Décision n° 445-C-A-2008

le 29 août 2008

le 29 août 2008

RELATIVE à une plainte déposée par Liviu Dogaru contre Lufthansa German Airlines.

Référence no M4120-3/08-00368


INTRODUCTION ET QUESTIONS

[1] Liviu Dogaru a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office) dans laquelle il allègue que Lufthansa German Airlines (Lufthansa) a refusé à tort de transporter sa fille Diana Dogaru en raison d'un manque de documents.

[2] Les conditions de transport établies dans le « International Passenger Rules and Fares Tariff NTA(A) No. 312 » (tarif des règles et prix du transport international de passagers) [ci-après le tarif] qui s'applique à Lufthansa, comme le prévoit le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA), ont-elles été appliquées correctement par Air Canada lorsqu'elle a refusé de transporter Diana Dogaru?

[3] Comme il est indiqué dans les raisons qui suivent, l'Office conclut qu'Air Canada, agissant en tant qu'agent pour Lufthansa, a appliqué correctement les conditions du tarif de cette dernière lorsqu'elle a refusé de transporter Diana Dogaru.

FAITS

[4] Diana Dogaru avait un billet pour voyager avec Lufthansa et à bord de vols de Lufthansa effectués en partage de codes entre Montréal (Québec), Canada et Bucarest, Roumanie. Il s'agissait d'un billet aller simple pour enfant qui lui permettait de voyager en compagnie d'amis de la famille. Au moment de l'enregistrement, Air Canada, agissant en tant qu'agent pour Lufthansa, a refusé de transporter Diana.

PREUVES ET MÉMOIRES

[5] M. Dogaru fait valoir qu'il a fait tous les préparatifs nécessaires pour que sa fille puisse voyager. Il indique qu'il a pris des dispositions pour qu'un ami accompagne sa fille de onze mois, a obtenu un passeport pour elle et lui a acheté un billet. Il ajoute qu'ils étaient à l'aéroport deux heures et demie avant le départ prévu. M. Dogaru soumet que puisque Diana a la citoyenneté canadienne et la citoyenneté roumaine, il n'y avait pas de raison de refuser de la transporter parce que la documentation était insuffisante. M. Dogaru affirme qu'ils avaient tous les documents de voyage nécessaires, notamment un passeport canadien, une lettre d'autorisation pour voyager et un billet.

[6] M. Dogaru ajoute qu'à l'étape initiale de l'enregistrement, Air Canada a eu de la difficulté à émettre une carte d'embarquement électronique, ce qui a causé un retard. M. Dogaru indique que le manque de temps pour l'enregistrement de sa fille, dont il n'était pas responsable, a empêché celle-ci de monter à bord du vol.

[7] M. Dogaru veut obtenir une compensation sous la forme de deux billets aller-retour en classe affaires pour un vol à destination de la Roumanie (un pour sa fille et un pour lui ou son épouse, à titre d'accompagnateur) et tous autres frais supplémentaires.

[8] Air Canada fait valoir que le vol était exploité en vertu d'un accord de partage de codes entre Lufthansa et Air Canada au moyen d'un aéronef appartenant à Air Canada. Cette dernière soutient que « ...puisque le contrat de transport a été conclu entre le plaignant et Lufthansa et que, par conséquent, ce sont les tarifs et les conditions de Lufthansa qui devraient être examinés, ... Lufthansa devrait répondre à cette plainte. » [traduction]

[9] Lufthansa reconnaît qu'il y a eu un problème lors de l'étape initiale de l'enregistrement en ce qui a trait à l'émission de la carte d'embarquement, problème que Lufthansa attribue à l'enregistrement de renseignements incorrects par l'agent de voyage de M. Dogaru. Toutefois, Lufthansa affirme que le problème a été résolu et qu'il n'était pas la cause du refus d'embarquement de Diana Dogaru.

[10] Lufthansa indique que M. Dogaru s'est présenté avec sa fille pour le voyage avec un passeport canadien et qu'il n'a jamais fourni le passeport roumain de sa fille ou mentionné qu'elle en avait un. Lufthansa fait valoir que lorsque le billet a été vérifié, il a été noté qu'il s'agissait d'un billet pour un aller simple. Par conséquent, Air Canada, en tant qu'agent pour Lufthansa, a vérifié, par l'entremise des extraits pertinents du « Travel Information Manual » (TIM) applicables au moment du voyage de Diana, que les exigences pour les titulaires de passeports canadiens, entre autres, étaient les suivantes :

  • Visa non requis pour les titulaires de passeports canadiens pour un maximum de 90 jours;
  • Les visiteurs doivent avoir un billet pour un vol de continuation ou de retour.

