Décision n° 709-AT-A-1999

le 20 décembre 1999

le 20 décembre 1999

DEMANDE présentée par Jeanne Pelletier, en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, au sujet du niveau d'assistance avec fauteuil roulant fournie par Air Canada lors d'un voyage de retour à Victoria (Colombie-Britannique) en provenance de Montréal (Québec), en janvier 1999.

Référence no U 3570/99-37


DEMANDE

Le 10 août 1999, Marie Claire Pelletier, au nom de sa mère Jeanne Pelletier, a déposé une demande auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) relativement à l'affaire énoncée dans l'intitulé.

Air Canada a déposé sa réponse le 13 septembre 1999, et le 30 septembre 1999, l'Office recevait la réplique de Mme Pelletier.

Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office doit rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu d'une prolongation du délai jusqu'au 20 décembre 1999.

QUESTION

L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance fournie avec fauteuil roulant a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Pelletier et, le cas échéant, les mesures correctives qui doivent être prises.

FAITS

Jeanne Pelletier est âgée de 80 ans et a une mobilité réduite. Elle a de la difficulté à monter et descendre les escaliers et a besoin d'un fauteuil roulant pour parcourir de longues distances. Cette information avait été transmise à toutes les aérogares concernées d'Air Canada au moyen du dossier passager de Mme Pelletier qui contenait le code de service spécial « WCHS ».

D'après l'itinéraire initial du 5 janvier 1999, Mme Pelletier et sa fille devaient prendre le vol no 109 d'Air Canada de Montréal (Québec) à Vancouver (Colombie-Britannique), avec escale à Toronto (Ontario). À Vancouver, elles devaient prendre une correspondance pour Victoria (Colombie-Britannique).

Le vol no 109, qui devait quitter l'aéroport Dorval à 11 h, a été retardé de deux heures et est arrivé à Toronto au milieu d'une importante tempête de neige. Les passagers à destination de Vancouver ont été informés qu'ils étaient transférés à un autre aéronef qui partait de la porte 78 à 15 h.

Mme Pelletier et sa fille ont débarqué sans bénéficier d'assistance avec fauteuil roulant. La fille de Mme Pelletier s'est adressée à un agent du transporteur aérien qui a réussi à trouver un fauteuil roulant. Cet agent a ensuite dirigé Mme Pelletier et sa fille à la porte 78 pour leur correspondance. À cette porte, les passagères ont appris que le vol était complet et elles ont été redirigées à la porte 81 pour un vol devant partir plus tard, soit à 16 h. Le départ a cependant été reporté à 18 h. La fille de Mme Pelletier a alors avisé un agent que sa mère était épuisée et ne pouvait pas attendre tout ce temps. Des sièges leur ont donc été réservés sur le vol 115 devant partir à 17 h 30 à la porte 83. Ce vol a lui aussi été retardé et est parti après 19 h.

En arrivant à Vancouver, aucun fauteuil roulant n'était disponible à la porte de l'aéronef et un membre de l'équipe de vol a escorté les deux passagères dans un long corridor à partir de l'avion et a ensuite pris des arrangements pour qu'une voiturette électrique les transporte à la porte A9 pour le vol no 1519 d'AirBC à destination de Victoria. Les passagères sont arrivées en retard et ont raté le vol. Le prochain vol, prévu pour 22 h 35, a été retardé et est parti à 23 h 30.

À Victoria, pendant qu'elle était toujours à bord de l'aéronef, Mme Pelletier a ressenti un malaise et a perdu connaissance. Elle a été ranimée par sa fille avec l'aide d'un agent de bord. Des techniciens paramédicaux et des ambulanciers ont été appelés pour s'occuper de Mme Pelletier. À la suite de cet incident, Mme Pelletier a déclaré qu'elle se sentait assez bien pour rentrer chez elle et les ambulanciers l'ont aidée à récupérer ses bagages et à prendre un taxi.

Par suite des incidents susmentionnés, la fille de Mme Pelletier a déposé une plainte directement auprès d'Air Canada, au nom de sa mère, afin d'obtenir des excuses pour le traitement dont sa mère et elle-même ont fait l'objet et pour que le transporteur reconnaisse la gravité de la situation.

POSITIONS DES PARTIES

La fille de Mme Pelletier estime qu'elle et sa mère n'ont pas reçu l'assistance avec fauteuil roulant demandée et que le personnel d'Air Canada aurait dû faire preuve de plus de considération et de compassion compte tenu de l'âge de sa mère et pour son bien-être.

