Décision n° 383-R-1991
le 16 juillet 1991
DEMANDES présentées par l'Honorable Herb Gray et M. Paul Langan, en vertu de l'article 290 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), ch. R-3, en vue d'obtenir l'autorisation d'en appeler du Tarif voyageurs spécial local et commun 1 de VIA Rail Canada Inc.
Référence no D 3085-2-1
HISTORIQUE
Dans une lettre du 27 mars 1991, l'Honorable Herb Gray (ci-après M. Gray) a fait part de ses préoccupations quant à la disponibilité limitée du laissez-passer Canrailpass de VIA Rail Canada Inc. (ci-après VIA), et a demandé à l'Office national des transports (ci-après l'Office) de faire enquête sur les taux et conditions liés au Canrailpass, qui sont exposés dans le Tarif voyageurs spécial local et commun 1 de VIA. M. Gray a notamment porté à l'attention de l'Office une copie d'une lettre du 27 mars 1991, et adressée à VIA, ainsi que des lettres que se sont échangées M. Frank J. Testin d'Edmonton (Alberta) et VIA.
Le 12 avril 1991, M. Paul Langan a lui aussi présenté une demande en vertu de l'article 290 de la Loi sur les chemins de fer, pour être autorisé à en appeler des taux et conditions liés au Canrailpass de VIA.
Comme M. Gray n'a pas précisé la disposition de la loi en vertu de laquelle sa demande était présentée, l'Office a avisé les intéressés, dans une lettre du 29 avril 1991, qu'il allait mettre en commun les deux demandes et procéder à une seule enquête en vertu de l'article 290 de la Loi sur les chemins de fer.
Le 29 mai 1991, VIA a présenté une réponse commune aux deux demandes.
Dans des lettres du 10 et 12 juin 1991, M. Langan et M. Gray ont présenté leur réplique respective à la réponse de VIA.
LES DEMANDES
M. GRAY
M. Gray faisait valoir que le Canrailpass, qui offre un accès illimité pendant trente (30) jours consécutifs à la classe coach de VIA dans tout son réseau voyageurs, moyennant un tarif fixe abordable, n'était offert qu'aux non-Canadiens. M. Gray alléguait que les limites imposées à la disponibilité des Canrailpass nuisent à l'intérêt public.
M. Gray trouvait pour le moins inapproprié que les Canadiens, qui subventionnent déjà VIA par leurs impôts, n'aient pas un accès égal aux tarifs spéciaux qu'offre le Canrailpass aux citoyens des autres pays.
M. Gray a demandé que les Canadiens aient accès au Canrailpass aux mêmes conditions que celles dont jouissent les gens de l'extérieur du Canada.
Dans la correspondance entre M. Testin et VIA que M. Gray a présentée à l'Office pour examen, M. Testin affirmait que VIA ne se conformait pas aux pratiques de l'industrie internationale, semblables à celles qu'on impose aux États-Unis avec la U.S.A. Railpass et en Europe avec l'Eurailpass, où la disponibilité d'un laissez-passer est limitée par les compagnies de chemin de fer aux résidents non-continentaux. M. Testin se préoccupait surtout de l'accès limité au Canrailpass parce que, d'après ses estimations, le prix de ce laissez-passer avait été fixé à un niveau particulièrement bas. M. Testin était d'avis que pour se conformer à la pratique internationale, VIA ne devrait plus offrir le Canrailpass aux Américains.
M. LANGAN
M. Langan soutenait que VIA n'offre aux Canadiens rien qui soit équivalent au Canrailpass, et se demandait pourquoi les Canadiens devraient payer plus cher que les étrangers pour voyager en train. Il affirmait que la pratique de VIA, consistant à offrir des taux moins coûteux aux voyageurs non-canadiens, pour voyager dans un réseau ferroviaire subventionné par les contribuables, constitue une injustice pour les Canadiens.
RÉSUMÉ DES ARGUMENTS PRÉSENTÉS
VIA
VIA contestait l'allégation selon laquelle le Canrailpass n'est offert qu'aux non-Canadiens, disant que depuis l'automne 1990, il est offert aux Canadiens âgés de 60 ans et plus. VIA précisait toutefois que le Canrailpass du Club Ambassadeur, n'est offert que pendant la période hors pointe et qu'il est assujetti à certaines restrictions telles que le nombre de places disponibles, et à des limitations quant au nombre de laissez-passer disponibles.
VIA faisait valoir que le 15 janvier 1990, la rationalisation de son réseau a entraîné une réduction sensible du nombre de places offertes ainsi qu'un changement dans les marchés desservis. VIA faisait ressortir qu'en raison de ces facteurs elle avait dû réajuster ses stratégies de mise en marché et de fixation des prix, de façon à maximiser ses revenus et à atteindre les objectifs financiers fixés. VIA a donc revu ultérieurement la structure tarifaire du Canrailpass.
