Décision n° 6-AT-R-2021
DEMANDE présentée par Louise Bark contre VIA Rail Canada Inc. (VIA Rail), au titre du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, SC 1996, c 10, modifiée (LTC), concernant ses besoins en matière d’accessibilité.
RÉSUMÉ
[1] Louise Bark a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre VIA Rail concernant le retrait des dispositifs d’immobilisation de fauteuil roulant (dispositifs d’immobilisation) des voitures voyageurs de VIA Rail.
[2] Mme Bark demande que les dispositifs d’immobilisation soient réinstallés et qu’une méthode soit établie pour que les utilisateurs de fauteuils roulants se servant de dispositifs d’immobilisation puissent communiquer au personnel de VIA Rail leur besoin d’accéder aux toilettes ou à d’autres fonctionnalités dans les voitures voyageurs.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Mme Bark est-elle une personne handicapée?
- Mme Bark a-t-elle rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que Mme Bark est une personne handicapée et qu’elle n’a pas rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, l’Office rejette la demande.
CONTEXTE
[5] Mme Bark utilise un fauteuil roulant électrique et prend fréquemment le train de Cobourg (Ontario) à Toronto (Ontario) avec VIA Rail. Mme Bark affirme que VIA Rail a retiré les dispositifs d’immobilisation de ses voitures voyageurs et que, depuis, les personnes qui utilisent un fauteuil roulant ne sont plus en sécurité. Elle affirme que, sans les dispositifs d’immobilisation, son fauteuil roulant électrique est secoué et les roues se soulèvent du sol de manière intermittente, de sorte qu’elle a peur de tomber à la renverse et de se faire encore plus mal.
[6] Mme Bark affirme qu’il y a des problèmes de sécurité majeurs liés au fait qu’un fauteuil roulant électrique n’est pas fixé au plancher à l’intérieur d’un véhicule en mouvement. Mme Bark affirme qu’elle a le droit d’être à la fois confortable et en sécurité lorsqu’elle prend le train.
[7] Le 19 mars 2020, l’Office a émis la décision no LET-AT-R-19-2020, ce qui a ouvert les actes de procédure. VIA Rail a déposé sa réponse le 14 avril 2020. Mme Bark a déposé sa réplique le 15 avril 2020.
[8] Le 17 avril 2020, VIA Rail s’est opposée à la réplique de Mme Bark en affirmant qu’elle contenait de nouveaux éléments de preuve. Le 4 juin 2020, l’Office a émis la décision no LET-AT-R-37-2020, dans laquelle il acceptait les nouveaux éléments de preuve de Mme Bark et les versait aux archives, rouvrait les actes de procédure et accordait du temps à VIA Rail pour déposer sa réponse aux nouveaux éléments de preuve.
[9] Le 11 juin 2020, VIA Rail a déposé sa réponse aux nouveaux éléments de preuve, et Mme Bark a déposé sa réplique le 18 juin 2020.
LA LOI
[10] La demande a été déposée au titre du paragraphe 172(1) de la LTC, qui prévoit ce qui suit :
Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[11] Comme il l’a énoncé dans la décision no 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation) portant sur le traitement des demandes en matière d’accessibilité, l’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties.
Partie 1 : Il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités :
- qu’il a un handicap, c’est-à-dire toute déficience, notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;
et
- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un lien entre le handicap de la demanderesse et l’obstacle.
Partie 2 : Si l’Office détermine que le demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors au défendeur de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :
- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment il propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique visée ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
ou
- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[12] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur la première des deux parties de cette approche.
1. MME BARK EST-ELLE UNE PERSONNE HANDICAPÉE?
[13] Mme Bark utilise à la fois un fauteuil roulant manuel et un fauteuil roulant électrique. VIA Rail reconnaît que Mme Bark est une personne handicapée. L’Office conclut donc que Mme Bark est une personne handicapée.
2. MME BARK A-T-ELLE RENCONTRÉ UN OBSTACLE À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT?
POSITIONS DES PARTIES
MME BARK
Sécurité
[14] Mme Bark soutient que VIA Rail, avec l’appui de Transports Canada, a retiré les dispositifs d’immobilisation de ses trains et que, par conséquent, les personnes handicapées qui utilisent des fauteuils roulants ne sont plus en sécurité. Mme Bark affirme que les trains oscillent beaucoup et que les roues de son fauteuil se soulèvent parfois du sol de manière intermittente si son fauteuil roulant n’est pas immobilisé. Mme Bark affirme qu’elle ne peut pas se détendre ou profiter du trajet et qu’elle ressent de la douleur lorsqu’elle est secouée et que son fauteuil roulant n’est pas immobilisé.
[15] Mme Bark affirme que lorsqu’une personne reste dans son fauteuil roulant dans le train, son fauteuil roulant devient un siège. Elle affirme que tous les sièges du train sont fixés au plancher pour les empêcher de basculer ou de devenir un projectile. Mme Bark fait valoir qu’en tant que personne handicapée, elle a le droit de bénéficier d’une protection égale et, pour cette raison, elle demande que son fauteuil roulant soit fixé au plancher du train de manière aussi sécuritaire que tous les autres sièges du train. Elle affirme que, sans ces dispositifs d’immobilisation, elle est confrontée à un obstacle, car le ballottement de son fauteuil roulant et la sensation qu’elle risque de basculer l’empêchent de prendre le train.
