Décision n° 7-C-A-2002
le 3 janvier 2002
RELATIVE à une plainte déposée par le Dr Raouf Mikhail, au nom de son épouse, Mme Jimena Frias, relativement au refus d'Aerolineas Argentinas Sociedad Anonima faisant affaires sous la raison sociale d'Aerolineas Argentinas de lui rembourser la partie inutilisée d'un billet ouvert aller-retour émis au Chili le 13 mars 1995, pour un vol entre Montréal et Santiago, Chili.
Référence no 4370/A465/00
PLAINTE
Le 8 mai 2000, le Dr Raouf Mikhail, au nom de son épouse, Mme Jimena Frias, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.
Le 30 juin 2000, Aerolineas Argentinas Sociedad Anonima faisant affaires sous la raison sociale d'Aerolineas Argentinas (ci-après Aerolineas Argentinas) a déposé sa réponse.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
QUESTION
L'Office doit déterminer si Aerolineas Argentinas s'est conformée aux dispositions de la LTC et du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) dans la présente affaire.
FAITS
Le 13 mars 1995, Mme Jimena Frias a acheté un billet d'avion auprès du transporteur Aerolineas Argentinas, à Santiago, Chili, pour un voyage aller-retour à destination de Montréal le 14 juin 1995. Le billet ouvert aller-retour prévoyait un séjour maximal de six mois au Canada, c'est-à-dire jusqu'au 13 décembre 1995.
Le 17 novembre 1995, le Dr Mikhail a demandé une prolongation de la période de validité du billet d'avion, ce qu'a rejeté Aerolineas Argentinas, qui a toutefois accepté de reclasser le billet d'avion pour qu'il devienne un billet ouvert, valide pour une période d'un an à compter de la date d'achat du billet original, et ce, au coût de 721 $ CAN. Au moment du paiement de cette somme par le Dr Mikhail, le transporteur a émis le billet d'avion numéro 044/4460898982.
Le 8 mai 1996, le Dr Mikhail a demandé une première prolongation de la période de validité du billet reclassé. Aerolineas Argentinas a réémis un billet portant le numéro 044/4406928640, valide pour une période supplémentaire d'un an.
Le 17 avril 1997, le Dr Mikhail a demandé une deuxième prolongation. Aerolineas Argentinas a réémis un billet portant le numéro 044/4461591843, valide pour une période supplémentaire d'un an.
Le 21 avril 1998, le Dr Mikhail a demandé une troisième prolongation. Aerolineas Argentinas a réémis un billet portant le numéro 044/4471395377, valide pour une période supplémentaire d'un an.
Le 16 avril 1999, le Dr Mikhail a demandé une quatrième prolongation. Aerolineas Argentinas a réémis un billet portant le numéro 044/4472893149, valide pour une période supplémentaire d'un an.
En 2000, le Dr Mikhail a demandé une cinquième prolongation mais sa demande a été rejetée. Aerolineas Argentinas a également rejeté la demande de remboursement du Dr Mikhail mais a accepté de lui accorder un bon de transport non remboursable de 721 $ CAN, qui pourrait servir à l'achat d'un billet d'avion en vue d'un vol entre Montréal-Santiago, la période de validité prenant fin le 31 décembre 2000.
POSITIONS DES PARTIES
Selon le Dr Mikhail, Mme Frias a acheté à l'origine un billet d'avion d'Aerolineas Argentinas pour un vol aller-retour valide jusqu'en décembre 1995. Lorsque cette dernière a décidé de prolonger son séjour au Canada, une demande a été déposée auprès du transporteur pour que la période de validité du billet d'avion soit prolongée. Le Dr Mikhail soutient que le transporteur a insisté pour que celui-ci verse la somme de 721 $ CAN pour l'acquisition d'un billet ouvert et renouvelable à la date d'expiration, qui aurait permis au Dr Mikhail d'obtenir un remboursement pour la partie inutilisée du billet pour le vol aller-retour (Montréal-Santiago), advenant que Mme Frias décide de demeurer au Canada.
