une preuve que son aide médicale était nécessaire, qu’elle a pris des dispositions préalables auprès du personnel des relations avec la clientèle pour que son aide soit embarquée et qu’elle ne pouvait pas prendre un train plus tard, car les trajets plus longs accentuent sa douleur.
[41] Mme Rector affirme que pendant presque une heure, les deux employés de VIA ont refusé de communiquer avec le personnel des relations avec la clientèle de VIA, ou même de regarder sa réservation, son profil ou ses documents pour confirmer sa situation médicale et la demande de transport de son aide médicale. Mme Rector affirme que c’est seulement après l’intervention du personnel des relations avec la clientèle de VIA, soit quelques minutes avant le départ, qu’elle a obtenu l’assistance et a été autorisée à embarquer à bord du train avec son aide médicale.
VIA
[42] VIA fait valoir que même s’il avait été prouvé que les employés de VIA ont été désagréables envers Mme Rector et qu’ils lui ont fourni un service de mauvaise qualité, ces événements n’ont rien à voir avec la déficience de Mme Rector ou un traitement discriminatoire, mais concerne plutôt un manquement sur le plan du service à la clientèle.
[43] VIA fait valoir que la chaise inclinable de Mme Rector ne devrait pas être considérée comme étant une aide médicale, mais plutôt comme un accessoire à usage domestique qu’elle souhaite transporter avec elle. VIA affirme que même si la chaise était considérée comme étant une aide médicale, il ne s’agit pas d’une aide à la mobilité nécessaire pour garantir l’accès de Mme Rector à un train de VIA, et qu’en conséquence, la chaise doit être traitée par VIA de la même façon que tous les autres bagages hors format.
[44] VIA affirme qu’elle subirait une contrainte excessive si elle devait transporter l’aide médicale/les bagages hors format de Mme Rector, car ils sont trop lourds à transporter. VIA fait valoir que son matériel a des limites physiques ou structurelles et qu’elle subirait une contrainte excessive si elle devait redessiner ou modifier son matériel afin de retirer ces obstacles.
[45] VIA affirme que dans ces circonstances, elle a comme pratique de ne pas transporter l’aide médicale/les bagages hors format si elle détermine qu’ils ne sont pas nécessaires pour des raisons médicales. De plus, VIA fait valoir qu’elle impose des frais pour les bagages hors format, à moins que le voyageur prouve qu’il en a besoin pour des raisons médicales en tant qu’aide pour une mobilité réduite attribuable à un problème physique.
Analyse et constatations
Absence d’assistance avec les bagages
[46] Sur le formulaire médical de Mme Rector, il est indiqué qu’elle a un microtraumatisme répété à la main droite et une blessure à la coiffe des rotateurs; il est donc raisonnable de présumer qu’elle est incapable de transporter ses propres bagages. En conséquence, l’Office conclut que Mme Rector a besoin d’assistance pour le transport de ses bagages pour avoir un accès égal au réseau de transport fédéral.
[47] Il est indiqué dans le document de référence de l’Office intitulé Accessibilité des voitures de chemin de fer et conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (Code ferroviaire) que lorsqu’une demande est faite avant le voyage, un transporteur ferroviaire devrait fournir l’assistance pour la récupération et le rangement de bagages enregistrés et la récupération de bagages à main.
[48] Mme Rector a présenté une demande d’assistance pour le transport de ses bagages le 15 juin 2015, bien avant son voyage prévu en octobre 2015. L’Office conclut que l’absence initiale d’assistance par VIA pour transporter les bagages de Mme Rector était contraire au Code ferroviaire et a créé un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Rector.
[49] VIA n’a pas présenté de preuves ni d’arguments qui laisseraient entendre qu’elle ne pouvait pas remédier à cet obstacle; l’Office conclut donc que l’obstacle est abusif.
Refus initial de transporter son aide médicale
[50] Le médecin de Mme Rector a indiqué sur le formulaire médical que son aide médicale est essentielle et doit l’accompagner dans ses voyages. Selon son médecin, Mme Rector est incapable de s’asseoir droit et sa capacité de rester debout est grandement limitée; c’est pourquoi son aide médicale doit être accessible en tout temps. Selon ce qui précède, l’Office conclut que la chaise inclinable de Mme Rector est une aide médicale, et non un bagage hors format, et qu’elle est nécessaire pour répondre à ses besoins liés à sa déficience.
[51] L’Office note que même si VIA affirme que l’aide médicale de Mme Rector est un bagage hors format et trop lourd à transporter, ces affirmations ne cadrent pas avec le fait que dans le passé, VIA a accepté de transporter son aide médicale pour le trajet de départ de son voyage en octobre 2015.
