Décision n° 641-C-A-2007
le 19 décembre 2007
RELATIVE à une plainte déposée par Dawn Davies contre Air Canada relativement au refus d'embarquement qu'elle a essuyé de la part d'Air Canada à l'égard du vol no 157 de Toronto (Ontario) à Edmonton (Alberta) le 29 avril 2007.
Référence no M4120-3/07-05951
PLAINTE
[1] Le 19 mai 2007, Dawn Davies a déposé auprès de la Division des enquêtes sur les plaintes (ci-après la DEP) la plainte énoncée dans l'intitulé.
[2] Les parties n'ont pu en arriver à une entente satisfaisante malgré l'intervention de la DEP. Le 28 août 2007, Mme Davies a demandé que l'affaire soit traitée par l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office), dans le cadre de son processus formel de règlement des plaintes.
[3] Le 5 septembre 2007, les parties ont été informées de la compétence de l'Office dans cette affaire. On leur a également demandé si elles acceptaient que les observations qu'elles avaient déposées auprès de la DEP tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office. En outre, Air Canada s'est vu accorder un délai de trente (30) jours pour déposer auprès de l'Office et signifier à Mme Davies une réponse à la plainte, et Mme Davies s'est vu accorder la possibilité d'y répliquer, avec copie à Air Canada, dans un délai de dix (10) jours suivant la date de réception de la réponse du transporteur.
[4] Le 7 septembre 2007, Air Canada a indiqué qu'elle souhaitait déposer des commentaires supplémentaires et qu'elle s'opposait à ce que les observations antérieures qu'elle avait déposées auprès de la DEP tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office. À la même date, Mme Davies a indiqué qu'elle acceptait que ses commentaires et ses documents déposés auprès de la DEP tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office.
[5] Le 4 octobre 2007, Air Canada a déposé sa réponse et le 9 octobre 2007, Mme Davies a déposé sa réplique.
QUESTIONS
[6] L'Office doit déterminer :
1. si, en vertu du paragraphe 67(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (ci-après la LTC), Air Canada a appliqué correctement les conditions afférentes au refus d'embarquement pour cause de surréservation, lesquelles sont contenues dans son tarif Domestic Passenger General Rules Tariff No. CDGR-1 (Tarif énonçant les règles générales applicables au transport intérieur de passagers) [ci-après le Tarif];
2. si, en vertu du sous-alinéa 107(1)n)(iii) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), les conditions de transport afférentes au versement d'une indemnité pour refus d'embarquement sont clairement énoncées dans le Tarif.
FAITS
[7] Le 29 avril 2007, Mme Davies devait voyager avec Air Canada de Toronto à Edmonton à bord du vol no 157, mais elle a essuyé un refus de transport parce que le vol était survendu.
POSITIONS DES PARTIES
[8] Mme Davies soutient que son refus d'embarquement repose sur le fait qu'elle n'avait pas présélectionné un siège et payé les frais prévus par Air Canada à cet égard. Selon elle, le seul autre passager qui a essuyé un tel refus n'avait également pas présélectionné un siège. Elle allègue qu'Air Canada n'annonce pas que les premières personnes à qui elle refusera le transport, lorsque tous les sièges ont été vendus, sont celles qui n'auront pas présélectionné un siège. Elle ajoute que le 29 avril 2007, le transporteur n'a pas demandé à des passagers de céder volontairement leur place.
[9] Mme Davies souligne qu'elle a obtenu un bon d'échange imprimé de 200 $ pour un voyage futur, mais qu'on ne lui a pas offert une version électronique de ce bon. Elle fait valoir que le bon d'échange imprimé se révèle très complexe pour les passagers et qu'Air Canada ajoute à la complexité du processus de remboursement en exigeant que, pour échanger le bon, les passagers fassent parvenir ce dernier de même qu'une preuve d'un voyage futur avec Air Canada, ou encore qu'ils se rendent à l'aéroport dans un délai de 24 heures suivant la réservation d'un autre vol.
