Décision n° 593-AT-A-2004
le 1ernovembre 2004
DEMANDE présentée par Scott McGillan conformément aux paragraphes 172(1) et 172(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant le niveau d'assistance que lui a fourni Air Canada dans le cadre de son voyage entre Williams Lake (Colombie-Britannique) et Lethbridge (Alberta) les 14 et 15 décembre 2001.
Référence no U3570/02-5
DEMANDE
[1] Le 8 février 2002, Dorothy McGillan, au nom de son fils Scott McGillan, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Dans la décision no LET-AT-A-61-2002 du 28 février 2002, l'Office a demandé à Mme McGillan de lui soumettre des renseignements supplémentaires afin de compléter la demande. Le 14 mars 2002, Mme McGillan a déposé les renseignements supplémentaires demandés et a fourni des copies des coupons de vol de M. McGillan, de ses cartes d'embarquement et de l'itinéraire de voyage préparé par Wood Travel.
[3] Dans la décision no LET-AT-A-97-2002 du 3 avril 2002, l'Office a accepté la demande comme étant complète et l'a envoyée à Air Canada pour qu'elle formule ses commentaires. Le 12 avril 2002, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et y a joint des copies du dossier passager de M. McGillan et de ses politiques et procédures concernant les services qu'elle offre aux personnes ayant une déficience, notamment les services aux passagers ayant une déficience intellectuelle et les services aux passagers ayant une déficience qui doivent passer la nuit dans une ville de correspondance en raison de circonstances inhabituelles. Le 9 mai 2002, Mme McGillan a répliqué à la réponse du transporteur.
[4] Dans la décision no LET-AT-A-204-2002 du 23 juillet 2002, l'Office a informé les parties de son intention de tenir une audience informelle dans le but de recueillir des renseignements et de clarifier les faits de l'affaire. Dans une lettre du 26 juillet 2002, Air Canada a exprimé ses préoccupations concernant l'intention de l'Office de tenir une audience informelle. Après un examen des commentaires formulés par Air Canada, dans la décision no LET-AT-A-240-2002 du 23 août 2002, l'Office a déterminé que des renseignements supplémentaires pouvaient être obtenus des parties par écrit. L'Office a aussi jugé approprié de recueillir des renseignements de l'agence de voyages, Wood Travel, puisqu'il voulait des réponses à un certain nombre de questions ayant trait à la réservation du voyage de M. McGillan.
[5] Dans les décisions nos LET-AT-A-241-2002 et LET-AT-A-242-2002 du 23 août 2002, l'Office a demandé aux parties et à Wood Travel de répondre aux questions écrites. Le 29 août 2002, Wood Travel a répondu aux questions écrites qui lui avaient été adressées. Mme McGillan et M. McGillan ont fourni leurs réponses le 4 septembre 2002, et Air Canada l'a fait le 6 septembre 2002. L'Office avait donné l'occasion à Mme McGillan, à Air Canada et à Wood Travel de formuler des commentaires sur ces réponses, mais seule Mme McGillan l'a fait. Les commentaires de Mme McGillan ont été reçus le 1er octobre 2002.
[6] Dans la décision no LET-AT-A-345-2002 du 26 novembre 2002, l'Office a fait savoir qu'il avait besoin de plus de renseignements de la part d'Air Canada relativement à ce qui s'est passé à Vancouver après que M. McGillan a débarqué de l'avion le 14 décembre 2001 et il a aussi posé d'autres questions à Air Canada. Le 16 décembre 2002, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 16 janvier 2003 pour répondre aux questions, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-AT-A-366-2002 du 23 décembre 2002. Le 10 janvier 2003, Air Canada a déposé sa réponse, et Mme McGillan y a répliqué le 20 janvier 2003.
[7] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
QUESTION
[8] L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance fourni par Air Canada à M. McGillan lors de son voyage entre Williams Lake et Lethbridge les 14 et 15 décembre 2001 a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
[9] M. McGillan a une déficience intellectuelle et il requiert de l'assistance lorsqu'il voyage seul. La mère de M. McGillan, Dorothy McGillan, a pris des arrangements avec un agent de voyages de Wood Travel à Blairmore (Alberta) pour un voyage aller-retour du domicile de M. McGillan à Williams Lake jusqu'à Lethbridge (via Vancouver et Calgary), afin qu'il puisse visiter ses parents pendant le temps des fêtes. Lorsqu'elle a réservé le voyage de M. McGillan, Mme McGillan a informé l'agent de voyages de la déficience de son fils et, sur les conseils de ce dernier, elle a pris des arrangements afin qu'un fauteuil roulant soit mis à la disposition de son fils et que ce dernier soit escorté entre les portes des aéroports pour aller prendre ses vols de correspondance. Même si Mme McGillan n'a jamais directement communiqué avec Air Canada en ce qui concerne les arrangements de voyage de M. McGillan, elle a été informée par un représentant de Wood Travel que les services demandés à l'avance avaient été confirmés.
