Décision n° 685-AT-A-2005

le 15 novembre 2005

le 15 novembre 2005

DEMANDE présentée par Donna Mattson en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant les difficultés qu'elle a éprouvées en ce qui concerne l'assignation des sièges par Air Canada sur le vol no AC 571 exploité le 8 février 2005 entre Los Angeles (Californie), aux États-Unis d'Amérique et Calgary (Alberta), au Canada.

Référence no U3570/05-27


DEMANDE

[1] Le 4 juin 2005, Donna Mattson a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

[2] Le 8 juillet 2005, Air Canada a demandé une prolongation de délai jusqu'au 22 juillet 2005 pour déposer sa réponse à la demande. Dans sa décision no LET-AT-A-199-2005 du 12 juillet 2005, l'Office a accordé à Air Canada la prolongation de délai demandée.

[3] Le 12 juillet 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et a indiqué que certains documents mentionnés seraient expédiés par la poste. Ces documents ont été reçus par l'Office le 14 juillet 2005. Le 3 août 2005, Mme Mattson a déposé sa réplique à la réponse du transporteur.

[4] Le 3 août 2005, Air Canada a déposé une réponse à la réplique de Mme Mattson. Le 4 août 2005, Mme Mattson a déposé des renseignements supplémentaires.

[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 15 novembre 2005.

QUESTION

[6] L'Office doit déterminer si le nouveau siège assigné par Air Canada à Mme Mattson sur le vol entre Los Angeles et Calgary a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelle mesures correctives devraient être prises.

FAITS

[7] Mme Mattson a le syndrome du pyramidal. Le syndrome du pyramidal se caractérise comme étant un trouble neuromusculaire rare qui se produit lorsque le muscle pyramidal comprime ou irrite le nerf sciatique. Le fait de s'asseoir et de marcher lui cause des douleurs sciatiques graves dans la jambe et la hanche droites. Mme Mattson a de la difficulté à marcher plus de 100 mètres.

[8] Mme Mattson a réservé son voyage le 7 février 2005 par l'entremise de Merit Travel. Au moment de la réservation, les sièges 1A et 1C de la classe affaires ont été demandés et confirmés par Merit Travel pour Mme Mattson et son mari sur le vol no AC 571 exploité le 8 février 2005 au moyen d'un aéronef Airbus 319.

[9] Mme Mattson et son mari avaient des cartes d'embarquement pour les sièges 1A et 1C; toutefois, à la porte d'embarquement on leur a dit qu'on leur avait maintenant assigné les sièges 1D et 1F sur le vol no AC 571. Mme Mattson a voyagé entre Los Angeles et Calgary en classe affaires le 8 février 2005 et a éprouvé des difficultés en raison du siège qui lui a été fourni par Air Canada.

[10] Air Canada dispose d'un système informatisé pour enregistrer les dossiers de réservation des passagers, l'information sur les vols, ainsi que les demandes de services provenant des personnes ayant une déficience. Le dossier passager faisant état du voyage des Mattson (ci-après le DP) indique que M. et Mme Mattson avaient obtenu la confirmation des sièges 1A et 1C. Toutefois, le DP ne mentionne pas que Mme Mattson a une déficience où qu'elle nécessite un siège qui fournit plus d'espace pour les jambes. Les sièges près cloison dans la classe affaires sont assignés dans le cadre du système de réservation général.

[11] Selon le graphique de configuration des sièges de l'aéronef Airbus 319 déposé auprès de l'Office par Air Canada, l'espace entre la cloison et les sièges 1A et 1C est plus grand que celui entre la cloison et les sièges 1D et 1F. Il n'y a pas de sièges dans la classe affaires qui sont désignés comme des sièges accessibles. Il est aussi évident, en consultant le plan de cabine, que ce sont les sièges 1A et 1C qui fournissent le plus d'espace pour les jambes; les sièges 1D et 1F viennent en deuxième place pour le plus grand dégagement aux jambes dans l'aéronef en question.

POSITIONS DES PARTIES

Position de Mme Mattson

[12] Mme Mattson indique qu'elle a besoin de plus d'espace pour ses jambes afin de pouvoir se tourner sur le côté et étirer la jambe droite devant elle lorsqu'elle voyage. Mme Mattson affirme qu'elle a dit à son agent de voyage qu'elle exigeait le siège 1C afin de pouvoir étirer sa jambe droite durant le vol. Mme Mattson explique que lors de l'embarquement dans l'aéronef, elle et son mari ont été informés qu'ils ne pouvaient plus être assis dans les sièges 1A et 1 C puisque ces sièges avaient été assignés par le transporteur à d'autres passagers. Mme Mattson mentionne qu'on leur a ensuite dit, plutôt que demandé, de s'asseoir dans les sièges 1D et 1F.