[16] Mme Bark ajoute qu’il faut tenir compte des préoccupations de sécurité si on autorise qu’un fauteuil roulant électrique de 180 kg, ou 400 lb, ne soit pas fixé au plancher à l’intérieur d’un véhicule en mouvement. Elle affirme que son fauteuil roulant électrique pourrait écraser ou tuer quelqu’un si le train déraillait. Mme Bark soutient que les tests de collision ont prouvé qu’il est dangereux de ne pas fixer les chargements et fait référence à une vidéo sur la sécurité du transport des fauteuils roulants présentée par le Rehabilitation Engineering Research Center. Mme Bark affirme également qu’un fauteuil roulant peut se renverser rapidement, comme l’illustre une vidéo diffusée dans les médias en septembre 2016 qu’elle a déposée avec sa demande et qui montre une jeune fille en fauteuil roulant dont le fauteuil renverse dans un autobus.
[17] Pour soutenir ses préoccupations de sécurité, Mme Bark fait référence à la présentation « Interventions Toward Ensuring Wheelchair Transportation Safety » du Centre de réadaptation Constance-Lethbridge, du 13 octobre 2017, et à l’étude « Wheelchair Occupant Studies » de Lawrence W. Schneider et coll., de juillet 2016, qui, selon Mme Bark, soulignent l’importance de bien immobiliser un fauteuil roulant dans les transports publics.
[18] Mme Bark fait également référence à trois rapports du Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada :
- Le « Rapport d’enquête sur accident ferroviaire R97H0009 » (rapport de Biggar) concernant un incident survenu le 3 septembre 1997, qui, selon Mme Bark, explique les dangers des objets qui ne sont pas attachés lors d’un accident, fixe des limites de poids et décrit comment immobiliser correctement les bagages. Mme Bark se demande pourquoi un fauteuil roulant n’a pas à être immobilisé alors que des bagages d’un poids inférieur à celui de son fauteuil roulant électrique doivent l’être.
- Le « Rapport d’enquête sur un accident ferroviaire R99H0007 » (rapport de Thamesville) concernant un incident survenu le 23 avril 1999, qui, selon Mme Bark, fait état des préoccupations des enquêteurs quant à la possibilité que des sièges de passagers se détachent lors d’un déraillement.
- Le « Rapport d’enquête ferroviaire R12T0038 » (rapport d’Aldershot) concernant un incident survenu le 26 février 2012, qui, selon Mme Bark, indique que les passagers, les bagages et d’autres objets qui n’étaient pas attachés dans le train sont devenus des projectiles et ont causé des blessures. De plus, elle indique qu’il a été déterminé que le fauteuil roulant était correctement fixé à l’aide du dispositif d’immobilisation et qu’il était resté en place. Mme Bark affirme que cela prouve que les dispositifs d’immobilisation fonctionnent, car le fauteuil roulant impliqué dans cet accident n’a pas pu bouger lorsque la voiture voyageurs s’est renversée.
[19] Mme Bark fait référence au Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des voitures voyageurs, TC O-0-26 (Règlement) et souligne que le paragraphe 25.4 énonce que le « dispositif de fixation des sièges fixes destinés aux voyageurs doit être conçu pour supporter des forces de 5 g longitudinalement et de 3 g latéralement et verticalement sans qu’aucun élément de fixation ne cède, en supposant qu’un voyageur de 83,8 kg (185 lb) est assis dans chaque siège. » Mme Bark se demande pourquoi les fauteuils roulants n’ont pas besoin d’être fixés au plancher alors que les sièges doivent être solidement fixés au plancher.
[20] En outre, Mme Bark fait référence aux paragraphes 27.1 et 27.2 du Règlement. Ces paragraphes énoncent que les porte-bagages et les cases à bagages lourds doivent être du type clos ou munis de dispositifs de retenue et que les cases à bagages lourds doivent être munies de dispositifs de retenue adéquats. Mme Bark souligne que, selon ces paragraphes, les colis et les bagages doivent être attachés.
[21] Mme Bark fait également référence à l’article 29 du Règlement dans son intégralité, qui concerne l’accessibilité des personnes à mobilité réduites aux voitures voyageurs. L’article 29 comprend les dispositions suivantes :
29.2 Lorsqu’un train de voyageurs est muni d’un seul dispositif d’immobilisation de fauteuil roulant, le fauteuil roulant personnel d’un voyageur qui occupe un siège devrait avoir priorité sur tout autre article à entreposer.
29.3 Une voiture voyageurs munie d’un dispositif d’immobilisation de fauteuil roulant doit comporter une porte d’accès suffisamment large pour permettre au voyageur se déplaçant dans un fauteuil roulant personnel d’atteindre le dispositif d’immobilisation.
29.4 Le dispositif d’immobilisation du fauteuil roulant devrait être situé de façon que l’occupant du fauteuil puisse aisément atteindre la porte d’accès et la toilette de la voiture.
[22] Mme Bark fait remarquer que l’article 29 du Règlement fait constamment référence aux dispositifs d’immobilisation et se demande donc pourquoi il a été permis de les retirer des trains.
[23] Mme Bark fait également référence à un rapport, déposé par VIA Rail avec sa réponse, intitulé « Is the use of a tie-down securement necessary from a safety point of view », préparé en 2014 pour VIA Rail par Uwe Rutenberg (rapport de Rutenberg de 2014), un expert-conseil international en transport, et affirme que ce rapport indique :
[Traduction]
Le problème est que la plupart des châssis de fauteuils roulants manuels et légers ne sont pas construits pour supporter 8 g et, en cas de collision, ils peuvent se déformer, s’effriter et certaines pièces peuvent se détacher et devenir des projectiles. Les fauteuils roulants électriques et les scooters dont le châssis est plus solide peuvent être fixés au plancher pour éviter qu’ils ne deviennent des projectiles, mais seulement s’ils ont des points d’attache désignés pour les sangles d’immobilisation.
