Décision n° 515-AT-A-2000
le 7 août 2000
DEMANDE déposée par George Rimek, en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement aux sièges qui lui ont été assignés à bord d'un vol de Royal Aviation Inc. entre Toronto (Ontario) et la Grenade, les 27 novembre et 11 décembre 1999.
Référence no U3570/00-27
DEMANDE
Le 10 avril 2000, George Rimek a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 1er mai 2000, Royal Aviation Inc. (ci-après Royal) a déposé sa réponse à la demande et le 24 mai 2000, M. Rimek y a répliqué. À la demande du personnel de l'Office, Royal a déposé des commentaires additionnels le 30 mai 2000.
QUESTION
L'Office doit déterminer si les sièges assignés à M. Rimek ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, les mesures correctives devant être prises.
FAITS
M. Rimek a une déficience reliée à des troubles médicaux multiples et il utilise un déambulateur dans ses déplacements. Il a fait des réservations pour un voyage aller-retour pour son épouse et lui-même entre Toronto et la Grenade, via la Barbade, du 27 novembre au 11 décembre 1999. Son épouse était son accompagnatrice.
Au moment de la réservation et lors de l'enregistrement à Toronto, M. Rimek a fourni à son voyagiste et à Royal deux certificats médicaux dont le premier indiquait qu'il ne devait pas demeurer dans la même position pour une période prolongée et qu'un siège côté allée ou à l'avant de la cabine devait lui être assigné pour qu'il puisse allonger ses jambes. Le deuxième certificat indiquait qu'en raison de troubles médicaux multiples, M. Rimek requiert l'aide de son épouse lorsqu'il voyage. M. Rimek a également demandé un siège à côté de celui de son épouse, qui préférait un siège côté hublot.
Dans le cas en instance, le transporteur a utilisé un aéronef Airbus A-310. La rangée de sièges près cloison no 1 offrait de l'espace supplémentaire pour les jambes, tout comme les sièges 2C et G pour les deux vols, les sièges 9C et G ainsi que la rangée de sièges no 14 près de l'issue de secours lors du vol de départ et les sièges 15C et G lors du vol de retour.
M. Rimek s'est vu assigner le siège 2B et sa femme, le siège voisin 2A, ayant été entendu que le siège 2C demeurerait inoccupé lors des deux vols pour qu'il puisse allonger ses jambes. Lors du vol de départ, le siège 2C était occupé par un autre passager. Comme le siège qui lui avait été assigné ne répondait pas à ses besoins, le siège 9G lui a été assigné et le siège 9H, à son épouse. Au moment de l'escale à la Barbade, conformément à la procédure établie de Royal qui demande à tout passager de retourner au siège qui lui a initialement été assigné pendant la procédure d'embarquement, M. Rimek est retourné prendre place dans la rangée no 2, plus précisément dans le siège 2C et son épouse, dans le siège 2B. Toutefois, le siège 2C ne répondait pas à ses besoins.
Lors du vol de retour, le siège 2C a été de nouveau assigné à M. Rimek et le siège 2B, à son épouse. Par la suite, on lui a demandé de prendre place au centre de la rangée no 1. Toutefois, comme il n'y avait pas de siège disponible à côté du sien, son épouse a occupé le siège 2C.
POSITIONS DES PARTIES
Selon M. Rimek, le superviseur du service de réservation de Royal avait initialement assigné à lui et à son épouse les sièges 1A et B. Toutefois, on l'a informé subséquemment que ces sièges étaient situés dans une rangée près d'une issue de secours et qu'ils n'étaient donc pas disponibles pour les personnes ayant une déficience. M. Rimek soutient que le superviseur lui a assuré que les nouveaux sièges 2A et B qui leur avaient été assignés fourniraient le même espace pour les jambes que les sièges situés dans la rangée no 1.
