Décision n° 448-R-2006
le 22 août 2006
DEMANDE présentée par 667803 BC Ltd. en vue d'obtenir un passage privé en vertu de l'article 102 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 au point milliaire 48,85 de la subdivision Fraser de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, près de McBride, en Colombie-Britannique.
Référence no R8050/437-048.85
[1] Le 23 mars 2006, 667803 BC Ltd. (ci-après la demanderesse) a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Dans les décisions nos LET-R-116-2006 et LET-R-169-2006, l'Office a accordé à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après CN) et à la demanderesse, respectivement, des prolongations du délai pour déposer leurs soumissions dans cette affaire.
[3] Le 23 mai 2006, CN a déposé sa réponse à la demande et le 11 juillet 2006, la demanderesse a déposé sa réplique à la réponse de CN.
[4] Dans sa décision no LET-R-224-2006 du 14 août 2006, l'Office a autorisé CN à déposer des observations supplémentaires en dehors des délais prescrits pour les plaidoiries.
[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont a convenu de prolonger le délai jusqu'au 1er septembre 2006.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Dépôt tardif de CN
[6] Bien que la réponse de CN ait été déposée après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de cette affaire.
Autres questions
[7] À sa demande, la demanderesse a joint les requêtes suivantes :
- que l'Office déclare non valide la « licence relative à un passage privé » attribuée par CN;
- que l'Office, dans la mesure qu'il juge appropriée, ordonne à CN de payer les dommages;
- que l'Office ordonne à CN de rembourser à la demanderesse tous les coûts connexes engendrés à ce jour.
[8] Dans le cas présent, l'Office note que, sans tenir compte des faits et des circonstances entourant le passage ou les négociations entre les parties, la demanderesse et CN ont conclu une entente relativement à un passage privé sur les voies de CN. Cette entente n'est pas assujettie à la LTC et l'Office n'a aucun pouvoir de modifier, de suspendre, d'annuler ou autrement de traiter une telle entente. Si les parties ne s'entendent pas sur un aspect de l'entente en question, elles peuvent avoir recours aux tribunaux civils pour résoudre ces problèmes. Ainsi, comme l'Office n'a aucune compétence dans de tels cas, la demande en vue de déclarer non valide la « licence relative à un passage privé », la demande concernant les dommages résultant de la licence et la demande de rembourser les coûts à la demanderesse sont par les présentes rejetées.
[9] Toutefois, l'existence de l'entente n'empêche pas l'Office de déterminer si la demanderesse détient un droit prévu par la loi de disposer d'un passage privé à cet endroit en vertu de l'article 102 de la LTC.
QUESTION
[10] L'Office doit déterminer si la demanderesse détient le droit prévu par la loi de disposer d'un passage privé à l'endroit en question en vertu de l'article 102 de la LTC.
POSITIONS DES PARTIES
[11] La demanderesse indique qu'en septembre 2003, elle a pris possession de quatre parcelles de terre dans le but de pratiquer l'agriculture biologique. Toutefois, selon la demanderesse, CN a insisté sur le fait qu'il n'y avait jamais eu de passage à niveau à l'endroit en question. La demanderesse a donc demandé à CN qu'un passage privé soit installé. Le 19 novembre 2003, la demanderesse a conclu avec CN une entente relative à un passage privé, selon laquelle la demanderesse est responsable, entre autres, de tous les coûts liés à la construction et à l'entretien du passage. Par la suite, la demanderesse a pris connaissance des dispositions de la LTC et soutient maintenant que le droit de passage a existé par le passé étant donné que la propriété en question a été occupée en tant que parcelle de terre unique avant la construction du chemin de fer en 1913-1914, qui a divisé la parcelle de terre en deux.
[12] La demanderesse a fourni des documents, des affidavits et des certificats appuyant sa position selon laquelle la propriété en question a été occupée avant la construction du chemin de fer. En ce qui a trait à la parcelle de propriété ayant à l'origine appartenu à la famille Hale, la demanderesse a fourni une copie du certificat de préemption, aux termes de la Lands Act de 1884 de la Colombie-Britannique, émis à Leslie Hale le 12 août 1925 pour la moitié sud du lot 7668, ainsi qu'un certificat d'améliorations relatif au même lot, émis à Leslie Hale le 22 octobre 1938. Par ailleurs, la demanderesse fait référence à d'autres documents qui indiquent que la propriété a essentiellement été occupée avant la construction du chemin de fer. Quant au fait que la propriété ait autrefois appartenu aux Jensen, la demanderesse fait référence à des livres qui mentionnent que les Jensen ont occupé la propriété dès 1911.
[13] Selon la demanderesse, de 1910 à 1940 approximativement, l'occupation et la possession constituaient les règles en vigueur en Colombie-Britannique et les droits de squatter représentaient les seuls droits importants en plus de l'obligation de respecter les exigences afin d'obtenir le titre de propriété. La demanderesse soutient que les Jensen et les Hale ont occupé la propriété avant la construction du chemin de fer et que l'occupation était reconnue comme une propriété en Colombie-Britannique vers 1910.