Le Dr Mikhail confirme qu'en avril 2000, il a demandé à Aerolineas Argentinas un remboursement correspondant à la partie inutilisée du billet aller-retour (Montréal-Santiago) du fait que Mme Frias projetait de demeurer au Canada. Selon le Dr Mikhail, le transporteur a rejeté sa demande de remboursement et a émis, au nom de Mme Frias, un bon non remboursable de 721 $ CAN, valide jusqu'au 31 décembre 2000. Le Dr Mikhail est d'avis qu'il a droit au remboursement de la partie inutilisée du billet.
Selon Aerolineas Argentinas, lorsque le Dr Mikhail a demandé une prolongation du délai de décembre 1995, l'agent du transporteur l'a informé qu'il n'était pas possible de prolonger la période de validité du billet de six mois et qu'il serait nécessaire de le reclasser comme un billet valide pour une période d'un an, soit jusqu'au 31 décembre 1996, au coût de 721 $ CAN. Mme Frias devait faire son voyage le 15 juin 1996 au plus tard.
Aerolineas Argentinas mentionne qu'au cours des quatre années suivantes, le Dr Mikhail a demandé chaque année une prolongation de la période de validité du billet. Aerolineas Argentinas précise qu'elle a acquiescé à chaque demande, sauf en avril 2000. Aerolineas Argentinas ajoute qu'à cette date, elle a accordé un bon de transport de 721 $ CAN avec période de validité prenant fin le 31 décembre 2000.
Aerolineas Argentinas soutient qu'elle a fait preuve de compassion et de bonne volonté dans ce dossier et ajoute que sa pratique consiste à refuser de rembourser les billets d'avion qui dépassent la date d'émission de plus de deux (2) ans. Aerolineas Argentinas affirme qu'elle n'est plus en mesure d'aider le Dr Mikhail. Par conséquent, Aerolineas Argentinas estime que le Dr Mikhail ne devrait pas recevoir de remboursement pour la partie inutilisée du billet.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également étudié les Règles générales du Tarif d'Aerolineas Argentinas régissant les règles et les prix pour le transport international de passagers, lesquelles régissaient les conditions de transport applicables au transporteur le 13 mars 1995.
L'Office doit s'assurer que les exploitants de services aériens se conforment aux dispositions de la LTC et de ses règlements d'application, dont le RTA, et que les transporteurs aériens respectent les conditions de leurs tarifs.
Aux termes de l'article 55 de la LTC, un tarif désigne un barème des prix, taux, frais et autres conditions de transport applicables à la prestation d'un service aérien et de services connexes.
Le paragraphe 110(1) du RTA prescrit que les transporteurs aériens qui assurent un service aérien international à destination et en provenance du Canada sont tenus de déposer leur tarif auprès de l'Office. D'autre part, en vertu du paragraphe 110(4) du RTA, les transporteurs aériens doivent appliquer les conditions de transport énoncées dans le tarif.
En vertu du sous-alinéa 122c)(vi) du RTA, les tarifs doivent contenir les conditions de transport dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant, notamment, le remboursement des services achetés mais non utilisés, intégralement ou partiellement, par suite de la décision du client de ne pas poursuivre son trajet ou de son incapacité à le faire, ou encore de l'inaptitude du transporteur aérien à fournir le service pour une raison quelconque.
Les Règles C90(A)(5) et (6) du tarif international d'Aerolineas Argentinas prévoient en partie ce qui suit :
(5) Le bureau comptable d'AR accordera un remboursement sur réception des formulaires spéciaux fournis par AR et utilisés pour présenter une demande à cet effet, sous réserve que les parties inutilisées du billet d'avion soient retournées à AR dans les deux ans suivant la date d'expiration de la validité du billet d'avion ou du bon pour services divers. [soulignement ajouté à dessein] (traduction)
(6) Le remboursement sera versé dans les mêmes devises que celles du billet original.
L'Office a relevé des contradictions dans certains faits reliés à l'incident. Ainsi, selon le Dr Mikhail, Aerolineas Argentinas a émis un nouveau billet chaque fois qu'il a demandé une prolongation de la validité du billet original. Le transporteur estime qu'il a simplement prolongé la période de validité du billet original; il s'agissait du même billet qui était émis chaque année et ce, nonobstant le nouveau numéro qui apparaissait chaque fois sur le billet.