[13] Mme Mattson affirme qu'elle a informé l'agent à la porte d'embarquement qu'elle avait demandé expressément les sièges 1A et 1C en raison de la forte douleur qu'elle éprouve à la jambe et la hanche droites, ce à quoi l'agent d'Air Canada a répondu qu'elle pourrait « se battre » pour obtenir sa place une fois dans l'avion.

[14] Mme Mattson soutient qu'elle a répété, une fois à bord, à l'agent de bord de la classe affaires les raisons pour lesquelles le siège 1D n'était pas convenable pour elle. Elle affirme que l'agent de bord lui a dit que le siège 1C avait été assigné à un autre passager qui en avait plus besoin qu'elle et elle ajoute que l'agent de bord est alors allé parler avec d'autres passagers.

[15] Mme Mattson note qu'à ce moment elle n'avait pas d'autre choix que de s'asseoir dans le siège 1D. Mme Mattson souligne que la personne dans le siège 1C avait des jambes beaucoup plus courtes qu'elle et, à son avis, la femme n'aurait pas eu de difficulté à étirer ses jambes dans le siège 1D ou 1F.

[16] Mme Mattson explique qu'elle avait besoin du siège 1C car ce siège fournissait suffisamment d'espace pour lui permettre de glisser vers le bas dans son siège, se tourner sur le côté et en utilisant des oreillers (pour s'appuyer), étirer sa jambe et sa hanche droites dans une position plus horizontale. Mme Mattson signale que cette position est possible sans étirer sa jambe dans l'allée de l'aéronef puisqu'elle l'a déjà fait plusieurs fois lors de précédents voyages.

[17] Mme Mattson souligne que même si elle a informé Merit Travel de son état de santé, elle n'a pas demandé qu'il soit noté dans le DP car elle a cru qu'il n'était pas nécessaire de le faire, les sièges 1A et 1C ayant été confirmés pour elle et son mari. À cet égard, Mme Mattson affirme qu'elle ne connaissait pas le droit de prérogative d'Air Canada d'apporter des changements à l'assignation des sièges à moins que le transporteur soit avisé plus de 48 heures à l'avance du besoin d'un siège précis pour le passager en raison d'un trouble médical. Mme Mattson ajoute qu'elle ne savait pas non plus que les personnes ayant une déficience ont la priorité pour l'assignation des sièges et elle indique que si elle avait été au courant des politiques et procédures du transporteur, elle se serait assurée que son agent de voyage ait inscrit son état de santé dans le DP.

[18] Mme Mattson soutient qu'une lettre a été envoyée au service à la clientèle d'Air Canada et à Robert Milton au centre d'Air Canada le 9 février 2005 et que dans la réponse qu'elle a reçue, même si Air Canada a affirmé être désolée pour le dérangement, elle n'offre aucune forme de compensation pour douleur et inconfort.

[19] Mme Mattson demande un remboursement du prix de son billet d'avion et de celui de son mari puisqu'ils n'ont pas pu s'asseoir dans les sièges qu'ils avaient expressément demandés et payés dans la classe affaires.

Position d'Air Canada

[20] Air Canada estime que le syndrome du pyramidal n'est pas une déficience en soi. Air Canada indique que même si la documentation médicale disponible mentionne la position assise prolongée comme une cause de la douleur aggravée, rien n'indique que le fait de s'asseoir en étirant la jambe atténue la présumée douleur. Air Canada précise que puisque le syndrome du pyramidal est une inflammation du nerf sciatique qui se trouve le long des fesses, le fait de s'asseoir est ce qui cause la douleur.

[21] Air Canada croit que l'Office doit d'abord déterminer si Mme Mattson a subi des limitations d'activités ou des restrictions de participation dans le contexte du réseau de transport fédéral. Cela étant dit, Air Canada indique que dans le cas présent la preuve au dossier est insuffisante pour permettre à l'Office d'en venir à cette conclusion.

