Décision n° 428-C-A-2004

le 6 août 2004

le 6 août 2004

RELATIVE à une plainte déposée par Randall Pack concernant le fait que Northwest Airlines, Inc. n'offre pas un quelconque rabais promotionnel pour voyager entre des points au Canada et des points à l'étranger.

Référence no M4370/04-02271


PLAINTE

Le 8 avril 2004, Randall Pack a déposé auprès du Commissaire aux plaintes relatives au transport aérien la plainte énoncée dans l'intitulé. Cependant, en raison de la nature réglementaire de celle-ci, elle a été transmise à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).

Le 26 avril 2004, le personnel de l'Office a demandé à Northwest Airlines, Inc. (ci-après Northwest) de donner suite à la plainte dans le contexte des articles 111 et 113 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).

Northwest a déposé sa réponse à la plainte le 4 juin 2004, et M. Pack y a répliqué le 10 juin 2004.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Même si Northwest a fait parvenir sa réponse à la plainte après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.

QUESTION

L'Office doit déterminer si, en vertu des articles 111 et 113 du RTA, il doit intervenir aux termes de l'article 5 de l'Accord relatif au transport aérien entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique (ci-après l'Accord), relativement au fait que Northwest n'offre pas un quelconque rabais promotionnel pour voyager entre des points situés au Canada et des points situés à l'étranger.

FAIT

M. Pack, qui demeure à Louisville, Kentucky, États-Unis d'Amérique, a reçu de Northwest un certificat de voyage (ci-après le certificat). Le détenteur d'un tel certificat peut acheter un billet à prix réduit pour voyager aux États-Unis d'Amérique ou de ce pays à destination du Canada ou de l'Europe.

POSITIONS DES PARTIES

M. Pack fait valoir que puisque le certificat n'est valide que si le point d'origine est situé aux États-Unis d'Amérique, Northwest exerce une pratique tarifaire basée sur le point d'origine, laquelle établit une distinction injuste à l'endroit des Canadiens.

M. Pack ajoute qu'il reçoit ces certificats depuis plusieurs années et qu'il n'a jamais pu trouver d'offre tarifaire comparable pour voyager à partir d'un point au Canada. M. Pack soutient que le prix publié le plus bas qu'il a pu trouver pour permettre à sa fille de voyager d'Edmonton, Alberta (Canada), à Louisville, Kentucky, États-Unis d'Amérique, est 240 pour cent plus élevé que le prix que lui accorde le certificat. M. Pack demande à l'Office de mener une enquête relativement à cette affaire.

Dans sa réponse, Northwest fait valoir qu'elle établit elle-même les modalités relatives à ses promotions et qu'il n'est pas discriminatoire de ne pas offrir certains rabais pour les voyages en provenance du Canada. Northwest déclare qu'à l'instar de tous les autres transporteurs aériens, elle offre tout un éventail de promotions, lesquelles prévoient divers types de rabais.

Northwest explique que les prix réduits visent à inciter les gens à voyager avec elle et qu'il y a plusieurs raisons pour expliquer leur existence dans certains créneaux et non pas dans d'autres. Selon Northwest, la raison pour ces prix est peut-être que : 1) ses analystes ont conclu que des routes particulières ne sont pas très rentables et que des mesures correctives devaient être prises immédiatement, 2) le transporteur souhaitait récompenser les membres les plus importants de son programme de grands voyageurs, WorldPerks, en leur offrant des prix attrayants, 3) le transporteur souhaitait peut-être intéresser les membres du programme WorldPerks qui n'ont pas voyagé avec Northwest depuis un certain temps, ou 4) le transporteur souhaitait peut-être promouvoir de nouvelles routes ou stimuler les voyages à bord de nouveaux vols sur les routes actuelles.

Northwest fait valoir que ses programmes de remise de certificats ne s'appliquent qu'aux États-Unis d'Amérique, et ce pour nombre de raisons, et que le Canada n'y est pas encore admissible. Northwest ajoute que le taux de réponse à l'égard de ces programmes est typiquement faible et que pour que le rendement soit positif, Northwest limite la distribution aux villes situées sur les routes bien établies qu'elle dessert, où il y a un nombre considérable d'adhérents au programme WorldPerks ou de membres potentiels.

Northwest ajoute qu'il y a de nombreux prix à rabais applicables au trafic en provenance du Canada et que ces prix comportent moins de restrictions que ceux offerts par l'entremise du certificat faisant l'objet de la plainte de M. Pack.

Dans sa réplique, M. Pack soutient qu'en imposant une restriction sur les prix en fonction du point d'origine, Northwest exerce une pratique discriminatoire à l'égard des voyageurs canadiens. Bien que M. Pack soit d'accord que les transporteurs aériens devraient pouvoir décider quels prix peuvent ou non être offerts dans certains créneaux, il s'interroge quant aux raisons du transporteur de ne pas offrir des promotions tarifaires en raison du point d'origine.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de l'Accord, ainsi que de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

La compétence de l'Office concernant les plaintes portant sur les prix et les conditions de transport à destination et en provenance du Canada est définie dans les articles 111 et 113 du RTA.

