Décision n° 426-C-A-2009

le 9 octobre 2009

le 9 octobre 2009

PLAINTE déposée par Lloyd Alter contre Air Canada.

Référence no M4120-3/08-50589


INTRODUCTION ET QUESTIONS

[1] Lloyd Alter a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (Office) une plainte au sujet des frais de manutention de 50 $CAN facturés par Air Canada pour le transport de bicyclettes à bord de ses vols entre le Canada et les États-Unis d'Amérique.

[2] M. Alter allègue que :

  1. les conditions de transport d'Air Canada régissant le transport des bicyclettes dans le tarif transfrontalier sont injustes et déraisonnables au sens de l'article 111 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA); et que
  2. les frais de manutention et les conditions de transport d'Air Canada établissent une distinction injuste.

[3] Pour les raisons ci-dessous, l'Office rejette les deux aspects de la plainte.

MÉMOIRES

[4] M. Alter fait valoir qu'il voyage avec une très petite bicyclette pliante placée dans un sac qui est conforme aux limites de taille et de poids d'un bagage enregistré. Il affirme qu'Air Canada lui a facturé des frais de manutention de 50 $CAN pour le transport de sa bicyclette pliante entre Toronto (Ontario), Canada et Boston (Massachusetts), États-Unis d'Amérique le 18 novembre 2008. M. Alter fait valoir qu'Air Canada ne facture pas de frais de manutention pour le transport de skis et d'équipement de hockey et que ses frais de manutention pour les bicyclettes sont discriminatoires.

[5] Air Canada allègue que ses frais de manutention pour les bicyclettes ne sont pas discriminatoires ni injustement discriminatoires. Air Canada soutient que ses frais de manutention pour les articles de sport sont basés sur les procédures de manutention supplémentaires requises pour certains articles, y compris les bicyclettes. Air Canada explique que les bicyclettes nécessitent habituellement un traitement spécial puisqu'elles sont ramassées au comptoir d'enregistrement ou dans l'aire des bagages surdimensionnés et livrées en mains propres à la salle des bagages, contrairement aux autres bagages qui sont mis sur le tapis roulant. Air Canada ajoute qu'à l'arrivée, les bicyclettes sont amenées en mains propres jusqu'au tapis roulant spécial pour les bagages surdimensionnés ou aux aires de débarquement. Air Canada indique que ce processus demande beaucoup de temps et entraîne le retrait d'un employé de la salle des bagages, ce qui détourne l'employé de ses autres tâches.

[6] Air Canada indique qu'elle facture aussi des frais de manutention pour d'autres articles spéciaux qui nécessitent une manutention spéciale ou comprennent l'obligation de remplir des documents, comme les armes à feu. Air Canada fait remarquer que les articles qui ne nécessitent pas une manutention spéciale ou qui ne font pas l'objet de procédures spéciales ne sont pas assujettis à des frais de manutention supplémentaires. Air Canada explique que les sacs de golf et les skis, par exemple, peuvent généralement être mis sur le tapis roulant des bagages surdimensionnés dans la plupart des aéroports, puisqu'il y a un tapis roulant en ligne droite. Air Canada affirme que les bicyclettes ne peuvent pas être mises sur le tapis roulant et qu'il faut habituellement qu'un employé de la salle des bagages vienne et ramasse l'article au départ du vol et le livre en mains propres à l'arrivée.

[7] Air Canada affirme que les frais de manutention pour les articles spéciaux sont une norme de l'industrie et qu'elle facture en fait moins que d'autres transporteurs aériens pour des services de ce genre. Air Canada a déposé des copies des tarifs d'autres principaux transporteurs aériens pour les bicyclettes. Air Canada fait valoir que pour des raisons opérationnelles, ses agents doivent traiter toutes les bicyclettes conformément à sa politique applicable aux bicyclettes, peu importe qu'elles soient pliantes et peu importe leur poids ou leur taille. Air Canada explique que ses agents doivent traiter toutes les bicyclettes de la même manière parce qu'ils ne sont pas en position de savoir si les bicyclettes pliantes nécessitent la même manutention qu'une bicyclette plus traditionnelle et quelles sont les limites de taille et de poids d'une bicyclette pour qu'elle ne fasse plus l'objet d'une manutention spéciale.

