Décision n° 455-R-1998

le 15 septembre 1998

le 15 septembre 1998

RELATIVE à la plainte déposée par Paul Temelini en son nom et au nom de la Temvest Incorporated conformément à l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), ch. R-3, au sujet du drainage du ruisseau Junction le long, en travers ou en dessous du chemin de fer de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada aux environs du point milliaire 3,5 de l'épi des terminaux de Sudbury, qui prend naissance au point milliaire 262,32 de la subdivision Bala, dans la ville de Sudbury, dans la province d'Ontario.

Référence no R8080/326


CONTEXTE

L'épi des terminaux de Sudbury de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après le CN), qui prend naissance au point milliaire 262,32 de la subdivision Bala, a été construit et ouvert à la circulation en 1908. Il franchissait le ruisseau Junction à trois reprises grâce à un pont sur chevalets situé au point milliaire 3,5, à deux ponts jumelés sur chevalets situés au point milliaire 4,1 (l'épi se compose de deux voies ferrées à cet endroit) et à un pont sur chevalets situé au point milliaire 4,7. Aucun autre ouvrage ne s'est ajouté depuis lors, mais les ponts jumelés sur chevalets situés au point milliaire 4,1 ont été enlevés et remplacés en 1966 par sept ponceaux de quatre pieds de diamètre. Ces ponceaux se trouvaient au point milliaire 4,0, soit à 300 pieds à l'est de l'emplacement de ces ponts, là où l'épi n'avait qu'une voie ferrée. Le ruisseau Junction a été dérivé à ce moment-là vers ces ponceaux. Ces derniers avaient une superficie combinée de section mouillée de 90 pieds carrés.

Pendant le ruissellement du printemps, le ruisseau dérivé forme invariablement un étang immédiatement en amont des ponceaux, et notamment sur le terrain appartenant à la Commission de conservation du district du nickel (ci-après la CCDN), organisme provincial chargé de la gestion du bassin hydrologique de la région.

PLAINTE

Le 8 août 1995, M. Paul Temelini en son nom et au nom de sa compagnie, la Temvest Incorporated (ci-après le plaignant), a déposé auprès de l'Office national des transports (ci-après l'ONT) copies de la lettre du 27 juillet 1995 qu'il avait adressée au ministre des Transports et a demandé d'entamer un processus de plainte conformément aux articles 211 à 214 de la Loi sur les chemins de fer. La plainte portait sur l'inondation annuelle de ses terrains situés au nord du chemin de fer et contigus au pont sur chevalets au point milliaire 3,5 de l'épi des terminaux de Sudbury. Ces terrains font partie d'un secteur connu sous le nom de Ponderosa et situé sur ce qu'on a appelé «lit majeur du ruisseau Junction» dans la présente procédure. Le plaignant allègue que la présence des sept ponceaux de quatre pieds de diamètre au point milliaire 4,0 de l'épi des terminaux de Sudbury empêche l'écoulement du ruisseau Junction à ce point, ce qui amène les eaux à refluer sous le pont sur chevalets au point milliaire 3,5 jusqu'aux terrains du plaignant.

Le plaignant a fourni la preuve que la propriété située au nord de la voie ferrée entre les points milliaires 4,0 et 4,7 de l'épi des terminaux de Sudbury et dans le voisinage de l'ouvrage du point milliaire 3,5 lui appartenait ou qu'il avait des intérêts dans cette propriété. Dans des lettres datées du 27 et du 29 mars 1996, le plaignant a fait savoir qu'il parlait au nom de nombreux autres propriétaires fonciers de la région, y compris Alfia et Erika Taus, dont les terrains, déclarait-il, étaient aussi touchés.