[24] Mme Bark affirme que de nombreuses personnes utilisant des fauteuils roulants électriques ont des points d’attache désignés et que les boucles des attaches sont étiquetées avec le symbole pour indiquer la conformité à la norme WC-19.
[25] Mme Bark indique qu’elle ne comprend pas pourquoi la conclusion de ce même rapport indique :
[Traduction]
Dans des conditions d’exploitation normales, un dispositif d’immobilisation n’augmentera pas la sécurité du passager qui utilise un appareil de mobilité. En cas d’accident, seuls les fauteuils électriques et les scooters peuvent être fixés au plancher pour éviter qu’ils ne deviennent des projectiles. Les fauteuils roulants manuels, de sport et légers peuvent se désintégrer et des parties peuvent devenir un projectile. Le passager dans un appareil de mobilité comme tout autre passager assis ne sera pas protégé.
[26] Selon Mme Bark, il semble qu’il ait été décidé de regrouper tous les types de fauteuils roulants et, comme certains ne sont pas sécuritaires, il a été recommandé de retirer les dispositifs d’immobilisation.
[27] Mme Bark soutient également que le fait de ne pas immobiliser son fauteuil roulant de la même manière que les autres sièges du train pourrait être considéré comme une négligence si un accident se produisait et que quelqu’un était tué ou blessé. Mme Bark soutient sa demande en faisant référence au paragraphe 219(1) du Code criminel, LRC 1985, c C-46.
Ballottement du fauteuil roulant
[28] Mme Bark indique qu’elle a parfois dû utiliser ses propres sangles pour stabiliser son fauteuil roulant et fournit des photos pour le démontrer. Elle demande qu’il lui soit permis d’immobiliser la moitié supérieure de son fauteuil roulant et affirme que, dans le passé, elle a pu ajouter une sangle supplémentaire pour attacher son fauteuil à la table ou à la barre sous la fenêtre. Elle explique qu’un employé de VIA Rail s’est plaint au siège social qu’il s’agissait d’un risque pour la sécurité et que, depuis, elle ne peut plus attacher son fauteuil roulant électrique à quoi que ce soit. Mme Bark soutient qu’on ne devrait pas lui interdire de prendre des mesures visant à assurer sa sécurité. Elle affirme également qu’elle a suggéré à VIA Rail d’installer une poignée comme dans les trains GO.
[29] En outre, Mme Bark fournit un document intitulé « Alert », qui illustre et explique comment immobiliser son fauteuil roulant. Cependant, la source du document n’est pas indiquée.
[30] Mme Bark dépose une vidéo non datée d’elle-même, à bord d’un train de VIA Rail, alors que son fauteuil roulant électrique n’est pas fixé au plancher. Elle affirme que son fauteuil roulant électrique est orienté de côté dans la vidéo parce qu’il avait tellement ballotté dans l’autre sens qu’elle avait peur qu’il ne se renverse dans l’allée. Mme Bark affirme également que le trajet était moins pénible lorsque le fauteuil était orienté de côté. Mme Bark affirme que VIA Rail l’a informée qu’il était illégal de s’asseoir dans le train alors que le fauteuil est orienté de côté dans la voiture voyageurs.
[31] Mme Bark indique qu’elle a pris le train avec VIA Rail le 5 février 2020 et que, pendant ce trajet, elle a pu faire attacher son fauteuil roulant. Elle affirme qu’au cours du trajet, un conducteur a averti le personnel de VIA Rail qu’une section plus cahoteuse approchait. Mme Bark indique qu’un employé de VIA Rail a tenu son fauteuil roulant pendant ce temps. Mme Bark indique également qu’elle a été ballottée, mais que les dispositifs d’immobilisation ont maintenu les roues de son fauteuil roulant au sol.
[32] Même si Mme Bark donne des exemples de situations où elle a utilisé les dispositifs d’immobilisation, elle reconnaît également que ces dispositifs n’arrêtent pas complètement le ballottement de son fauteuil roulant lorsque le train est en mouvement et elle indique avoir avisé VIA Rail.
Autres mesures d’accommodement
[33] Mme Bark indique qu’il n’y a pas d’autre moyen de transport que VIA Rail pour se rendre à Cobourg ou dans les autres villes où elle souhaite se rendre. Mme Bark affirme qu’en février 2020, elle pouvait encore prendre le train et utiliser les dispositifs d’immobilisation sur demande, mais seulement si elle était prête à modifier son itinéraire pour choisir un moment où VIA Rail était en mesure d’enlever les couvercles des bandes métalliques conçues pour retenir les dispositifs d’immobilisation. Elle soutient que VIA Rail est en train de retirer progressivement les bandes métalliques qui retiennent les dispositifs d’immobilisation et qu’une fois qu’elles auront toutes été enlevées, elle ne pourra plus se déplacer en train en toute sécurité. Mme Bark ajoute que s’il n’est pas possible d’enlever les couvercles pour exposer les dispositifs d’immobilisation sur l’un de ses trains, VIA Rail offre de payer un taxi accessible pour amener Mme Bark à sa destination. Toutefois, Mme Bark indique que prendre le taxi lui cause d’autres difficultés. Selon Mme Bark, soit VIA Rail oublie de commander le taxi, soit le taxi contient des produits désodorisants, auxquels elle est allergique. Lorsque l’option de taxi accessible est impossible, elle a le choix entre être coincée quelque part ou de prendre le train sans que son fauteuil roulant soit immobilisé.