[22] Air Canada explique que la décision McKay-Panos (Décision no 646-AT-A-2001 du 12 décembre 2001. Relative à la question de juridiction, découlant d'une demande reçue par l'Office des transports du Canada de Linda McKay-Panos contre Air Canada, visant à déterminer si l'obésité est une déficience aux termes de la Partie V de la Loi sur les transports au Canada) a établit des principes juridiques afin de déterminer si une personne est une personne ayant une déficience en vertu de la partie V de la LTC. Air Canada soutient que ces principes juridiques sont applicables dans plusieurs autres situations et ont été utilisés, par exemple, afin d'analyser des plaintes faites par des personnes ayant des allergies.

[23] À cet égard, Air Canada fait valoir que l'état de santé présumé de Mme Mattson ne fait pas d'elle, en soi, une personne ayant une déficience et que les principes juridiques qui ont été retenus dans la décision McKay-Panos (c.-à-d. le modèle de l'analyse de la déficience utilisée par l'Office dans la décision no 646-AT-A-2001) devraient être appliqués pour déterminer si un tel trouble médical, le cas échéant, répond à la définition d'une personne ayant une déficience.

[24] Air Canada affirme qu'à moins que l'Office juge que Mme Mattson est une personne ayant une déficience en appliquant le test établi dans la décision no 646-AT-A-2001 (ci-après la décision de Calgary), l'Office ne peut considérer le reste de la preuve.

[25] Air Canada souligne que le voyage de Mme Mattson a été réservé par l'entremise de Merit Travel, une agence de voyage retenue par Mme Mattson et son mari. Air Canada note que la réservation a été faite le 7 février 2005, c'est-à-dire le jour avant le départ prévu pour le vol en question.

[26] Air Canada souligne que rien ne mentionne dans le DP que Mme Mattson a un trouble médical ou qu'elle a besoin d'un siège qui fournit plus d'espace pour les jambes ou tout autre service spécial. Air Canada affirme que des changements de sièges peuvent être effectués aux aéroports afin de répondre aux besoins de certains passagers.

[27] À cet égard, Air Canada explique que sur le vol en question un passager ayant une déficience s'est vu assigné le siège 1C et M. et Mme Mattson ont obtenu les sièges de l'autre côté de l'allée qu'ils auraient autrement eu, c'est-à-dire un siège côté allée et un siège côté hublot dans la première rangée de la classe affaires.

[28] De plus, Air Canada affirme que la distance entre le poteau d'ancrage du siège (sur le plancher) et la cloison pour les sièges 1A et 1C était de 36 pouces et la distance pour les sièges 1D et 1F était de 26 pouces; les deux groupes de sièges ont un pas de 48 pouces, ce qui est la distance de l'arrière du siège à l'avant du siège. Air Canada ajoute que tous les autres sièges dans la classe affaires ont un pas de 38 pouces.

[29] Air Canada affirme qu'il n'y a pas de sièges dans la classe affaires qui sont précisément désignés comme accessibles et qu'aucun de ces sièges n'a un accoudoir relevable. Toutefois, Air Canada fait observer que tous les sièges dans la classe affaires fournissent un espace très généreux pour les jambes (le pas minimum des sièges est de 38 pouces).

[30] Air Canada fait valoir qu'elle s'attend à ce que son personnel d'aéroport effectue les changements de siège qui s'imposent afin de se conformer aux obligations qu'elle a envers les personnes ayant une déficience, en autant qu'il soit établi que la personne est un passager ayant une déficience. Plus précisément, Air Canada note que le personnel de bord n'aidera seulement à assigner un nouveau siège aux passagers que s'il a le consentement de toutes les personnes en cause (par exemple les membres d'une même famille voyageant ensemble, mais pas dans des sièges adjacents).

[31] Air Canada soutient que même si la loi sur la vie privée l'empêche de divulguer le nom du passager qui a obtenu le siège 1C sur le vol en question, elle peut confirmer que le passager était âgé, était non autonome, voyageait avec une infirmière et ne pouvait pas se déplacer. Air Canada note que ce passager avait besoin d'une aide complète pour embarquer à bord de l'aéronef et avait besoin du siège 1C pour faciliter son transfert.

[32] Air Canada souligne que, au besoin, les passagers à mobilité réduite sont embarqués en premier. Dans le cas présent, le passager qui a été assigné au siège 1C a été transporté dans l'aéronef par des accompagnateurs et transféré au siège en question. De plus, Air Canada explique que lorsque les Mattson sont arrivés pour l'embarquement, il n'était pas possible de transférer l'autre passager ayant une déficience du siège 1C à un autre siège.