La plainte, déposée en vertu de l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer, a été exposée en détail dans une lettre du 21 mars 1996. Le plaignant fait valoir qu'un préjudice est causé à ses terrains par suite de l'insuffisance du drainage pour l'écoulement des eaux du ruisseau Junction en travers de la ligne de chemin de fer du CN, et notamment en travers des ponceaux situés au point milliaire 4,0. Le plaignant allègue qu'en remplaçant les ponts jumelés sur chevalets qui se trouvaient à cet endroit par des ponceaux en 1966, on a réduit la section de passage du cours d'eau de 25 à 35 p. 100 par rapport à ce qu'elle était à l'origine. Le plaignant estime que l'aménagement de ces ponceaux devait s'accompagner d'un projet de canalisation qui, conjointement avec le passage réduit sous le chemin de fer, aurait permis un drainage suffisant de ses terrains. Toutefois, la canalisation n'a jamais été construite. Par conséquent, le passage réduit laissé par le nouvel ouvrage accroît le remous lorsque le débit est faible à modéré, ce qui entraîne souvent l'inondation des terres privées du secteur Ponderosa. On estime que la fréquence de cette inondation est passée d'une inondation en vingt-cinq ans à une inondation par an sur certaines des propriétés touchées.

Le plaignant fait en outre valoir que l'expansion des affluents du bassin hydrologique, favorisée par les approbations de planification de la municipalité régionale de Sudbury (ci-après la Région), a amené plus d'eau de ruissellement au ruisseau Junction sans que la Région et la CCDN prennent des mesures pour atténuer l'incidence de ce débit supplémentaire, de sorte que les ouvrages actuels comme ceux du CN conviendront moins aux débits du ruisseau Junction au fil du temps.

Le plaignant prétend aussi que la délivrance de permis par la CCDN pour le remblayage de terrains du secteur Ponderosa sans l'obligation de créer un autre lieu de stockage compensateur a réduit les volumes de stockage et haussé ainsi le niveau des crues sur ces terrains. Pour ces raisons, le plaignant estime que les ouvrages du CN sont encore moins adaptés aux débits du ruisseau Junction que par le passé.

À l'appui de ces affirmations, le plaignant a fourni un rapport d'analyse des effets des ouvrages de franchissement du ruisseau Junction construits par CN Rail sur les crues du secteur Ponderosa (Ponderosa Area Flood Analysis - Effects of Junction Creek Crossings Constructed by CN Rail) produit en janvier 1996 par le Lathem Group. Ce rapport précise la nature et l'étendue de l'inondation décrite par le plaignant.

Le plaignant a demandé à l'Office de prendre les mesures suivantes :

  • donner à un ingénieur-inspecteur, ou à une autre personne que l'Office juge utile de nommer, instruction de faire l'examen des ouvrages ferroviaires situés aux points milliaires 3,5, 4,0 et 4,7 de l'épi des terminaux de Sudbury du CN (ainsi que des ouvrages et des tronçons adjacents du ruisseau), d'y tenir une enquête sur leur convenabilité et la nécessité de drains et d'une adduction d'eau à ces endroits et de déposer à cet égard un rapport à l'Office en vertu du paragraphe 212(1) de la Loi sur les chemins de fer;
  • ordonner au CN de construire et d'entretenir, aux points milliaires 3,5, 4,0 et 4,7 de son épi des terminaux de Sudbury, des ouvrages qui assurent un drainage suffisant et évitent une inondation fréquente des terrains en cause;
  • fixer l'indemnité qui doit être payée à M. Temelini et à la Temvest Incorporated en dommages-intérêts pour préjudice causé aux terrains du plaignant.

Comme solution de rechange, le plaignant a proposé que l'Office sursoie temporairement à la plainte et demande que toutes les parties intéressées participent à une conférence pour tenter de résoudre le problème en concluant un accord juste et équitable qui les lie tous.

De plus, le plaignant a fourni une copie du rapport sommaire d'une étude cartographique du lit majeur du ruisseau Junction (Flood Plain Mapping Study of Junction Creek) produit par Kilborn Ltd. en date de novembre 1980. À la demande de l'Office, il a aussi déposé des copies des cartes des niveaux des crues et des remblais.

Dans la plaidoirie déposée après la plainte, le plaignant a reconnu que le secteur New Sudbury et le bassin hydrologique situé en amont du secteur Ponderosa ont connu un développement et une urbanisation considérables après la construction des ponceaux au point milliaire 4,0 en 1966. Tout ce développement s'est fait sans qu'une politique de régularisation des eaux de ruissellement du bassin hydrologique évite au ruisseau Junction de recevoir des volumes et des débits sans cesse croissants.