[11] Selon Lufthansa, M. Dogaru a indiqué à Air Canada qu'il ne connaissait pas la durée du séjour de sa fille en Roumanie, mais a parlé d'un séjour de six mois ou plus.

[12] Lufthansa soutient que la décision d'Air Canada de ne pas permettre à Diana de voyager était fondée sur le fait qu'elle avait seulement un billet aller simple et qu'elle n'avait pas de visa, ce qui était contraire aux exigences d'entrée de la Roumanie. Lufthansa fait valoir qu'Air Canada a suivi les procédures d'exploitation normales, en se fiant sur le TIM, et qu'elle a appliqué adéquatement le tarif de Lufthansa. Elle ajoute qu'Air Canada n'avait d'autre option que de refuser l'embarquement.

[13] Lufthansa indique qu'en vertu de son tarif, elle n'est pas responsable de la compensation demandée par M. Dogaru et que l'attribution d'une telle compensation va au-delà de la compétence de l'Office. Lufthansa offre, comme geste de bonne volonté, de rembourser à M. Dogaru la valeur du billet de sa fille.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[14] En ce qui a trait au retard initial à l'enregistrement, l'Office accepte l'observation de Lufthansa, selon laquelle ce retard n'était pas pertinent au fait que Diana Dogaru n'ait pas pu monter à bord, ni à la question de base qui était le refus de permettre à Diana Dogaru de voyager en raison d'un manque de documents. .

[15] L'Office note que M. Dogaru s'est présenté avec Diana Dogaru pour un voyage avec un billet aller simple, un passeport canadien et une lettre notariée autorisant sa fille à voyager avec un ami de la famille. L'Office note aussi que selon les documents fournis par M. Dogaru, il n'était pas possible pour Air Canada de déterminer la durée du séjour de Diana Dogaru en Roumanie.

[16] La preuve indique que lors de l'examen par Air Canada des documents fournis, Diana Dogaru n'avait pas les documents nécessaires pour entrer en Roumanie selon les renseignements fournis par le TIM. L'Office conclut qu'il est justifié pour Air Canada d'utiliser le TIM, qui est un document de référence standard mis à la disposition des transporteurs aériens, afin de déterminer les exigences d'entrée pour une personne dans un pays étranger.

[17] L'Office note que le mémoire de Lufthansa porte la date du 29 avril 2008 et que le transporteur a affirmé que ces exigences étaient en vigueur le 28 mars 2007. L'Office a communiqué avec l'Association du transport aérien international (IATA), l'éditeur du TIM, afin de confirmer que les extraits du TIM du 29 avril 2008 soumis par Lufthansa énonçaient les mêmes exigences d'entrée que celles qui s'appliquaient le 28 mars 2007. L'IATA a pu confirmer que les exigences d'entrée énoncées dans l'extrait du TIM du 29 avril 2008 fourni par Lufthansa n'avaient pas changé depuis le 28 mars 2007 et qu'un citoyen canadien devait avoir un passeport valide pour la durée de son séjour prévu et que le séjour maximum permis sans visa était de 90 jours.

[18] L'Office note qu'aux termes de la règle 25(A)(1) du Tarif, le transporteur peut refuser de transporter un passager si cette mesure est nécessaire pour empêcher la violation des lois applicables. L'Office conclut que Diana Dogaru n'avait pas les documents nécessaires (passeport ou visa roumain) pour entrer en Roumanie lorsqu'elle s'est présentée pour le voyage le 28 mars 2007.

[19] De ce fait, l'Office conclut qu'Air Canada, agissant en tant qu'agent de Lufthansa, a appliqué correctement les conditions énoncées dans le tarif de Lufthansa.

[20] Même si l'Office conclut que Lufthansa n'a pas transgressé son Tarif lorsqu'elle a refusé de transporter Diana Dogaru, il est nécessaire d'examiner d'autres dispositions du Tarif relatives à la responsabilité et à l'indemnisation. Les extraits pertinents du Tarifs se trouvent à l'annexe A.

[21] L'Office note que la règle 25(A)(3) du Tarif prévoit que le seul recours qui s'offre à un passager qui se voit refuser le transport parce qu'une telle mesure était nécessaire afin d'empêcher la violation des lois ou des règlements applicables est le remboursement de la valeur de remboursement de la partie inutilisée du billet, comme le prévoit la règle 90.

[22] L'Office note que Lufthansa a offert, comme geste de bonne volonté, de rembourser le coût du billet de Diana. Toutefois, l'Office conclut qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de bonne volonté, mais plutôt d'une obligation contractuelle puisque, en vertu de la règle 90(D) du Tarif (remboursements involontaires), Lufthansa est obligée de rembourser à M. Dogaru un montant équivalent au tarif payé pour le billet de Diana.