Si l'Office accepte la position du Dr Mikhail, sa conclusion serait qu'en avril 2000, lorsque le Dr Mikhail a demandé une nouvelle prolongation de la période de validité du billet d'avion, il avait droit à un remboursement pour la partie inutilisée du billet d'avion émis le 16 avril 1999 et portant le numéro 044/4472893149, les Règles C90(A)(5) et (6) du tarif international d'Aerolineas Argentinas prescrivant que des remboursements peuvent être accordés dans les deux ans suivant la date d'expiration de la validité du billet.
Si l'Office adhère à la position du transporteur, sa conclusion serait toujours que le Dr Mikhail avait droit à un remboursement en avril 2000. En ayant accepté de prolonger la période de validité de son billet d'avion acheté en 1995, Aerolineas Argentinas ne pouvait pas priver le Dr Mikhail de son droit de demander un remboursement aux termes de son tarif international qui prescrit clairement que les remboursements seront accordés au cours d'une période de deux ans suivant la date d'expiration de la validité du billet d'avion, non pas du billet d'avion « original ». Par conséquent, suite à l'acceptation par Aerolineas Argentinas de modifier la période de validité du billet original, il était raisonnable que le Dr Mikhail ait pu s'attendre à recevoir un remboursement pour la partie inutilisée du billet d'avion de son épouse, si cette dernière décidait de demeurer au Canada.
Compte tenu de ce qui précède, que le billet accordé au Dr Mikhail soit considéré comme un nouveau billet d'avion ou une prolongation du billet original, le tarif international d'Aerolineas Argentinas est explicite et permet à un passager de demander un remboursement dans les deux ans suivant la date d'expiration de la validité du billet. Par conséquent, dans le cas qui nous occupe, en avril 2000, le Dr Mikhail avait droit de demander et d'obtenir un remboursement pour la partie inutilisée du billet d'avion de son épouse.
Les conditions applicables à la catégorie du tarif acheté pourraient également avoir une incidence sur l'applicabilité de la clause de remboursement. À cet égard, au moment où le Dr Mikhail a versé la somme additionnelle de 721 $ CAN en novembre 1995, son billet restreint pour un voyage aller-retour a été reclassé et est devenu un tarif Y2 sans restriction régi par la Règle 7001 d'Aerolineas Argentinas publiée par la Airline Tariff Publishing Company (ci-après la ATPCo). Pour déterminer si ce tarif est remboursable ou non, il faut se référer à la catégorie 16, intitulée « Pénalités » [Traduction], de la Règle 7001. Dans ce cas-ci, la Règle 7001 ne renferme aucune disposition se rapportant à la catégorie 16. En conséquence, il faut se référer à la Règle générale C2, énoncée dans le International Passenger Governing Tariff (Tarif international de transport de passagers) NTA(A) no 373 (code valide de l'ATPCo auquel participe Aerolineas Argentinas), pour déterminer pourquoi rien n'est mentionné à ce sujet. La Règle C2 précise qu'en l'absence de cette catégorie, il n'y a aucune restriction en ce qui concerne l'annulation et le remboursement de ce tarif. Par conséquent, le Tarif Y2 est non restreint et remboursable, tout en prévoyant une pénalité en cas de changement dans le billet restreint original, qui demeure non remboursable. Ainsi, en ayant fait l'acquisition d'un billet Y2 ouvert, l'épouse du Dr Mikhail avait droit à un remboursement intégral de la partie inutilisée de son billet d'avion, sous réserve d'une pénalité administrative.
À la lumière de ce qui précède, l'Office est d'avis que, en refusant la demande de remboursement du Dr Mikhail pour la partie inutilisée du billet de son épouse, Aerolineas Argentinas a enfreint le paragraphe 110(4) du RTA, puisqu'elle n'a pas respecté les conditions de transport énoncées dans les Règles C90(A)(5) et (6) de son tarif international.
Par conséquent, l'Office croit qu'Aerolineas Argentinas devrait appliquer son tarif international et rembourser à l'épouse du Dr Mikhail la partie inutilisée du billet en question, sous réserve de la pénalité administrative.
CONCLUSION
À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'Aerolineas Argentinas n'a pas respecté les conditions de transport énoncées dans son tarif international versé au dossier de l'Office et a ainsi enfreint le paragraphe 110(4) du RTA.
Par conséquent, l'Office enjoint par les présentes à Aerolineas Argentinas de se conformer aux conditions de transport que renferme son tarif international.
- Date de modification :