[52] Le Code ferroviaire prévoit que « [s]’il reçoit un préavis, le transporteur ferroviaire devrait accepter de transporter […] toute aide médicale » et qu’il « devrait les transporter sans frais et en sus de la franchise de […] bagages du voyageur ». Dans le cas présent, Mme Rector a présenté une demande bien avant son départ pour pouvoir voyager avec son aide médicale. La demande a été acceptée et confirmée par le personnel des relations avec la clientèle de VIA.
[53] L’Office reconnaît que VIA a, en fin de compte, transporté l’aide médicale de Mme Rector, mais note que cette dernière a dû argumenter avec les employés de VIA pour qu’on accorde sa demande. Il est raisonnable de présumer que sans l’intervention du personnel des relations avec la clientèle de VIA, Mme Rector n’aurait pas obtenu l’accommodement et aurait donc manqué son train. De plus, la raison pour laquelle le 12 octobre 2015 des employés de VIA ont insisté pour que Mme Rector prenne un autre train plus tard n’est pas claire. L’Office conclut donc qu’en refusant initialement de transporter l’aide médicale, VIA n’a pas appliqué le Code ferroviaire pour le trajet de retour de Mme Rector et que ce refus constitue un obstacle à ses possibilités de déplacement.
[54] VIA n’a pas déposé de preuves ni d’arguments convaincants qu’elle subirait une contrainte excessive si elle devait transporter l’aide médicale de Mme Rector. En conséquence, en fonction de ce qui précède, l’Office conclut que l’obstacle est abusif.
Absence de sensibilité envers ses besoins liés à sa déficience
[55] Le document d’orientation de l’Office, à savoir le Règlement sur la formation du personnel en matière d’aide aux personnes ayant une déficience (Règlement) prévoit que les employés qui fournissent des services liés au transport et qui peuvent être appelés à transiger avec le public ou à prendre des décisions concernant le transport des personnes ayant une déficience reçoivent une formation sur les politiques et les procédures du transporteur concernant l’assistance aux personnes ayant une déficience qui voyagent avec ce transporteur. L’intention de cette formation est de veiller à ce que les employés soient conscients des besoins particuliers des personnes ayant une déficience et fassent preuve de sensibilité à leur égard, et soient en mesure de fournir le niveau de service nécessaire à ces voyageurs.
[56] Mme Rector a donné un compte rendu détaillé de l’incident qui s’est produit le 12 octobre 2015 à la gare de Montréal, ce que VIA n’a pas contesté, mais considère comme étant un manquement sur le plan du service à la clientèle. L’Office conclut toutefois que la question concerne le statut de Mme Rector en tant que personne ayant une déficience, et que le fait que les employés de VIA ne soient pas au courant des besoins et des droits de Mme Rector, en tant que voyageuse ayant une déficience, et qu’ils l’aient traitée de façon humiliante constitue une infraction au Règlement et a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Rector.
[57] VIA n’a pas présenté de preuves ni d’arguments laissant entendre qu’elle ne pouvait pas remédier à cet obstacle; en conséquence, l’Office conclut que l’obstacle est abusif.
RÉSUMÉ
[58] L’Office conclut que les aspects suivants constituent des obstacles abusifs dans le cas présent :
- L’absence initiale d’assistance par VIA pour les bagages de Mme Rector à la gare de Montréal le 12 octobre 2015;
- Le refus initial de VIA de transporter l’aide à la mobilité de Mme Rector à la gare de Montréal le 12 octobre 2015;
- L’absence de sensibilité de VIA à l’égard des besoins de Mme Rector liés à sa déficience à la gare de Montréal le 12 octobre 2015.
ORDONNANCE
[59] L’Office ordonne à VIA de faire ce qui suit :
- Ajouter au profil de Mme Rector que sa chaise inclinable est une aide médicale qui doit l’accompagner dans tous ses voyages sans frais, et déposer auprès de l’Office une copie du profil de Mme Rector;
- Publier un bulletin et donner de la formation à ses agents, gestionnaires de service ainsi qu’à son personnel de train et de gare portant sur l’obligation de prendre les mesures suivantes :
- répondre aux besoins particuliers des voyageurs ayant une déficience, y compris les déficiences invisibles;
- être continuellement conscients des questions d’accessibilité et y être sensibles;
- protéger la dignité des voyageurs ayant une déficience, entre autres en tenant en privé si possible les discussions à propos de leur déficience et de leurs besoins;
3. Fournir à l’Office au plus tard le 31 mars 2017 une copie du bulletin et des renseignements sur la formation obligatoire, après qu’ils auront été rédigés et communiqués.
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