[33] Air Canada croit que si l'agent de voyage de Mme Mattson avait indiqué l'exigence pour le bon siège côté allée dans le dossier de réservation, cela aurait été pris en considération lors de l'évaluation des besoins pour le siège de l'autre passager ayant une déficience.

[34] Air Canada affirme que conformément à la réglementation applicable, elle exige un préavis de 48 heures pour les services aux passagers ayant une déficience; lorsque des demandes sont reçues dans les 48 heures avant le vol, le transporteur fera tout ce qu'il peut pour fournir le service. Dans le cas présent, Air Canada note que ce n'est qu'une fois rendue à la porte d'embarquement que Mme Mattson a avisé le personnel du transporteur de sa déficience.

[35] Air Canada soutient que si l'Office devait accepter que Mme Mattson est une personne ayant une déficience, il doit alors déterminer si le fait que Mme Mattson ait obtenu le siège 1D, plutôt que le siège 1C, a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement. À cet égard, Air Canada fait valoir qu'il n'y a pas de preuve au dossier qui démontre que le siège 1D ne fournit pas l'espace pour les jambes dont Mme Mattson a besoin.

[36] Air Canada souligne que l'allée de l'aéronef doit rester libre et sans entraves afin de permettre le déplacement sécuritaire de l'équipage et des autres passagers; par conséquent, une personne assise dans un siège côté allée ne peut étirer sa jambe dans l'allée. De plus, Air Canada croit que le siège 1D était aussi confortable que le siège 1C et, donc, le changement qui a été apporté à l'assignation des sièges, que permettent les tarifs d'Air Canada, n'a pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Mattson.

[37] Finalement, Air Canada soutient que si l'Office devait juger que le changement de siège a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Mattson, Air Canada mentionne que l'obstacle n'était pas abusif puisqu'un autre passager ayant une déficience était assis dans le siège 1C et que ce passager a fait sa demande plus de 48 heures avant le départ prévu du vol en question.

[38] Air Canada explique que si elle doit décider entre fournir un service à un passager qui a fait une demande plus de 48 heures à l'avance et fournir un service à un passager qui mentionne sa déficience à la porte d'embarquement, elle fournira le service au passager qui a divulgué sa déficience avant le voyage.

Réplique de Mme Mattson

[39] Mme Mattson affirme qu'un siège qui lui permet d'étirer sa hanche et sa jambe droites rend les vols plus confortables pour elle. De plus, Mme Mattson souligne que l'information sur le syndrome du pyramidal fournie par Air Canada reconnaît qu'il est très douloureux pour une personne qui a ce syndrome de s'asseoir.

[40] En ce qui a trait à l'allégation d'Air Canada qu'il n'y a aucune mention dans le dossier d'information médicale soumis à l'Office sur le syndrome du pyramidal indiquant que le fait de s'asseoir avec la jambe étirée atténue la douleur associée au syndrome du pyramidal, Mme Mattson explique qu'elle n'essaie pas seulement de s'asseoir avec sa jambe étirée, elle s'assoit aussi en étirant sa hanche le plus possible. Mme Mattson ajoute que même si les documents fournis par Air Canada ne mentionnent pas que le fait de s'asseoir avec la jambe étirée (et la hanche étirée) atténue la douleur du syndrome du pyramidal, cela ne signifie pas que de s'asseoir dans cette position n'aide pas à atténuer la douleur. Mme Mattson s'interroge sur la façon dont Air Canada est capable de déterminer ce qui est confortable pour elle et ce qui ne l'est pas.

[41] Mme Mattson a fourni des copies des documents suivants : notes cliniques de ses docteurs datées du 3 février 2004 et du 4 octobre 2004 qui indiquent qu'elle marchait régulièrement auparavant et qu'elle est maintenant incapable de marcher plus de 100 mètres; un rapport opératoire d'injection daté du 15 février 2005 qui confirme le diagnostic postopératoire de Mme Mattson d'un syndrome du pyramidal de droite; et un rapport opératoire daté du 4 avril 2005 qui confirme qu'elle a le syndrome du pyramidal de droite (douleur dans la fesse et la jambe droites) et qu'elle a subi une chirurgie pour retirer son muscle pyramidal. Mme Mattson maintient que ces documents sont la preuve qu'elle subit des limitations d'activités et des restrictions de participation et, donc, qu'elle est une personne ayant une déficience.