[23] L'Office note aussi que la règle 45(D) du Tarif prévoit que le transporteur n'est pas responsable si, de bonne foi, il détermine que ce qu'il croit être la loi, le règlement gouvernemental, l'exigence, l'ordonnance ou l'impératif applicable exige qu'il refuse, et qu'il refuse effectivement, de transporter un passager.

[24] Cela semblerait être contraire aux dispositions susmentionnées de la règle 25(A)(3) et de la règle 90(D) du Tarif de Lufthansa, ou à tout le moins ambigu. Toutefois, cette dichotomie peut être moins marquée si les règles 25(A)(3) et 90(D) s'appliquent uniquement au remboursement du tarif payé pour un billet et si la règle 45(D) s'applique uniquement aux indemnisations et dommages autres que les remboursements des tarifs payés pour un billet. L'Office conclut qu'il est raisonnable d'interpréter le Tarif de Lufthansa de cette façon et, par conséquent, il conclut que Lufthansa n'est pas responsable envers M. Dogaru pour toute autre indemnisation (autre que le remboursement du billet), puisque le refus de transporter Diana a été effectué de bonne foi en raison de ce que Lufthansa croyait être la loi, le règlement gouvernemental, l'exigence, l'ordonnance ou l'impératif applicable, conformément à son Tarif.

CONCLUSION

[25] L'Office conclut que les conditions énoncées dans le Tarif de Lufthansa ont été correctement appliquées lorsque Air Canada, agissant en tant qu'agent de Lufthansa, a refusé de transporter Diana Dogaru.

[26] Conformément à la règle 90 (D) du Tarif, l'Office enjoint à Lufthansa, dans les trente (30) jours suivant la prise de la présente décision, de payer à M. Dogaru un montant équivalent au tarif payé pour le billet de Diana Dogaru.

[27] Toutes les autres demandes de compensation de M. Dogaru sont rejetées.

Membres

  • John Scott
  • J. Mark MacKeigan

ANNEXE A


RÈGLE 25 - REFUS DE TRANSPORT - LIMITES DU TRANSPORTEUR

(A) Refus, annulation ou débarquement

(1) Le transporteur peut refuser de transporter un passager en route, annuler son siège réservé ou le débarquer :

...

(b) pour empêcher la violation de lois, de règlements ou d'ordonnances applicables de tout État ou pays de destination, d'origine ou qui doit être survolé;

...

(3) Sous réserve des dispositions de la règle 87 (Compensation pour refus d'embarquement) le seul recours qui s'offre à toute personne qui se voit ainsi refuser l'embarquement ou que l'on débarque en route pour l'une ou l'autre des raisons précitées est le remboursement de toute partie inutilisée de son ou ses billets, comme le prévoit le règle 90 ci-après (Remboursements). [...]

RÈGLE 45 - FORMALITÉS ADMINISTRATIVES, PASSEPORTS, VISAS ET CARTES DE TOURISTE

...

(D) RÉGLEMENT GOUVERNEMENTAL

Aucune responsabilité n'incombe au transporteur si celui-ci détermine en toute bonne foi que ce qu'il croit être la loi, le réglement gouvernemental, l'exigence, l'ordonnance ou l'impératif applicable exige qu'il peut refuser, et qu'il refuse effectivement, de transporter un passager.

RULE 90 - REMBOURSEMENTS

...

(D) REMBOURSEMENTS INVOLONTAIRES

Voir aussi la règle 80 (CHANGEMENTS D'ITINÉRAIRE, DÉFAUT DE TRANSPORTER ET CORRESPONDANCES MANQUÉES) et la règle 87 (COMPENSATION POUR LE REFUS D'EMBARQUEMENT). Aux fins de ce paragraphe, l'expression « remboursement involontaire » signifie tout remboursement à un passager que l'on empêche de bénéficier du transport prévu sur son billet en raison de l'annulation d'un vol, de l'incapacité du transporteur de fournir l'espace déjà confirmé, de la substitution par le transporteur d'un type différent d'équipement ou d'une classe de service différente, de correspondances manquées, du report ou du retard d'un vol, de l'omission d'une escale prévue ou du retrait d'un passager ou du refus de le transporter en vertu des conditions de la règle 25 (REFUS DE TRANSPORT - LIMITES DU TRANSPORTEUR). Les remboursements involontaires seront calculés comme suit :

(1) Lorsqu'aucune portion du voyage n'a été effectuée, le montant du remboursement sera le même que le tarif payé.

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