Décision n° 65-C-A-2018
DEMANDE présentée par Ammar Khabbaz contre Qatar Airways (Q.C.S.C.) [Qatar].
RÉSUMÉ
[1] M. Khabbaz a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Qatar, au sujet du retard et de l’annulation subséquente du vol de retour sur un billet aller-retour de Montréal (Québec) à Beyrouth, Liban, via Doha, Qatar.
[2] M. Khabbaz demande à Qatar un remboursement de 6 778,75 $CAN pour le billet de remplacement qu’il a acheté pour revenir à Montréal.
[3] L’Office se penchera sur la question suivante :
Qatar a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans la règle 85(B)(1) de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 524 (tarif) régissant les changements d’horaire, les retards de vol et les remboursements, comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que Qatar a correctement appliqué les conditions énoncées dans la règle 85(B)(1) de son tarif. Néanmoins, M. Khabbaz a droit au remboursement de la portion inutilisée de son billet initial. Par conséquent, l’Office ordonne à Qatar de rembourser à M. Khabbaz un montant de 1 175,42 $CAN pour la portion inutilisée de son billet initial. Qatar doit payer ce montant à M. Khabbaz le plus tôt possible, mais au plus tard le 1er février 2019.
CONTEXTE
[5] M. Khabbaz a acheté un billet aller-retour non remboursable pour voyager avec Qatar de Montréal à Beyrouth, via Doha. Le vol de retour de l’itinéraire de M. Khabbaz comprenait un voyage de Beyrouth à Doha sur le vol no QR419, dont le départ était prévu à 1 h 35 le 8 avril 2018, puis de Doha à Montréal sur le vol no QR763, dont le départ était prévu à 8 h 20 le même matin.
[6] Le 8 avril 2018, le vol no QR419 a d’abord été retardé, puis annulé en raison d’un problème technique avec le train d’atterrissage. Frustré par le retard et incertain du moment où il pourrait voyager, M. Khabbaz a demandé à récupérer ses bagages afin qu’il puisse trouver un autre vol pour Montréal ce matin-là. M. Khabbaz a reçu ses bagages et a acheté un billet en classe affaires sur un vol de British Airways partant à 8 heures le matin même. M. Khabbaz indique qu’il ne savait pas que Qatar le réacheminait sur un autre vol plus tard dans la soirée.
LA LOI
[7] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[8] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
- de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
- de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[9] La règle 85 du tarif prévoit en partie ce qui suit :
[Traduction]
CHANGEMENTS D’HORAIRE, RETARDS DE VOL ET ANNULATIONS
(A) Les heures et horaires ne sont pas garantis
(1) QR s’efforcera de transporter le passager et ses bagages dans des délais raisonnables. Les heures indiquées sur le billet, dans les horaires ou ailleurs ne sont pas garanties et ne font pas partie du contrat de transport; QR ne s’engage pas à assurer les correspondances.
[…]
(B) Droit d’annuler, de reporter, etc.
Lorsque les circonstances l’exigent, QR peut, sans préavis, annuler un vol, y mettre fin, le dérouter, le reporter ou le retarder, dans lequel cas, si QR est incapable de fournir un siège préalablement confirmé ou fait en sorte qu’un passager manque un vol de correspondance pour lequel il détient une réservation, QR, en prenant dûment en considération l’intérêt raisonnable du passager :
(1) assure le transport du passager à bord d’un autre de ses vols réguliers ayant une place libre;
(2) réachemine le passager vers la destination indiquée sur le billet ou la portion applicable de celui-ci au moyen de ses propres services réguliers ou des services réguliers d’un autre transporteur ou au moyen d’un transport terrestre. Si le prix, les frais pour l’excès de bagages et tout frais de service applicable pour l’itinéraire modifié sont supérieurs à la valeur de remboursement du billet ou de la portion applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 90, le transporteur n’exigera aucun paiement supplémentaire au passager. Si le prix et les frais pour l’itinéraire modifié sont inférieurs, un remboursement sera versé;
(3) accorde un remboursement conformément aux dispositions de la règle 90 et, sauf dans les cas susmentionnés, QR n’aura aucune autre responsabilité envers le passager.
