Décision n° 588-AT-A-2005
Suivi - décision no 622-AT-A-2006
le 27 septembre 2005
DEMANDE déposée par Peter E. Pawley en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 concernant les difficultés qu'il a rencontrées au cours de son voyage aller-retour avec Koninklijke Luchtvaart Maatschappij, N.V. (K.L.M. Royal Dutch Airlines), entre Toronto (Ontario), Canada et Bristol (Angleterre) via Amsterdam (Pays-Bas) partant le 11 avril 2005 et revenant le 18 avril 2005.
Référence no U3570/05-17
DEMANDE
[1] Le 10 mai 2005, Peter E. Pawley a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. La demande de M. Pawley était accompagnée d'une copie d'un certificat médical, de son itinéraire, des cartes d'embarquement et de son reçu de billet électronique.
[2] Le 16 mai 2005, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij, N.V. (K.L.M. Royal Dutch Airlines) (ci-après KLM) avait trente (30) jours pour déposer sa réponse à la demande, y compris une copie du dossier de réservation et tous les dossiers et documents concernant le voyage de M. Pawley. Puisque les demandes de service ont été faites par l'entremise d'un agent de voyage, on a demandé à New Wave Travel de déposer les documents concernant toutes les communications entre elle et KLM au sujet du voyage de M. Pawley.
[3] Le 31 mai 2005, KLM a déposé sa réponse et a inclus des copies du dossier passager (ci-après DP) de M. Pawley, des extraits de son Manuel sur le traitement des passagers en ce qui a trait à l'assignation des sièges et à l'assistance offerte, ainsi qu'un schéma des sièges pour les aéronefs de type Fokker F70 et Boeing 747-400.
[4] Le 23 juin 2005, New Wave Travel a fourni sa réponse, y compris une copie du dossier de réservation de M. Pawley.
[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 28 septembre 2005.
QUESTIONS
[6] L'Office doit déterminer si les sièges assignés à M. Pawley sur les vols nos 692 et 691, ainsi que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à l'Aéroport international Lester B. Pearson - Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) et à l'aéroport d'Amsterdam ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives doivent être prises.
FAITS
[7] M. Pawley est, en raison de la perte de trois disques intervertébraux, incapable de lever des objets pesant plus de vingt livres, de monter des escaliers ou de marcher plus de cinq pieds sans utiliser une canne. M. Pawley ressent également de la douleur dans sa jambe droite.
[8] M. Pawley a déposé les documents suivants : un certificat médical de son médecin qui indique que M. Pawley a besoin d'un siège près cloison car il doit avoir de l'espace pour étirer sa jambe; une copie du reçu du billet électronique; une carte d'embarquement pour le 18 avril 2005 et un itinéraire. La carte d'embarquement pour le vol no 691 indique qu'on lui a assigné le siège 57G et l'itinéraire indique qu'on lui a assigné le siège 39H.
[9] Le 6 avril 2005, M. Pawley a réservé, par l'entremise de son agent de voyage à New Wave Travel, un voyage aller-retour avec KLM entre Toronto et Bristol avec une escale à Amsterdam partant le 11 avril 2005 et revenant le 18 avril 2005. Lorsqu'il effectuait ses préparatifs de voyage, M. Pawley a informé son agent de voyage qu'il avait besoin d'un fauteuil roulant pour les longues distances et un siège près cloison. M. Pawley a aussi informé son agent de voyage qu'il avait un certificat médical attestant qu'il a besoin de ce siège.
[10] Le dossier de réservation de l'agence de voyage indique que l'agent de voyage a fait une demande de service spécial (ci-après DSS) pour obtenir de l'assistance avec fauteuil roulant (ci-après WCHR) qui identifie les clients qui peuvent monter/descendre des marches et se rendre jusqu'à leur siège à bord de l'aéronef et le quitter, mais ont besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre jusqu'à l'aéronef ou le quitter c.-à-d. sur les rampes, appontement flottant ou à la salle d'embarquement mobile, selon le cas. La demande de siège près cloison a été effectuée par un message de Renseignements sur d'autres services (ci-après RAS) envoyé au transporteur aérien : « Veuillez assigner un siège près cloison au passager; le passager a une note du médecin pour un siège près cloison. »
[11] KLM a un système informatique qui génère un DP contenant de l'information à propos du passager, y compris les besoins précis du passager. Le DP de M. Pawley (dans la catégorie de l'information supplémentaire) contenait le code « WCHR ». De plus, au sujet du siège, la note suivante apparaît : « DEMANDE NOTÉE POUR L'EMBARQUEMENT ». Le message de RAS inclut la demande de siège près cloison et indique que le passager a une note de son médecin déclarant que le passager a besoin d'un siège près cloison.