[34] Mme Bark soutient que la partie supérieure de son fauteuil roulant électrique est plus lourde que la plupart des autres fauteuils roulants et indique que cette conception est prévue pour que son fauteuil roulant soit adapté à son handicap, et non pour ajouter des éléments optionnels. Elle soutient qu’il n’est pas raisonnable qu’elle doive endurer une douleur supplémentaire en raison de ce besoin. Elle soutient également qu’il doit y avoir une meilleure façon d’accommoder une personne qui a un fauteuil roulant plus lourd que la plupart des autres.
VIA RAIL
[35] VIA Rail confirme qu’elle a retiré les dispositifs d’immobilisation entre décembre 2018 et mars 2019 et que toutes ses voitures voyageurs ne sont plus équipées de dispositifs d’immobilisation. VIA Rail indique que la nouvelle flotte prévue pour être mise en service en 2022 ne comprendra pas de dispositifs d’immobilisation.
Définition de « dispositif d’immobilisation »
[36] VIA Rail indique que le Code de pratiques : Accessibilité des voitures de chemin de fer et conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (Code ferroviaire) définit un « dispositif de retenue pour fauteuil roulant » comme « un espace pour recevoir un fauteuil roulant personnel occupé » et que le Règlement définit un « dispositif d’immobilisation de fauteuil roulant » comme un « espace doté de dispositifs de retenue où l’on peut placer un fauteuil roulant et son occupant ». VIA Rail affirme que le Règlement n’exige pas que les voitures voyageurs soient équipées de dispositifs d’immobilisation, mais qu’il contient plutôt des exigences pour les voitures voyageurs qui en sont équipées. VIA Rail reconnaît que le Code ferroviaire prévoit que toutes les voitures voyageurs seront équipées de dispositifs d’immobilisation. Toutefois, VIA Rail indique que, contrairement au Règlement, la notion de dispositif d’immobilisation de fauteuil roulant dans le Code ferroviaire ne fait pas référence aux dispositifs de retenue, mais plutôt à un « espace pour recevoir un fauteuil roulant personnel occupé ». VIA Rail fait valoir qu’aux fins du présent cas, le terme « dispositif d’immobilisation » signifie un dispositif qui comprend des sangles, des ancrages et des garde-corps spéciaux dans le plancher qui permettent au personnel de VIA Rail de fixer physiquement un fauteuil roulant ou un autre aide à la mobilité au plancher d’une voiture voyageurs.
Règlement
[37] VIA Rail fait référence au Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 (RTAPH) qui est entré en vigueur le 25 juin 2020 et indique que le RTAPH exige des espaces réservés aux aides à la mobilité pour des appareils, y compris les fauteuils roulants, dans les voitures voyageurs, mais qu’il n’établit aucune exigence pour l’utilisation des dispositifs d’immobilisation. De plus, VIA Rail soutient que le RTAPH remplace le Code ferroviaire comme l’indique l’Office dans le document d’information intitulé « Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées » qui a été publié en juillet 2019.
[38] VIA Rail affirme que les autres fournisseurs de transport ferroviaire interurbain en Amérique du Nord n’utilisent pas de dispositifs d’immobilisation pour immobiliser les fauteuils roulants ou les autres aides à la mobilité. VIA Rail affirme qu’avant de prendre la décision de retirer les dispositifs d’immobilisation, elle a commandé deux rapports afin d’en savoir plus sur l’utilisation des dispositifs d’immobilisation dans d’autres pays : le rapport de Rutenberg de 2014 et un rapport en 2018 intitulé « Benchmarking: Safety for Passengers using Mobility Devices Onboard Trains », également préparé par M. Rutenberg (rapport de Rutenberg de 2018). VIA Rail affirme que le rapport de Rutenberg de 2018 étudie les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Union européenne (28 nations), l’Afrique du Sud et le Japon, et conclut que seul le Japon a exigé des dispositifs d’immobilisation.
Facteurs pris en considération pour le retrait des dispositifs d’immobilisation
[39] VIA Rail affirme que la décision de retirer les dispositifs d’immobilisation a été soigneusement étudiée et a été fondée à la fois sur une évaluation scientifique des risques et sur les droits et la sécurité des passagers avec ou sans handicap et du personnel de VIA Rail. En outre, VIA Rail affirme que sa décision de retirer les dispositifs d’immobilisation était fondée sur les trois facteurs suivants :
(i) une évaluation des risques en ce qui concerne la sécurité des déplacements en fauteuil roulant avec et sans dispositif d’immobilisation;
(ii) l’obligation légale, le cas échéant, d’équiper les voitures voyageurs de dispositifs d’immobilisation;
(iii) des rétroactions sur les dispositifs d’immobilisation des fauteuils roulants de la part d’importantes organisations représentant les personnes handicapées au Canada.
