Décision n° 397-C-A-2001
le 12 juillet 2001
RELATIVE à une plainte déposée par Earl S. Roberts contre Air Canada relativement à la pénalité pour annulation d'une réservation en prévision d'un voyage entre les États-Unis d'Amérique et le Canada.
Référence no M4370/A74/00
PLAINTE
Le 17 juillet 2000, Earl S. Roberts a déposé auprès du Commissaire aux plaintes relatives au transport aérien la plainte énoncée dans l'intitulé. Toutefois, en raison de la nature réglementaire de la plainte, celle-ci a été transmise à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) le 22 novembre 2000.
Le 18 décembre 2000, le personnel de l'Office a demandé qu'Air Canada traite la plainte à la lumière des articles 111 et 113 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).
Dans une lettre du 17 janvier 2001, Air Canada a demandé de prolonger le délai pour déposer sa réponse à la plainte au 2 février 2001, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-A-27-2001 du 22 janvier 2001. Le 2 février 2001, Air Canada a déposé sa réponse et le 12 février 2001, M. Roberts y a répliqué.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 31 juillet 2001.
QUESTION
L'Office doit déterminer si, en vertu des articles 111 et 113 du RTA, il doit intervenir aux termes de l'article 5 de l'Accord relatif au transport aérien entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique (ci-après l'Accord Canada/É.-U.), relativement à la pénalité d'Air Canada pour annulation d'une réservation en prévision d'un voyage entre les États-Unis d'Amérique et le Canada.
POSITIONS DES PARTIES
M. Roberts juge déraisonnable la pénalité de 75 $US par billet d'avion qu'a imposée Air Canada par suite de l'annulation des réservations de M. et Mme Roberts pour un voyage aller-retour entre New York, New York, États-Unis d'Amérique et Montréal (Québec), Canada, le 5 avril 2000. M. Roberts a annulé leur voyage pour des raisons d'ordre médical et prévoyait faire de nouvelles réservations en août 2000 pour un voyage en septembre 2000. Selon lui, la pénalité de 75 $US d'Air Canada est tout à fait déraisonnable, du fait que l'annulation des réservations découle de raisons médicales, et répond uniquement aux intérêts du transporteur dans la mesure où un montant de 75 $US peut être raisonnable dans le cas d'un billet d'avion de 1 000 $ mais tout à fait déraisonnable pour un billet d'avion de 123,60 $US. D'autre part, M. Roberts juge la pénalité illégale et considère qu'elle ne correspond pas à une clause légitime de dommages-intérêts convenus. Enfin, M. Roberts précise qu'il a annulé son voyage le 30 mars 2000, ce qui donnait à Air Canada amplement de temps pour revendre les sièges.
Dans sa réponse à la demande de M. Roberts voulant que la pénalité soit annulée, Air Canada mentionne qu'elle comprend les circonstances spéciales qui entourent la demande de M. Roberts mais qu'elle n'est pas en mesure d'y acquiescer puisqu'une telle démarche se révélerait discriminatoire envers les autres passagers qui ont payé un prix supérieur pour être en mesure d'annuler ou de modifier leur réservation en tout temps.
Dans sa réponse à la plainte, Air Canada fait observer qu'au moment de l'achat des billets d'avion, M. Roberts a été avisé que leur prix n'était pas remboursable et qu'une pénalité de 75 $US par billet était prévue en cas de changement de réservation. Air Canada ajoute que les dispositions relatives à la pénalité apparaissaient clairement sur les billets d'avion de M. et Mme Roberts et que selon les dossiers du transporteur, M. Roberts n'a pas mentionné, au moment de l'achat des billets d'avion, qu'il trouvait la pénalité déraisonnable. Air Canada indique que M. Roberts a décidé de ne pas souscrire à une police d'assurance en cas d'annulation, comme il est offert dans l'avis qui apparaît en surbrillance sur la partie itinéraire/reçu de son billet d'avion.
