Décision n° 54-C-A-2006
le 31 janvier 2006
RELATIVE à une plainte déposée par Craig McIntyre concernant le refus d'Air Canada de transporter ses fils à bord du vol no AC181, de Montréal à Edmonton, le 17 mai 2004.
Référence no M4370/04-50420
PLAINTE
[1] Le 20 septembre 2004, Craig McIntyre a déposé auprès du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien (ci-après le CPTA) la plainte énoncée dans l'intitulé. Toutefois, les parties n'ayant pu régler la plainte et vu sa nature réglementaire, celle-ci a été acheminée à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).
[2] Dans une lettre du 31 mai 2005, l'Office a informé M. McIntyre et Air Canada de sa compétence dans cette affaire. L'Office a également demandé à M. McIntyre de confirmer par écrit s'il désirait poursuivre officiellement cette affaire devant l'Office. Dans cette même lettre, on a également demandé aux parties si elles voulaient que les commentaires déposés auprès du CPTA soient considérés comme des plaidoiries devant l'Office.
[3] Dans une lettre du 7 juin 2005, Air Canada a informé l'Office qu'elle n'était pas d'accord que les commentaires déposés auprès du CPTA soient considérés comme des plaidoiries devant l'Office. Le 10 juin 2005, M. McIntyre a avisé l'Office qu'il désirait poursuivre cette affaire officiellement devant ce dernier et que les commentaires qu'il avait déposés auprès du CPTA devraient être considérés comme plaidoiries devant l'Office.
[4] Le 22 juin 2005, l'Office a demandé à Air Canada de déposer à l'Office et à M. McIntyre sa réponse à la plainte, et on a donné l'occasion à M. McIntyre d'y répliquer.
[5] Dans un courriel du 14 août 2005, Air Canada a informé l'Office que les parties essayaient de s'entendre sur un règlement. Toutefois, dans un courriel du 20 septembre 2005, M. McIntyre a avisé l'Office que les parties n'ont pas pu conclure une entente. Dans une lettre du 20 octobre 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la plainte et le 15 novembre 2005, M. McIntyre y a répliqué.
[6] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 31 janvier 2006.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
[7] Bien que les parties aient déposé leurs commentaires après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 4 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, les accepte les jugeant pertinents et nécessaires à son examen de cette affaire.
QUESTION
[8] L'Office doit déterminer si Air Canada a appliqué de façon adéquate les modalités concernant le refus de transporter énoncé dans son tarif intérieur CDGR-1 (ci-après le tarif) tel qu'il est exigé par la LTC et le Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié.
POSITIONS DES PARTIES
[9] Les fils de M. McIntyre, Eric et Scott, devaient voyager à bord du vol no AC181 d'Air Canada, de Montréal à Edmonton, le 17 mai 2004. M. McIntyre affirme qu'il a conduit ses fils à l'aéroport ce matin-là, et qu'ils y sont arrivés vers 8 h 10 pour prendre un vol quittant à 8 h 55 vers Edmonton. Il ajoute qu'il a accompagné ses fils à l'intérieur de l'aérogare, laissant ainsi son véhicule sans surveillance en bordure du trottoir.
[10] M. McIntyre affirme qu'à 8 h 15 au plus tard, soit au moins quarante minutes avant l'heure prévue de départ du vol de ses fils, un représentant d'Air Canada a dirigé Scott et Eric à la file d'attente. M. McIntyre affirme que puisque son véhicule était sans surveillance, il a quitté l'aérogare pour le déplacer et a, par la suite, décidé de le stationner et de retourner à l'aérogare pour s'assurer que ses fils n'avaient pas de problèmes. Le talon de stationnement présenté par M. McIntyre confirme qu'il est entré dans l'aire de stationnement de l'aéroport à 8 h 24.
[11] M. McIntyre soutient que lorsqu'il est rentré dans l'aérogare, ses fils ne se trouvaient plus au comptoir d'enregistrement d'Air Canada. Il s'est alors rendu dans l'aire de contrôle de sécurité vers 8 h 30. Il affirme qu'il croyait que ses fils étaient à la porte d'embarquement pour prendre leur vol après avoir passé le contrôle de sécurité puisque seuls des préposés étaient présents dans l'aire. De plus, il indique qu'au moment de quitter l'aire de contrôle de sécurité, il a aperçu ses fils au téléphone public où, semble-t-il, ils tentaient de le joindre. M. McIntyre soutient que ses fils lui ont dit qu'Air Canada ne les enregistrerait pas pour le vol car ils étaient arrivés trop tard au comptoir d'enregistrement.
