Décision n° 637-C-A-2002
le 25 novembre 2002
RELATIVE à une plainte déposée par Andy Ackerman contre Air Canada concernant les tarifs aériens qu'elle offre à l'égard de voyages à l'intérieur du Canada qui ne comprennent pas un séjour minimal d'un samedi soir ou d'une durée de moins de deux nuits.
Référence no M4370/A74/02-543
PLAINTE
Le 25 avril 2002, Andy Ackerman a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.
Le 6 mai 2002, le personnel de l'Office a demandé à Air Canada de donner suite à la plainte à la lumière du paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC).
Le 6 juin 2002, Air Canada a déposé sa réponse à la plainte et, le 26 juin 2002, M. Ackerman y a répliqué. Le 8 juillet 2002, Air Canada a soumis des commentaires sur la réplique de M. Ackerman.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la LTC, l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 30 novembre 2002.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Bien que la réplique de M. Ackerman ait été déposée après le délai prescrit, et que les commentaires soumis par Air Canada en date du 8 juillet 2002 ont été déposés après la fermeture des plaidoiries, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23 (ci-après les Règles générales), les acceptent les jugeant pertinents et nécessaires à son examen de la présente affaire.
QUESTIONS
L'Office doit déterminer :
- si Air Canada a appliqué, aux fins de ses services intérieurs, des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, et si tel est le cas,
- si l'Office doit suspendre ou annuler ces conditions et leur en substituer de nouvelles.
COMPÉTENCE DE L'OFFICE
Air Canada, dans sa réponse du 6 juin 2002, s'interroge d'abord sur le bien-fondé de l'enquête de l'Office sur cette affaire en affirmant, entre autres choses, que la plainte n'est pas conforme à l'article 42 des Règles générales qui exige, en partie, qu'une demande déposée auprès de l'Office doit contenir un exposé clair et concis des motifs de la demande et de la nature du redressement demandé à l'Office.
Après s'être penché sur cette question, l'Office a déterminé que la plainte n'était pas entièrement conforme à l'article 42 des Règles générales. Cependant, l'Office peut, à sa discrétion, exempter une instance de l'application de tout ou partie des Règles générales ou modifier ces dernières, en vertu de l'article 6 des Règles générales, et c'est de cette façon qu'il accepte de traiter la présente plainte.
POSITIONS DES PARTIES
M. Ackerman affirme que certains tarifs aériens offerts par Air Canada sont discriminatoires à l'égard des personnes qui doivent rester moins de deux nuits à n'importe quel endroit au Canada. M. Ackerman cite comme exemple un récent voyage qu'il a fait entre Fort St. John (Colombie-Britannique) et Victoria (Colombie-Britannique) pour lequel il a dû payer 400 $ de plus parce qu'il ne pouvait rester qu'une nuit à Victoria. M. Ackerman affirme aussi qu'on lui avait offert un tarif aérien pour un vol entre Fort St. John (Colombie-Britannique) et Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) qui coûtait 700 $ de plus pour un itinéraire qui ne comprenait pas un séjour d'un samedi soir à Yellowknife.
M. Ackerman soutient que les restrictions de séjour minimal qu'applique Air Canada à certains tarifs aériens moins élevés est très discriminatoire à l'égard du voyageur d'affaires. M. Ackerman explique que, afin de respecter les restrictions de voyage associées aux tarifs peu élevés, les voyageurs d'affaires doivent prévoir des coûts d'hébergement et de repas supplémentaires, alors que le transporteur aérien n'engage aucun coût supplémentaire pour transporter ces mêmes voyageurs.
M. Ackerman demande que l'Office ordonne à tous les transporteurs « [traduction] d'arrêter cette pratique et d'offrir des tarifs aériens raisonnables au public voyageur. »
Air Canada fait valoir que les tarifs aériens restrictifs sont une pratique normale dans l'industrie aérienne et que, comme plusieurs autres transporteurs, elle offre des tarifs auxquels sont attachés différentes restrictions, différents prix et différentes conditions. Air Canada soutient que, sans l'imposition de restrictions, les passagers qui ont acheté des tarifs aériens moins élevés profiteraient des mêmes flexibilités que les passagers qui ont payé des tarifs aériens plus élevés. Elle soutient de plus que la restriction du séjour minimal d'un samedi soir est un élément clé pour les transporteurs aériens, puisqu'en général, elle :
- appuie les systèmes de gestion du rendement et des revenus
- assure une stabilité aux formules de réservation
- permet des prévisions de demandes plus précises
- permet d'augmenter le degré de précision de la gestion de la flotte d'aéronefs, comme la planification des horaires et de la capacité
- réduit le nombre de réservations inutilisées
- réduit l'incidence de passagers défaillants
- permet aux transporteurs aériens de couvrir les coûts communs d'exploitation
- permet aux transporteurs aériens de surveiller avec plus de précision les ventes et les réservations minimisant ainsi les refus d'embarquement
Air Canada fait la liste des tarifs aériens qu'elle offre entre Fort St. John (Colombie-Britannique) et Victoria (Colombie-Britannique) et entre Fort St. John (Colombie-Britannique) et Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) et note que, même si plusieurs de ces tarifs ont des restrictions, certains tarifs ont moins de restrictions ou aucune. Air Canada ajoute qu'un voyageur d'affaires peut acheter un quelconque tarif restreint s'il correspond aux besoins du voyageur.