[40] En ce qui concerne le premier facteur, VIA Rail indique que le rapport de Rutenberg de 2014 précise que les dispositifs d’immobilisation ne sont pas présents dans les trains interurbains internationaux et que :
[Traduction]
pendant l’exploitation régulière des trains, les forces longitudinales et latitudinales (c’est-à-dire les forces dans la direction du déplacement ou les forces latérales, respectivement) sont si faibles que le mouvement d’un fauteuil roulant est insignifiant si ses freins sont serrés. Les fauteuils roulants manuels, les fauteuils roulants électriques et les scooters ne sont pas construits pour résister aux forces d’impact, et les châssis des fauteuils roulants sont légers et fragiles. Les fauteuils roulants électriques n’ont pas de points d’attache désignés pour un dispositif d’immobilisation, et si des dispositifs d’immobilisation étaient appliqués à une situation d’accident, les fauteuils roulants manuels et électriques seraient réduits en morceaux ou se briseraient et des pièces se détacheraient. Il est important de noter que le rapport indique que « le passager utilisant une aide à la mobilité peut se sentir plus à l’aise lorsqu’il est fixé au plancher, mais l’attache n’ajoute pas de protection supplémentaire dans des conditions d’utilisation normales » [soulignement dans l’original].
[41] VIA Rail affirme qu’un rapport rédigé par un conseiller principal en gestion des risques d’entreprise de VIA Rail concernant une évaluation des risques effectuée par VIA Rail le 25 septembre 2018 indique clairement que le risque de décès dû à l’absence de dispositifs d’immobilisation était d’environ un événement tous les 307 ans. VIA Rail affirme également qu’étant donné que ce risque est inférieur à celui des décès dus à d’autres risques d’exploitation, comme les chariots de transport d’aliments et les bagages, le risque lié à l’absence de dispositifs d’immobilisation a été estimé comme étant acceptable de manière isolée. VIA Rail indique aussi que le rapport mentionne également les facteurs juridiques et relatifs aux droits des personnes et les documents selon lesquels un groupe de membres du personnel de VIA Rail, dont deux représentants syndicaux, a choisi de retirer les dispositifs d’immobilisation des voitures voyageurs de VIA Rail.
[42] En ce qui concerne le deuxième facteur, VIA Rail indique que la loi canadienne n’exige pas l’installation de dispositifs d’immobilisation dans les voitures voyageurs; par conséquent, elle considère qu’elle n’est pas légalement tenue d’inclure des dispositifs d’immobilisation dans ses voitures voyageurs.
[43] En ce qui concerne le troisième facteur, VIA Rail indique qu’elle a mené des consultations auprès d’experts en la matière et de groupes d’utilisateurs concernés – notamment Transports Canada, le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD), la Fondation Rick Hansen et Kéroul – et que tous ont formulé des commentaires en faveur du changement. VIA Rail affirme que, selon l’approbation générale des organisations représentant les Canadiens avec déficiences, le retrait des dispositifs d’immobilisation améliore la mobilité et la dignité des passagers qui utilisent des aides à la mobilité lorsqu’ils prennent le train avec VIA Rail. VIA Rail soutient que sa conclusion à la suite de ces consultations était la suivante :
[Traduction]
Du point de vue des droits de la personne, les préoccupations relatives à la dignité humaine et l’amélioration de la mobilité sans entrave des personnes handicapées l’emportaient largement sur tout avantage supplémentaire en matière de sécurité que pourrait apporter l’utilisation de dispositifs d’immobilisation dans ses voitures voyageurs. L’utilisation de dispositifs d’immobilisation nécessitait souvent un contact physique du bas du corps avec le passager et le personnel de VIA Rail, empêchait le passager d’accéder aux toilettes et de repositionner son aide à la mobilité pendant le trajet et constituait un effet négatif sur l’autonomie et un obstacle injustifié aux possibilités de déplacement.
[44] En outre, VIA Rail, dans sa réponse, fait référence à la documentation présentée par Mme Bark dans sa demande. En ce qui concerne la présentation intitulée « Interventions Toward Ensuring Wheelchair Transportation Safety » et la vidéo diffusée dans les médias déposée par Mme Bark, VIA Rail affirme qu’elles concernent le risque lié aux fauteuils roulants non fixés au plancher à bord d’un véhicule automobile et non d’une voiture voyageurs. VIA Rail soutient que les risques diffèrent entre les deux modes de transport, de sorte que cet élément de preuve n’est pas pertinent.
[45] En ce qui concerne les rapports de Biggar et de Thamesville, VIA Rail indique que bien que les deux incidents soient des incidents ferroviaires, ils ne concernent pas les aides à la mobilité. VIA Rail affirme que le règlement relatif aux sièges fixes des voitures voyageurs n’est pas les mêmes pour les fauteuils roulants, de sorte que cet élément de preuve n’est pas pertinent.
[46] En ce qui concerne le rapport d’Aldershot, VIA Rail convient que l’accident a bien impliqué une personne en fauteuil roulant. Toutefois, VIA Rail soutient que le rapport n’indique pas le bénéfice ou le préjudice représenté par le dispositif d’immobilisation du fauteuil roulant lui-même, de sorte que l’affirmation de Mme Bark selon laquelle le fauteuil roulant serait devenu un « projectile » en l’absence de dispositifs d’immobilisation n’est pas étayée par des éléments de preuve.
[47] VIA Rail affirme que la référence de Mme Bark au Code criminel n’est pas pertinente.