[10] La règle 90 du tarif prévoit en partie ce qui suit :
[Traduction]
REMBOURSEMENTS
(A) VOLONTAIRE
GÉNÉRALITÉS
Si QR n’assure pas les services de transport conformément aux conditions du contrat ou si le passager demande un changement volontaire des dispositions relatives aux passagers, QR remboursera en tout ou partie le billet inutilisé conformément à la présente règle ou au règlement de QR.
[…]
C) REMBOURSEMENTS INVOLONTAIRES
Si QR annule un vol, n’exploite pas un vol selon l’horaire prévu, ne s’arrête pas à un point de destination ou une escale du passager, ne peut pas fournir un siège préalablement confirmé ou fait en sorte qu’un passager manque un vol en correspondance sur lequel il a une réservation, le montant du remboursement sera, si aucune portion du voyage n’a été effectuée, le même que le tarif payé; si une portion du billet a été utilisée, le remboursement sera le plus élevé des deux montants suivants :
(i) le tarif d’un aller simple (moins les rabais et les frais applicables) entre le point d’interruption et le point de destination ou de la prochaine escale;
(ii) la différence entre le prix payé et le coût du transport effectué.
(D) REMBOURSEMENTS VOLONTAIRES
Si le passager souhaite obtenir un remboursement de son billet pour des raisons autres que celles mentionnées au paragraphe (C), le transporteur a l’entière discrétion de déterminer le montant du remboursement, lequel est établi comme suit :
(1) Si le billet est entièrement inutilisé, le montant remboursé sera le tarif payé, moins tous frais de service ou frais d’annulation applicables, ou
(2) Si un coupon de billet a été utilisé, le montant remboursé correspondra à la différence entre le tarif payé et le tarif applicable pour le transport entre les points pour lesquels le billet a été utilisé, moins les frais de service ou d’annulation applicables.
POSITIONS DES PARTIES
Position de M. Khabbaz
[11] M. Khabbaz déclare qu’il est arrivé à l’aéroport de Beyrouth vers 21 h le 7 avril 2018 afin de s’enregistrer pour le vol no QR419. M. Khabbaz affirme que l’embarquement devait commencer à 0 h 40 le 8 avril 2018, mais que celui-ci n’a jamais eu lieu, et affirme que Qatar a d’abord menti aux passagers sur le statut du vol. M. Khabbaz soutient que Qatar a d’abord indiqué que l’aéronef devait être nettoyé, puis a informé les passagers qu’il y avait un problème avec le « système de pneus » de l’aéronef.
[12] Selon M. Khabbaz, les passagers ont commencé à paniquer puisque Qatar n’a fourni aucune autre information. Il fait valoir qu’aucun agent ou représentant officiel de Qatar n’était présent pour répondre aux questions et qu’à 5 heures, les passagers n’avaient toujours pas reçu d’informations au sujet du vol. M. Khabbaz déclare que Qatar a fait savoir aux passagers qu’il y avait un nombre limité de sièges libres sur un vol à destination de Doha plus tard dans la soirée, mais que la priorité était accordée aux passagers voyageant uniquement vers Doha, ou à ceux ayant adhéré au programme de récompense Silver.
[13] M. Khabbaz soutient également qu’il a eu du mal à récupérer ses bagages et qu’à 3 h, il a commencé à demander qu’on les lui rende pour qu’il puisse se trouver un autre vol tôt ce matin‑là. M. Khabbaz affirme qu’après une longue attente, il a pu récupérer ses bagages et acheter un billet en classe affaires sur un vol de British Airways qui partait le 8 avril 2018 à 8 h.
[14] M. Khabbaz affirme que, sans le consulter, Qatar lui a automatiquement réservé une place à bord d’un autre vol, qui arriverait à Montréal le lendemain. M. Khabbaz fait valoir que Qatar n’a pas « respecté l’échéancier » pour lui trouver un vol de remplacement et ne l’a pas informé du vol de remplacement. Il déclare qu’il aurait pu annuler son billet nouvellement acheté s’il avait été informé du vol de remplacement organisé par Qatar.
Position de Qatar
[15] Qatar conteste la déclaration de M. Khabbaz selon laquelle aucune information n’a été communiquée aux passagers avant 5 heures. Elle affirme que l’aéronef a été déclaré inutilisable par les ingénieurs à 3 heures et que, jusqu’à ce moment, plusieurs membres du personnel étaient présents pour faire le point.