M. Rimek fait valoir qu'au moment de l'enregistrement à Toronto, il a expliqué au superviseur ses besoins en matière de sièges et lui a également remis les certificats médicaux le concernant. Néanmoins, M. Rimek indique que lorsqu'il a pris place dans le siège 2B lors du vol de départ, il avait les genoux collés au siège devant lui. De plus, il n'a pu utiliser le siège 2C puisqu'il était occupé. C'est alors qu'il a demandé un nouveau siège et attendu deux heures avant que le personnel de bord ne les déplace jusqu'à la rangée no 9. Par la suite, il a eu des crampes intenses et des spasmes aux jambes, a eu des étourdissements et était incapable de bouger.
Selon M. Rimek, au moment de l'escale à la Barbade, alors que les autres passagers ont quitté l'appareil, il est demeuré à bord, paralysé et incapable de bouger, après avoir expliqué sa situation au commandant. M. Rimek précise qu'il a alors pris place dans le siège 2C mais que ce siège ne répondait pas à ses besoins du fait que l'espace prévu pour les jambes était restreint et qu'il avait le genou gauche collé au siège 1B. Par conséquent, le personnel de bord a avisé les Rimek qu'ils pourraient prendre place dans les sièges vacants 1A et B après le décollage, ce qui a toutefois été impossible en raison des conditions météorologiques.
M. Rimek indique qu'à son arrivée à la Grenade, il a tenté de remédier à la situation en s'adressant au représentant de Signature Tours, qui lui a assuré que l'incident ne se répéterait pas. M. Rimek ajoute qu'il n'était pas convaincu que Royal changerait les dispositions d'assignation des sièges ou qu'elle était en mesure de le faire, et qu'il n'a pu prévoir aucun plan de rechange pour son voyage de retour du fait qu'il ne se sentait pas bien.
M. Rimek indique qu'au moment de l'enregistrement pour le vol de retour, l'agent l'a informé que lui et son épouse demeureraient dans les sièges 2A et B mais que de nouvelles mesures seraient prises ultérieurement. Selon M. Rimek, au moment de l'embarquement, les agents de bord ont constaté que le siège 2C n'offrait pas de meilleures conditions que le siège 2B. Par la suite, il a pu occuper un siège situé au centre de la rangée no 1 après qu'un autre passager le lui eut offert. M. Rimek fait remarquer qu'il a été ainsi séparé de son épouse, qui a pris place dans le siège 2C. M. Rimek soutient que la réservation des sièges des passagers assis à côté de lui dans la rangée no 1 avaient été faites après la sienne.
M. Rimek fait valoir qu'à la suite des incidents qu'il a vécu lors du vol de départ, il n'a pas été en mesure de bien se déplacer, même en se servant de son déambulateur, et que cela a nui à certaines de ses activités. M. Rimek demande une indemnité auprès du transporteur, comme par exemple des billets de courtoisie pour des voyages futurs, y compris l'hébergement sans frais.
Royal précise qu'à bord des aéronefs A-310, la rangée de sièges près cloison no 1 n'est pas considérée comme étant située près d'une issue de secours et répond donc aux besoins des personnes ayant une déficience. Selon les besoins en matière de siège exprimé par M. Rimek, les seules options possibles consistaient à lui réserver un siège central dans la rangée no 1 ou un siège côté allée dans les rangées no 2 ou no 9 lors du vol de départ ou encore, un siège côté allée dans les rangées no 2 ou no 15 lors du vol de retour.
Royal soutient que par suite des discussions entre son agent de réservation et M. Rimek, ce dernier s'est vu assigner le siège 2B, situé près de l'avant de l'aéronef, ce qui signifiait moins de déplacement. Son épouse, pour sa part, a obtenu le siège 2A, ayant une préférence pour un siège côté hublot. Pour que M. Rimek ait plus d'espace pour ses jambes, un message a été envoyé au personnel de l'aéroport pour réserver le siège 2C et faire en sorte que M. et Mme Rimek soient assis ensemble. Toutefois, comme le vol de départ était rempli à capacité, le siège 2C n'était plus libre. Royal indique que des nouveaux sièges dans la rangée no 9 ont été assignés aux Rimek après que le voyant «ceinture de sécurité» se soit éteint, le siège 9G offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes.