Le plaignant déclare que si l'on adoptait l'une des solutions possibles qui consiste à remplacer simplement l'ouvrage au point milliaire 4,0 par un pont plus grand, les basses terres de Ponderosa, le secteur commercial où l'on a permis des travaux de remblai le long des rues avoisinantes, ainsi que le chenal qui s'étend jusqu'au centre de la ville et au-delà, connaîtraient une augmentation appréciable du débit entrant. Le plaignant ne désire pas résoudre le problème aux dépens d'autres propriétaires fonciers.

Par contre, le plaignant estime que le remplacement de l'ouvrage au point milliaire 4,0 ne serait faisable que si le stockage actuel sur les terrains de M. Temelini était fait ailleurs. Il serait nécessaire de doubler environ la capacité de stockage sur les terrains de la CCDN pour permettre l'aménagement des terrains situés en bordure de ceux du secteur Ponderosa. La construction de bassins pourrait être intégrée à celle des bassins construits par le CN afin d'atténuer les effets de l'accroissement du cours d'eau.

Le plaignant déclare que la meilleure solution consiste à laisser les ponceaux en place et à construire un canal de dérivation qui les contourne. Les bassins de stockage pourraient être construits sur les terrains du plaignant.

En ce qui concerne cette solution, le plaignant ajoute qu'en 1966, la Commission de conservation de l'époque avait en main un rapport qui recommandait la canalisation et la dérivation du ruisseau Junction, l'une des grandes dérivations proposées étant vers le nord du chemin de fer, dans le secteur Ponderosa. Ce rapport a dû influer alors sur l'examen du débouché de l'ouvrage au point milliaire 4,0 puisque la dérivation apaisait toute inquiétude au sujet de l'incidence de passages sous-dimensionnés dans ce secteur. Malheureusement, l'ouvrage de franchissement sous-dimensionné a été construit sans dérivation, ce qui a causé le problème. Le plaignant maintient que l'ouvrage construit par le CN au point milliaire 4,0 est «sous-dimensionné» et qu'il provoque la formation d'un étang et des inondations sur le terrain du plaignant, comme le confirme le rapport du Lathem Group. Une lettre datée du 31 mai 1966, que la Commission de conservation du ruisseau Junction a adressée au CN, a été déposée auprès de l'Office et, selon le plaignant, confirme le besoin d'une dérivation appropriée pour atténuer ce problème que l'ouvrage du CN a causé en 1966.

En ce qui concerne l'affirmation que l'inondation est imputable à l'aménagement du bassin hydrologique en amont, le plaignant déclare que si la superficie de section mouillée de l'ouvrage au point milliaire 4,0 avait ressemblé à celle des ouvrages situés aux points milliaires 3,5 et 4,7, le niveau normal des eaux du printemps aurait été régularisé par la topographie du secteur Ponderosa plutôt que par un ouvrage particulier et ses effets sur les terrains contigus auraient été répartis plutôt que concentrés. L'incidence de l'ouvrage au point milliaire 4,0 est importante parce que cet ouvrage est au coeur d'élévations supérieures, comme le démontre le rapport du Lathem Group.

Le plaignant déclare que ce n'est pas une défense que de soutenir que le développement et l'urbanisation de Sudbury et du bassin hydrologique en amont ont peut-être contribué à causer les problèmes d'inondation dans le secteur. Le plaignant fait valoir qu'il n'a qu'à prouver que l'ouvrage du CN n'assure pas un drainage suffisant et il l'a fait.