[10] Selon Mme Davies, s'il est pratique courante de refuser l'embarquement à des passagers ayant une réservation parce qu'ils n'ont pas présélectionné leur siège, Air Canada devrait annoncer cette politique.
[11] Air Canada soutient que le 29 avril 2007, Mme Davies était la 145e passagère à s'être enregistrée pour le vol no 157; toutefois, la capacité de l'aéronef était de 140 passagers. On a refusé l'embarquement à Mme Davies et à un autre passager.
[12] Air Canada fait valoir que la sélection préalable de siège est une solution efficace pour prévenir la surréservation, dans la mesure où les sièges sont réservés jusqu'à 30 minutes avant le départ prévu du vol, mais que s'enregistrer tôt se révèle tout aussi efficace, et ce même sans présélection de siège.
[13] Air Canada fait observer qu'une indemnité a été versée à Mme Davies pour le refus d'embarquement qu'elle a essuyé et que des mesures ont été prises pour qu'elle puisse prendre le vol suivant, qui devait quitter vers sa destination moins de deux heures plus tard.
[14] Air Canada indique que la règle 245 (Indemnisation pour le refus d'embarquement) de son Tarif traite de la surréservation et de l'indemnité prévue, et mentionne qu'elle a respecté les conditions de transport qui y sont prévues.
[15] En ce qui concerne la plainte de Mme Davies selon laquelle on lui a remis un bon d'échange imprimé et non une version électronique de ce bon, Air Canada précise que son système actuel de réservation et son site Web ne lui permettent pas d'accepter les bons d'échange électroniques et qu'elle travaille à la conception d'un nouveau système de réservation qui lui permettra de le faire.
[16] En ce qui a trait à la politique d'Air Canada en matière de surréservation et à l'affirmation de Mme Davies que cette politique n'est pas annoncée, Air Canada soutient que la surréservation est courante au sein de l'industrie aérienne et que le droit du transporteur de refuser l'embarquement, de même que toute indemnité à cet égard, sont énoncés dans le Tarif. Air Canada signale qu'un avis concernant la surréservation se trouve sur son site Web et sur l'itinéraire/le reçu remis aux passagers.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[17] La compétence de l'Office relative à la présente plainte est établie au paragraphe 67(3), à l'article 67.1 et au paragraphe 67.2(1) de la LTC, de même qu'au sous-alinéa 107.(1)n)(iii) du RTA.
[18] Le paragraphe 67(3) de la LTC prévoit que :
(3) Le titulaire d'une licence intérieure ne peut appliquer à l'égard d'un service intérieur que le prix, le taux, les frais ou les conditions de transport applicables figurant dans le tarif en vigueur publié ou affiché conformément au paragraphe (1).
[19] L'article 67.1 de la LTC prévoit que :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a, contrairement au paragraphe 67(3), appliqué à l'un de ses services intérieurs un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport ne figurant pas au tarif, l'Office peut, par ordonnance, lui enjoindre :
a) d'appliquer un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport figurant au tarif;
b) d'indemniser toute personne lésée des dépenses qu'elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;
c) de prendre toute autre mesure corrective indiquée.
[20] Le paragraphe 67.2(1) de la LTC prévoit que :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office peut suspendre ou annuler ces conditions ou leur en substituer de nouvelles.
[21] Le sous-alinéa 107.(1)n)(iii) du RTA prévoit que :
Tout tarif doit contenir :
...
n) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :
...
(iii) les indemnités pour refus d'embarquement à cause de sur réservation.
DISPOSITIONS TARIFAIRES APPLICABLES
[22] Les conditions de transport énoncées dans la règle 245 (Indemnisation pour le refus d'embarquement) du Tarif prévoient en partie ce qui suit :
...
(B) DEMANDE DE VOLONTAIRES
(1) AC demandera aux passagers confirmés si certains d'entre eux sont prêts à céder leur place en échange d'une indemnisation définie au point (E).
...