Test avec Mme Bark
[48] VIA Rail indique qu’elle a effectué un test avec Mme Bark, un ergothérapeute et M. Rutenberg à bord d’un train lors d’un aller-retour de Toronto à Cobourg, le 3 juillet 2019. Mme Bark a utilisé son fauteuil roulant électrique pour le segment de Toronto à Cobourg et son fauteuil roulant manuel pour le segment de Cobourg à Toronto. Mme Bark était assise dans la direction du déplacement du train. VIA Rail soutient que le rapport de l’ergothérapeute à la suite des tests a conclu que la possibilité d’utiliser des dispositifs d’immobilisation, ou l’option de les utiliser, rassure Mme Bark sur le fait qu’elle est responsable de sa propre sécurité, mais ne sert pas à améliorer son confort ou sa sécurité, ni ne l’empêche de ressentir de la douleur et de l’engourdissement. De plus, VIA Rail affirme que l’ergothérapeute n’a pas observé de cas où les deux aides à la mobilité ont changé de position, se sont soulevées du sol ou ont semblé risquer de basculer pendant le trajet. VIA Rail indique que l’ergothérapeute a mentionné que l’instabilité de Mme Bark lorsqu’elle est assise dans son fauteuil roulant, est due à la largeur excessive du siège et du fait que des ajouts à son fauteuil roulant ont augmenté sa hauteur assise. VIA Rail indique que ce rapport offre des recommandations à Mme Bark, notamment de mettre fin à la pratique contre-intuitive et contre-productive qui consiste à [traduction] « agiter fréquemment les deux bras en l’air à la recherche de quelque chose à quoi s’accrocher pour assurer sa stabilité » [soulignement dans l’original], d’envisager le remplacement de son fauteuil par un autre fauteuil plus adapté, et d’envisager l’option d’avoir une barre installée sur le fauteuil lui-même pour améliorer son centre de gravité lorsqu’elle doit prendre le train.
[49] VIA Rail affirme que le rapport de M. Rutenberg à la suite des tests effectués le 3 juillet 2019 (rapport de Rutenberg de 2019), indique que dans le cas du fauteuil roulant électrique, un certain mouvement latéral (ballottement) a été observé, et il a été déterminé que ce mouvement était dû à la conception du fauteuil roulant électrique. En outre, VIA Rail indique que, selon ce rapport, à aucun moment le fauteuil roulant électrique n’a été en mesure de basculer latéralement, vers l’avant ou vers l’arrière, et que la sécurité n’a pas été compromise. Le rapport a conclu que les dispositifs d’immobilisation n’empêcheraient pas les mouvements de balancement du siège, car le ballottement n’était pas causé par le train lui-même, mais plutôt par la conception du fauteuil roulant électrique. Le rapport a également conclu que le ballottement n’a eu que des conséquences sur le confort de Mme Bark et non sur sa sécurité. En ce qui concerne le segment pour lequel Mme Bark a utilisé son fauteuil roulant manuel, le rapport a noté que le fauteuil roulant manuel ne se balançait pas comme le fauteuil roulant électrique le faisait même lorsque le train oscillait d’un côté à l’autre. De plus, à aucun moment, le fauteuil roulant manuel n’a été en mesure de basculer latéralement, vers l’avant ou vers l’arrière. Le rapport a conclu que pour les deux segments, la sécurité du fauteuil roulant et de Mme Bark n’a jamais été compromise.
[50] VIA Rail indique que, lors des tests effectués avec Mme Bark le 3 juillet 2019, il a été conclu que Mme Bark ressent moins d’inconfort et est plus en sécurité lorsqu’elle s’assied dans la direction du déplacement, comme l’exige la loi. VIA Rail indique qu’à la suite de ces tests, VIA Rail a confirmé qu’il n’est pas nécessaire d’installer des dispositifs d’immobilisation pour Mme Bark ou les autres personnes handicapées.
Ballottement du fauteuil roulant
[51] VIA Rail fait référence au document « Alert » déposé par Mme Bark et affirme que les méthodes d’immobilisation du fauteuil roulant électrique de Mme Bark dans un véhicule automobile ne contribuent pas à l’analyse visant à déterminer si l’absence de dispositifs d’immobilisation sur les voitures voyageurs de VIA Rail constitue un obstacle. VIA Rail explique qu’elle exploite ses voitures voyageurs sur un réseau ferroviaire lourd. Elle affirme que l’inertie, les mouvements et le comportement d’un train lourd en mouvement ne sont absolument pas comparables à ceux d’un véhicule automobile circulant dans les rues de la ville ou sur les autoroutes. De même, VIA Rail affirme que l’immobilisation d’une aide à la mobilité dans les autobus de transport en commun peut comprendre l’utilisation de dispositifs d’immobilisation, mais que cela ne justifie pas le fait qu’elles soient requises dans les voitures voyageurs de VIA Rail.
[52] VIA Rail fait référence au rapport de Rutenberg de 2014, qui indique que les trains interurbains avec leurs grandes masses fonctionnent dans un environnement où il y a des forces d’accélération réduites. Ils subissent de faibles forces d’accélération et de décélération, se déplacent dans de larges courbes et utilisent rarement le frein d’urgence. Il peut y avoir de petites forces d’oscillation latérale vers la gauche et la droite en raison de l’état de la voie ou de courbes élevées.
[53] VIA Rail avance que l’instruction contenue dans le document intitulé « Alert » indiquant d’attacher la partie supérieure du fauteuil roulant électrique de Mme Bark à la rampe d’un autobus ou d’un train GO pour éliminer le mouvement de va-et-vient de la partie supérieure du fauteuil roulant électrique renforce la conclusion du rapport de Rutenberg de 2019 selon laquelle c’est le centre de gravité élevé du fauteuil roulant électrique particulier de Mme Bark qui cause l’effet de ballottement pendant le mouvement du train. VIA Rail affirme que le rapport souligne que l’effet de ballottement se produirait que le fauteuil roulant électrique soit ou non fixé au plancher à l’aide de dispositifs d’immobilisation. VIA Rail indique que cela est confirmé par Mme Bark, qui a affirmé que le problème de « ballottement » existait même si elle utilisait des dispositifs d’immobilisation. VIA Rail soutient que cela renforce le fait que les difficultés rencontrées par Mme Bark lorsqu’elle prend le train ne sont pas le résultat de l’absence de dispositifs d’immobilisation appliqués à la partie inférieure de son fauteuil roulant électrique.