[12] M. Pawley a voyagé entre Toronto et Amsterdam avec le vol no 692 de KLM le 11 avril 2005 et est revenu avec le vol no 691 de KLM le 18 avril 2005. Ces vols ont été effectués au moyen d'un aéronef Boeing 747-400.
[13] Le 11 avril 2005, M. Pawley s'est enregistré à 14 h pour son vol de 18 h. On lui a fourni une assistance avec fauteuil roulant du comptoir d'enregistrement à l'aire d'embarquement. M. Pawley a marché de l'aire d'embarquement à l'aéronef puisque aucune autre assistance avec fauteuil roulant n'a été fournie. On a assigné à M. Pawley un siège au centre sans espace pour étirer sa jambe.
[14] Le 18 avril 2005, à Amsterdam, M. Pawley a obtenu de l'assistance afin de transférer de l'aéronef arrivant de Bristol jusqu'à l'aire de départ pour l'aéronef partant vers Toronto. M. Pawley a ensuite dû marcher de l'aire d'embarquement jusqu'à l'aéronef puisqu'on ne lui a pas fourni d'assistance avec fauteuil roulant. M. Pawley s'est vu assigné un siège au centre sans espace pour étirer sa jambe.
[15] KLM a soumis diverses sections de son Manuel sur le traitement des passagers concernant ses politiques et procédures pour les passagers ayant une déficience qui prévoient, en partie, ce qui suit [traduction] libre :
Article 10.2.10 - Assistance aux passagers ayant une déficience
[16] A. Procédure générale
- Afin de s'assurer que le service approprié sera fourni, il est important que l'agent des ventes - en demandant - vérifie auprès du passager si tous les services disponibles respectent tous les besoins du client. L'utilisation des codes corrects de la DSS dans les dossiers de réservation est essentielle afin de fournir le service approprié.
- Les passagers ayant une déficience ont priorité sur les autres passagers en ce qui a trait à l'assignation des sièges.
- Sur demande, le personnel au sol aidera les passagers ayant une déficience à passer les contrôles de l'immigration et avec la récupération de leurs bagages.
Article 10.2.11 Service de téléphone et de courriel KLMCARES
[17] Un numéro de téléphone et une adresse courriel relatifs aux services spéciaux sont disponibles pour les passagers et les agents de vente qui veulent se renseigner sur les réservations et les services pour les passagers ayant une déficience. Le personnel du centre d'appels Cygnific à Amsterdam répondant aux appels et aux courriels sont spécialement formés pour répondre à des questions précises et effectuer des réservations avec des services spéciaux pour les passagers ayant une déficience. Au besoin, ils réachemineront l'appel ou le courriel au département approprié. Le centre d'appels est accessible 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Le numéro de téléphone et l'adresse électronique sont fournis aux passagers dans le dossier spécial de KLM « Voyage aérien pour les passagers ayant une déficience » [Traduction libre].
Article 10.2.14 Groupes spéciaux et délégations
[18] A. Général
Les procédures décrites dans le chapitre 10.2 sont établies afin de permettre à tous les passagers ayant une déficience de voyager en toute quiétude, qu'ils voyagent seuls, avec leur famille, leurs amis ou en groupe.
Cependant, il y a des situations où KLM veut pouvoir anticiper les besoins lors d'un voyage et superviser le voyage. De telles situations se produisent lorsqu'il s'agit de voyages de personnes ayant une déficience ou des groupes qui, en raison de leur statut ou de leur influence, attirent l'attention des médias. Par exemple : les participants aux Jeux paralympiques, les passagers ayant une déficience voyageant avec des membres de la presse, des délégués se préoccupant des intérêts des passagers ayant une déficience, etc. Dans de telles situations, la liste de vérification (en B) doit être utilisée afin d'informer tous les départements qui sont en cause et de garantir une expérience positive pour tous ces passagers.