(C) PRIORITÉS D'EMBARQUEMENT
(1) En cas de survente d'un vol, aucun passager ne peut se voir refuser involontairement l'embarquement si AC n'a pas au préalable demandé si des passagers étaient prêts à céder leur place sur une base volontaire.
(2) Si le nombre de passagers volontaires est insuffisant, les autres passagers peuvent se voir involontairement refuser l'embarquement, en conformité avec la politique de priorité d'embarquement d'AC. Les passagers ayant des réservations confirmées et qui n'ont pas reçu de carte d'embarquement seront autorisés à monter à bord de l'aéronef dans l'ordre suivant, jusqu'à ce que tous les sièges disponibles soient occupés :
(A) Les passagers ayant une déficience
Les enfants non accompagnés âgés de moins de 12 ans et les autres passagers à qui, de l'avis d'AC, le refus d'embarquement causerait de graves torts.
(B) Les passagers ayant payé les tarifs de la Première classe, de la classe Affaires et de la classe Économie.
(C) Tous les autres passagers, y compris les voyagistes qui accompagnent un groupe. Ces passagers seront traités dans l'ordre où ils se sont présentés à l'enregistrement et à l'embarquement.
(E) INDEMNISATION
En plus d'être transporté en vertu de ce qui est énoncé au point (D), un passager qui s'est vu refuser l'embarquement sera indemnisé par AC comme suit :
...
(2) Montant de l'indemnisation
...AC accordera des dommages-intérêts de 100 $ CAN en argent comptant ou sous la forme d'un bon de voyage (pour des vols futurs d'Air Canada) de 300 $ CAN. Si le passager l'accepte, cette offre constituera une indemnité en bonne et due forme pour tous les dommages réels ou prévus, subis ou à subir.
...
[traduction libre]
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[23] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve fournis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également examiné les conditions de transport applicables énoncées dans le Tarif.
1) Air Canada a-t-elle appliqué correctement les conditions afférentes au refus d'embarquement, aux termes de la règle 245 du Tarif?
Demande de volontaires
[24] Aux termes de la règle 245(B)(1) du Tarif, lorsqu'il y a survente d'un vol, « AC demandera aux passagers confirmés si certains d'entre eux sont prêts à céder leur place en échange d'une indemnisation ». D'autre part, la règle 245(C)(1) prévoit que « En cas de survente d'un vol, aucun passager ne peut se voir refuser involontairement l'embarquement si AC n'a pas au préalable demandé si des passagers étaient prêts à céder leur place sur une base volontaire. » L'Office fait observer qu'à ce dernier égard, Air Canada n'a pas démontré qu'elle avait adressé une telle demande aux passagers. Par conséquent, l'Office estime qu'Air Canada a contrevenu aux règles 245(B)(1) et 245(C)(1) du Tarif, du fait qu'elle n'a pas demandé à des passagers s'ils étaient prêts, sur une base volontaire, à céder leur siège, avant d'imposer un refus d'embarquement à Mme Davies pour le vol AC157, le 29 avril 2007.
[25] L'Office estime qu'il peut exister de la confusion au sein du personnel de première ligne d'Air Canada quant à la procédure à suivre lorsqu'un refus d'embarquement devient nécessaire à la suite d'une surréservation. Selon l'Office, la nécessité de demander s'il y a des volontaires avant de refuser involontairement l'embarquement à des passagers est l'un des principaux éléments de la politique relative au refus d'embarquement.
Refus d'embarquement pour défaut d'avoir présélectionné un siège
[26] Mme Davies attribue son refus d'embarquement au fait qu'elle n'a pas présélectionné un siège et payé les frais prévus par Air Canada. Le transporteur a soutenu que le refus d'embarquement repose sur le fait que Mme Davies était la 145e passagère au moment de s'enregistrer pour le vol et que la capacité de l'aéronef était de 140 passagers. Selon l'Office, rien dans le dossier n'appuie l'affirmation de Mme Davies voulant que le défaut de présélectionner un siège a causé son refus d'embarquement. L'Office estime, en se fondant sur la preuve au dossier, que le refus d'embarquement de Mme Davies est lié à l'ordre d'enregistrement des passagers pour le vol no 157 du 29 avril 2007.