[42] De plus, Mme Mattson affirme que l'espace pour les jambes du siège 1C est beaucoup plus grand qu'au siège 1D. À cet égard, Mme Mattson note qu'elle ne pouvait pas étirer entièrement sa hanche et sa jambe dans le siège 1D, mais qu'elle peut le faire dans le siège 1C. Elle ajoute qu'elle l'a déjà fait lors de vols antérieurs et ultérieurs sans aucune difficulté.

[43] Par ailleurs, Mme Mattson croit que le passager qui a été assigné au siège 1C aurait pu être transféré facilement au siège 1D. Mme Mattson soutient que les jambes de l'autre passager étaient beaucoup plus courtes que les siennes et que le siège 1D n'aurait pas causé de problèmes au passager pour étirer ses jambes. Mme Mattson ajoute que l'autre passager avait « visiblement réservé les sièges 1D et 1F », alors qu'elle et son mari avaient fait la réservation, et obtenu confirmation, des sièges 1A et 1C.

[44] Mme Mattson croit que le fait de lui assigner le siège 1D plutôt que son siège confirmé 1C a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement et que l'obstacle était abusif car Air Canada aurait pu répondre aux besoins de l'autre passager ayant une déficience tout aussi bien dans le siège 1D que dans le siège 1C, rendant ainsi son assignation au siège 1D inutile.

Réponse d'Air Canada

[45] Air Canada explique que le passager qui a été assigné au siège 1C a dû être transporté à bord lors du préembarquement et elle estime qu'un transfert après l'embarquement n'aurait pas été possible car cela nécessitait du personnel pour procéder au transfert.

[46] Air Canada affirme que même s'il est vrai que Mme Mattson a divulgué à l'agent de voyage la raison pour laquelle elle voulait obtenir un siège en particulier, cette information n'a jamais été divulguée à Air Canada. À cet égard, Air Canada note que la réglementation applicable reconnaît le droit du transporteur aérien de demander un préavis de 48 heures pour tout service précis demandé par un passager.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[47] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[48] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. L'Office accepte la preuve de Mme Mattson qu'elle a le syndrome du pyramidal et, par conséquent, qu'elle a une mobilité réduite car elle est incapable de marcher plus de 100 mètres et le fait de s'asseoir et de marcher lui cause de graves douleurs sciatiques dans sa hanche et sa jambe droites. L'Office considère donc que Mme Mattson est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.

[49] Air Canada a affirmé que dans la présente affaire, même s'il était reconnu que Mme Mattson a le syndrome du pyramidal, un tel diagnostic est insuffisant pour conclure que Mme Mattson est une personne ayant une déficience. Air Canada affirme que, premièrement, l'Office doit déterminer si Mme Mattson subit des limitations d'activités ou des restrictions de participation dans le contexte du réseau de transport fédéral.

[50] L'Office note que les concepts de l'invalidité et de la limitation d'activités sous-tendent sa détermination de la « déficience ». Afin de déterminer si une personne a une « invalidité » et des « limitations d'activités », l'Office a longtemps appuyé le droit de l'individu à l'autodétermination et a pris une approche libérale afin d'accepter les preuves d'autodétermination. Selon la situation, l'Office peut identifier l'invalidité et la limitation d'activités grâce à un des moyens, ou une combinaison des moyens, suivants :

  • observation de bon sens
  • la preuve ou l'explication de la personne au sujet de son état de santé (c.-à-d. autodétermination);
  • autre preuve, y compris le témoignage d'experts

[51] Quant à savoir quelle preuve doit être présentée, il s'agit de quelque chose que l'Office détermine en fonction de chaque cas. Généralement, l'Office accepte la preuve du demandeur en ce qui a trait à l'invalidité et à la limitation d'activités ou à la restriction de participation. Par conséquent, le fait qu'un intimé conteste l'existence d'une déficience n'oblige pas automatiquement l'Office à obtenir plus de preuves ou des preuves différentes.

[52] Dans le cas présent, l'Office estime que la preuve de Mme Mattson prouve adéquatement son invalidité et sa limitation d'activités. De plus, la preuve déposée par Air Canada appuie cela. Plus précisément, l'incapacité de Mme Mattson de marcher plus de 100 mètres et de s'asseoir et de marcher sans subir de graves douleurs sciatiques dans sa jambe et sa hanche entraînera nécessairement des restrictions pour l'accès au transport aérien qui nécessitera des services, puisque le fait de marcher et de s'asseoir sont inhérents à l'accès au réseau fédéral de transport aérien.