[19] B. Liste de vérification des actions
Département | Tâche |
---|---|
Bureau des ventes | - Insère le code de la DSS/RAS dans le DP concerné. |
- Envoie le DP des groupes/personnes mentionnées dans le paragraphe A de l'article 10.2.14 à OCCRCKL. | |
Réservations spéciales | - Vérifie/corrige les points de la DSS dans le DP afin d'assurer l'édition automatique dans le SCD. |
- Ajoute dans le DP : RAS VIP plus une explication, afin d'informer les stations et l'équipage de bord à propos de l'attention spéciale requise. | |
- Fait la liaison avec SPL/AZ pour l'approbation médicale ou l'équipement médical. | |
- Alloue les sièges. Avise qu'il n'y a pas d'espace pour les jambes dans la classe M si cela est demandé. | |
- Informe SPL/ST et les ambulanciers paramédicaux. | |
- Informe le gestionnaire des événements spéciaux (SPL/SL). |
9.2.1 Réservation de sièges générale
- [20] Les sièges réservés seront confirmés dans le DP. Toutefois, nous ne pouvons garantir que le passager obtiendra le siège réservé.
- [21] KLM se réserve le droit de changer les sièges assignés, même après l'embarquement de l'aéronef, pour des raisons opérationnelles, de sécurité ou de sûreté.
- [22] Pour les cas spéciaux comme : les cas médicaux, les passagers voyageant avec un animal ou un berceau, il est toujours permis de demander un siège précis.
9.2.11 Passagers ayant une déficience
[23] A. Procédure générale
- Il est préférable d'assigner un siège aux personnes ayant une déficience : près des toilettes, à proximité de la porte, dans des rangées avec des accoudoirs mobiles, dans la section du milieu dans les aéronefs à fuselage large.
- Les personnes ayant une déficience qui n'affecte qu'un côté de leur corps devraient être assises dans un siège côté allée de façon à ce que le côté qui n'est pas touché soit du côté de l'allée. Cela facilitera leur mobilité, au besoin.
[24] Sous le titre « Sièges » dans la brochure de KLM intitulée « Voyage sans soucis » [traduction libre] qui est accessible sur le site Web de KLM :
Pour des raisons de commodité nous avons des sièges avec des accoudoirs mobiles dans tous les aéronefs de KLM. En consultation avec vous et votre agent de réservation, le siège le plus convenable sera choisi. Veuillez appeler au +800 KLMCARES pour plus d'information au sujet du choix de sièges.
[Traduction libre]
POSITIONS DES PARTIES
M. Pawley
[25] M. Pawley explique qu'il a dû faire un voyage urgent entre Toronto et l'Angleterre le 11 avril 2005 et que son agent de voyage l'a avisé que s'il arrivait plus tôt à l'aérogare 3 de Toronto, il aurait une meilleure chance d'obtenir un siège près cloison avec son certificat médical. M. Pawley souligne qu'il était le premier en ligne car il est arrivé à 14 h pour son vol de 18 h et qu'on lui a assigné un siège au centre sans espace pour étirer sa jambe.
[26] M. Pawley fait remarquer qu'on l'a aidé jusqu'à l'aire d'embarquement avec un fauteuil roulant, mais qu'il a dû marcher sur une distance de plus de 50 pieds jusqu'à l'aéronef. M. Pawley précise que lors de son voyage de retour, à son arrivée à Amsterdam, il a reçu le même traitement, c'est-à-dire qu'il a dû marcher de l'aire d'embarquement à l'aéronef.
[27] M. Pawley fait valoir qu'à l'embarquement il a demandé un siège près cloison, mais qu'on lui a assigné un siège dans la rangée du centre qui ne comprenait pas d'espace pour étirer sa jambe. M. Pawley allègue que le personnel de KLM lui a dit que sa déficience ne signifiait rien pour lui. M. Pawley soutient aussi que lorsque la personne assise en avant de lui a abaissé son siège, il ne lui restait seulement qu'un minimum d'espace.