[54] En ce qui concerne la vidéo déposée par Mme Bark la montrant lors d’un trajet à bord d’un train de VIA Rail, VIA Rail indique qu’elle était assise avec son fauteuil orienté de côté dans la voiture voyageurs et que cela n’est pas autorisé par la loi. VIA Rail indique que la vidéo montre que le fauteuil roulant électrique de Mme Bark se déplace vers l’avant et vers l’arrière, ce qui lui cause de l’inconfort.
Sécurité
[55] VIA Rail indique qu’elle a été en contact avec Mme Bark au sujet du retrait des dispositifs d’immobilisation de ses voitures voyageurs et qu’elle a fourni à Mme Bark l’assurance que les dispositifs d’immobilisation n’améliorent pas la sécurité. VIA Rail reconnaît que Mme Bark éprouve de la peur et de la douleur lorsqu’elle prend le train; cependant, VIA Rail est d’avis que cela n’est pas le résultat du retrait des dispositifs d’immobilisation. VIA Rail reconnaît que Mme Bark était habituée à l’utilisation de dispositifs d’immobilisation, ce qui a pu lui apporter un confort psychologique, mais VIA Rail indique également que selon les recherches scientifiques, des évaluations comparatives du marché et les commentaires des organisations représentant les personnes handicapées, les dispositifs d’immobilisation n’augmentent pas sa sécurité et ne lui feront pas oublier la douleur.
[56] À la lumière de ce qui précède, VIA Rail soutient que le retrait des dispositifs d’immobilisation ne constitue pas un obstacle et réclame que la demande soit rejetée.
ANALYSE ET DÉTÉRMINATIONS
[57] Aux fins de la présente décision, l’Office utilisera l’expression « dispositif d’immobilisation » pour désigner les dispositifs de retenue des fauteuils roulants.
[58] Mme Bark affirme que lorsque son fauteuil roulant n’est pas immobilisé, les roues de son fauteuil se soulèvent parfois du sol et qu’elle s’inquiète pour sa sécurité. Elle affirme qu’elle ne peut pas se détendre ni profiter du trajet et qu’elle ressent de la douleur lorsque son fauteuil roulant n’est pas immobilisé. Mme Bark soutient essentiellement que les dispositifs d’immobilisation sont le seul moyen qui lui permettra de se déplacer en toute sécurité avec VIA Rail.
[59] L’Office reconnaît que Mme Bark ne se sent pas en sécurité lorsqu’elle est à bord des trains de VIA Rail parce que son fauteuil roulant n’est pas immobilisé comme il l’était auparavant. Bien que Mme Bark ne soit pas empêchée de prendre les trains de VIA Rail, elle éprouve un sentiment d’insécurité lorsqu’elle doit prendre le train. Dans certaines circonstances, l’Office a déjà conclu qu’il y avait un obstacle dans des cas où la personne était finalement en mesure de prendre le train, mais où les circonstances découlant de l’expérience étaient telles qu’elles ont diminué le sentiment de confiance, de dignité, de sûreté ou de sécurité de la personne et reconnaissait que ces sentiments peuvent être tels qu’ils découragent une personne de prendre le train à l’avenir.
[60] Toutefois, lorsqu’il évalue un obstacle éventuel à la mobilité lié à des préoccupations de sécurité, comme celui soulevé par Mme Bark, l’Office tient compte à la fois de l’expérience subjective de la personne handicapée et des éléments de preuve objectifs figurant au dossier. Dans le cas présent, il existe des éléments de preuve objectifs sous la forme des règlements applicables, des rapports d’études déposées et des rapports d’essais effectués par VIA Rail avec Mme Bark.
[61] En ce qui concerne la réglementation applicable, l’Office reconnaît que le Règlement n’exige pas que les voitures voyageurs soient équipées de dispositifs d’immobilisation. Il reconnaît également que le RTAPH est le règlement en vigueur depuis le 25 juin 2020. Le RTAPH a été élaboré dans le cadre de l’Initiative de modernisation de la réglementation (IMR) de l’Office et s’appuie sur ses divers instruments en matière d’accessibilité, ainsi que sur les pratiques exemplaires en vigueur au Canada et dans le monde. Dans le cadre de l’IMR, de vastes consultations ont été menées par l’Office entre 2016 et 2018 afin, entre autres, de comprendre les besoins des personnes handicapées. Le RTAPH reflète les contributions reçues par l’Office de la part de divers intervenants, notamment les personnes handicapées, les organisations représentant les personnes handicapées, l’industrie et les membres du Comité consultatif sur l’accessibilité de l’Office. Le RTAPH a remplacé le Code ferroviaire et n’exige pas que les trains soient équipés de dispositifs d’immobilisation. Par conséquent, il n’existe pas de règlement obligeant VIA Rail à équiper ses voitures voyageurs de dispositifs d’immobilisation.