L'article 111 du RTA prévoit que :

(1) Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

(2) En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien :

a) d'établir une distinction injuste à l'endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;

b) d'accorder une préférence ou un avantage indû ou déraisonnable, de quelque nature que ce soit, à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre transporteur aérien;

c) de soumettre une personne, un autre transporteur aérien ou un genre de trafic à un désavantage ou à un préjudice indû ou déraisonnable de quelque nature que ce soit.

(3) L'Office peut décider si le trafic doit être, est ou a été acheminé dans des circonstances et à des conditions sensiblement analogues et s'il y a ou s'il y a eu une distinction injuste, une préférence ou un avantage indû ou déraisonnable, ou encore un préjudice ou un désavantage au sens du présent article, ou si le transporteur aérien s'est conformé au présent article ou à l'article 110.

D'autre part, si l'Office détermine que le transporteur aérien a contrevenu aux dispositions de l'article 111 du RTA, il peut, en vertu de l'article 113 du RTA :

  1. suspendre tout ou partie d'un tarif qui paraît ne pas être conforme aux paragraphes 110(3) à (5) ou aux articles 111 ou 112, ou refuser tout tarif qui n'est pas conforme à l'une de ces dispositions;
  2. établir et substituer tout ou partie d'un autre tarif en remplacement de tout ou partie du tarif refusé en application de l'alinéa a).

En vertu de l'article 78 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), les constatations de l'Office sur la question doivent tenir compte des conditions stipulées dans les accords internationaux relatifs à l'aviation civile dont le Canada est signataire; dans le cas présent, il s'agit de l'Accord.

Le paragraphe (1) de l'article 5 de l'Accord intitulé « Prix » donne la définition suivante :

Les parties reconnaissent que les forces du marché sont le principal facteur qui entre en jeu dans l'établissement des prix des services aériens. Les autorités aéronautiques ne doivent intervenir que pour les motifs suivants :

a) empêcher les prix et pratiques déraisonnablement discriminatoires;

b) protéger les consommateurs contre les prix déraisonnablement élevés ou restrictifs par suite d'un abus d'une position dominante;

c) protéger les transporteurs aériens contre les prix artificiellement bas en raison de quelque subvention ou autre appui gouvernemental direct ou indirect;

d) protéger les transporteurs aériens contre des prix artificiellement bas, lorsqu'il existe des éléments de preuve indiquant une intention d'éliminer la concurrence.

Par ailleurs, l'article 23 de l'Accord intitulé « Définitions » donne la définition suivante :

« prix » S'entend des prix, taux ou frais (y compris des rabais, régimes pour grands voyageurs ou autres avantages influant sur le coût des services aériens) exigés soit pour le transport de passagers (et de leurs bagages), le transport de marchandises (à l'exclusion du courrier) ou le transport de passagers et de marchandises (à l'exclusion du courrier), soit pour l'affrètement d'aéronefs, par les transporteurs aériens, y compris leurs mandataires, ainsi que des conditions régissant la disponibilité de ces prix, taux ou frais, à l'exclusion des conditions générales de transport qui s'appliquent de façon générale à tous les services aériens et qui ne se rapportent pas directement au prix, taux ou frais.

L'Office estime que dans le cas présent, le certificat est un « prix » en vertu de l'article 23 de l'Accord (Définitions), puisqu'il s'agit d'un rabais appliqué pour le transport de passagers et de leurs bagages, et qu'il renferme des conditions régissant l'application du rabais.

À la lumière de ce qui précède, et en vertu du paragraphe (1), article 5, de l'Accord portant sur les prix, l'Office peut intervenir uniquement s'il juge que le prix en litige est déraisonnablement discriminatoire, élevé ou restrictif. M. Pack, dans sa plainte, n'allègue pas que le prix en litige est déraisonnablement élevé ou restrictif, mais qu'il est déraisonnablement discriminatoire à l'égard des Canadiens du fait qu'il n'est pas offert pour voyager à partir d'un point au Canada.

L'Office est d'avis qu'avant de déterminer si un prix ou une pratique est « déraisonnablement discriminatoire », au sens du paragraphe (1), article 5, de l'Accord portant sur les prix, il doit adopter une méthode contextuelle permettant d'équilibrer le droit du public voyageur de ne pas subir des prix et des pratiques discriminatoires, et les obligations législatives, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens qui exploitent des services à destination et en provenance du Canada.

L'Office est d'avis que, de façon générale, les transporteurs doivent avoir la flexibilité leur permettant de fixer et de promouvoir leurs prix comme ils l'entendent, sous réserve des contraintes législatives ou réglementaires. À cet égard, les transporteurs devraient normalement avoir la liberté de prendre des initiatives tarifaires et de commercialisation en vue de promouvoir certaines routes -- augmentant ainsi le trafic sur ces routes --, de récompenser et d'attirer les grands voyageurs, et de promouvoir de nouvelles routes au moyen de diverses techniques tarifaires et de commercialisation. Par conséquent, l'Office estime que le certificat n'est pas déraisonnablement discriminatoire.

CONCLUSION

À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office rejette, par les présentes, la plainte.

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