POSITION DU CN

Le CN prétend qu'en achetant des terrains essentiellement marécageux, le plaignant aurait dû bien connaître l'état et la qualité de drainage de ceux-ci où s'écoule le ruisseau Junction. L'inondation de ces terrains est naturelle et imputable en partie à l'adjonction d'ouvrages dont un certain nombre n'appartiennent pas au CN, notamment en aval. L'inondation de ce secteur est aussi imputable aux eaux de ruissellement supplémentaires que l'urbanisation accrue des environs du bassin hydrologique a amenées en comparaison du milieu rural initial. Le CN soutient que le problème d'inondation qui se pose à cet endroit n'est imputable à aucune action particulière du CN. Le seul changement important survenu depuis la construction des ponts initiaux sur chevalets a été le remplacement des ponts jumelés au point milliaire 4,0 par les sept ponceaux en 1966, et ces travaux ont été accomplis avec l'assentiment de la CCDN.

D'après les renseignements dont il disposait, le CN a indiqué que le plus petit de ces ponts jumelés sur chevalets présentait une superficie de section mouillée de 75 pieds carrés sous le tablier pour le passage du ruisseau. Le CN a aussi fait un calcul théorique de la superficie maximale de section mouillée sous le plus petit des ponts jumelés sur chevalets. D'après la longueur de l'ouvrage, le plus grand débouché possible et le profil supposé du terrain, la superficie de section mouillée maximale sous cet ouvrage était, selon le CN, de 237 pieds carrés.

Le CN allègue qu'on n'a pas présenté de preuve indiquant que l'installation des ponceaux au point milliaire 4,0 était la seule cause des inondations. Le plaignant n'a ni indiqué ni vérifié la mesure dans laquelle les ponceaux avaient pu contribuer à une inondation du secteur. Le CN déclare que le développement et l'urbanisation considérables du secteur New Sudbury et du bassin hydrologique en amont ont contribué à l'ensemble ou à la plupart des problèmes mentionnés d'inondation du secteur Ponderosa. Le CN fait en outre remarquer que les niveaux de l'eau illustrés sur les graphiques fournis par le Lathem Group sont en fonction des débits. Il n'y a toutefois aucune indication de l'importance des débits de 1966 ou d'années précédentes, ni d'indication du changement des débits depuis l'installation des ponceaux. Le CN constate qu'aucune raison n'est donnée pour expliquer les variations de débit. Faute de réponses à ces questions, on ne peut déterminer l'incidence que l'installation des ponceaux a pu avoir sur le niveau d'eau.

Le CN conteste l'affirmation que l'installation des ponceaux au point milliaire 4,0 en 1966 a été faite sans que le public le sache. Les travaux ont été prévus pour répondre aux besoins des voisins situés en aval au su et avec l'assentiment de la Commission de conservation de l'époque dont le mandat de gérer le lit majeur au nom de la province et de ses citoyens comportait une vaste diffusion d'information au public.

En réponse à l'affirmation que les données de débit utilisées en 1966 pour déterminer les dimensions des ponceaux ferroviaires sont maintenant «dénuées de sens, étant donné le degré de développement actuel», le CN reconnaît que c'est peut-être vrai, mais le plaignant n'indique pas ce que représentait le «besoin actuel» de drainage au point milliaire 4,0 en 1966. Le CN prétend que l'ouvrage approuvé et construit satisfaisait bien les besoins de l'époque et qu'il se peut fort bien que le développement survenu depuis 1966 ait nui au drainage.

Le CN affirme qu'il a construit l'ouvrage au point milliaire 4,0 en se conformant tout à fait à l'avis et aux conditions de l'assentiment de «l'organisme de réglementation de l'époque» et qu'il n'y a aucune preuve que le CN ait influé sur le drainage de quelque manière non autorisée que ce soit lors des travaux de construction en 1966. Le CN fait remarquer qu'il a remplacé l'ouvrage ferroviaire au point milliaire 3,5 en 1996 avec l'approbation de la CCDN et de la Garde côtière canadienne, et qu'il envisage de remplacer l'ouvrage au point milliaire 4,7 en 1997. [Il est à noter que l'ouvrage a été remplacé en 1997.] Ces travaux ont été autorisés par la CCDN et la Garde côtière canadienne aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables.

POSITION DE LA CCDN

La CCDN déclare que les ouvrages existants ont par le passé défini le régime de crue en amont et que la désignation de lit majeur donnée aux terrains du secteur Ponderosa repose sur ce régime. Les ouvrages du ruisseau Junction causent une inondation importante à cause du remous qu'ils créent lorsque le débit est modéré ou atteint le débit de crue. Dans ces conditions, chaque ouvrage offre une certaine capacité de stockage en amont et assure la protection des secteurs d'aval.