[8] M. Alter soutient que l'étui rembourré contenant sa bicyclette pliante a été mis sur le tapis roulant comme n'importe quel autre bagage enregistré et qu'ainsi, elle ne requiert pas de manutention spéciale de plus que celle qui est effectuée pour les skis, les planches à neige ou les sacs de golf. Il soutient que les agents d'enregistrement utilisent régulièrement des balances lors de l'enregistrement et qu'ils facturent des frais pour les articles qui excèdent les limites de poids et de taille. Il fait valoir que si un sac de poids et de taille appropriés peut être mis sur le tapis roulant sans manutention spéciale, le fait qu'il contient une bicyclette n'est absolument pas pertinent. M. Alter affirme qu'après avoir payé les frais de manutention, il a déposé l'étui rembourré contenant sa bicyclette pliante sur le même tapis roulant que les autres bagages et à l'arrivée du vol, le bagage a descendu la rampe et a atterri dans le carrousel avec tous les autres bagages. M. Alter soutient que les frais de manutention d'Air Canada pour les bicyclettes sont injustement discriminatoires parce qu'elle traite un sac de taille et de poids appropriés qui n'a pas besoin de manutention spéciale comparativement aux autres bagages, juste parce qu'il contient un type de bicyclette. Il affirme que les frais de manutention sont déraisonnables parce que son bagage n'a pas besoin de manutention spéciale comme une bicyclette conventionnelle.

[9] Air Canada indique qu'elle considère les bicyclettes comme des articles fragiles en raison des dommages qui peuvent potentiellement être causés aux roues lors du transport et qu'elle exige que les bicyclettes soient placées dans un contenant à coque rigide. Elle soutient qu'en vertu des conventions internationales applicables, le transporteur peut être tenu responsable des dommages causés à une bicyclette même si elle n'est pas placée dans un [traduction] « contenant rigide ou à coque rigide conçu spécialement pour le transport ».

[10] Air Canada explique que M. Alter a acheté un billet de United Air Lines, Inc. (United) pour voyager à bord du vol 8536 de United, entre Toronto et Boston, exploité par Air Canada en partage de codes avec United. Air Canada soutient que M. Alter n'avait pas de relation contractuelle avec Air Canada, que ses tarifs n'étaient pas applicables au billet de M. Alter et qu'on aurait dû lui facturer des frais de manutention de 175 $ pour sa bicyclette, conformément au tarif de United. Air Canada souligne que si le voyage de M. Alter avait fait l'objet de son tarif, sa bicyclette aurait été traitée conformément à sa politique. Elle aurait été placée sur le carrousel pour les bagages surdimensionnés et fragiles (pour les aéroports qui ont un tel tapis roulant), elle aurait été transportée manuellement vers le vol exact et, à l'arrivée, elle aurait été livrée dans l'aire des bagages surdimensionnés/fragiles.

[11] M. Alter soutient que le contenant à coque solide fait de carton ondulé qui est accepté par Air Canada ne résisterait pas à la manutention conventionnelle des bagages et doit être traité avec soin. Toutefois, il fait valoir qu'une bicyclette pliante est conçue pour le transport facile, a des pédales et un guidon qui peuvent être pliés afin qu'ils ne fassent pas saillie, ce qui pourrait les endommager, et que l'étui de transport pour cette bicyclette pliante fournit une protection qui est supérieure à n'importe quel contenant à coque solide.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

1. Les frais de manutention et les conditions de transport d'Air Canada régissant le transport des bicyclettes contenus dans son tarif transfrontalier sont-ils injustes et déraisonnables au sens de l'article 111 du RTA?

Analyse

[12] Pour déterminer si des frais ou des conditions appliqués par un transporteur aérien sont « injustes » ou « déraisonnables » au sens de l'article 111 du RTA, l'Office doit adopter une méthode contextuelle qui permet d'établir un équilibre entre, d'une part, le droit des voyageurs de ne pas faire l'objet de conditions déraisonnables et, d'autre part, les obligations réglementaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens.

[13] Il incombe au plaignant de prouver que le transporteur aérien n'a pas appliqué adéquatement les conditions de transport établies dans son tarif ou que ses conditions sont injustes et déraisonnables au sens de l'article 111 du RTA.

[14] L'Office estime qu'en général, les transporteurs aériens devraient être libres d'établir leurs conditions de transport et le prix de leurs services comme bon leur semble, sous réserve des contraintes législatives ou réglementaires.

[15] À la lumière des mémoires déposés par Air Canada, l'Office accepte que le transport des bicyclettes nécessite des procédures de manutention supplémentaires et spéciales qui sont uniques à ce genre de transport. Les procédures mises en place par Air Canada exigent que les bicyclettes soient ramassées au comptoir d'enregistrement ou à l'aire des bagages surdimensionnés et livrées en mains propres à la salle des bagages et qu'à l'arrivée du vol, les bicyclettes soient plus particulièrement amenées en mains propres par un employé de la salle des bagages jusqu'à un tapis roulant spécial pour les bagages surdimensionnés ou à l'aire de débarquement. Air Canada affirme que, dans certains aéroports, ce processus peut demander énormément de temps et signifie le retrait d'un employé de la salle des bagages pour cette affectation spéciale. Air Canada a déclaré que, pour des raisons opérationnelles, ses agents doivent traiter toutes les bicyclettes conformément à sa politique applicable aux bicyclettes, sans égard au fait qu'elles sont pliantes, à leur poids ou à leur taille.