Selon Air Canada, la procédure qui prévoit une pénalité en cas d'annulation est juste et raisonnable, sinon les passagers qui achètent des billets d'avion à rabais auraient la même flexibilité que ceux qui paient le prix régulier. De ce fait, Air Canada éprouverait beaucoup de difficultés à estimer les coefficients d'occupation des sièges sur ses vols. D'autre part, Air Canada ne juge pas la pénalité de 75 $US disproportionnée ni déraisonnablement élevée. À ce dernier égard, le transporteur fait observer que d'autres transporteurs imposent maintenant des pénalités plus élevées.
Dans sa réplique, M. Roberts mentionne qu'Air Canada n'a pas donné suite à son affirmation selon laquelle le montant imposé constitue une pénalité et non pas des dommages-intérêts convenus. M. Roberts soutient qu'il ne s'agit pas de dommages-intérêts convenus puisqu'aucune tentative n'avait été faite au préalable par les deux parties pour évaluer les dommages réels. Comme il s'agit d'une pénalité, Air Canada ne peut pas affirmer qu'elle n'est pas tenue de lui offrir un remboursement puisqu'il était au courant de la pénalité, et ne peut pas faire valoir qu'une assurance-annulation aurait fourni une couverture sur le plan médical.
Selon M. Roberts, la pénalité est injuste et déraisonnable puisqu'elle n'est reliée ni au coût ni aux services fournis. M. Roberts estime que le principe sur lequel se fonde Air Canada pour affirmer que le montant est juste (d'autres transporteurs imposent des pénalités plus élevées) ne justifie pas une telle procédure, et non plus l'argument d'Air Canada selon lequel si de telles pénalités ne sont pas imposées, il serait impossible d'établir des prévisions sur les coefficients d'occupation des sièges.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également examiné l'Accord Canada/É.-U. et la disposition tarifaire d'Air Canada concernant la pénalité imposée dans le cas de M. Roberts, soit la catégorie 16, règle 4275, du tarif énonçant les règles canadiennes applicables au transport de passagers publié par la Airline Tariff Publishing Company.
La compétence de l'Office en ce qui concerne les plaintes portant sur les prix et les conditions de transport à destination et en provenance du Canada est définie dans les articles 111 et 113 du RTA. Aux termes de l'article 111 du RTA, l'Office peut prendre certaines mesures correctives, lorsqu'il estime :
- que le transporteur aérien a établi des prix et des conditions de transport injustes et déraisonnables;
- que les prix et conditions de transport établissent une distinction injuste;
- ou que les prix et les conditions de transport accordent une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable en faveur d'une personne ou soumettent une personne à un désavantage ou à un préjudice.
D'autre part, si l'Office constate que le transporteur aérien a contrevenu aux dispositions de l'article 111 du RTA, il peut, en vertu de l'article 113 du RTA :
- suspendre ou refuser le prix et les conditions de transport; ou
- remplacer le prix et les conditions de transport.
En vertu de l'article 78 de la LTC, l'exercice des attributions conférées à l'Office est assujetti à tout accord international auquel le Canada est partie - dans le cas présent, l'Accord Canada/É.-U.).
Le paragraphe (1) de l'article 5 (Établissement des prix) de l'Accord Canada/É.-U. se lit comme suit :
Les parties reconnaissent que les forces du marché sont le principal facteur qui entre en jeu dans l'établissement des prix des services aériens. Les autorités aéronautiques ne doivent intervenir que pour les motifs suivants :
a) empêcher les prix et pratiques déraisonnablement discriminatoires;
b) protéger les consommateurs contre les prix déraisonnablement élevés ou restrictifs par suite d'un abus d'une position dominante;
c) protéger les transporteurs aériens contre les prix artificiellement bas en raison de quelque subvention ou autre appui gouvernemental direct ou indirect;
d) protéger les transporteurs aériens contre des prix artificiellement bas, lorsqu'il existe des éléments de preuve indiquant une intention d'éliminer la concurrence.