La CCDN signale que les niveaux de la crue dans le secteur Ponderosa indiquent que la crue centenaire resterait dans un chenal assez étroit en amont du pont sur chevalets au point milliaire 3,5, sur les terrains de M. Temelini. Les eaux de la crue définie par la Région pour ce tronçon de chenal inondent une grande surface au nord de l'ouvrage tandis qu'une partie appréciable des eaux contourne les ouvrages aux points milliaires 3,5 et 4,0 pour couler vers l'ouest. Les secteurs en aval du pont sur chevalets au point milliaire 3,5 sont inondés en raison de la capacité des ouvrages et du chenal en aval de l'ouvrage situé au point milliaire 4,7 et au ponceau de la rue Elm, dans le centre-ville de Sudbury.

La CCDN déclare qu'en général, elle n'accepte aucun changement qui augmenterait le débit dans le chenal en aval de l'ouvrage au point milliaire 4,7 de l'épi des terminaux de Sudbury ou le remous en amont. Elle estime que les ponceaux au point milliaire 4,0 ne sont pas sous-dimensionnés. Elle déclare que tout remplacement des ponceaux actuels par un ouvrage d'une capacité semblable serait conforme à sa politique de gestion du lit majeur. Toute modification qui réduirait la capacité de l'ouvrage serait inacceptable. Toute modification qui accroîtrait la capacité de l'ouvrage ou modifierait l'écoulement de telle sorte qu'elle causerait un préjudice aux propriétaires des terrains d'amont ou d'aval serait aussi inacceptable. Cependant, la combinaison de modifications de l'ouvrage et d'un canal de dérivation qui reposerait sur une bonne évaluation des incidences et serait conforme aux politiques de la CCDN serait acceptable.

La CCDN déclare aussi qu'elle ne dispose pas de renseignements indiquant qu'elle ait engagé des pourparlers avec le CN en 1966 au sujet de la participation à un projet de dérivation visant à réduire le nombre de ponceaux nécessaires au point milliaire 4,0. Elle ajoute que rien n'indique qu'elle ait approuvé le nombre réduit de ponceaux à cet endroit. Elle a limité ou interdit l'aménagement des secteurs désignés du lit majeur sur lesquels elle a compétence et que tout aménagement réalisé sans une politique de régularisation des eaux de ruissellement a été approuvé par d'autres organismes.

ANALYSE ET CONSTATATIONS DE L'OFFICE

Le plaignant soutient que les sept ponceaux de quatre pieds de diamètre que le CN a construits en 1966 pour remplacer les ponts jumelés sur chevalets au point milliaire 4,1 de l'épi des terminaux de Sudbury, n'assurent pas un drainage suffisant pour l'écoulement des eaux des terrains en cause. Le plaignant cherche donc à obtenir une réparation aux termes de l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer.

Le paragraphe 212(1) de la Loi sur les chemins de fer dispose de ce qui suit :

Chaque fois, selon le cas :

a) qu'un préjudice est causé à ces terres par suite de l'insuffisance du drainage le long, en travers ou en dessous du chemin de fer pour l'écoulement des eaux de ces terres;

b) qu'une municipalité ou un propriétaire foncier désire obtenir des moyens de drainage, ou le droit de poser des conduites d'eau ou autres tuyaux, provisoirement ou à demeure, en travers, le long ou en dessous du chemin de fer ou des ouvrages ou terrains de la compagnie;

c) que la compagnie du chemin de fer désire obtenir des moyens de drainage, ou le droit de poser des conduites d'eau ou autres tuyaux, provisoirement ou à demeure, en travers, le long ou en dessous des terrains contigus au chemin de fer ou à peu de distance,

la Commission, sur requête ou plainte de la municipalité, du propriétaire foncier ou de la compagnie, peut ordonner ou permettre à la compagnie de construire ces voies de drainage ou de poser ces conduites d'eau [...] ou peut donner à un ingénieur-inspecteur, ou à une autre personne qu'elle juge utile de nommer, instruction de faire l'examen de la localité en question, et, si la chose est opportune, d'y tenir une enquête sur la nécessité ou le besoin de ces drains ou conduites d'eau, et de fournir à cet égard un rapport complet à la Commission.