[10] Air Canada offre un certain nombre de services conçus pour satisfaire aux besoins des passagers ayant une déficience, notamment le service d'aide et d'accueil, l'assistance avec fauteuil roulant et le service d'accompagnement de mineurs/d'adultes (ci-après le service d'accompagnement). Le service d'accompagnement garantit qu'un représentant du transporteur aérien est responsable du passager pendant les vols, aux points de correspondance et pendant les retards prolongés en cours de route. Ce service est offert gratuitement lorsque le Service médical (Meda Desk) d'Air Canada approuve le certificat médical.
[11] Air Canada a un système informatique qui génère un dossier passager contenant de l'information sur les passagers, y compris les passagers ayant des besoins spéciaux. Le dossier passager de M. McGillan contient le code « WCHR » qui signifie dans le Passenger Services Conference Resolutions Manual de l'Association du transport aérien international (ATAI) que le passager peut monter/descendre des marches seul et se rendre jusqu'à son siège à bord de l'aéronef et le quitter, mais a besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter.
[12] Selon l'itinéraire de voyage de M. McGillan, les vols qu'il devait prendre le 14 décembre 2001 étaient les suivants :
Vol no 1640 d'Air Canada - Départ Williams Lake 10 h 55 - Arrivée Vancouver 12 h
Vol no 224 d'Air Canada - Départ Vancouver 13 h 30 - Arrivée Calgary 15 h 51
Vol no 1719 d'Air Canada - Départ Calgary 18 h 05 - Arrivée Lethbridge 18 h 55
[13] À l'arrivée de son vol à Vancouver, M. McGillan n'est pas resté assis dans l'aéronef pour attendre l'assistance avec fauteuil roulant; il a débarqué avec les autres passagers et est entré dans l'aéroport. Le vol de Vancouver à Calgary n'a pu être assuré selon l'itinéraire prévu en raison des conditions météorologiques difficiles. Air Canada a fait une annonce générale pour aviser que les activités aériennes au départ de Vancouver avaient été interrompues et que des bons d'hébergement et de repas seraient fournis aux passagers en attente d'un vol de correspondance. Comme M. McGillan n'est pas resté avec les autres passagers, il n'a pas reçu les bons. Le lendemain matin, Mme McGillan a été informée par un agent d'Air Canada à Vancouver qu'on avait trouvé M. McGillan endormi sur un banc de l'aéroport de Vancouver et qu'on lui réserverait un siège sur le prochain vol au départ de Vancouver.
[14] Bien qu'il ait par la suite été prévu que M. McGillan prendrait place à bord du vol partant de Vancouver à 11 h, il n'a pu prendre ce vol. Il est de fait arrivé plus tard à bord d'un autre vol.
POSITIONS DES PARTIES
[15] Mme McGillan affirme que lorsqu'elle a pris des arrangements pour M. McGillan auprès d'un agent de voyages de Wood Travel, elle a mentionné la déficience intellectuelle de son fils et indiqué que le fait que son fils soit appelé à se déplacer seul dans de grands aéroports lui causait de l'inquiétude. Selon Mme McGillan, l'agent de voyages l'a alors informée que la meilleure solution était de faire une demande d'assistance avec fauteuil roulant.
[16] L'agent de voyages de Mme McGillan confirme que même si cette dernière l'avait informé, dans une certaine mesure, de la déficience de M. McGillan, il ne connaissait pas le service d'accompagnement offert par Air Canada aux passagers ayant une déficience. C'est pourquoi il a proposé l'assistance avec fauteuil roulant pour M. McGillan. Mme McGillan a soutenu que si elle avait été informée du service d'accompagnement offert par Air Canada lorsqu'elle a réservé le voyage de M. McGillan, elle en aurait fait la demande pour son fils.