[12] Dans une déclaration écrite, Scott et Eric affirment que l'agente les a avisés qu'Air Canada n'enregistrait pas les passagers qui arrivaient 30 minutes avant le départ. Les fils de M. McIntyre ont souligné qu'il restait encore 45 minutes avant l'heure de départ, mais l'agente a refusé de revoir sa position. Scott et Eric indiquent qu'on les a ensuite amenés à un autre comptoir pour acheter de nouveaux billets.
[13] Air Canada affirme que les fils de M. McIntyre sont arrivés au comptoir d'enregistrement trop près de l'heure limite de 8 h 30 pour leur permettre d'arriver à la porte d'embarquement dans le délai prescrit de 25 minutes avant l'heure de départ du vol, et que ses dossiers indiquent que leur demande de sièges a, par conséquent, été annulée. Le transporteur affirme également que l'aire de contrôle de sécurité n'était pas achalandée et que les passagers y passaient de façon constante.
[14] Air Canada affirme que les renseignements concernant les délais d'enregistrement se trouvent sur tous les billets et qu'ils sont inclus dans les conditions de transport énoncées dans son tarif. Quant à M. McIntyre, il souligne que les billets qu'il a achetés pour ses fils n'indiquaient pas de délais prescrits pour l'enregistrement et que lorsqu'il les a montrés aux agents d'Air Canada au comptoir d'enregistrement, ils étaient d'accord avec lui. Selon M. McIntyre, les agents lui ont fait valoir que s'il avait acheté ses billets à la billetterie d'Air Canada plutôt que par Internet, on lui aurait dit de s'enregistrer pour son vol au moins 60 minutes avant le départ et « qu'il était possible que les sièges soient réassignés à d'autres passagers 30 minutes avant le départ ». Air Canada affirme que l'heure d'enregistrement recommandée énoncée dans son tarif dans le cas de vols intérieurs est de 60 minutes avant le départ et que le fait de ne pas se conformer à cette exigence entraînera l'annulation de la réservation du passager. L'agent a ajouté que l'arrivée de Scott et d'Eric 45 minutes avant leur vol ne leur a pas donné suffisamment de temps pour s'enregistrer et de faire mettre leurs bagages à bord de l'aéronef.
[15] M. McIntyre affirme que l'agent d'Air Canada lui a dit qu'il devrait acheter d'autres billets pour ses fils et l'a dirigé vers un autre comptoir pour faire ces arrangements, même s'il restait quinze minutes avant l'heure prévue de départ du vol de Scott et Eric en direction d'Edmonton. M. McIntyre soutient que les arrangements suggérés étaient coûteux et inacceptables.
[16] M. McIntyre indique qu'après l'achat de billets de WestJet totalisant 1 482,92 $, il est retourné au comptoir d'Air Canada où on lui a indiqué qu'un crédit serait disponible pour la partie inutilisée des billets de ses fils. Toutefois, dans la documentation accompagnant sa plainte, M. McIntyre a déposé des lettres qu'il avait reçues d'Air Canada avant de déposer sa plainte auprès du CPTA. Dans une de ces lettres adressées à M. McIntyre, Air Canada affirme que les billets n'avaient aucune valeur résiduelle, mais pour témoigner de sa bonne foi, le transporteur a envoyé des bons de transport totalisant 300 $ pour chacun de ses fils.
[17] M. McIntyre fait valoir qu'il est lui-même retourné à Edmonton la semaine suivante et son agent l'a avisé au moment de l'enregistrement que l'heure limite pour s'enregistrer est de 30 minutes avant le départ et parfois moins si le comptoir d'enregistrement n'est pas achalandé. Il soutient également que son vol a été retardé en raison de passagers qui étaient toujours au contrôle de sécurité.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[18] L'article 67 de la LTC prévoit, notamment :
67(1) Le licencié doit :
a) publier et soit afficher, soit permettre au public de consulter à ses bureaux tous les tarifs du service intérieur qu'il offre;
(3) Le titulaire d'une licence intérieure ne peut appliquer à l'égard d'un service intérieur que le prix, le taux, les frais ou les conditions de transport applicables figurant dans le tarif en vigueur publié ou affiché conformément au paragraphe (1).