Le paragraphe 212(2) de la Loi sur les chemins de fer porte que :

La Commission peut, sur réception d'un tel rapport, ou à sa discrétion, régler par ordonnance de quelle manière, à quel endroit, à quelle époque, par qui et à quelles conditions peuvent s'effectuer ce drainage ou la pose de ces conduites d'eau, leur construction et leur entretien, en tenant compte de tous les intérêts légitimes, et elle peut fixer l'indemnité, le cas échéant, qui doit être payée à tout propriétaire lésé, ou prescrire que l'indemnité, s'il y a lieu, soit déterminée en vertu des articles d'arbitrage de la présente loi.

La « Commission » mentionnée dans ces dispositions est la Commission canadienne des transports, que l'ONT a remplacée par suite de l'adoption de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.). L'ONT a été remplacé à son tour par l'Office des transports du Canada le 1er juillet 1996 par suite de l'adoption de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC). Cette dernière a abrogé l'article 212 précité de la Loi sur les chemins de fer en date du 1er juillet 1996.

Cette plainte a été déposée auprès de l'ONT. Aux termes de l'article 195 de la LTC et du Décret sur l'abandon et la poursuite des procédures, 1996, DORS/96-383, les procédures relatives à certaines questions pendantes devant l'ONT au moment de l'entrée en vigueur de l'article 195 doivent être poursuivies devant l'Office. Selon le décret, les procédures intentées en vertu de l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer font partie de celles qui doivent être poursuivies conformément aux dispositions de la Loi sur les chemins de fer, malgré l'abrogation de cet article par la nouvelle loi.

En ce qui a trait à la demande du plaignant voulant que l'Office nomme un ingénieur-inspecteur ou une autre personne pour enquêter sur la convenabilité des ouvrages en question et la nécessité de drains à ces endroits, l'Office reconnaît que toutes les parties à la présente procédure connaissent très bien la nature et l'ampleur de l'inondation du secteur Ponderosa, qu'elles possèdent leur propre expertise technique et qu'elles ont déposé des preuves techniques à cet égard. Dans ces circonstances et étant donné que les ingénieurs de l'ONT ont tenu une réunion sur place avec les parties et d'autres pour se familiariser avec l'emplacement et les questions techniques soulevées par la demande, l'Office conclut qu'il n'est pas nécessaire de charger un ingénieur-inspecteur ou une autre personne de faire l'examen de l'emplacement, d'y tenir une enquête et de préparer un rapport.

Aux termes de l'alinéa 212(1)a) de la Loi sur les chemins de fer, il faut démontrer qu'un préjudice est causé à des terres par suite de l'insuffisance du drainage le long, en travers ou en dessous du chemin de fer pour l'écoulement des eaux de ces terres.

Les terrains du plaignant se trouvent au nord du pont sur chevalets au point milliaire 3,5 et s'étendent à peu près à l'ouest de ce secteur, au nord de la voie ferrée, jusqu'au bras ouest du ruisseau Junction. Dans la présente affaire, il faut démontrer que le drainage pour l'écoulement des eaux des terrains du plaignant est insuffisant, à cause du remous que la dimension de l'ouverture des ponceaux ferroviaires situés au point milliaire 4,0 de l'épi des terminaux de Sudbury provoque jusqu'au-delà du pont sur chevalets du point milliaire 3,5 de cet épi. Il faut démontrer non seulement que la dimension de l'ouverture de ces ponceaux est insuffisante, mais encore que la capacité de stockage actuelle des terrains de la CCDN situés immédiatement en amont de ces ponceaux l'est aussi.