Air Canada conclut que les tarifs aériens qu'elle offre qui comprennent une restriction d'un séjour minimal d'un samedi soir le sont équitablement à tous les passagers achetant ses tarifs, ce qui les rend donc non discriminatoires.
M. Ackerman met en doute la raison pourquoi un séjour d'un samedi soir ou un séjour plus court est nécessaire pour certains tarifs, et pourquoi Air Canada devrait avoir un intérêt dans la durée du séjour d'une personne à un endroit. M. Ackerman note aussi que les passagers qui achètent des tarifs moins élevés ne peuvent changer leur réservation sans se soumettre à des frais exorbitants et rejette l'argument d'Air Canada justifiant les restrictions de séjour minimal.
Dans ses commentaires sur la réplique de M. Ackerman, Air Canada affirme que dans le cadre de ses activités, elle doit s'acquitter de ses obligations commerciales et opérationnelles, y compris l'objectif de recouvrer les coûts fixes, irrécupérables et communs et répète que la restriction du séjour minimal d'un samedi soir qu'elle applique à certains tarifs n'est ni « déraisonnable », ni « injustement discriminatoire ».
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La compétence de l'Office à l'égard des plaintes portant sur les tarifs intérieurs est définie aux articles 67, 67.1 et 67.2 de la LTC. Aux termes du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office peut, sur dépôt d'une plainte, prendre certaines mesures correctives lorsqu'il conclut que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué, à l'égard d'un service intérieur qu'il offre, des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires. Plus précisément, le paragraphe 67.2(1) prescrit ce qui suit :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office peut suspendre ou annuler ces conditions ou leur en substituer de nouvelles.
En ce qui concerne la question de savoir si Air Canada a appliqué des conditions de transport qui sont déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office fait les constatations suivantes.
L'Office note qu'Air Canada et d'autres transporteurs aériens appliquent certaines restrictions à leurs divers tarifs aériens réduits afin de différencier ces tarifs. Les plein tarifs ont normalement peu ou pas de restrictions de voyage, mais les transporteurs ont l'habitude d'ajouter des restrictions de séjour minimal aux tarifs aériens qui sont réduits. L'Office estime que ces restrictions aident les transporteurs aériens à offrir des prix différents dans divers segments de marchés et d'administrer les systèmes de gestion du rendement et des revenus, permettant ainsi aux transporteurs de prédire, avec un certain degré de fiabilité, quels sont les coefficients d'occupation de leurs vols, maximisant ainsi le rendement. L'Office estime donc que l'application de telles restrictions n'est pas « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC.
L'Office est également d'avis qu'au moment de déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur intérieur est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office doit adopter une approche contextuelle qui fait l'équilibre entre le droit du public voyageur de ne pas être assujetti aux conditions de transport qui sont discriminatoires et les obligations réglementaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens exploitant des services au Canada.
La première question que l'Office doit examiner afin de déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC est de savoir si la condition de transport est discriminatoire.
L'Office note qu'Air Canada n'applique des restrictions de séjour minimal qu'à certains tarifs aériens dans un marché donné et non aux autres tarifs offerts dans ce marché. L'Office constate toutefois que tous ceux qui achètent de tels tarifs sont assujettis à ces restrictions. Bien que l'Office reconnaisse que le fait d'imposer une condition de transport, même équitablement, à tous les passagers peut être une source de discrimination, il est d'avis qu'il incombe à la partie demanderesse de démontrer qu'elle-même, ou un groupe quelconque, a subi un tort ou a été soumis(e) à une obligation ou un désavantage par rapport aux autres passagers. Cependant, l'Office estime qu'en l'espèce, l'imposition des restrictions de séjour minimal n'a causé aucun tort ou désavantage à M. Ackerman ou à d'autres passagers dans le marché visé. L'Office est donc d'avis que l'application de ces restrictions n'est pas discriminatoire au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC. Cela dit, l'Office n'a pas à déterminer si les restrictions sont « injustement discriminatoires ».
CONCLUSION
Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office rejette par les présentes la plainte.
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