Décision n° 601-C-A-2006
le 31 octobre 2006
RELATIVE à une plainte déposée par Jan A. Nordin relativement au refus d'Air Canada d'assurer son transport à bord du vol no AC115 de United Airlines Inc. exploité par Air Canada sur la base d'un partage de code de Toronto (Ontario) à Vancouver (Colombie-Britannique) le 7 janvier 2005.
Référence no 4370/05-08454
PLAINTE
[1] Une plainte en date du 14 mars 2005 de Jan A. Nordin a été transmise au Bureau des plaintes relatives au transport aérien.
[2] Par voie de la décision no LET-C-A-311-2005 en date du 24 novembre 2005, l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a avisé M. Nordin et United Air Lines, Inc. (ci-après United) que l'intimé en l'espèce était United et les parties ont été avisées de la compétence de l'Office dans cette affaire. L'Office a enjoint à United de fournir à l'Office et à M. Nordin sa réponse à la plainte dans les trente (30) jours suivant la date de la décision précitée et a accordé à M. Nordin un délai de dix (10) jours pour répliquer à la réponse de United suivant sa réception.
[3] Le 4 janvier 2006, United a déposé sa réponse, soit une copie d'une lettre en date du 7 octobre 2005 qu'elle avait adressée à l'avocate de M. Nordin. Le personnel de l'Office a signifié une copie de cette réponse à M. Nordin le 12 janvier 2006 et ce dernier y a répliqué le 16 janvier suivant.
[4] Le 2 mars 2006, United a déposé des renseignements additionnels à être assimilés à sa réponse à la plainte de M. Nordin et les 8 et 27 mars 2006, M. Nordin a déposé des mémoires en réponse à ceux-ci.
[5] Sous plis séparés en date du 18 avril 2006, le personnel de l'Office a demandé à M. Nordin et à United de fournir certains renseignements relativement à cette affaire. Pour sa part, United devait soumettre le dossier passager. Le 28 avril et le 3 mai 2006, M. Nordin et United ont respectivement donné suite à cette requête. Le 4 mai 2006, United a informé l'Office qu'il devait s'adresser directement à Air Canada pour obtenir toute information relative aux documents ou aux rapports de ce transporteur.
[6] Le 26 mai 2006, M. Nordin a déposé une déclaration sous serment attestant des événements entourant le refus qu'il a essuyé relativement à son transport à bord du vol no AC115 le 7 janvier 2005.
[7] Le 8 juin 2006, United a déposé un mémoire additionnel, lequel a été signifié à M. Nordin le 27 juin 2006 par le personnel de l'Office.
[8] Afin de mieux comprendre les événements survenus le 7 janvier 2005 et d'obtenir des précisions, l'Office a enjoint à Air Canada, par voie de la décision no LET-C-A-161 en date du 16 juin 2006, de lui fournir ainsi qu'à M. Nordin et United des copies de tous les documents relatifs à l'incident. Le 21 juin 2006, Air Canada a déposé sa réponse et le 26 juin suivant, M. Nordin y a répliqué.
[9] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 31 octobre 2006.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[10] Bien que la réponse de United du 4 janvier 2006 ait été reçue après l'échéance prescrite, l'Office, en vertu de l'article 4 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35 (ci-après les règles générales), l'accepte la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de cette affaire.
[11] De plus, en vertu de l'article 4 des règles générales, l'Office accepte les mémoires de United en date respectivement du 2 mars et du 8 juin 2006 ainsi que ceux de M. Nordin en date du 8 mars et du 26 mai 2006, bien qu'ils aient été déposés après la clôture des plaidoiries.
QUESTION
[12] L'Office doit déterminer si en refusant de transporter M. Nordin, Air Canada, en qualité de représentant de United, a appliqué les conditions de transport à cet égard, lesquelles sont établies dans le tarif de United intitulé « Scheduled International Tariff, Rules and Regulations CTA(A) No. 241 » (Tarif, règles et règlements de transport international régulier) [ci-après le tarif], tel que l'exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens modifié, DORS/88-58 (ci-après le RTA).
POSITIONS DES PARTIES
M. Nordin
[13] M. Nordin fait valoir qu'il a acheté un billet de United pour un aller-retour de Vancouver à Atlanta. Le voyage de retour comprenait une correspondance à Toronto pour des vols de United exploités par Air Canada sur la base d'un partage de code. M. Nordin indique qu'avant l'embarquement à bord du vol d'Air Canada à Toronto le 7 janvier 2005, il a demandé à un employé d'Air Canada s'il pouvait utiliser son certificat de surclassement d'Air Canada. L'employé l'a informé que puisqu'il détenait un billet émis par United, il ne pouvait pas utiliser le certificat de surclassement d'Air Canada.