Royal fait valoir qu'au moment de l'escale à la Barbade, lors du vol de départ, M. Rimek a pu demeurer à bord de l'aéronef pour des raisons de commodité, tandis que les autres passagers ont quitté l'appareil pendant que l'on s'affairait à le nettoyer et à le ravitailler. Royal explique que comme le personnel de bord est très occupé au moment de l'embarquement et doit s'occuper de toutes les formalités avant le départ du vol, il était normal pour le directeur de vol de demander aux Rimek de demeurer en place jusqu'à la fin du décollage, après quoi on leur attribuerait des sièges répondant à leurs besoins. Toutefois, en raison de la turbulence en cours de vol, les passagers ont dû demeurer dans leurs sièges.
Royal indique qu'avant le vol de retour, son personnel des services au sol, avec la collaboration du représentant de Signature Tours, a assigné un nouveau siège à M. Rimek qui offrait de l'espace supplémentaire pour les jambes. Toutefois, comme ce siège ne répondait pas aux besoins de M. Rimek, le directeur de vol a demandé si des passagers volontaires voulaient changer de sièges et, ainsi, a pu déplacer M. Rimek dans la rangée no 1.
Royal reconnaît que le siège initial assigné à M. Rimek n'était pas approprié. En outre, elle explique que M. Rimek aurait dû occuper le siège 1D, 1E ou 1F ou encore, un siège offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes et que son épouse aurait dû avoir le choix de prendre place dans un siège à côté de son époux ou, à l'écart, dans un siège côté hublot. Néanmoins, Royal soutient que son équipage a fait tout en son pouvoir pour remédier à la situation et réduire les inconvénients au minimum pour M. Rimek. De plus, Royal s'excuse de n'avoir pas été en mesure de répondre aux besoins de M. Rimek en matière de sièges au cours des efforts déployés pour lui assigner un nouveau siège approprié. Elle ajoute qu'elle a modifié ses procédures pour s'assurer que des incidents semblables ne se reproduisent pas et que les passagers ayant des besoins médicaux puissent être satisfaits.
Royal indique que ses cadres supérieurs ignoraient le problème de M. Rimek, plus particulièrement lors du vol de retour, et que les mesures nécessaires auraient été prises si M. Rimek avait communiqué avec eux lors de son séjour à la Grenade. Royal affirme que si M. Rimek avait l'impression qu'elle ne prendrait aucune autre mesure pour lui assigner un siège approprié, ou qu'elle n'était pas en mesure de le faire, il lui était loisible d'utiliser les services d'un autre transporteur aérien et de réclamer à Royal le remboursement du coût d'achat des billets d'avion.
Royal reconnaît que l'assignation de sièges inappropriés à M. Rimek découle d'une erreur de jugement de la part de son agent et n'est pas une question de procédure. Néanmoins, pour témoigner de sa bonne volonté, le transporteur a offert à M. et Mme Rimek un laissez-passer gratuit pour un voyage futur sur l'une des routes qu'elle dessert au cours de la prochaine année.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les documents présentés par les parties.
L'Office est d'avis que lorsqu'un client déclare avoir un besoin de siège en raison d'une déficience, par exemple un siège offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes, le transporteur doit accorder la priorité à ce client plutôt qu'à un client qui préfère le siège, mais qui n'en a pas besoin.
L'Office note que les parties s'entendent sur le fait que le siège 2B n'aurait pas dû être assigné à M. Rimek. Il ajoute que les raisons de l'assignation de ce siège ne sont pas claires. Il est évident que l'agent de réservation a informé M. Rimek, à tort, que les sièges 2A et B fourniraient suffisamment d'espace pour ses jambes et que le siège 2C serait réservé pour ses besoins. L'Office note également qu'au moment de l'enregistrement à Toronto, le superviseur n'a pas avisé M. Rimek que le siège qui lui avait été assigné ne répondait pas à ses besoins et qu'il n'a rien fait pour remédier à la situation avant l'embarquement ou avant le vol de retour de M. Rimek. Ce n'est qu'une fois à bord de l'aéronef que M. Rimek a constaté que le siège qui lui avait été assigné ne répondait pas à ses besoins.