L'Office constate que le rapport d'analyse des crues produit par le Lathem Group indique comment le niveau de crue différerait aux points milliaires 3,5 et 4,0 selon divers débits si l'on remplaçait les ponceaux par un pont sur chevalets au point milliaire 4,0. Cette analyse ne montre pas que la capacité de stockage des terrains de la CCDN situés immédiatement en amont des ponceaux a été prise en considération ni ne détermine quelle est cette capacité.

Dans son analyse, le Lathem Group ne fait pas de distinction entre les eaux qui proviennent d'en amont du pont sur chevalets au point milliaire 3,5 et le remous qui provient d'en aval des ponceaux au point milliaire 4,0 pour s'étendre au nord de la voie ferrée. En anlysant le prétendu trop-plein déversé sur les terrains du plaignant, il faut établir une distinction entre les eaux provenant d'en amont du pont sur chevalets au point milliaire 3,5 et tout remous provenant d'en aval des ponceaux au point milliaire 4,0 pour prouver que l'inondation de ces terrains est causée par lesdits ponceaux du chemin de fer.

En examinant les cartes des niveaux des crues et des remblais du secteur, l'Office constate que les limites de la crue centenaire se trouvent dans le chenal du ruisseau Junction, immédiatement au nord du pont sur chevalets au point milliaire 3,5, ce qui indique qu'il n'y a pas de débordement du chenal du ruisseau sur les terrains du plaignant. Cette constatation cadre avec l'affirmation de la CCDN, l'autorité locale experte en matière de drainage du ruisseau Junction, selon laquelle les niveaux des crues du secteur Ponderosa, qui englobe tous les terrains du plaignant, indiquent que la crue centenaire reste dans un chenal assez étroit en amont du pont sur chevalets au point milliaire 3,5.

Sur ce point, l'Office constate que les terrains en question se trouvent dans le lit majeur du ruisseau Junction. L'Office constate aussi que les parties conviennent qu'il y a eu un développement important en amont de ces terrains au fil des ans, ce qui a amené plus d'eau de ruissellement dans le bassin hydrologique du ruisseau Junction. L'Office juge que ce développement en amont et les remous en aval des ouvrages de la compagnie de chemin de fer contribuent à amener plus d'eau sur le terrain au nord du chemin de fer.

L'Office estime que la preuve n'est pas suffisante pour démontrer que les ponceaux au point milliaire 4,0 ont causé l'inondation des terrains en amont du pont sur chevalets au point milliaire 3,5. L'Office est conscient des allégations d'inondation des terrains en question et des environs, mais estime qu'il y a peu d'éléments de preuve, sinon aucun, qui indique que l'inondation de ces terrains est en fait imputable aux trois ouvrages de la compagnie de chemin de fer. L'Office a notamment examiné la preuve de la CCDN, l'autorité locale experte en la matière, qui montre que même la crue centenaire reste dans le chenal du ruisseau.

Le plaignant a aussi déclaré qu'il agissait en qualité de mandataire d'Alfia et d'Erika Taus. L'Office constate que les terrains des Taus se trouvent au nord du chemin de fer, entre les points milliaires 3,5 et 4,0. D'après les cartes des niveaux des crues et des remblais qui ont été déposées, ces terrains, comme ceux de M. Temelini, se trouvent au-dessus de la limite de la crue centenaire. L'Office n'est donc pas convaincu qu'un préjudice a été causé à ces terrains par suite de l'insuffisance du drainage.

CONCLUSION

Par conséquent, l'Office conclut que le drainage assuré par le CN est suffisant pour l'écoulement des eaux des terrains que le plaignant a mentionnés dans la présente procédure. L'Office rejette donc la demande du plaignant voulant que l'Office ordonne au CN de modifier ses ouvrages situés dans le secteur Ponderosa.

Aux termes de l'article 212 de la Loi sur les chemins de fer, le plaignant a aussi demandé à l'Office de fixer une indemnité pour les dommages subis par suite du préjudice causé à ses terrains. Pour envisager une indemnité, l'Office doit être convaincu qu'un préjudice a été causé aux terrains du plaignant par suite de l'insuffisance du drainage pour l'écoulement des eaux de ces terrains. Compte tenu de ce qui précède, l'Office rejette la demande d'indemnité du plaignant.

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