2) Les conditions d'Air Canada relatives à l'indemnité prévue en cas de refus d'embarquement sont-elles clairement énoncées dans le Tarif?
[27] La règle 245(E)(2) du Tarif prévoit en partie que « AC accordera des dommages-intérêts de 100 $ CAN en argent comptant ou sous la forme d'un bon d'échange (pour des vols futurs d'Air Canada) de 200 $ CAN. » Le tarif prévoit également que « Si le passager l'accepte, cette offre constituera une indemnité en bonne et due forme pour tous les dommages réels ou prévus, subis ou à subir. » Les choix qui s'offrent au passager (argent comptant et bon d'échange) sont manifestement différents et peuvent avoir une valeur différente pour celui-ci, selon ses besoins immédiats ou ses intentions de voyage futures. Selon l'Office, rien au dossier ne démontre que Mme Davies s'est vu offrir le choix de l'argent comptant ou celui d'un bon d'échange à titre d'indemnité. Cela peut signifier que pour Air Canada, il incombe uniquement au transporteur aérien de déterminer l'indemnité à offrir aux passagers. Toutefois, si l'offre représente une indemnité définitive, il n'est pas déraisonnable d'interpréter ce choix comme devant favoriser la personne qui a été pénalisée, c'est-à-dire, dans ce cas-ci, un passager qui essuie un refus d'embarquement en raison de la surréservation d'un vol.
[28] Par conséquent, l'Office estime que la disposition tarifaire portant sur l'indemnité à verser dans le cas d'une surréservation devrait être reformulée de façon à préciser, sans ambiguïté, de qui relève le choix d'indemnité prévu. Si Air Canada indique que ce choix relève exclusivement d'elle, il lui incombe de justifier pourquoi cette interprétation n'est pas déraisonnable.
3) Annonce de la politique relative au refus d'embarquement
[29] Mme Davies soutient qu'Air Canada devrait annoncer sa politique concernant le refus d'embarquement. À cet égard, l'Office note que cette politique se trouve sur le site Web d'Air Canada et dans les itinéraires remis aux passagers. Ainsi, l'Office est d'avis qu'à cet égard, aucune autre mesure ne s'impose pour le moment.
4) Offre d'un bon d'échange imprimé au lieu d'une version électronique
[30] En ce qui concerne la plainte de Mme Davies selon laquelle le bon d'échange imprimé n'est pas pratique, l'Office fait observer qu'Air Canada modifie présentement son système de réservation de façon à être en mesure d'émettre des bons d'échange électroniques. Par conséquent, l'Office estime que pour le moment, aucune autre mesure ne s'impose à cet égard.
CONCLUSION
[31] Compte tenu de ce qui précède, l'Office enjoint par les présentes à Air Canada, dans un délai de trente (30) jours suivant la date de la présente décision :
- de diffuser, en vertu de l'article 67.1 de la LTC, un bulletin à l'intention de ses employés intervenant dans le processus de refus d'embarquement, afin de leur rappeler sa politique relative au refus d'embarquement prévue dans le Tarif, et la nécessité de l'appliquer comme il se doit, notamment l'obligation de demander à des passagers de céder volontairement leur place avant d'opposer de façon involontaire un refus d'embarquement. Une copie du bulletin doit être remise à l'Office;
- de réviser le Tarif en fonction du sous-alinéa 107(1)n)(iii) du RTA, de façon à indiquer clairement de qui relève le choix d'indemnité (argent comptant ou bon d'échange) dans le cas d'un refus d'embarquement.
[32] Si Air Canada indique que le choix d'indemnité relève exclusivement d'elle, elle bénéficiera d'un délai de trente (30) jours, à compter de la date où elle en avisera l'Office, pour donner les raisons pour lesquelles la modification du tarif n'est pas déraisonnable, en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.
Membres
- J. Mark MacKeigan
- John Scott
- Date de modification :