Décision n° 666-C-A-2006
le 4 décembre 2006
RELATIVE à une plainte déposée par Ralph Olds concernant le refus d'Air Canada d'assurer son transport à bord du vol no AC8440 de Calgary (Alberta) à Regina (Saskatchewan) le 19 mai 2006.
Référence no M4120-3/06-50484
Plainte
[1] Le 15 juin 2006, Ralph Olds a déposé auprès du Bureau des plaintes relatives au transport aérien la plainte énoncée dans l'intitulé.
[2] Le 30 juin 2006, le personnel de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a avisé M. Olds de la compétence de l'Office en l'affaire. Le personnel de l'Office a également demandé à M. Olds de confirmer s'il souhaitait poursuivre cette affaire selon le processus formel de l'Office et le 2 août 2006, M. Olds a soumis cette confirmation.
[3] Le 17 août 2006, on a accordé à Air Canada trente (30) jours pour déposer sa réponse auprès de l'Office et de M. Olds. On a ensuite fourni à M. Olds l'occasion de déposer auprès de l'Office une réplique à cette réponse et d'en signifier une copie à Air Canada dans les dix (10) jours suivant la date de réception de la réponse. Le 8 septembre 2006, Air Canada a déposé sa réponse et M. Olds y a répliqué la même journée.
[4] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 15 décembre 2006.
Question
[5] L'Office doit déterminer si Air Canada a appliqué de façon adéquate les conditions de transport concernant le refus de transporter énoncées dans son tarif des prix et des règles applicables au transport transfrontalier de passagers NTA A no 241 (ci-après le tarif), conformément au paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).
Faits
[6] M. Olds a voyagé à bord du vol no AC547 d'Air Canada le 19 mai 2006 de Las Vegas, Nevada, aux États-Unis d'Amérique à Calgary (Alberta), Canada. Le vol a été retardé à Las Vegas. Au moment d'arriver à Calgary, M. Olds a été accueilli par le Service de police de Calgary. Air Canada a refusé de transporter M. Olds jusqu'à Regina.
Positions des parties
[7] M. Olds déclare qu'à bord du vol de Las Vegas, il s'est plaint du retard du départ de l'aéronef ainsi que du piètre service et qu'en raison de ces plaintes, Air Canada l'a fait escorter hors de l'aéronef par la police à Calgary. Il soutient que l'intervention de la police n'aurait pas été nécessaire puisque celle-ci l'a relâché après un entretien de 10 minutes. De plus, il fait valoir que le refus d'Air Canada de le transporter jusqu'à Regina l'a laissé coincé à Calgary sans moyen de retourner chez-lui. M. Olds déclare qu'Air Canada l'a humilié en la présence d'un(e) employé(e) ainsi que des autres passagers de son vol.
[8] M. Olds affirme que la situation est survenue au moment où il a demandé à une agente de bord ce qu'elle allait lui offrir pour compenser le délai d'une heure du départ de l'aéronef. Il déclare que la réponse de l'agente de bord a été brusque et qu'elle a continué son travail en l'ignorant. M. Olds fait valoir qu'il a sifflé une fois afin de capter son attention et de savoir pourquoi elle l'ignorait. Il ajoute qu'il souhaitait seulement avoir du café et de l'eau.
[9] M. Olds déclare qu'un agent de bord lui a indiqué qu'il ne devait pas siffler à l'endroit de l'agente de bord et que la police serait appelée. M. Olds affirme qu'en aucun temps il s'est levé, a crié et a menacé l'agente de bord et insiste que le personnel d'Air Canada a manqué de jugement en appelant la police. Il ajoute qu'il n'a rien fait de mal et que sa déclaration est appuyée par le fait que la police l'a relâché.
[10] Air Canada déclare que M. Olds a laissé paraître son mécontentement vis-à-vis le délai et qu'il l'a clamé à voix haute devant les autres passagers. Il a également refusé de payer pour un sandwich de la cantine à bord de l'aéronef. Air Canada ajoute que l'agente de bord a avisé M. Olds que le délai avait eu lieu indépendamment de la volonté du transporteur et qu'elle n'était pas en mesure de lui offrir une quelconque compensation pour ce retard.