[16] Qatar déclare que le vol a d’abord été retardé, puis annulé, en raison de problèmes techniques liés au train d’atterrissage. Qatar fait valoir qu’une fois le vol annulé, la vente de billets au public sur les autres vols entre Beyrouth et Doha a été suspendue afin de commencer à réacheminer les passagers. Qatar déclare également que M. Khabbaz n’aurait pas dû jouer le rôle de son propre agent de voyage parce que les vols proposés à la vente sur son site Web ne reflètent pas le nombre exact de places libres. En outre, Qatar fait valoir que M. Khabbaz a été informé du processus de réacheminement et qu’il a été avisé qu’une place à bord d’un autre vol était en cours de réservation. Qatar déclare que M. Khabbaz a refusé l’option qu’elle lui offrait.
[17] Qatar déclare également que les faits ne permettent pas de conclure qu’elle n’a pas appliqué correctement son tarif. Elle affirme qu’elle a proposé gratuitement un nouvel itinéraire à M. Khabbaz. Toutefois, celui-ci a volontairement, et sans consultation ni autorisation de Qatar, choisi d’acheter un billet auprès d’un autre transporteur aérien à un coût supérieur à celui du billet qu’il détenait initialement. Qatar déclare qu’il n’existe aucune loi canadienne ou aucun tarif déposé au Canada qui stipule qu’un transporteur doit rembourser les nouvelles réservations achetées volontairement par un passager.
[18] Qatar indique que si l’Office la juge responsable, M. Khabbaz n’a droit à aucune indemnité pour perte de salaire ou inconvénient, ni à aucun remboursement pour l’achat de son billet auprès de British Airways, et indique également qu’un remboursement devrait être limité à la portion inutilisée de son billet au montant de 1 175,42 $ CAN.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[19] La question dans le cas présent est de savoir si Qatar a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. La règle 85(B) du tarif de Qatar énonce que lorsque les circonstances l’exigent, elle peut, sans préavis, annuler un vol, y mettre fin, le dérouter, le reporter ou le retarder et, dans lequel cas, en tenant dûment compte de l’intérêt raisonnable du passager, elle pourra :
- assurer le transport du passager à bord d’un autre de ses vols réguliers ayant une place libre;
- réacheminer le passager vers la destination indiquée sur le billet ou la portion applicable de celui-ci au moyen de ses propres services réguliers ou des services réguliers d’un autre transporteur ou au moyen d’un transport terrestre;
- accorder un remboursement conformément aux dispositions de la règle 90 de son tarif.
[20] Les éléments de preuve au dossier indiquent que Qatar a annulé le vol no QR419 et qu’elle a réacheminé M. Khabbaz sur un autre vol plus tard dans la soirée. Les présentations établissent également que M. Khabbaz savait que Qatar était en train de le réacheminer sur un vol ultérieur, mais qu’il a acheté, comme solution de rechange, un autre billet avant de discuter de sa situation avec un représentant de Qatar.
[21] Bien que l’Office comprenne la frustration que M. Khabbaz a éprouvée en raison du retard et de l’incertitude de sa situation, l’Office conclut qu’il a choisi, de son plein gré, de réserver un autre vol de retour au lieu d’attendre de parler à un représentant qui aurait pu lui donner l’occasion de discuter de ses options, comme celles qui sont décrites aux règles 85(B)(1), (B)(2) et (B)(3) du tarif de Qatar.
[22] Le tarif de Qatar n’exige pas qu’elle indemnise un passager pour les vols de remplacement réservés de son propre chef, au lieu d’un vol de remplacement mis à sa disposition par Qatar. Cela dit, les règles 85(B) et 90(D) du tarif de Qatar exigent qu’elle rembourse au passager la partie inutilisée de son billet, plutôt que l’autre vol, s’il choisit de ne pas prendre cet autre vol. L’Office considère que M. Khabbaz, par ses actes, a choisi d’accepter cette option. Par conséquent, l’Office conclut que M. Khabbaz a droit au remboursement de la partie inutilisée de son billet initial.
ORDONNANCE
[23] L’Office ordonne à Qatar de rembourser à M. Khabbaz un montant de 1 175,42 $CAN pour la portion inutilisée de son billet initial. Qatar doit payer ce montant à M. Khabbaz le plus tôt possible, mais au plus tard le 1er février 2019.
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