[14] De plus, la demanderesse affirme qu'un passage privé a existé à l'endroit en question pendant de nombreuses années et elle a fourni des affidavits pour appuyer ses arguments. La demanderesse met en doute les ententes en place entre les années 1930 et 1990.
[15] CN fait valoir que la section du chemin de fer où est situé le passage a été établie dans le cadre de la Grand Trunk Pacific Railway Company (ci-après la GTPR) conformément au Dominion Act, 3 Ed. VII Cap. 122 du 24 octobre 1903 et qu'elle a été achevée et ouverte à la circulation le 20 août 1913. Ainsi, le véritable titre des terres de chemin de fer en question a été établi grâce au certificat de droit incontestable no 361M accordant le titre à la GTPR pour les lots 5268 et 8192 le 10 mai 1921, et au certificat no 2428M accordant le titre à la GTPR pour le lot 7240 le 15 octobre 1923.
[16] CN indique également que le premier titre de la Couronne concernant les terres qui intéressent la demanderesse a été établi grâce aux certificats de droit incontestable suivants :
- le no 7155M pour la fraction nord-ouest du lot 7668, le 2 septembre 1930;
- le no 9562M pour la fraction 3284, le 4 novembre 1935;
- le no 10425M pour le quart nord-est du lot 7668, le 12 août 1937;
- le no 12040M pour la moitié sud du lot 7668, le 20 novembre 1939.
[17] Selon CN, le pouvoir de construction d'une ligne de chemin de fer de la compagnie de chemin de fer, la construction de la ligne et le titre de propriété accordé aux terres de chemin de fer précèdent tous le premier titre accordé par la Couronne pour le lot 7668. En ce qui a trait aux présentations de la demanderesse concernant la préemption, les droits de squatter et l'occupation des terres, CN affirme que la préemption devait être suivie par un accord de la Couronne afin que le titre de propriété de la terre soit obtenu. CN soutient que l'occupation ne donne aucun droit légal à la terre en question puisque, dans le cas présent, le chemin de fer existait avant le premier droit de propriété de cette propriété.
[18] Ainsi, CN soutient qu'aucun droit de passage prévu par la loi n'existe étant donné que la terre du propriétaire n'a pas été divisée à la suite de la construction du chemin de fer, comme le prévoit l'article 102 de la LTC.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[19] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[20] L'article 102 de la LTC prévoit que la compagnie de chemin de fer qui fait passer une ligne à travers la terre d'un propriétaire doit, sur demande de celui-ci et aux frais de la compagnie de chemin de fer, construire un passage convenable qui lui assure la jouissance de sa terre.
[21] Ainsi, dans un tel cas, l'Office doit déterminer si la terre d'un propriétaire a été divisée à la suite de la construction du chemin de fer. La question qui doit d'abord être déterminée est si le titre de propriété de la terre en question en tant que parcelle de terre unique était en place au moment de la construction du chemin de fer. En ce qui a trait aux présentations de la demanderesse concernant l'existence d'un passage, l'Office est d'avis que l'existence physique d'un passage et les ententes qui auraient pu être en place pour un tel passage entre la compagnie de chemin de fer et les propriétaires de terre ne peuvent être pris en compte par l'Office que si le droit de passage a été établi par la construction de la ligne de chemin de fer.
[22] La demanderesse a indiqué que la terre était occupée avant la construction du chemin de fer en 1913 et que l'occupation, par l'entremise des droits de squatter, était reconnue à l'époque comme des droits de propriété dans la province de la Colombie-Britannique. L'Office note toutefois que, conformément à la Lands Act de 1884 et les lois subséquentes de la Colombie-Britannique, une procédure a été établie permettant à l'occupant d'une terre de la Couronne de demander un certificat de préemption, suivi d'un certificat d'améliorations qui mènerait alors à son droit de propriété de la terre grâce à un certificat de droit incontestable. L'article 24 de la Lands Act de 1884 de la Colombie-Britannique prévoit qu'aucune cession d'un bien-fonds, qu'il ait été arpenté ou non, préempté en vertu de la présente loi, ne sera valide avant sa concession par la Couronne. L'Office est donc d'avis que l'occupation de la terre, même si elle a précédé la construction de la ligne de chemin de fer, ne constituait pas un droit de propriété de la terre dans la province de la Colombie-Britannique dans les années précédant la construction de la ligne de chemin de fer.
[23] Comme les éléments de preuve présentés démontrent que le droit de propriété de la propriété en question a été acquise dans les années 1930, bien après la construction de la ligne de chemin de fer en 1913, la propriété de chaque côté du chemin de fer était encore dévolue à la Couronne au moment de la construction du chemin de fer. Ainsi, aucun droit de passage conformément à l'article 102 de la LTC n'a été établi étant donné qu'aucun propriétaire n'a vu sa terre être divisée par la construction d'une ligne de chemin de fer.
[24] Par conséquent, la demande est par les présentes rejetée.
Membres
- Guy Delisle
- Baljinder Gill
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