[17] Mme McGillan indique qu'à l'aéroport de Lethbridge, le 14 décembre 2001, constatant que le vol à bord duquel M. McGillan devait prendre place n'arrivait pas, elle s'est informée auprès d'un agent d'Air Canada pour savoir ce que se passait et ce dernier l'a informée qu'aucun avion n'était autorisé à décoller à l'aéroport de Vancouver en raison des conditions météorologiques, mais que M. McGillan recevrait des bons d'hébergement et de repas parce qu'il se trouvait entre deux vols de correspondance. Mme McGillan précise qu'elle a alors informé l'agent que M. McGillan avait une déficience intellectuelle et elle fait observer que, même si elle était très inquiète, elle et son mari sont rentrés chez eux à Coleman avec l'intention de revenir à Lethbridge le lendemain matin pour aller chercher leur fils.
[18] M. McGillan explique que même si Air Canada a mentionné que les passagers qui avaient demandé de l'aide avec fauteuil roulant devaient rester dans l'avion à l'arrivée du vol à Vancouver, l'annonce n'avait pas été faite précisément pour lui. Par conséquent, il a débarqué de l'aéronef et a cherché un fauteuil roulant, mais n'en voyant aucun, il est entré dans l'aéroport. M. McGillan mentionne qu'il n'a parlé à aucun représentant du transporteur et souligne que l'aéroport était plein et qu'il s'était seulement promené. Mme McGillan indique que M. McGillan n'a pas réussi à communiquer avec elle de Vancouver le 14 décembre 2001 puisqu'elle et son mari se trouvaient à Lethbridge, attendant l'arrivée de son vol.
[19] Selon M. McGillan, il s'est adressé à un agent d'Air Canada à l'aéroport de Vancouver le lendemain matin et celui-ci a communiqué avec sa mère. Mme McGillan affirme que lorsqu'elle a reçu un appel téléphonique de l'aéroport de Vancouver le matin du 15 décembre 2001, elle a été extrêmement furieuse de découvrir que M. McGillan avait passé la nuit à dormir sur un banc de l'aéroport et qu'il n'avait rien mangé depuis son départ de Williams Lake le matin précédent. Mme McGillan note que M. McGillan n'avait en sa possession que l'argent nécessaire pour payer les taxes d'aéroport et elle s'est dite préoccupée du fait qu'Air Canada ne s'est pas assurée que son fils reçoive des bons d'hébergement et de repas pendant l'interruption de service à Vancouver. Mme McGillan note aussi que l'agent d'Air Canada de Vancouver lui a dit que les difficultés éprouvées par M. McGillan étaient sa faute et non celle d'Air Canada, car M. McGillan aurait dû voyager avec un compagnon pour l'aider. Selon Mme McGillan, la situation ne se serait pas produite si M. McGillan avait reçu l'assistance qu'elle avait demandée.
[20] Mme McGillan précise que l'agent d'Air Canada de Vancouver avec lequel elle a parlé le matin du 15 décembre 2001 l'a informée que M. McGillan avait perdu son billet, mais il lui a assuré qu'on lui émettrait un autre billet pour un vol partant de Vancouver à 11 h. Lorsqu'elle et son mari sont arrivés à l'aéroport de Lethbridge pour accueillir leur fils, on leur a annoncé que leur fils ne se trouvait pas sur le vol de 11 h, mais qu'il avait quitté Vancouver à midi sur le vol no 215 pour effectuer le dernier segment de son voyage. Selon Mme McGillan, son fils a embarqué sur le vol de 11 h, mais a été forcé de quitter l'appareil. Elle se demande si cette situation s'est produite parce que son fils a une déficience intellectuelle et qu'il n'a pas protesté. Mme McGillan note que, selon Air Canada, son fils a raté le vol de 11 h parce qu'il avait perdu son billet, mais elle soutient que le billet d'avion de son fils se trouvait dans le manteau qu'il portait et qu'il ne jette jamais rien. M. McGillan affirme qu'il ne se souvient pas de ce qui est arrivé au billet après l'avoir donné à quelqu'un lors de l'embarquement à Williams Lake. Mme McGillan note que M. McGillan n'a pas réussi à communiquer avec elle le 15 décembre 2001 lorsqu'il a raté le vol du matin, car elle et son mari étaient de nouveau en route vers Lethbridge pour aller le chercher.