L'Office note également que d'après le plan de cabine déposé par le transporteur, il est évident que les sièges 2A et B à bord des aéronefs A-310 ne fournissent pas d'espace supplémentaire pour les jambes. L'Office estime que si l'agent de réservation et le superviseur au comptoir d'enregistrement à Toronto avaient été au courant du plan de cabine de l'aéronef, ils auraient pu assigner à M. Rimek un siège répondant à ses besoins pour les deux vols.
L'Office reconnaît que le personnel de bord a déployé des efforts pour remédier à la situation lors du vol de départ. Toutefois, ces efforts n'ont permis de répondre qu'à une partie des besoins en matière d'accessibilité de M. Rimek, et ce après le décollage et pour une partie du vol seulement. En ce qui a trait au vol de retour, l'Office note que le personnel de bord a déployé des efforts et a assigné à M. Rimek un siège qui répondait à ses besoins. Toutefois, à ce dernier égard, M. Rimek a du choisir entre un siège qui lui permettrait d'allonger ses jambes ou un siège à côté de celui de son accompagnatrice. Il s'est alors trouvé séparé de cette dernière. À cet égard, l'Office estime qu'une fois qu'il est établi qu'une personne, en raison de son état, a besoin d'un accompagnateur pour répondre à ses besoins personnels pendant son voyage, le transporteur doit veiller à ce que les deux passagers soient assis ensemble.
Les renseignements fournis à Royal relativement aux besoins de M. Rimek en matière de sièges étaient clairs. Ce dernier avait besoin d'un siège offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes. L'Office estime que le fait que Royal ne lui ait pas assigné, au moment de la réservation, un siège qui lui fournirait de l'espace supplémentaire pour les jambes a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Rimek, car il a dû, ultérieurement, chercher de nouvelles solutions et être déplacé à l'intérieur de l'aéronef. Toutefois, l'Office reconnaît que même si les sièges situés dans la rangée no 14 du vol de départ fournissent également de l'espace supplémentaire pour les jambes, ils ont été exclus des options offertes puisqu'ils sont situés dans une rangée près d'une issue de secours et ne sont donc pas offerts aux personnes ayant une déficience pour des raisons de sécurité. L'Office estime que l'obstacle était abusif du fait qu'il aurait pu être facilement évité si le personnel du service de réservation de Royal avait été au courant du plan de cabine des aéronefs du transporteur. Ainsi, l'Office estime que Royal devrait publier un bulletin à l'intention de tous ses agents de réservation décrivant les incidents vécus par M. Rimek et rappelant aux employés les plans de cabine des aéronefs de Royal.
Il est à noter que le 21 janvier 2000, l'Office a rendu la décision no 41-AT-A-2000 en réponse à une autre plainte impliquant Royal. Aux termes de cette décision, le transporteur a été tenu de modifier sa politique de réservation de sélection préalable de sièges. À la suite de cette décision, Royal a modifié sa politique, qui permet maintenant aux passagers ayant une déficience de réserver des sièges à l'avance, sans frais, qui répondent à leurs besoins, comme par exemple des sièges près cloison, des sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes, des sièges situés près d'une toilette. La politique prévoit également que pour répondre aux besoins d'un passager ayant une déficience, les réservations préalables peuvent être annulées et les frais exigés sont alors remboursés. Selon l'Office, ces mesures correctives devraient aider à prévenir la répétition d'incidents semblables à celui qu'a vécu M. Rimek.
Pour ce qui est de la question d'indemnisation, après avoir déterminé qu'il y a eu un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office peut, conformément au paragraphe 172(3) de la Loi sur les transports au Canada, exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle abusif. Or, l'Office estime que M. Rimek n'a engagé aucune dépense en raison de l'obstacle abusif.
CONCLUSION
À la lumière des constatations précédentes, l'Office conclut que le fait que Royal n'a pas assigné à M. Rimek, au moment de la réservation, un siège offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
Par conséquent, Royal est par les présentes tenue :
- d'émettre un bulletin à tous ses agents de réservation décrivant les incidents vécus par M. Rimek et rappelant aux employés les plans de cabine des aéronefs de Royal; et
- de déposer auprès de l'Office une copie de ce bulletin dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision.
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