D'autre part, l'article 23 (Définitions) de l'Accord Canada/É.-U. donne cette définition :
« prix » S'entend des prix, taux ou frais (y compris des rabais, régimes pour grands voyageurs ou autres avantages influant sur le coût des services aériens) exigés soit pour le transport de passagers (et de leurs bagages), le transport de marchandises (à l'exclusion du courrier) ou le transport de passagers et de marchandises (à l'exclusion du courrier), soit pour l'affrètement d'aéronefs, par les transporteurs aériens, y compris leurs mandataires, ainsi que des conditions régissant la disponibilité de ces prix, taux ou frais, à l'exclusion des conditions générales de transport qui s'appliquent de façon générale à tous les services aériens et qui ne se rapportent pas directement aux prix, taux ou frais.
Au sujet des dispositions tarifaires d'Air Canada, le tarif des règles canadiennes applicables au transport de passagers (catégorie 16, règle 4275) mentionne en partie ce qui suit :
Le prix des billets d'avion est non remboursable.
Note : La pleine valeur d'un billet d'avion peut servir à l'achat d'un billet futur sous réserve des conditions qui suivent :
- une indemnité de 100 $CAN/ 75 $US est imposée au moment de l'achat du nouveau billet
- le voyage a lieu au cours d'une période d'un an suivant l'achat du billet d'avion initial
Changements avant le départ : des frais de 100 $CAN/75 $US sont imposés au moment de l'achat du nouveau billet.
Note : Des changements volontaires d'itinéraire ou de vol sont autorisés :
- à condition que le nouvel itinéraire réponde à toutes les conditions du billet initial
- que le nouvel itinéraire est de valeur égale ou supérieure [traduction]
L'Office estime qu'Air Canada a respecté les dispositions de son tarif en imposant des frais de 75 $US dans le cas à l'étude.
L'Office reconnaît que le montant de 75 $US constitue un prix au sens où l'entend l'article 23 de l'Accord Canada/É.-U. Le montant constitue une condition régissant la disponibilité du taux en question et s'y rapporte directement. Ce montant ne s'applique pas de façon générale à tous les taux puisqu'il ne vise pas les tarifs des classes économique ou affaires ou de première classe.
Compte tenu de ce qui précède et aux termes du paragraphe (1) de l'article 5 (Établissement des prix) de l'Accord Canada/É.-U., il est loisible à l'Office d'intervenir et d'exercer des attributions qui lui sont conférées en vertu des articles 111 et 113 du RTA uniquement s'il détermine que le montant imposé par Air Canada établit une distinction injuste, élevée ou restrictive.
Pour ce qui concerne la question de savoir si le montant établit une distinction injuste, l'Office estime qu'Air Canada a appliqué le montant à tous les passagers qui ont acheté le même billet d'avion que M. Roberts et, de la même façon, aux billets d'avion offerts à rabais par le transporteur. Par conséquent, l'Office est d'avis que le montant n'établit pas de distinction injuste.
Pour la question de savoir si le montant est excessif ou restrictif, l'Office constate qu'Air Canada n'a pas imposé de montant élevé ou restrictif. L'Office note que le montant s'applique aux billets d'avion vendus à rabais, correspond à l'objectif qui consiste à inciter les passagers à ne pas changer la date de leur voyage et n'est pas excessif du fait qu'en pratique, il est possible de faire des changements. L'imposition d'une pénalité pour changement fait partie des pratiques courantes des transporteurs aériens qui offrent des tarifs de transport à rabais. Cette pratique aide les transporteurs aériens à établir avec une certaine précision le niveau d'occupation des sièges sur leurs vols. L'Office note également que tous les transporteurs offrant des services entre New York et Montréal imposaient des frais de 75 $US au moment où M. Roberts a déposé sa plainte. Enfin, l'Office reconnaît qu'en de nombreuses circonstances, les tarifs très réduits qu'offrent les transporteurs aériens prévoient des conditions de transport plus restrictives que celles d'Air Canada pour le taux en question, y compris une condition qui interdit tout changement dans les billets d'avion.
CONCLUSION
Compte tenu de ce qui précède, l'Office rejette par les présentes la plainte.
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