[21] Mme McGillan affirme que lorsque M. McGillan est arrivé à Lethbridge il était effrayé, furieux et affamé. Elle ajoute que M. McGillan ne veut plus voyager seul en raison des expériences qu'il a vécues les 14 et 15 décembre 2001, et qu'il ne veut même plus prendre l'autobus seul pour voyager puisqu'il a peur de se perdre. Mme McGillan indique qu'elle et son mari ont reconduit M. McGillan chez lui à Williams Lake en voiture puisqu'il refusait de retourner à son domicile en avion et elle souligne que les événements ont eu une incidence sur leur célébration de Noël.
[22] Mme McGillan reconnaît avoir reçu d'Air Canada en réponse à sa plainte un chèque de l'ordre de 150 $ et un bon de transport de 150 $, mais qu'elle n'a ni encaissé le chèque ni utilisé le bon de transport. Mme McGillan déclare qu'elle craint encore que le transporteur n'accepte pas la responsabilité de cette situation. Elle croit qu'Air Canada devrait lui verser une indemnité pour le coût du billet de retour de M. McGillan et les frais liés au carburant, aux repas et à l'hébergement que la famille a engagés pour reconduire M. McGillan chez lui en voiture étant donné son refus de reprendre l'avion.
[23] Dans ses commentaires sur les événements qui se sont produits dans cette affaire, Air Canada note que de nombreux processus sont en place pour offrir des services aux passagers ayant une déficience et que son équipe de Vancouver est pleinement formée pour traiter avec les passagers ayant une déficience de tous leurs besoins.
[24] Air Canada affirme que lorsqu'une assistance avec fauteuil roulant est requise, on demande au passager de rester assis jusqu'à ce que les autres passagers aient débarqué de l'avion afin de permettre au personnel du transporteur de l'aider efficacement. Selon Air Canada, elle n'assume plus aucune responsabilité si le passager a quitté l'avion avant qu'on lui vienne en aide, puisqu'il est impossible de repérer un passager après qu'il soit débarqué à moins que ce dernier fasse part de ses besoins d'assistance à un agent. Air Canada note que l'assistance avec fauteuil roulant entre la porte d'embarquement et l'aéronef avait été demandée pour M. McGillan par l'agent de voyages, mais elle indique qu'une telle demande de service ne suffisait pas dans le cas de M. McGillan puisqu'elle ne rendait pas compte de sa déficience intellectuelle. Cette information aurait permis au transporteur de s'assurer que M. McGillan reçoive l'assistance requise à la lumière de ses besoins.
[25] Air Canada fait valoir que pour répondre aux besoins de M. McGillan, il aurait convenu de demander le service d'accompagnement. De cette façon, M. McGillan aurait pu voyager seul et recevoir le type d'attention dont il a besoin. Air Canada indique aussi qu'elle a mis en œuvre un nouveau programme à certains aéroports qui prévoit qu'un organisme spécialisé, Comcare, fournira une assistance aux passagers ayant des besoins spéciaux obligés de passer la nuit dans une ville de correspondance en raison d'irrégularités d'exploitation. Air Canada note que tous les agents de voyages ont accès à son système de renseignements informatisé qui fournit de l'information concernant ces services.
[26] Air Canada affirme que ce n'est que le 15 décembre 2001 qu'elle a été informée que M. McGillan avait besoin du service d'accompagnement, après qu'il ait effectué l'aller; que des changements ont immédiatement été apportés à son dossier de réservation afin d'y ajouter une demande pour le service d'accompagnement pour son voyage de retour prévu le 7 janvier 2002; et que les parents de M. McGillan en ont été informés.
[27] Air Canada indique que parce que la demande du service d'accompagnement n'a été inscrite au dossier de réservation de M. McGillan que le 15 décembre 2001, elle ne pouvait présager la situation de M. McGillan au cours des irrégularités d'exploitation qui se sont produites à l'aéroport de Vancouver le 14 décembre 2001, et n'a, par conséquent, pas été en mesure de lui fournir l'assistance dont il avait besoin. Selon Air Canada, son agent à Lethbridge n'a pas été informé par Mme McGillan de tous les aspects de la déficience de M. McGillan et aucune demande de service particulier n'a été formulée pour lui. Air Canada soutient donc que puisque l'agent de Lethbridge n'a pas été informé de la déficience intellectuelle de M. McGillan lorsqu'il a parlé à Mme McGillan le 14 décembre 2001, aucune remarque n'a été ajoutée, à ce moment-là, au dossier de réservation de M. McGillan concernant un besoin de la part du client du service d'accompagnement.