KLM
[28] KLM déclare que la demande d'assistance avec fauteuil roulant enregistrée dans le DP par l'agence de voyage était identifiée par le code « WCHR », ce qui indique qu'un passager peut se déplacer sur de courtes distances, qu'il peut monter et descendre des escaliers, mais qu'il a besoin d'aide pour les distances plus longues. KLM déclare aussi que ce code de fauteuil roulant n'alerte pas ses agents du besoin d'assistance d'un passager pour monter à bord de l'aéronef et le quitter.
[29] KLM explique que les demandes préalables de sièges spécifiques sont traitées par le bureau médical de KLM à son bureau de réservation des États-Unis. Le bureau de réservation n'a aucune mention, dans ses dossiers, concernant des communications avec M. Pawley ou son agent de voyage indiquant qu'il avait besoin d'un siège près cloison. KLM indique que l'agent de voyage a entré des notes au dossier de M. Pawley avisant que ce dernier souhaitait obtenir un siège près cloison. Toutefois, ces notes ne sont pas transmises au département de réservation de KLM.
[30] KLM déclare qu'elle est désolée que M. Pawley n'ait pas reçu d'assistance à l'embarquement ou de siège près cloison pour le vol no 692 le 11 avril 2005. KLM affirme qu'il n'est pas clair que M. Pawley a fait une demande au personnel lors de l'embarquement pour un siège près cloison ou pour de l'assistance à l'embarquement. KLM ajoute que parce que ses passagers ayant une déficience ont différentes préférences et différents degrés d'indépendance, KLM se fie aux communications claires de ses passagers concernant leurs besoins et la façon dont son personnel peut leur prêter assistance.
[31] KLM explique que lorsque les passagers demandent un siège près cloison à l'enregistrement, ses agents d'embarquement feront de leur mieux pour répondre aux besoins d'un passager. Toutefois, les passagers déjà assis dans les sièges près cloison ont peut-être aussi indiqué un besoin spécial pour ces sièges, en raison d'une déficience où parce que le passager voyageait avec un enfant et utilisant un berceau. KLM souligne que dans ses aéronefs, les sièges près cloison n'offrent pas toujours de l'espace pour étirer les jambes car il y a un séparateur solide devant ces derniers.
[32] KLM soutient qu'en raison du volume de passagers passant par Schiphol, les agents à l'aéroport d'Amsterdam utilisent les demandes préalables afin de planifier l'assistance pour les vols arrivants. KLM affirme que si toutes les demandes indiquent que les passagers sont ambulatoires, une mini-voiturette est envoyée à la porte d'embarquement pour aider les passagers; un fauteuil roulant est envoyé pour aider les passagers qui ont besoin d'assistance pour quitter l'aéronef seulement si la demande du passager en indique le besoin. Si un passager avise KLM qu'il a besoin d'un fauteuil roulant à son arrivée, le fauteuil roulant peut être fourni, mais il y aura une brève attente avant que le fauteuil roulant soit obtenu.
[33] KLM explique que la procédure à l'aéroport de Toronto pour les passagers qui arrivent nécessitant de l'assistance pour quitter l'aéronef exige que les passagers restent dans l'aéronef et débarquent en dernier. KLM affirme qu'il y a des fauteuils roulants à proximité pour aider les passagers qui ne peuvent marcher jusqu'à la mini-voiturette qui amène les passagers jusqu'au poste de douanes. KLM affirme aussi que la mini-voiturette amène les passagers jusqu'à un banc, où les préposés aux fauteuils roulants aident les passagers à passer aux douanes et à récupérer leurs bagages. KLM indique que même si son personnel sait que les passagers ont hâte de passer les douanes et d'atteindre leur destination, les passagers qui souhaitent obtenir de l'assistance devront s'identifier et attendre un peu. À cet égard, KLM soutient que même si le nom de M. Pawley était sur la liste des passagers nécessitant de l'aide à l'arrivée du vol no 691 de KLM à Toronto le 18 avril 2005, son nom était le seul nom qui n'avait pas été coché par les agents parce qu'il ne s'était pas identifié comme un passager nécessitant de l'assistance. KLM déclare donc que même si elle regrette la déception de M. Pawley au sujet du service qu'il a reçu, il semble que le manque de service a été provoqué par une mauvaise communication.
[34] KLM présente ses excuses à M. Pawley et, en geste de bonne volonté, offre à M. Pawley un crédit de voyage de 200 $US qu'il pourra appliquer à l'achat de billet dans le futur.