[11] Air Canada fait valoir que l'agente de bord n'était pas à l'aise avec le ton de la conversation et qu'elle l'a mentionné au directeur des services à bord. Air Canada ajoute que dès que l'agente de bord passait à proximité de M. Olds, il sifflait à son intention ou faisait des commentaires désobligeants à son égard.
[12] Air Canada fait remarquer que le directeur des services à bord s'est entretenu avec M. Olds pour lui demander son nom, ce que M. Olds a refusé de lui donner, puis une discussion s'en est suivie. Air Canada ajoute que M. Olds a refusé d'accepter de se comporter adéquatement pour le reste du vol. Selon le directeur des services à bord, M. Olds refusait de se conformer aux directives reçues. Air Canada ajoute que le capitaine a ensuite été avisé de la situation. Par conséquent, le capitaine a demandé que M. Olds soit accueilli par le Service de police de Calgary lors de l'atterrissage de l'aéronef. Air Canada appuie les gestes de son équipage et indique qu'on a refusé le transport à M. Olds cette fois-là uniquement en raison de son comportement et de son attitude.
[13] M. Olds déclare qu'il n'a sifflé qu'une seule fois à l'endroit de l'agente de bord puisqu'elle l'ignorait de façon délibérée et il avoue que ce geste était irrespectueux. Il soutient qu'il n'a jamais fait de commentaires désobligeants ou personnels à son égard et répète qu'en aucun temps il ne s'est levé, n'a crié ou n'a menacé quelqu'un. M. Olds est d'avis que l'équipage n'avait pas le droit de lui demander d'arrêter de siffler, mais quand l'équipage lui a dit d'arrêter, il s'est exécuté.
Dispositions législatives et réglementaires applicables
[14] Le paragraphe 110(4) du RTA dispose que :
Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.
[15] L'article 113.1 du RTA prévoit ce qui suit :
Si un licencié n'applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international et figurant à son tarif, l'Office peut :
a) lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;
b) lui enjoindre d'indemniser les personnes lésées par la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
Dispositions tarifaires applicables
[16] La règle 35 du tarif d'Air Canada régissant les conditions de transport en vigueur le 19 mai 2006 énonce, en partie, que :
RÈGLE 35AC REFUS DE TRANSPORTER – LIMITES DU TRANSPORTEUR
[...]
II COMPORTEMENT DU PASSAGER – REFUS DE TRANSPORTER – COMPORTEMENT INTERDIT ET SANCTIONS
Comportement interdit
Sans limiter le caractère général de ce qui précède, les énoncés suivants représentent des comportements interdits où il peut être nécessaire pour le transporteur, en faisant preuve de jugement raisonnable, de prendre des mesures afin d'assurer le confort ou la sécurité physique de la personne, des autres passagers (dans l'avenir et dans l'immédiat) ou des employés du transporteur; la sécurité de l'aéronef; l'exercice sans entraves des fonctions des membres de l'équipage à bord de l'aéronef ou des opérations aériennes sécuritaires et adéquates :
[...]
(b) le comportement ou l'état du passager est ou a la réputation d'être perturbateur, injurieux, menaçant, intimidant, violent ou indiscipliné et qu'il y a risque, de l'avis raisonnable d'un employé responsable du transporteur, que ce passager nuirait au confort et à la sécurité physique des autres passagers ou des employés du transporteur, nuirait à un membre d'équipage dans l'exercice de ses fonctions à bord de l'aéronef ou encore aux opérations aériennes sécuritaires et adéquates;
[...]