[28] Selon Air Canada, M. McGillan n'a pas été autorisé à prendre le vol du matin à destination de Calgary le 15 décembre 2001, car il n'avait pas la partie requise du billet et on a donc dû lui émettre un nouveau billet. De plus, Air Canada fait valoir qu'il incombe au passager de fournir tous les documents de voyage. Air Canada affirme aussi qu'après avoir émis un autre billet à M. McGillan, on lui a réservé un siège sur le prochain vol disponible partant à midi et fourni une carte d'embarquement. Air Canada note que puisque le vol de correspondance à Lethbridge devait quitter Calgary plus tard pendant la journée, le changement d'heure de son vol en partance de Vancouver n'a pas perturbé sa correspondance; cela signifiait simplement que M. McGillan attendrait à l'aéroport de Vancouver plutôt qu'à l'aéroport de Calgary. En réponse à la déclaration de Mme McGillan selon laquelle M. McGillan a perdu sa place sur le vol du matin, Air Canada affirme que les changements apportés au dossier de réservation de M. McGillan le 15 décembre 2001 indiquent qu'il voyageait sur le vol no 216 qui partait à midi pour se rendre à Calgary, et que son dossier ne contient aucune indication selon laquelle il a été tenu de céder sa place ou de prendre un autre vol. Air Canada maintient que M. McGillan a voyagé comme il avait été prévu sur le vol no 216 à destination de Calgary le 15 décembre 2001.
[29] Air Canada fait mention d'une lettre d'excuse envoyée à Mme McGillan, qui a également été envoyée à l'Office, dans laquelle elle fournissait des renseignements détaillés sur le type de service qui serait approprié pour M. McGillan. Air Canada fait observer qu'à cette lettre elle avait joint un chèque au montant de 150 $, pour le remboursement de la partie inutilisée du billet d'avion de M. McGillan acheté au prix de 294 $, et un bon de transport de 150 $ encaissable dans les douze mois suivant son émission, qu'elle offrait à titre gracieux et avec bienveillance.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[30] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[31] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. M. McGillan a une déficience intellectuelle et requiert de l'assistance lorsqu'il voyage. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[32] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[33] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[34] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
[35] L'Office accepte la déclaration de Mme McGillan selon laquelle, au moment de prendre les arrangements de voyage de son fils, elle a fait mention à l'agent de voyages de la déficience intellectuelle de M. McGillan et des inquiétudes que lui causait le fait que son fils, qui allait voyager seul, soit appelé à prendre des correspondances dans de grands aéroports. L'Office a examiné le dossier passager de M. McGillan et il note le manque d'information concernant sa déficience ou la nature de l'assistance requise. L'Office accepte la preuve d'Air Canada selon laquelle l'agent de voyages n'a demandé que l'assistance avec fauteuil roulant, sans aucune autre indication. L'Office est d'avis qu'il était essentiel pour Air Canada de tout connaître de la déficience et des besoins de M. McGillan pour être en mesure de lui offrir les services appropriés.
[36] L'Office note que l'expérience de voyage déplorable de M. McGillan a été assez effrayante pour lui. Parce qu'il n'a pas reçu les services dont il avait besoin en raison de sa déficience, il a passé la nuit sur un banc de l'aéroport de Vancouver et, lorsqu'il est arrivé à Lethbridge le lendemain, il était effrayé, furieux et affamé. Ses parents ont également subi un grand stress et éprouvé des inquiétudes en apprenant que M. McGillan avait passé la nuit sur un banc de l'aéroport et qu'il n'avait pas mangé. L'Office note aussi que M. McGillan ne veut plus voyager seul en raison de cette expérience et que ses parents ont dû le reconduire chez lui en voiture, car il ne voulait pas retourner à son domicile en avion.
[37] L'Office est d'avis que les transporteurs aériens sont tenus de s'adapter et de satisfaire aux besoins des passagers ayant une déficience. Cependant, ils doivent être informés des besoins précis de leurs passagers afin de s'assurer que les politiques et les procédures appropriées soient appliquées. Dans cette affaire, il est évident qu'il y a eu un manque sur le plan de la communication d'information au moment de la réservation, lorsque l'agent de voyages n'a pas communiqué à Air Canada les renseignements essentiels concernant la déficience intellectuelle de M. McGillan. Il ressort aussi que l'agent de voyages ne connaissait pas les services offerts par Air Canada aux passagers ayant une déficience intellectuelle, notamment le service d'accompagnement.