[62] En ce qui concerne les rapports mentionnés par Mme Bark à l’appui de ses préoccupations de sécurité, les renseignements fournis n’étaient pas tous directement pertinents pour les déplacements en train pour les personnes en fauteuil roulant. Par exemple, les données relatives à l’immobilisation des fauteuils roulants dans les véhicules à moteur ne sont pas directement applicables, car les exigences pour se déplacer avec un fauteuil roulant en train et dans un véhicule à moteur sont très différentes. De plus, bien que Mme Bark ait fait référence à trois rapports du BST, ces trois incidents s’appliquent peu à la situation de Mme Bark. Les incidents mentionnés dans les rapports de Biggar et de Thamesville ne visent pas les aides à la mobilité. En ce qui concerne le rapport d’Aldershot, bien que l’incident a bien impliqué une personne en fauteuil roulant, le bénéfice ou le préjudice apporté par le dispositif d’immobilisation n’a pas été indiqué. En d’autres mots, le rapport d’Aldershot ne conclut pas que l’utilisation de dispositifs d’immobilisation est nécessaire, ou qu’elle augmente la sécurité, lors des déplacements en train.
[63] VIA Rail a démontré qu’avant de prendre la décision de retirer les dispositifs d’immobilisation de ses voitures voyageurs, elle a pris plusieurs mesures pour évaluer la situation :
- VIA Rail a vérifié qu’aucune loi et qu’aucun règlement n’exigeait de dispositifs d’immobilisation dans les voitures voyageurs;
- elle a procédé à une évaluation des risques, qui a révélé que le risque de décès dû à l’absence de dispositifs d’immobilisation était d’environ une occurrence tous les 307 ans, ce qui a été jugé acceptable;
- elle a organisé des séances de travail avec des groupes représentant les passagers concernés par le retrait des dispositifs d’immobilisation, notamment Transports Canada, le CCD, la Fondation Rick Hansen et Kéroul, qui ont tous formulé des commentaires en faveur du retrait des dispositifs d’immobilisation, car cela améliorait la mobilité et la dignité des passagers;
- elle a commandé deux rapports à M. Rutenberg, expert-conseil en transport, ingénieur industriel et conseiller en matière de déficiences indépendant qui est reconnu à l’échelle internationale, afin d’en savoir plus sur l’utilisation des dispositifs d’immobilisation. Ces rapports ont déterminé, entre autres, que les dispositifs d’immobilisation ne sont pas exigés par la loi aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, dans l’Union européenne (28 pays) et en Afrique du Sud, mais qu’ils le sont au Japon.
[64] VIA Rail a également démontré qu’elle avait pris des mesures pour répondre aux préoccupations personnelles de Mme Bark en engageant des discussions avec elle et en effectuant un test avec elle le 3 juillet 2019. L’Office note que le test, qui a été effectué avec l’aide d’un ergothérapeute et de M. Rutenberg, démontre que la sécurité du fauteuil roulant et de Mme Bark n’a jamais été compromise. Plus précisément, le rapport de l’ergothérapeute qui a suivi les tests a conclu que l’utilisation de dispositifs d’immobilisation rassure Mme Bark, mais n’améliore pas sa sécurité et ne l’empêche pas d’avoir des douleurs et des engourdissements. De plus, le rapport de Rutenberg de 2019 conclut que les dispositifs d’immobilisation n’empêcheraient pas le fauteuil roulant de Mme Bark d’être ballotté parce que le ballottement n’est pas causé par le train lui-même, mais plutôt par la conception du fauteuil roulant électrique, à savoir la grande largeur du siège et le fait que des ajouts à son fauteuil roulant ont augmenté sa hauteur assise.
[65] Lorsque Mme Bark a effectué les tests avec VIA Rail le 3 juillet 2019, elle était assise dans la direction du déplacement du train et, selon les deux rapports qui ont suivi les tests, à aucun moment son fauteuil roulant électrique ou son fauteuil roulant manuel n’a été en position de basculer sur le côté, vers l’avant ou vers l’arrière, et la sécurité n’a pas été compromise.
[66] L’Office note également que le rapport de l’ergothérapeute et le rapport de Rutenberg de 2019 ont tous deux offert des suggestions à Mme Bark comme mesures qu’elle peut prendre personnellement pour répondre à son sentiment d’insécurité. VIA Rail indique que les deux rapports offrent des recommandations à Mme Bark, notamment de garder ses bras près de son corps pour abaisser son centre de gravité lorsqu’elle prend le train dans son fauteuil roulant, d’envisager le remplacement de son fauteuil roulant pour en abaisser la hauteur, et d’envisager l’option d’installer une barre sur le fauteuil roulant lui-même pour améliorer son centre de gravité.
[67] Après avoir examiné l’expérience subjective de Mme Bark ainsi que les éléments de preuve objectifs disponibles au dossier, l’Office conclut que Mme Bark n’a pas démontré que sa sécurité est menacée lorsqu’elle est à bord de trains de VIA Rail sans dispositifs d’immobilisation. Les sentiments subjectifs de Mme Bark sont importants, et les voyageurs handicapés devraient pouvoir se sentir en sécurité pendant le trajet. Toutefois, VIA Rail a proposé à Mme Bark des solutions pratiques pour répondre à ces préoccupations afin qu’elle puisse se sentir en sécurité pendant son trajet. Étant donné que Mme Bark peut prendre des mesures pour répondre à ses préoccupations subjectives et que les éléments de preuve objectifs établissent que sa sécurité n’est pas compromise par le retrait des dispositifs d’immobilisation, l’Office conclut que l’absence de dispositifs d’immobilisation ne représente pas un obstacle à sa mobilité. Par conséquent, l’Office conclut que Mme Bark ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer qu’elle a rencontré un obstacle à sa mobilité.
CONCLUSION
[68] L’Office rejette la demande.
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