(2) Sanctions
Lorsqu'en faisant preuve de jugement raisonnable, le transporteur décide que le passager se livre à un comportement interdit décrit ci-dessus, le transporteur peut imposer toute combinaison des sanctions suivantes :
i) le débarquement du passager à tout point;
[...]
iii) le refus de transporter le passager. Ces refus de transporter peuvent aller d'une interdiction unique à une interdiction indéterminée ou à vie. Le transporteur devra faire preuve de jugement raisonnable en déterminant la durée de la période de refus, qui devra correspondre à la nature du comportement interdit et se terminera lorsque le transporteur sera assuré que le passager ne représente plus une menace pour la sécurité des autres passagers, de l'équipage et de l'aéronef ou le confort des autres passagers ou de l'équipage, l'exercice sans entraves des fonctions des membres de l'équipage à bord de l'aéronef ou des opérations aériennes sécuritaires et adéquates.
[...]
Ces mesures ne portent pas atteinte aux autres droits et recours du transporteur, à savoir de déposer une réclamation pour tous dommages causés par le comportement interdit ou autres dispositions prévues dans les tarifs du transporteur, y compris les recours prévus dans le Guide des membres d'Aéroplan ou le dépôt d'accusations criminelles ou de frais statutaires.
III RECOURS DU PASSAGER / LIMITE DE RESPONSABILITÉ
(1) La responsabilité du transporteur dans le cas où il refuse de transporter un passager pour un vol particulier ou lorsqu'il débarque un passager à un point en route pour toute raison précisée dans les paragraphes précédents ou dans la Règle 33 est limitée au recouvrement de la valeur du remboursement de la portion non utilisée du billet du passager qui s'est vu refuser le transport ou qui a été contraint de débarquer par le transporteur, conformément à la Règle 260.
[...]
Analyse et constatations
[17] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné attentivement tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également examiné les conditions de transport énoncées dans le tarif d'Air Canada concernant le refus de transporter un passager.
[18] Lorsqu'une plainte est déposée auprès de l'Office, le plaignant a le fardeau de prouver à l'Office que le transporteur n'a pas appliqué ou a appliqué incorrectement les conditions de transport du tarif applicable. Il incombe donc à M. Olds de prouver qu'Air Canada n'a pas appliqué adéquatement les conditions de transport de son tarif lorsqu'elle a refusé de le transporter sur le fondement qu'il avait affiché un comportement interdit, selon la règle 35, partie II paragraphe b) du tarif.
[19] Bien qu'il existe des divergences entre les versions des faits déposées par les parties, M. Olds reconnaît qu'il a sifflé à l'endroit de l'agente de bord afin d'attirer son attention, que ce geste était irrespectueux, qu'il a ri lorsque le directeur des services à bord l'a avisé qu'il ne s'agissait pas d'un comportement acceptable et qu'il appellerait la police si M. Olds continuait de se comporter ainsi. Le fait que M. Olds indique qu'il n'a sifflé qu'une seule fois, ce qui contredit la version d'Air Canada, n'est pas pertinent. En affichant un tel comportement et en refusant de se plier aux directives du personnel de bord, qui est responsable de la sécurité et du bien-être de tous les passagers, M. Olds a agi de façon perturbatrice.
[20] Le poids de la preuve crédible dans ce cas ne favorise pas le plaignant, qui a le fardeau de convaincre l'Office qu'Air Canada a agi de façon inadéquate. Dans le contexte de la règle applicable au fardeau de la preuve, le plaignant n'a pas apporté de preuve suffisante à l'appui de sa demande ou n'a pas réussi à démontrer qu'Air Canada a agi de façon inadéquate en refusant de le transporter sur le fondement qu'il avait affiché un comportement interdit.
[21] À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que le plaignant ne s'est pas acquitté de son devoir du fardeau de la preuve et qu'Air Canada a appliqué ses conditions de transport de manière adéquate. Ainsi, Air Canada n'a pas contrevenu au paragraphe 110(4) du RTA en refusant de transporter M. Olds le 19 mai 2006.
Conclusion
[22] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office rejette par les présentes la plainte de M. Olds.
Membres
- Guy Delisle
- Baljinder Gill
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