[38] L'Office reconnaît l'importance du rôle que jouent les agents de voyages sur le plan de l'accessibilité du réseau fédéral des transports du fait qu'ils agissent comme des intermédiaires au moment de la transmission d'information entre les passagers ayant une déficience et les fournisseurs de services de transport. Ainsi, ils doivent connaître les politiques et les procédures du transporteur en ce qui concerne le transport des personnes ayant une déficience et ils doivent s'assurer que l'information est transmise avec précision afin de permettre la prise de décisions éclairées au sujet des services requis par la personne pour répondre à ses besoins spécifiques.
[39] L'Office accepte la déclaration de Mme McGillan selon laquelle elle n'a jamais été informée de la disponibilité du service d'accompagnement pour M. McGillan. Selon l'Office, si Mme McGillan avait été informée par son agent de voyages de tous les services offerts par Air Canada pour satisfaire aux besoins des personnes ayant une déficience, notamment le service d'accompagnement, elle aurait été davantage en mesure de déterminer si les arrangements de voyage pris au nom de M. McGillan étaient, en fait, les meilleurs pour répondre à ses besoins spécifiques.
[40] Par conséquent, l'Office est d'avis que le manque de sensibilisation de l'agent de voyages au service d'accompagnement offert par Air Canada et le fait que l'agent de voyages n'a pas informé Mme McGillan de ce service ont directement donné lieu aux problèmes de transport déplorables éprouvés par M. McGillan. La compétence de l'Office ne s'étend toutefois pas aux agents de voyages.
[41] L'Office a également examiné la preuve de Mme McGillan selon laquelle M. McGillan a été contraint de céder son siège sur le vol du matin du 15 décembre 2001 au départ de Vancouver, ainsi que la preuve d'Air Canada selon laquelle M. McGillan n'a jamais eu de siège réservé sur ce vol, étant donné qu'il n'avait pas la portion requise de son billet et qu'on a dû lui émettre un nouveau billet avant qu'on lui permette de poursuivre son voyage. Compte tenu que ces preuves sont contradictoires, l'Office n'est pas en mesure de déterminer avec certitude ce qui s'est réellement passé le 15 décembre 2001 en ce qui concerne cette question.
[42] L'Office est préoccupé par les événements qui se sont produits le 14 décembre 2001, lorsque le vol que devait prendre M. McGillan au départ de Vancouver est demeuré au sol en raison des conditions météorologiques. L'Office reconnaît que Mme McGillan a avisé un agent d'Air Canada à Lethbridge que M. McGillan devient facilement confus, et l'Office note l'occasion ratée par l'agent de Lethbridge de corriger la situation en ne demandant pas de précisions sur la déficience de M. McGillan et sur les services dont il avait besoin. Si l'agent de Lethbrige avait pris soin de s'enquérir convenablement des besoins spéciaux de voyage de M. McGillan, cela aurait pu éliminer beaucoup d'anxiété et de stress subis par M. McGillan et ses parents.
[43] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le fait que l'agent d'Air Canada de Lethbridge n'a pas demandé de clarifications concernant la déficience de M. McGillan et n'a pas reconnu son besoin du service d'accompagnement a contribué aux problèmes de voyage déplorables éprouvés par M. McGillan et, par conséquent, a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
[44] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[45] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
[46] Ayant conclu que le fait que l'agent d'Air Canada de Lethbridge n'a pas demandé de clarifications concernant la déficience de M. McGillan et n'a pas reconnu son besoin du service d'accompagnement a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. McGillan, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle est abusif.
[47] L'Office est d'avis que l'agent de Lethbridge a raté une occasion de discuter et d'évaluer les besoins de voyage de M. McGillan lorsque Mme McGillan a mentionné la déficience intellectuelle de son fils, et que les difficultés éprouvées par M. McGillan auraient pu être évitées si l'agent avait pris soin d'obtenir de Mme McGillan des précisions à propos des services dont son fils avait besoin. Toutefois, l'Office est d'avis que les difficultés éprouvées par M. McGillan sont principalement le résultat d'un manque de communication entre Wood Travel et Air Canada et d'un manque d'information recueillie au moment de la réservation au sujet de la nature de la déficience de M. McGillan et du type de service requis. À cet égard, l'Office note la déclaration d'Air Canada selon laquelle lorsqu'elle a été informée le 15 décembre 2001 que M. McGillan avait besoin du service d'accompagnement, après que ce dernier ait effectué l'aller, des changements ont immédiatement été apportés à son dossier de réservation afin d'y ajouter une demande pour le service d'accompagnement pour son voyage de retour prévu le 7 janvier 2002, et les parents de M. McGillan en ont été informés.