Elle déclare que dès leur arrivée à l'aéroport à Montréal il y avait de longues files aux comptoirs d'enregistrement et que les agents étaient tous occupés. Sachant que sa mère ne pourrait pas attendre debout en ligne longtemps, elle l'a accompagnée au comptoir des services spéciaux dans l'espoir de recevoir de l'aide. Elle a laissé sa mère en ligne à ce comptoir et est allée chercher de l'assistance. Elle affirme s'être adressée à un représentant d'Air Canada qui lui a fourni un fauteuil roulant et qui a accompagné sa mère et elle-même jusqu'à un autre agent qui les a enregistrées sur le vol no 109 à destination de Toronto.

La fille de Mme Pelletier fait valoir qu'étant donné l'âge et la mobilité réduite de sa mère, elles auraient dû avoir la priorité pour prendre le vol qui partait de la porte 78 à Toronto, avant d'autres passagers qui étaient plus en mesure d'attendre. Elle ajoute que lorsqu'elle est retournée à la porte 78 pour s'informer, elle a entendu les noms de passagers en attente être appelés pour l'embarquement.

Comme les passagères n'ont pas pu prendre le premier vol à destination de Vancouver, la fille de Mme Pelletier fait valoir qu'Air Canada aurait dû leur fournir une chambre pour la nuit et leur permettre de prendre un vol le lendemain ou, du moins, leur donner des bons de repas étant donné qu'elles n'avaient mangé qu'un léger goûter sur le vol de Montréal.

Selon la fille de Mme Pelletier, cette dernière est tombée malade à bord de l'aéronef en raison des longs délais, du stress et du manque de sommeil et de nourriture.

Air Canada déclare que les mauvaises conditions météorologiques dans la région de Toronto au début de janvier 1999 ont eu une incidence sur ses opérations à l'aéroport international Lester B. Pearson, ainsi qu'à d'autres aérogares. Le transporteur reconnaît les lacunes dans le service et explique qu'elles ne reflètent pas le niveau de service fourni dans des circonstances normales.

Pour ce qui est de la priorité d'embarquement, Air Canada affirme qu'elle ne procède pas à l'embarquement des passagers en attente avant les passagers réguliers lorsqu'elle ne peut transporter tous les passagers payants. Air Canada ajoute que les noms que la fille de Mme Pelletier a entendus à la porte 78 étaient ceux d'autres passagers, comme sa mère et elle-même, touchés par l'irrégularité.

Air Canada indique qu'en vertu de sa politique sur les irrégularités d'exploitation elle fournit des chambres d'hôtel lorsque les vols sont annulés et qu'aucun autre arrangement de voyage ne peut être pris pour transporter les passagers avant le lendemain. Dans le cas présent, cependant, les passagères ont pu voyager le même jour. Air Canada ajoute que si la fille de Mme Pelletier avait demandé une chambre pour la nuit ou des bons de repas, le transporteur aurait probablement acquiescé compte tenu de l'état de Mme Pelletier.

Air Canada s'est excusée auprès de Mme Pelletier et de sa fille et a indiqué qu'elle regrettait sincèrement de ne pas avoir pu offrir le niveau de service habituellement offert aux clients. En outre, elle a donné 15 000 milles Aéroplan à la fille de Mme Pelletier pour les inconvénients subis, de manière à témoigner de sa bonne volonté.

D'après la fille de Mme Pelletier, Air Canada a fait preuve d'un manque total de sollicitude à l'endroit des passagers âgés/à mobilité réduite, tant aux aéroports que dans la façon dont sa plainte a été traitée. Elle croit que les lettres d'excuses d'Air Canada ne reconnaissent pas la gravité de la situation et que le transporteur n'a pas exprimé de regrets ou de soucis sincères. De plus, Air Canada n'a pas expliqué pourquoi l'assistance demandée n'a pas été fournie. À son avis, c'était en raison d'un manque de communication et d'organisation, puisque la demande de service spécial avait été déposée des mois avant le voyage.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les documents présentés par les parties durant les plaidoiries.

Conformément à l'article 151 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), les transporteurs aériens doivent fournir les services décrits à l'article 147 lorsque la demande est faite au moins 48 heures avant l'heure prévue pour le départ d'un vol.

En outre, l'article 147 du RTA établit, en partie, que le transporteur aérien doit fournir les services suivants : (...)

b) assistance pour se rendre à l'aire d'embarquement;

c) assistance à l'embarquement et au débarquement; (...)