[19] L'article 67.1 de la LTC prévoit :
67.1 S'il conclut, sur dépôt d'une plainte ou de sa propre initiative, que le titulaire d'une licence intérieure a, contrairement au paragraphe 67(3), appliqué à l'un de ses services intérieurs un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport ne figurant pas au tarif, l'Office peut, par ordonnance, lui enjoindre :
- d'appliquer un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport figurant au tarif;
- d'indemniser toute personne lésée des dépenses qu'elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;
- de prendre toute autre mesure corrective indiquée.
Dispositions tarifaires
[20] Les règles 35 et 135 du tarif régissant les conditions de transport en vigueur le 17 mai 2004 prévoit en partie ce qui suit :
Règle 35AC REFUS DE TRANSPORTER - LIMITES DU TRANSPORTEUR
[21] II Comportement du passager - Refus de transporter : Comportement interdit et sanctions
Comportement interdit
Sans limiter le caractère général de ce qui précède, les énoncés suivants représentent des comportements interdits où il peut être nécessaire pour le transporteur, en faisant preuve de jugement raisonnable, de prendre des mesures afin d'assurer le confort ou la sécurité physique de la personne, des autres passagers (dans l'avenir et à l'heure actuelle) ou des employés du transporteur; la sécurité de l'aéronef; l'exercice sans entraves des fonctions des membres d'équipage à bord de l'aéronef ou des opérations aériennes sécuritaires et adéquates.
[...]
(D) La personne qui ne se conforme pas aux instructions du transporteur et de ses employés, y compris les instructions de cesser tout comportement interdit;
[...]
[22] III Refuser de transporter le passager
Ces refus de transporter peuvent aller d'une interdiction unique à une interdiction indéterminée ou...
[...]
Règle 135AC ANNULATION DES RÉSERVATIONS
(C) Délais prévus pour l'enregistrement à un aéroport
1) On recommande au passager de se présenter aux endroits désignés à l'enregistrement au moins 60 minutes avant l'heure prévue de départ du vol pour lequel il a fait une réservation afin de permettre l'achèvement des formalités gouvernementales et les formalités de sortie.
2) Dans le cas des vols Rapidair, le passager doit se rendre à la porte d'embarquement au moins 20 minutes avant l'heure prévue de départ du vol pour lequel il a fait une réservation, il doit avoir en main toute documentation appropriée et être prêt à voyager.
3) Pour tous les autres vols, le passager doit se rendre à la porte d'embarquement au moins 25 minutes avant l'heure prévue de départ du vol pour lequel il a fait une réservation, il doit avoir en main toute documentation appropriée et être prêt à voyager.
4) Si le passager ne se conforme pas à ces exigences, le transporteur réassignera tout siège réservé et/ou annulera la réservation de ce passager. Le départ du vol ne sera pas retardé pour les passagers qui arrivent trop tard pour que de telles formalités soient achevées avant l'heure de départ prévue. Le transporteur n'a aucune obligation envers le passager dans le cas de perte ou de dépense causées par le refus du passager de se conformer à cette règle.
NOTA : Aux fins de l'application de cette règle, l'enregistrement se rapporte à l'endroit où se fait l'enregistrement des bagages et la porte d'embarquement est l'endroit où le transporteur retire le talon de la carte d'embarquement.[traduction libre]
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[23] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné attentivement tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a aussi examiné les conditions de transport énoncées dans le tarif d'Air Canada concernant le refus de transporter et l'annulation de réservations.
[24] En vertu du paragraphe 67(3) de la LTC, un transporteur aérien doit se conformer, entre autres choses, aux modalités de transport prévues à son tarif.
[25] L'Office note que la règle 135 du tarif d'Air Canada prévoit en partie qu'elle recommande aux passagers de s'enregistrer 60 minutes avant le départ et de se rendre à la porte d'embarquement au moins 25 minutes avant l'heure prévue de départ de leur vol. La règle prévoit également que le fait de ne pas se conformer à ces exigences peut engendrer la perte du siège réservé ou de la réservation. Puisqu'une recommandation n'est pas une exigence, l'Office conclut d'après le libellé de cette règle qu'en autant qu'un passager a terminé l'enregistrement plus de 25 minutes avant l'heure prévue de départ du vol, le transporteur n'a pas le droit d'annuler la réservation du passager sauf s'il ne se présente pas à la porte d'embarquement 25 minutes avant le départ. Le transporteur peut se prévaloir des dispositions de cette règle relative à l'annulation de la réservation du passager seulement si celui-ci ne s'y conforme pas.