VIA ajoutait qu'avant le 15 janvier 1990, les ventes de Canrailpass ont été fortes et qu'étant donné le nombre de places offertes, on jugeait que le nombre élevé de voyages bénéficiant du Canrailpass était acceptable. Toutefois, VIA disait qu'en raison des rabais offerts avec l'introduction des programmes de réduction hors pointe dans le Corridor et dans l'Est du Canada, et de la diminution de la capacité du service transcontinental de l'Ouest, VIA a décidé de ne plus offrir le Canrailpass à la clientèle canadienne, sauf aux membres du Club Ambassadeur. VIA affirmait aussi que d'après ses prévisions au moment de la restructuration de son réseau, la nouvelle structure tarifaire répondrait aux besoins de ces marchés.
VIA insistait pour dire que malgré la réduction du nombre de places à bord du service transcontinental de l'Ouest, il arrivait que des places soient libres à l'occasion. VIA disait qu'elle a décidé d'offrir ces places par l'intermédiaire du Canrailpass à des marchés appropriés tels que les vacanciers étrangers soucieux d'économiser, afin d'accroître encore plus ses revenus sans pour autant subir la dilution de ses revenus qui se produirait si le Canrailpass était offert aux Canadiens.
VIA alléguait qu'en offrant le Canrailpass aux voyageurs étrangers à longueur d'année et aux Canadiens membres du Club Ambassadeur pendant la saison hors pointe seulement, elle pouvait se protéger contre une dilution inacceptable de ses revenus. VIA affirmait que sa politique de discrimination des prix suivant les marchés ne nuit pas à l'intérêt public, mais lui permet plutôt de maximiser ses revenus, d'améliorer sa position financière générale et de réduire sa dépendance à l'endroit des fonds publics.
M. GRAY
M. Gray faisait valoir que les tarifs hors pointe de VIA sont sensiblement plus élevés que le coût du Canrailpass, et alléguait que VIA n'a pas montré comment le nouveau régime tarifaire pouvait répondre aux besoins des marchés du Corridor et de l'Est du Canada. M. Gray insistait sur le fait que VIA n'a donné aucune raison pour expliquer pourquoi ce sont les voyageurs canadiens de moins de 60 ans qui doivent supporter le fardeau imposé par la réduction de la capacité du service transcontinental de l'Ouest.
M. Gray affirmait que VIA n'a pas prouvé qu'elle ne serait pas en mesure d'accroître ses revenus si elle offrait le Canrailpass aux vacanciers canadiens soucieux d'économiser, aux mêmes conditions que celles offertes aux touristes étrangers, et qu'elle n'a pas non plus démontré comment sa politique actuelle lui permet de maximiser ses revenus.
M. Gray soutenait qu'en refusant de vendre le Canrailpass aux Canadiens âgés de moins de 60 ans aux mêmes conditions que celles offertes aux touristes étrangers, VIA fait de la discrimination à l'endroit de ces Canadiens, et ajoutait qu'à la lumière des faits, il est évident que le tarif de VIA et les conditions applicables à la vente du Canrailpass nuisent à l'intérêt public. M. Gray faisait aussi ressortir que les restrictions quant à la disponibilité du Canrailpass pourraient être contraires à la Charte des droits et libertés de la Constitution canadienne.
M. LANGAN
Tout en admettant que les Canadiens âgés de 60 ans et plus peuvent acheter le laissez-passer, M. Langan réitérait ses préoccupations relatives au fait que le laissez-passer ne soit pas accessible au reste du public voyageur canadien.
M. Langan faisait valoir que les tarifs hors pointe ne se comparent pas du tout à celui du Canrailpass, et se demandait comment VIA pouvait justifier le fait qu'elle remplace le Canrailpass par les programmes de rabais hors pointe.
M. Langan répétait que le Canrailpass nuit clairement aux intérêts du public canadien, et disait par conséquent que le laissez-passer devrait être offert à tous les Canadiens.
CONSTATATIONS
Le paragraphe 290(1) de la Loi sur les chemins de fer prévoit que toute personne ayant des raisons de croire qu'un tarif de taxes ou les conditions se rattachant à ce tarif nuisent à l'intérêt public, peut demander à l'Office l'autorisation d'en appeler de ce tarif ou de ces conditions.
L'Office doit déterminer si M. Gray et M. Langan ont établi une preuve prima facie indiquant que le Tarif voyageurs spécial local et commun 1 de VIA, dans lequel sont précisés les taux et les conditions relatifs au Canrailpass, nuit à l'intérêt public.
Après avoir examiné avec soin les arguments des parties, l'Office est persuadé que les demandes ont trait à une question qui, après enquête, pourrait révéler qu'on a nui à l'intérêt public.
Par conséquent, l'Office accorde à MM. Gray et Langan l'autorisation d'en appeler. L'Office fera l'enquête qu'il estime justifiée sur les prix et conditions liés au Canrailpass.
CONCLUSION
À la lumière de ce qui précède, l'Office accorde l'autorisation d'en appeler du Tarif voyageurs spécial local et commun 1 de VIA, conformément aux dispositions de l'article 290 de la Loi sur les chemins de fer.
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