En ce qui concerne le manque d'assistance immédiate à Montréal, l'Office note que les transporteurs fournissent habituellement l'assistance avec fauteuil roulant demandée une fois que les passagers se sont nommés au point d'enregistrement. L'incident à Dorval rapporté par la fille de Mme Pelletier s'est produit avant l'enregistrement. L'Office reconnaît toutefois que lorsque la fille de Mme Pelletier s'est adressée à un représentant d'Air Canada, l'assistance avec fauteuil roulant demandée a été fournie. L'Office ne peut donc pas déterminer qu'Air Canada a contrevenu aux dispositions susmentionnées du RTA dans ce cas.

L'Office conclut cependant qu'Air Canada n'a pas respecté les exigences susmentionnées du RTA à Toronto et Vancouver, car aucune assistance avec fauteuil roulant n'a été fournie pour le débarquement de Mme Pelletier. En outre, le personnel d'Air Canada à Toronto n'a pas fourni d'assistance à Mme Pelletier pour se rendre aux différentes portes d'embarquement.

L'Office constate que les circonstances à Toronto étaient exceptionnelles lorsque Mme Pelletier et sa fille ont voyagé, car une importante tempête de neige perturbait les activités à l'aéroport international Lester B. Pearson. L'aéroport était fortement congestionné et il y avait une accumulation de passagers en raison des vols annulés, des retards dans les arrivées et départs, etc. Même si la situation à l'aéroport a pu être chaotique et que le changement de vol a été imprévu, l'Office est d'avis que le personnel du transporteur aurait dû consulter le manifeste des passagers pour prendre connaissance du service spécial demandé par Mme Pelletier bien avant le délai prévu à l'article 151 du RTA. Même s'il n'y avait pas de fauteuil roulant à la porte de l'aéronef, le personnel du transporteur aérien aurait dû expliquer la situation à Mme Pelletier et lui conseiller d'attendre pendant qu'on allait chercher un fauteuil roulant.

Quant au manquement sur le plan du service à Vancouver, l'Office est d'avis qu'un fauteuil roulant aurait dû être fourni en temps opportun de la porte de l'aéronef à la voiturette électrique, étant donné que la demande de service spécial était bien documentée et que l'information avait été transmise à toutes les aérogares concernées d'Air Canada. Les conditions à Toronto ont pu avoir une incidence sur l'horaire des vols, mais Air Canada n'a pas fourni d'explication pour le problème à Vancouver.

À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas respecté les alinéas 147(1)b) et c) du RTA.

L'Office conclut que le manque d'assistance immédiate avec fauteuil roulant à Toronto et Vancouver a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Pelletier. Dans le premier cas, sa fille a dû chercher de l'assistance, ce qui a été une source de difficulté et de frustration pour les deux passagères. Dans le second cas, Mme Pelletier a dû parcourir une longue distance de l'aéronef jusqu'à une voiturette électrique. L'Office estime que l'obstacle a été abusif, car il aurait pu être facilement évité si le personnel avait vérifié le dossier passager de Mme Pelletier et fourni un fauteuil roulant à la porte de l'aéronef dans les deux cas.

L'Office reconnaît que les vols retardés et les changements de porte ont été une source d'inconvénients, ainsi que des facteurs de frustration et d'épuisement. Par ailleurs, le problème a été aggravé en raison des conditions météorologiques à Toronto. Même si l'Office conclut que cette situation a constitué un obstacle, il s'agit d'un obstacle auquel tous les voyageurs ont été confrontés.

L'Office constate que selon la politique sur les irrégularités d'exploitation du transporteur, Air Canada fournit, dans certaines circonstances, des bons de repas et des chambres d'hôtel aux passagers immobilisés à l'aéroport, et que Mme Pelletier et sa fille auraient pu bénéficier de tels services si elles s'étaient manifestées et qu'elles avaient demandé ces services.

CONCLUSION

À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas respecté les dispositions de l'article 147 du RTA, car ses employés n'ont pas fourni les services demandés à l'avance et n'ont pas déployé les efforts raisonnables pour répondre aux besoins de Mme Pelletier, ce qui a créé un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

Air Canada devrait être consciente du fait que l'Office estime que toute contravention aux dispositions du RTA est sérieuse et qu'il prendra les mesures appropriées en cas de récidive.

L'Office insiste sur le fait qu'il est important que le personnel du transporteur aérien soit toujours au courant des exigences du RTA en ce qui a trait au transport des personnes ayant une déficience en vue d'éliminer les obstacles abusifs à leurs possibilités de déplacement. L'Office exige qu'Air Canada informe son personnel des incidents décrits dans la présente et que le transporteur prenne les mesures nécessaires pour rappeler à ses employés leurs responsabilités.

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