[26] Air Canada a affirmé que les McIntyres sont arrivés trop près de l'heure limite de 8 h 30 pour que le transporteur soit en mesure de les enregistrer afin qu'ils puissent se rendre à la porte d'embarquement dans le délai prescrit. Toutefois, M. McIntyre a souligné que ses fils ont fait la file pour l'enregistrement entre 8 h10 et 8 h 15 mais qu'Air Canada a refusé de permettre aux fils de M. McIntyre de s'enregistrer : ils étaient arrivés trop tard au comptoir d'enregistrement pour achever à temps les processus d'enregistrement et de contrôle de sécurité afin de se présenter à la porte d'embarquement 25 minutes avant le départ. Pour appuyer cette affirmation relativement aux délais prescrits, M. McIntyre a démontré à l'aide de son reçu de stationnement qu'il est entré dans l'aire de stationnement à 8 h 24. Il a affirmé qu'il est retourné à l'aérogare et qu'il s'est rendu à l'aire de contrôle de sécurité à 8 h 30 au plus tard, soit 25 minutes avant le départ du vol, et que seuls les préposés au contrôle de sécurité se trouvaient à cet endroit. Air Canada n'a présenté aucune preuve concrète réfutant la position de M. McIntyre. L'Office est d'avis que si l'on avait donné la possibilité à Scott et à Eric de se rendre à la porte d'embarquement, ils auraient probablement pu respecter le délai d'arrivée à la porte de 25 minutes à l'avance.
[27] Seul dans le cas où Scott et Eric seraient arrivés au comptoir d'enregistrement après 8 h 30, le transporteur aurait-il eu le droit de refuser de terminer le processus d'enregistrement. La recommandation voulant que les passagers s'enregistrent 60 minutes avant l'heure prévue de départ n'est pas une disposition exécutoire du tarif.
[28] Toutefois, la disposition du tarif exigeant qu'un passager se présente à la porte d'embarquement 25 minutes avant l'heure prévue de départ est exécutoire. Étant donné que le transporteur n'a pas fourni d'éléments de preuve contredisant la position de M. McIntyre selon laquelle il est arrivé à l'aéroport vers 8 h 10 et a laissé ses fils faire la file au comptoir d'enregistrement pour déplacer son véhicule, l'Office accepte l'élément de preuve fourni par M. McIntyre et il est d'avis que l'incident s'est déroulé tel qu'il a été décrit dans la plainte. En outre, l'Office estime qu'Air Canada n'a fourni aucune documentation pour appuyer son affirmation que les passagers sont arrivés trop tard pour procéder à leur enregistrement, ce qui les a donc empêchés de se présenter à la porte d'embarquement dans le délai prescrit de 25 minutes avant l'heure de départ. En fait, Air Canada n'a pas donné à Scott et à Eric McIntyre la possibilité de respecter cette exigence. De plus, l'Office note que bien qu'Air Canada ait affirmé que 45 minutes n'étaient pas suffisantes pour le traitement d'un passager et qu'il se rende à la porte d'embarquement dans les délais prescrits, lorsque M. McIntyre s'est enregistré pour son vol de retour en direction d'Edmonton, on l'a informé qu'on accepterait les passagers au comptoir 30 minutes avant l'heure prévue de départ et, dans certaines circonstances, parfois moins.
[29] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime qu'Air Canada n'a pas prouvé qu'elle était en droit d'annuler la réservation de Scott et d'Eric et qu'en ne leur permettant pas de se rendre à la porte d'embarquement, Air Canada n'a pas appliqué son tarif de façon adéquate dans cette affaire et a, par conséquent, contrevenu au paragraphe 67(3) de la LTC.
CONCLUSION
[30] À la lumière des constatations qui précède, l'Office, en vertu de l'alinéa 67.1b) de la LTC, enjoint par les présentes à Air Canada de rembourser à M. McIntyre, dans les 30 jours suivant la date de cette décision, un montant de 1 482,92 $ équivalant à la valeur des billets d'avion que M. McIntyre a dû acheter de WestJet pour le retour de ses fils à Edmonton découlant du refus d'Air Canada de les transporter.
Membres
- George Proud
- Baljinder Gill
- Beaton Tulk
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