[53] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?

[54] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.

[55] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Le cas présent

[56] Mme Mattson a le syndrome du pyramidal, un trouble neuromusculaire rare qui se produit lorsque le muscle pyramidal comprime ou irrite le nerf sciatique, causant de la douleur. Cette douleur est, à son tour, aggravée en s'asseyant et en marchant. Mme Mattson ne peut marcher plus de 100 mètres et a des douleurs sciatiques graves dans sa jambe et sa hanche droites. Par conséquent, tout siège à bord d'un avion doit lui procurer un dégagement aux jambes suffisamment grand pour lui permettre de se tourner sur son côté et d'étirer sa jambe et sa hanche.

[57] L'Office note qu'avant le voyage, les sièges 1A et 1C ont été demandés et confirmés pour Mme Mattson et son mari par Merit Travel. Lors de l'embarquement, Mme Mattson a été informée qu'elle et son mari étaient assignés aux sièges 1D et 1F. De plus, l'Office note que Mme Mattson a dit à l'agent à la porte d'embarquement qu'elle avait besoin du siège 1C afin de pouvoir étirer sa jambe durant le vol, car sa jambe et sa hanche droites sont très douloureuses.

[58] Même si Air Canada fait valoir qu'il n'y a pas de preuve au dossier qui démontre que le siège 1D ne fournissait pas l'espace pour les jambes nécessaire à Mme Mattson, l'Office note que les sièges 1A et 1C avaient 10 pouces de plus d'espace pour les jambes que les sièges 1D et 1F. À cet égard, l'Office acceptel'affirmation de Mme Mattson que le siège 1D ne répondait pas à ses besoins puisqu'il ne fournissait pas assez d'espace pour qu'elle puisse se tourner sur le côté afin d'étirer sa jambe et sa hanche droites. Par conséquent, Mme Mattson a subi des douleurs et de l'inconfort en prenant place dans le siège 1D. L'Office accepte aussi l'argument de Mme Mattson que le siège 1C répondait à ses besoins, ayant occupé ce siège lors de vols antérieurs et ultérieurs qu'elle a effectués.

[59] L'Office note que même si Mme Mattson a pu demeurer dans le siège qui lui a été assigné durant tout le vol, elle en a subi des douleurs et de l'inconfort. En raison des difficultés qu'elle a éprouvées, Mme Mattson pourrait hésiter à voyager à l'avenir. À la lumière de la preuve au dossier, l'Office conclut que Mme Mattson ne peut pas se prévaloir du siège 1D comme le peut le voyageur moyen pour qui le siège a été conçu car le fait d'y prendre place lui fait subir des douleurs graves et de l'inconfort.

[60] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le nouveau siège assigné par Air Canada à Mme Mattson pour le vol entre Los Angeles et Calgary ne répondait pas aux besoins de Mme Mattson puisqu'il lui a causé des douleurs et de l'inconfort. Par conséquent, l'Office détermine que l'assignation de ce siège a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

L'obstacle était-il abusif ?

[61] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[62] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

[63] Ayant déterminé que le nouveau siège assigné par Air Canada à Mme Mattson pour le vol entre Los Angeles et Calgary a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.

[64] L'Office note que Mme Mattson avait réservé son vol le jour avant de voyager et qu'à ce moment Merit Travel avait confirmé qu'elle serait assise dans le siège 1C. À la porte d'embarquement, le personnel d'Air Canada a informé Mme Mattson qu'on lui avait assigné le siège 1D.

[65] L'Office a longtemps reconnu l'importance que revêtent les services pour les personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent en avion. Depuis 1994, les transporteurs aériens qui assurent des services intérieurs sont tenus de leur fournir des services uniformes. La partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) établit les conditions de transport des personnes ayant une déficience et exige que les transporteurs aériens à qui une demande est faite au moins 48 heures avant le départ fournissent des services à ces personnes. Le RTA exige également que les transporteurs aériens doivent déployer des efforts raisonnables afin d'assurer la prestation de ces services si la demande est faite moins de 48 heures avant le départ.