Agence de voyage New Wave Travel
[35] L'agent de voyage fait observer que M. Pawley a demandé un fauteuil roulant pour les longues distances. Elle ajoute qu'elle a aussi demandé un siège près cloison approprié et a précisé que M. Pawley avait un billet de son médecin afin de confirmer qu'il nécessitait un tel siège.
[36] L'agent de voyage affirme que le fauteuil roulant pour les longues distances a été demandé dans tous les secteurs « NN » et qu'il a ensuite été confirmé dans tous les secteurs « KK ». Selon le Manuel des services de réservation [traduction libre] de l'Association du transport aérien international (IATA), le code « NN » signifie : « Besoin. Réponse requise indiquant les mesures prises en utilisant le code approprié » et « KK » signifie « Confirme ». En ce qui a trait au siège près cloison, un message de RAS a été envoyé au transporteur aérien. L'agent de voyage soutient que l'attribution des sièges revient en dernier lieu au transporteur aérien et elle ne peut qu'en faire la demande.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[37] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[38] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. M. Pawley a une mobilité réduite en raison de la perte de trois disques intervertébraux. Il est incapable de soulever des objets de plus de vingt livres, de monter des escaliers ou de marcher plus de cinq pieds sans utiliser une canne. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[39] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[40] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[41] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Niveau d'assistance avec fauteuil roulant
[42] Le DP de M. Pawley pour ce voyage comprend le code de demande de service « WCHR » qui indique le besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer sur de longues distances pour se rendre jusqu'à l'aéronef et le quitter. L'Office note que, à l'aéroport de Toronto, M. Pawley a obtenu une assistance avec fauteuil roulant jusqu'à l'aire d'embarquement et qu'il a dû marcher pour embarquer dans l'aéronef. À l'aéroport d'Amsterdam, M. Pawley a obtenu de l'aide grâce à une voiturette qui l'a amené jusqu'à la porte d'embarquement, à partir d'où il a dû marcher pour se rendre à bord de l'aéronef. L'Office reconnaît que les transporteurs ont divers mécanismes en place pour fournir de l'aide, un d'entre eux étant le transport par voiturette. L'Office accepte l'explication de KLM qu'en raison du volume de passagers, l'aéroport d'Amsterdam enverra une mini-voiturette à la porte d'embarquement pour aider les passagers si toutes les demandes d'assistance indiquent que les passagers sont ambulatoires.
[43] Dans le cas présent, M. Pawley a obtenu l'assistance qu'il avait demandée. L'Office note que le code « WCHR » est pour les personnes qui peuvent monter et descendre les escaliers et se rendre jusqu'à leur siège à bord de l'aéronef et le quitter, mais ont besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter. Ce code reconnu internationalement utilisé par l'industrie et, en particulier, par les transporteurs aériens et les agents de voyages n'est pas approprié pour les passagers qui ne peuvent descendre/monter des escaliers ou ont besoin de plus d'assistance afin d'embarquer à bord de l'aéronef (c.-à-d. assistance pour le transfert). Si M. Pawley a besoin d'assistance pour les escaliers ou afin de monter à bord de l'aéronef ou de le quitter, cette demande devrait être faite et l'agent de voyage devrait entrer le code correspondant dans le DP. L'Office est d'avis que lorsqu'une personne sait qu'elle aura besoin d'assistance, la personne ayant une déficience et l'agent de voyage agissant en son nom ont la responsabilité d'identifier ce besoin afin que le transporteur soit prêt à respecter les besoins précis de la personne. De plus, l'Office note que rien ne prouve, une fois que M. Pawley s'est rendu compte qu'il n'obtiendrait pas d'assistance pour monter à bord de l'aéronef ou le quitter, qu'il a pris des mesures pour le signifier à KLM.
[44] L'Office estime donc que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à M. Pawley par KLM à l'aéroport de Toronto et à l'aéroport d'Amsterdam n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Assignation des sièges
[45] L'Office reconnaît les mesures prises par M. Pawley pour obtenir un siège qui répondrait à ses besoins, en commençant par la demande faite à son agent de voyage au moment de la réservation et le fait que M. Pawley est arrivé tôt au comptoir d'enregistrement et qu'il avait en sa possession un certificat médical mentionnant son besoin d'un siège près cloison. Toutefois, il n'a pas obtenu de siège près cloison. L'Office note que pour les deux parties de ce voyage, M. Pawley s'est vu assigné un siège du milieu qui ne répondait pas à ses besoins car il ne pouvait étirer sa jambe.