[14] M. Nordin maintient qu'il a communiqué avec son agent de voyages qui lui a indiqué que sa réservation serait modifiée dans le système informatisé d'Air Canada de sorte qu'il pourrait utiliser son certificat de surclassement. M. Nordin indique qu'il est retourné au comptoir d'Air Canada afin de vérifier si le changement avait été fait, pour constater qu'il ne l'avait pas été. Il déclare qu'il a une fois de plus communiqué avec son agent de voyages pendant qu'il était au comptoir et qu'il a demandé au préposé d'Air Canada de parler à l'agent de voyages afin de régler le problème. Cependant, le préposé a refusé.
[15] M. Nordin soutient que l'agent de voyages lui a conseillé de demander à un agent de bord de le surclasser dès qu'il serait à bord de l'aéronef, ce qu'il a par la suite fait. M. Nordin fait valoir que l'agent de bord lui a indiqué que ceci devait être fait par le préposé à l'embarquement et que l'agent de bord a volontairement quitté l'aéronef pour voir si l'on pouvait donner suite à la demande de M. Nordin. Celui-ci indique qu'il a attendu comme le lui avait demandé l'agent de bord et qu'il n'a d'aucune façon gêné l'embarquement.
[16] M. Nordin déclare que l'agent de bord est revenu et lui a indiqué qu'il n'y avait rien à faire. Il fait également valoir que le préposé à l'embarquement est monté à bord, lui a demandé de quitter l'aéronef et lui a indiqué que les policiers avaient été appelés pour lui parler. M. Nordin explique qu'il a quitté l'aéronef et qu'il s'est par la suite entretenu avec les policiers. Il ajoute que les policiers n'ont rien fait et maintient que la preuve fournie par Air Canada contredit toute allégation qu'il aurait été abusif, menaçant, intimidant ou nuisible à sa propre sécurité ou à celle des autres passagers.
[17] M. Nordin soutient qu'au moment de l'enregistrement pour un vol ultérieur d'Air Canada, il a pris connaissance des commentaires qui avait été versés à son dossier selon lesquels on l'avait débarqué et les autorités avaient été appelées.
[18] M. Nordin ne demande pas d'obtenir une compensation financière; il veut plutôt l'assurance que toute référence à cet incident soit supprimée.
United
[19] United fait valoir qu'elle n'a rien au dossier relativement à cet incident relatif au refus de transporter M. Nordin et que selon une enquête menée par Air Canada, M. Nordin « argumentait de façon agressive et nuisait à sa propre sécurité et à celle des autres passagers et de l'équipage ». [traduction libre]
[20] United maintient qu'Air Canada a respecté les dispositions tarifaires qui s'appliquent respectivement à Air Canada et à United et selon lesquelles « le transporteur peut refuser de transporter un passager lorsque le comportement de celui-ci est abusif, offensant, menaçant et intimidant, et qu'il ne suit pas les directives du personnel ». [traduction libre]
Air Canada
[21] Air Canada fait valoir que M. Nordin a parlé à plusieurs reprises avec les préposés en service à l'embarquement afin d'être surclassé et qu'ils lui ont indiqué que puisqu'il avait réservé un vol avec United il ne pouvait pas utiliser son certificat de surclassement d'Air Canada. Air Canada indique que les policiers ont été appelés parce que M. Nordin exigeait avec insistance d'être surclassé.
[22] En ce qui a trait à la modification que l'agent de voyages de M. Nordin a apportée à sa réservation, Air Canada indique que le dossier passager n'indique ni le tarif ni le numéro du billet qui aurait été réservé. Air Canada maintient qu'il s'agissait d'une réservation ordinaire et que puisque M. Nordin s'était déjà enregistré, son agent de voyages n'aurait pas pu modifier la réservation ultérieurement.
[23] Air Canada déclare qu'il semblerait également que M. Nordin croyait que son billet lui donnait droit à un surclassement à la classe affaire sans qu'il soit tenu de présenter les certificats nécessaires. Air Canada allègue que bien que M. Nordin ait présenté un certificat de surclassement lorsqu'il discutait avec l'agent de bord, il ne l'a pas remis aux préposés à l'embarquement, n'a pas offert de le leur remettre, et n'a pas non plus offert de payer la différence de prix.