[66] Bien que l'Office reconnaisse que cette réglementation ne s'applique qu'aux voyages intérieurs, les principes qui y sont enchâssés s'appliquent tout autant aux voyages internationaux, surtout le tronçon du voyage international qui est effectué dans les aérogares canadiennes. Air Canada reconnaît ceci sans équivoque par l'adoption de sa politique de service qui prévoit que les sièges seront assignés aux passagers ayant une déficience qui ont réservé au moins 48 heures à l'avance.

[67] À cet égard, l'Office estime que, dans les cas où deux passagers ayant une déficience désirent le même siège, peu importe le moment où la demande a été faite, Air Canada devrait, grâce au dialogue, déterminer quelle est la meilleure façon de répondre aux besoins en matière de sièges des passagers. Même si Mme Mattson a informé le personnel d'Air Canada à la porte d'embarquement qu'elle avait besoin de plus d'espace pour ses jambes en raison de son problème avec son muscle pyramidal, on lui a dit de se « battre pour sa place dans l'avion ». L'Office juge que le personnel d'Air Canada aurait pu profiter de cette occasion pour entamer un dialogue avec Mme Mattson afin de déterminer ses besoins précis en matière de siège et de lui expliquer les raisons pourquoi son siège a été assigné à une autre personne ayant une déficience.

[68] L'Office reconnaît que des notes sont inscrites dans le DP des passagers dans le but d'informer le transporteur, avant le voyage, qu'un passager a besoin de services précis ou d'aide. À cet égard, l'Office note que même si le DP faisant état du voyage des Mattson indiquait qu'on leur avait confirmé les sièges 1A et 1C, le DP ne mentionne pas que Mme Mattson est une personne ayant une déficience et qu'elle nécessitait un siège précis pour répondre à ses besoins en raison de sa déficience. Donc, le transporteur n'a pas reçu l'information dont il avait besoin pour répondre aux besoins de Mme Mattson car il ne savait pas au moment de l'assignation de son siège à l'autre passager ayant une déficience que Mme Mattson nécessitait le siège 1C pour répondre à ses besoins en raison de sa déficience.

[69] De plus, l'Office reconnaît que la personne ayant une déficience a la responsabilité de s'identifier comme tel et d'indiquer clairement ses besoins à un transporteur afin qu'il puisse répondre aux besoins de cette personne. À cet égard, l'Office note que Mme Mattson n'a pas informé Air Canada qu'elle est une personne ayant une déficience avant l'embarquement, moment où son siège confirmé (siège 1C) avait déjà été assigné à une personne ayant une déficience qui avait informé le transporteur de ses besoins précis plus de 48 heures avant le départ du vol en question.

[70] L'Office accepte les préoccupations opérationnelles d'Air Canada en raison desquelles il n'était pas possible de déplacer le passager à qui le siège 1C avait été assigné car ce passager avait dû être transporté à bord de l'aéronef par des accompagnateurs lors du préembarquement et il aurait fallu que les accompagnateurs reviennent dans l'aéronef et transfèrent le passager à un autre siège. De plus, l'Office note que le transfert peut causer des douleurs et que certaines personnes ayant une déficience préfèrent que leur transfert ait lieu avant l'embarquement général pour ne pas perdre leur dignité et préserver leur intimité. L'Office estime que le transfert du passager qui s'est vu assigné le siège 1C n'aurait pas été une solution pratique ou raisonnable en raison du fait que cela aurait causé de l'inconfort à ce passager et qu'il n'était pas possible du point de vue opérationnel de rappeler l'équipe d'accompagnateurs pour effectuer le transfert.

[71] À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que le nouveau siège assigné par Air Canada à Mme Mattson pour le vol entre Los Angeles et Calgary n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

INDEMNITÉ

[72] En vertu du paragraphe 172(3) de la LTC, l'Office peut, s'il conclut en la présence d'un obstacle abusif, exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause.

[73] Dans le cas présent, l'Office conclut que l'obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Mattson n'était pas abusif; par conséquent, elle n'a pas droit à une telle indemnité en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC.

CONCLUSION

[74] Selon les constatations qui précèdent, l'Office a déterminé que même si le nouveau siège assigné par Air Canada à Mme Mattson pour le vol entre Los Angeles et Calgary a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, cet obstacle n'était pas abusif.

[75] Par conséquent, l'Office n'envisage aucune mesure dans cette affaire.

Membres

  • George Proud
  • Baljinder Gill
  • Gilles Dufault
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