[46] L'Office détermine donc que l'assignation des sièges pour M. Pawley sur le vol de KLM entre Toronto et Amsterdam et lors du retour a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
[47] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[48] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Assignation des sièges
[49] Ayant déterminé que l'assignation des sièges pour M. Pawley sur le vol de KLM entre Toronto et Amsterdam et lors du retour a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.
[50] L'Office est d'avis qu'un siège approprié lors d'un voyage est essentiel pour une personne ayant une déficience. L'Office reconnaît que si une personne ayant une déficience est incapable de réserver le siège qui répond le mieux à ses besoins avant de voyager, il est souvent difficile de le faire au moment de l'enregistrement puisque ce siège a peut-être déjà été assigné à un autre passager. Dans de telles circonstances, il est souvent difficile ou impossible d'effectuer des changements de sièges de façon à pouvoir assigner à une personne ayant une déficience le siège qui répond le mieux à ses besoins, tout en reconnaissant les possibilités d'inconfort, de douleurs et de blessures auxquelles on expose cette personne en lui assignant un siège qui n'est pas adapté à ses besoins.
[51] L'Office note que M. Pawley est arrivé au comptoir d'enregistrement de l'aéroport tôt ayant en sa possession un certificat médical pour appuyer sa demande de siège près cloison. Une fois à bord de l'aéronef, M. Pawley a essayé, encore une fois, d'obtenir un siège près cloison, mais sa demande a été refusée par le personnel de KLM. La politique de KLM déclare clairement que les passagers ayant une déficience ont la priorité de choix de sièges, avant les autres passagers. L'Office note aussi qu'il n'y a aucune indication, selon la preuve au dossier, que les sièges près cloison étaient occupés par d'autres passagers ayant une déficience qui avaient besoin de sièges avec plus d'espace pour leurs jambes. Il semblerait donc que KLM n'a pas appliqué sa politique. L'Office est d'avis que les transporteurs devraient accorder la priorité à un client qui a besoin d'un type de siège précis plutôt qu'à une personne qui le préfère, mais qui n'en a pas besoin.
[52] L'Office est d'avis que le personnel de KLM n'a pas entamé un dialogue avec M. Pawley pour déterminer ses besoins spécifiques lors de l'enregistrement. Il a également omis de transmettre à M. Pawley les renseignements pertinents aux autres sièges disponibles afin de lui permettre de prendre une décision avisée, en fonction de ses besoins, quant au siège qui conviendrait davantage. Par conséquent, l'Office est d'avis qu'en raison du manque de communication efficace avec M. Pawley relativement aux solutions de rechange possibles pour trouver des sièges offrant les caractéristiques d'accessibilité pertinentes, le personnel de KLM a démontré qu'il était ni conscient des besoins spécifiques de M. Pawley ni sensible à ceux-ci.
[53] L'Office relève la soumission de KLM que les demandes d'assignation préalable de sièges sont traitées par son bureau médical de son bureau de réservations aux États-Unis et que pour les demandes d'assistance avant le voyage, KLM offre un numéro de téléphone gratuit pour les questions liées aux services et aux réservations pour les passagers ayant une déficience. L'Office observe aussi que les articles sur les sièges ou l'assistance aux passagers ayant une déficience dans le Manuel de traitement des passagers de KLM ne déclarent pas précisément que les passagers/agents de voyage devraient communiquer avec le bureau médical de KLM. L'Office sait que la brochure « voyage sans soucis » de KLM indique que KLM a un numéro de téléphone gratuit pour les passagers ayant des besoins spécifiques et que pour plus d'information au sujet du choix des sièges, il faut communiquer avec KLMCARES. L'Office note que cette brochure n'indique pas qu'il est nécessaire de communiquer avec le bureau médical de KLM. L'Office est préoccupé par de telles incohérences et incompatibilités.