[24] Air Canada fait valoir qu'on a dû demander à M. Nordin à plusieurs reprises de monter à bord de l'aéronef et qu'une fois à bord, il a refusé de s'asseoir à sa place jusqu'à ce que l'affaire soit réglée. Air Canada déclare que le chef de cabine et le préposé à l'embarquement ont conclu que M. Nordin nuisait à l'embarquement et aux agents de bord dans l'accomplissement de leurs tâches. Air Canada reconnaît que M. Nordin n'était pas verbalement violent à l'égard du chef de cabine et note qu'on lui a demandé de quitter l'aéronef, qu'il a parlé avec les policiers et qu'il a par la suite été autorisé à prendre un autre vol d'Air Canada. Air Canada note également que M. Nordin s'est excusé auprès du préposé à l'embarquement.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[25] Le paragraphe 110(4) du RTA dispose que :
110.(4) Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.
113.1 Si un licencié n'applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international et figurant à son tarif, l'Office peut :
a) lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;
b) lui enjoindre d'indemniser des personnes lésées par la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
Les dispositions applicables du tarif
[26] La règle 35 du tarif de United qui régissait les conditions de transport et qui était en vigueur le 7 janvier 2005 prévoit en partie ce qui suit.
[traduction]
Règle 35UA - REFUS DE TRANSPORT : United refuse de transporter tout passager ou procède à son débarquement à tout point : [...]
D) FRONTIÈRES INTERNATIONALES - Le passager franchit une frontière internationale si : [...]
3) le passager omet de se conformer aux règles et aux règlements de United ou refuse de le faire.
E) SÉCURITÉ
1) Dans les catégories suivantes lorsque le refus de transporter ou le débarquement est requis afin d'assurer la sécurité du passager et des autres passagers :
a) Les personnes qui se comportent de façon désordonnée, qui sont abusives ou violentes (mis à part les passagers ayant une déficience manifeste et dont l'apparence ou le comportement involontaire peut offenser, déranger ou gêner les membres de l'équipage ou d'autres passagers). [...]
g) Les personnes qui tentent de nuire à tout membre de l'équipage dans l'accomplissement de ses tâches. [...]
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[27] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries, y compris la déclaration sous serment de M. Nordin. L'Office a également examiné les conditions de transport de United qui étaient en vigueur lorsque M. Nordin a voyagé et qui portent sur le refus du transporteur de transporter des passagers.
[28] L'Office est d'avis que puisque M. Nordin avait réservé une place à bord d'un vol désigné de United et que son billet provenait du stock de billets du même transporteur, c'est le tarif de ce dernier qui s'applique. Par conséquent, bien qu'Air Canada ait exploité le vol en question, elle le faisait pour le compte de United. Ce sont donc les conditions de transport de ce dernier transporteur qui s'appliquent.
[29] L'Office note qu'aux termes de la règle 35 du tarif, United se réserve le droit, lorsqu'il est « nécessaire d'assurer la sécurité du passager et des autres passagers », de refuser de transporter les personnes qui « se comportent de façon désordonnée, qui sont abusives ou violentes », ou qui tentent « de nuire à tout membre de l'équipage dans l'accomplissement de ses tâches ».
[30] L'Office note qu'Air Canada a reconnu que M. Nordin n'a à aucun moment été abusif. Bien qu'il ait été insistant, il ne semble pas selon la preuve au dossier, y compris la déclaration sous serment de M. Nordin, que son comportement puisse être qualifié de « désordonné, abusif ou violent » ou qu'il aurait nuit à l'embarquement.
[31] Lorsqu'une plainte est déposée auprès de l'Office, le plaignant a le fardeau de fournir des preuves à l'Office démontrant que le transporteur aérien n'a pas appliqué les conditions de transport de son tarif ou qu'il a appliqué ces dernières de façon inconstante.
[32] Lorsque dans un cas comme celui-ci l'Office est saisi d'une demande convaincante d'un plaignant qui conteste la décision d'un transporteur de refuser d'assurer son transport en raison de son comportement, la simple affirmation du transporteur que le passager a été perturbant ne constitue normalement pas une preuve suffisante à l'appui d'un tel refus de transport.
[33] Dans le cas présent, l'Office conclut en se basant sur la preuve au dossier, surtout sur la déclaration sous serment de M. Nordin, que le comportement de ce dernier n'a pas été tel qu'il a justifié le refus qu'il a essuyé d'Air Canada de le transporter.
[34] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'en refusant de transporter M. Nordin, Air Canada, en tant que représentant de United, n'a pas respecté les conditions de transport établies par United. Par conséquent, elle a contrevenu au paragraphe 110(4) du RTA.
CONCLUSION
[35] Compte tenu de ce qui précède, l'Office enjoint à United, en vertu de l'alinéa 113.1a) du RTA, de supprimer de ses dossiers, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, toute référence au refus de transporter M. Nordin et de veiller à ce qu'Air Canada, en tant que représentant de United dans cette affaire, fasse de même.
Membres
- Guy Delisle
- Baljinder Gill
- Beaton Tulk
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