[48] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le fait que l'agent d'Air Canada de Lethbridge n'a pas demandé de clarifications concernant la déficience de M. McGillan et n'a pas reconnu son besoin du service d'accompagnement n'a pas constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. McGillan.
Indemnisation
[49] Dans sa demande, Mme McGillan a demandé un remboursement pour le coût du billet de retour de M. McGillan et les frais liés au carburant, aux repas et à l'hébergement engagés lorsqu'elle et son mari ont reconduit M. McGillan chez lui puisque ce dernier ne voulait pas rentrer à son domicile en avion. En vertu du paragraphe 172(3) de la LTC, l'Office peut, s'il détermine qu'il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par cette personne en raison de l'obstacle en cause. Compte tenu que l'Office a déterminé qu'il n'y a pas eu d'obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. McGillan, il n'y a pas lieu de déterminer si une indemnité devrait être versée à Mme McGillan.
[50] Qui plus est, à la suite de la récente restructuration d'Air Canada, toutes réclamations monétaires dont étaient saisis l'Office et tout autre tribunal judiciaire concernant des incidents survenus au plus tard le 1er avril 2003 ont été abolies.
[51] L'Office note toutefois qu'Air Canada s'est excusée auprès de Mme McGillan pour les difficultés que M. McGillan a éprouvées et elle a offert, à titre gracieux et avec bienveillance, un chèque de remboursement d'un montant de 150 $, représentant la partie inutilisée du billet de M. McGillan acheté au prix de 294 $, et un bon de transport de 150 $ encaissable dans les douze mois suivant son émission. L'Office note aussi que Mme McGillan n'a ni encaissé le chèque ni utilisé le bon de transport et que ces deux derniers n'étaient plus valides. Air Canada a indiqué sa volonté d'émettre un autre chèque et un autre bon de transport à Mme McGillan et l'Office apprécie le geste d'Air Canada à cet égard.
CONCLUSION
[52] L'Office conclut que les difficultés éprouvées par M. McGillan sont principalement attribuables au manquement de la part de l'agent de voyages de s'être enquis de la nature de la déficience de M. McGillan et du type de service dont il avait besoin, au moment de la réservation, et à un manque de connaissances à l'égard de la disponibilité du service d'accompagnement offert par Air Canada. Même si l'Office reconnaît que ces manquements ont contribué à une expérience de voyage extrêmement malheureuse pour M. McGillan, l'Office n'a pas compétence sur les agents de voyages. Par conséquent, l'Office a déterminé que M. McGillan n'a pas subi un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L'Office n'envisage donc aucune mesure relativement à cette affaire.
[53] Cela dit, l'Office recommande fortement à Air Canada de publier un rappel général aux agents et aux voyagistes avec lesquels elle traite pour leur souligner tous les types de services qu'elle offre aux passagers ayant une déficience et, plus particulièrement, pour faire le point sur la disponibilité du service aux mineurs à l'intention des passagers ayant une déficience intellectuelle afin d'en permettre la distinction par rapport aux demandes d'aide avec fauteuil roulant et à son service d'accueil et d'assistance, pour empêcher que des incidents semblables à celui qu'a vécu M. McGillan ne se reproduisent. Cela serait conforme à l'objectif visant l'amélioration des services par les agents de voyages aux personnes ayant une déficience. À cet égard, l'Office renvoie à une lettre portant la signature de la présidente de l'Office qui a été envoyée à toutes les agences de voyages et à tous les transporteurs aériens qui offraient des services au Canada en date du 30 juin 2003, pour accroître la sensibilisation des professionnels de l'industrie du voyage concernant certains des problèmes éprouvés par les voyageurs ayant une déficience au cours des voyages organisés pour eux par l'industrie du voyage. Cette lettre donne un aperçu d'un certain nombres d'étapes que les agents de voyages et les transporteurs aériens doivent entreprendre pour rendre les services offerts à ces voyageurs les plus accessibles possible.
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