[54] L'Office est d'avis que la façon dont KLM a répondu à la demande de siège de M. Pawley peut être attribuée aux incohérences présentes dans la politique de KLM. La politique de KLM préoccupe l'Office puisqu'elle ne fournit pas de lignes directrices définitives pour l'assignation préalable de sièges qui répondent aux besoins des personnes ayant une déficience. À cet égard, la politique prévoit que les passagers ayant une déficience ont la priorité pour l'assignation des sièges et ensuite cette politique stipule que les sièges réservés seront confirmés dans le DP, mais que KLM ne peut garantir que le passager obtiendra le siège réservé. Toutefois, la politique prévoit des lignes directrices précises pour les situations concernant le transport de passagers ayant une déficience ou des groupes qui « en raison de leur statut ou de leur influence, attirent l'attention des médias », c'est-à-dire que des sièges sont alloués. Ce même article indique aussi que des messages de RAS peuvent être transmis au bureau des ventes aux réservations spéciales, alors que KLM a indiqué dans ses commentaires que les messages de RAS ne sont pas transmis à son département des réservations. Cette incohérence préoccupe particulièrement l'Office. À cet égard, l'Office note que KLM porte particulièrement attention aux « passagers ou groupes qui, en raison de leur statut ou de leur influence, attirent l'attention des médias ». L'Office s'attend à ce que tous les passagers ayant une déficience soient considérés de façon appropriée, qu'ils attirent ou non l'attention des médias.
[55] L'Office estime que la politique de KLM ne répond pas suffisamment aux besoins en matière de sièges des personnes ayant une déficience. L'Office est d'avis que la politique de KLM d'assigner les sièges près cloison seulement au moment de l'enregistrement à l'aéroport est problématique puisque les personnes ayant une déficience ne peuvent savoir avant le voyage si elles obtiendront un siège qui répondra à leurs besoins. Les personnes ayant une déficience ne devraient pas être laissées dans l'incertitude à savoir si elles obtiendront un siège près cloison; on devrait pouvoir leur assurer qu'on leur assignera un siège qui répondra à leurs besoins au moment de la conclusion des arrangements de voyage. À cet égard, l'Office est d'avis qu'avec une politique claire et précise concernant l'assignation préalable des sièges, la situation vécue par M. Pawley aurait été évitée.
[56] L'Office estime donc que les sièges assignés par KLM sur les vols aller et retour entre Toronto et Amsterdam ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Pawley.
CONCLUSION
[57] À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à M. Pawley par KLM n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
[58] L'Office conclut également que les sièges assignés à M. Pawley sur le vol entre Toronto et Amsterdam et lors du retour les 11 et 18 avril 2005 respectivement, ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
[59] Par conséquent, l'Office enjoint par les présentes à KLM de prendre les mesures suivantes dans les trente (30) jours de la date de cette décision :
- KLM doit modifier et clarifier sa politique d'assignation des sièges :
- afin de s'assurer que les besoins des personnes ayant une déficience sont mentionnés au moment de la réservation et de l'enregistrement;
- afin d'ajouter dans sa disposition sur la réservation des sièges (c.-à-d. article 9.2.11) que les personnes ayant une déficience ont la priorité sur les autres passagers.
- Examiner sa politique et prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que les incohérences qui existent présentement entre ses diverses politiques dans son Manuel de traitement des passagers et ses brochures/annonces, particulièrement en ce qui a trait aux questions entourant les personnes ayant une déficience et la priorité de l'assignation des sièges et le choix des sièges, sont rectifiées et s'assurer que son personnel connaît ces changements. KLM doit aviser l'Office des mesures prises à cet égard.
- Incorporer, dans tous les programmes de formation de KLM, les procédures qui auraient dû être suivies afin d'assurer que les besoins particuliers en matière de sièges des personnes ayant une déficience soient saisfaits; aviser de la date de mise en vigueur de cette modification; et aviser l'Office des mesures qu'elle a prises afin de s'assurer que le niveau de formation requis est fourni à tous ses employés.
- Envoyer une note de service à son personnel soulignant l'importance d'entamer une discussion avec les passagers ayant une déficience pour s'assurer que le siège assigné ou proposé par le transport aérien est compatible avec les besoins de la personne.
[60] De plus, KLM doit aussi fournir des copies modifiées de sa politique et de sa note de service à l'Office.
[61] À la suite d'un examen par l'Office de la pertinence des mesures prises par KLM pour retirer l'obstacle abusif, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires dans cette affaire.
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