[16] L'Office a étudié la justification déposée par Air Canada à l'appui de ses frais de manutention de 50 $CAN pour les bicyclettes et conclut que cette justification est convaincante.

[17] De plus, l'Office conclut que le plaignant n'a pas présenté de preuves convaincantes qui démontrent qu'un juste équilibre n'avait pas été établi entre le droit des passagers d'être assujettis à des conditions raisonnables de transport et les obligations réglementaires, opérationnelles et commerciales d'Air Canada.

Constatation

[18] La politique d'Air Canada doit s'appliquer à un vaste éventail d'objets semblables et il n'est pas déraisonnable que la politique soit appliquée uniformément à une catégorie d'objets, peu importe qu'un article individuel de cette catégorie puisse avoir des caractéristiques qui le différencie de la catégorie générale. Il pourrait être justifé qu'un employé puisse décider si des caractéristiques exceptionnelles devraient exempter l'article individuel de la manutention ou des conditions appliquées à la catégorie générale à laquelle il appartient. Toutefois, il n'est pas non plus déraisonnable qu'un transporteur aérien insiste que la politique soit appliquée uniformément pour des raisons opérationnelles. En refusant de le faire, on pourrait engendrer des attentes irréalistes de la part d'un consommateur en ce qui a trait à ses futurs voyages.

[19] Les frais de manutention pour les bicyclettes reflètent un coût opérationnel authentique qui est propre aux articles de la catégorie générale définis comme des bicyclettes et Air Canada, lorsqu'elle est l'unique transporteur responsable, a affirmé qu'elle traite les articles uniformément et conformément à la politique. Les frais facturés sont moins élevés que ceux de bon nombre de transporteurs aériens. Bien qu'il soit clair que les autres transporteurs aériens qui ont transporté M. Alter lors de ce voyage aller-retour ont différentes politiques, l'Office n'exige pas que les tarifs ou les politiques soient identiques.

[20] En ce qui concerne le fait que la bicyclette de M. Alter a été mise sur le tapis roulant des bagages réguliers par un autre transporteur sur son vol de retour, l'Office note que les pratiques de manutention, comme les tarifs et les frais, varient d'un transporteur à l'autre. Le fait que les approches diffèrent n'est pas pertinent au bien fondé du tarif d'Air Canada, qui doit être jugé selon son propre mérite.

[21] Le plaignant n'a pas démontré que les frais de manutention et les conditions régissant le transport de bicyclette d'Air Canada contenus dans son tarif transfrontalier sont injustes et déraisonnables. Par conséquent, l'Office conclut que les conditions ne sont pas « injustes » et ne sont pas « déraisonnables » au sens de l'article 111 du RTA.

2. Les frais de manutention et les conditions de transport d'Air Canada régissant le transport des bicyclettes contenus dans son tarif transfrontalier établissent-ils une distinction injuste au sens de l'article 111 du RTA?

Analyse

[22] La première question que l'Office doit envisager afin de déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien établit une « distinction injuste » au sens de l'article 111 du RTA, est de savoir si la condition de transport est discriminatoire.

[23] Une condition serait considérée comme étant discriminatoire si elle singularisait une catégorie particulière du trafic et lui accordait un traitement différent sans motif valable.

[24] Dans le cas présent, les frais de manutention et les conditions de transport d'Air Canada régissant le transport des bicyclettes s'appliquent sans exception à tous les passagers transportant des bicyclettes, peu importe qu'il s'agisse de bicyclettes pliantes et peu importe leur poids ou leur taille. La plupart des bicyclettes nécessitent une manutention spéciale; les frais et la politique le reflètent bien. L'Office conclut qu'aucune preuve qui lui a été présentée ne laisse croire que de telles dispositions sont discriminatoires ou qu'elles ont été appliquées de manière discriminatoire.

Constatation

[25] Puisque l'Office a conclu que les frais de manutention et les conditions de transport d'Air Canada régissant le transport des bicyclettes ne sont pas discriminatoires au sens de l'article 111 du RTA, l'Office n'a pas besoin d'étudier la question afin de savoir si ces dispositions établissent une « distinction injuste ».

CONCLUSION

[26] À la lumière de ce qui précède, l'Office rejette la plainte.

Membres

  • Raymon J. Kaduck
  • Jean-Denis Pelletier, ing./P. Eng.

Membre(s)

Raymon J. Kaduck
Jean-Denis Pelletier, ing.
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