Décision n° 742-W-1995
le 9 novembre 1995
RELATIVE au projet de tarif de droits de pilotage publié par l'Administration de pilotage de l'Atlantique dans la partie I de la Gazette du Canada le 17 juin 1995; aux avis d'opposition déposés par La Fédération maritime du Canada, la Halifax-Dartmouth Port Development Commission, Kent Line Limited, North Atlantic Refining Limited et la Halifax Shipping Association; et aux interventions déposées par la Société du port de Halifax et par M. Geoff Regan, député de Halifax-Ouest.
Référence no W 9250-2-9
CONTEXTE
Conformément au paragraphe 34(1) de la Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), ch. P-14, l'Administration de pilotage de l'Atlantique (ci-après l'Administration) a publié un projet de modification au Règlement sur le tarif de pilotage de l'Atlantique dans la partie I de la Gazette du Canada le 17 juin 1995. Ce projet comporte des augmentations tarifaires diverses allant de 2 à 20 p. 100 qui devraient être mises en vigueur le 1er janvier 1996 dans toutes les zones de pilotage obligatoire.
Cinq avis d'opposition au projet de modification de tarif de droits de pilotage ont été déposés auprès de l'Office national des transports (ci-après l'Office) entre les 14 et 17 juillet 1995 par les organismes suivants :
- La Fédération maritime du Canada (ci-après la Fédération);
- la Halifax-Dartmouth Port Development Commission (ci-après la Commission);
- Kent Line Limited (ci-après Kent Line);
- North Atlantic Refining Limited; et
- la Halifax Shipping Association (ci-après l'Association).
Des interventions ont été déposées par la Société du port de Halifax le 17 juillet 1995 et par M. Geoff Regan, député de Halifax-Ouest, le 21 août 1995. Bien que l'intervention déposée par M. Regan ait été reçue après la date limite pour le dépôt des interventions prévue dans les Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'Office a accepté l'intervention de M. Regan et lui a accordé le statut d'intervenant.
L'Administration a déposé sa réponse aux oppositions le 17 août 1995.
Advenant le dépôt d'un avis d'opposition, l'Office, en vertu du paragraphe 34(4) de la Loi sur le pilotage, doit faire l'enquête qu'il estime nécessaire ou souhaitable relativement au projet de droits visé par cette opposition. L'article 35 de la Loi sur le pilotage oblige l'Office à faire une recommandation à l'Administration et d'en fournir une copie au ministre des Transports. L'Administration est obligée d'en tenir compte.
En vertu de la Loi sur le pilotage, l'Administration a pour mission de mettre sur pied, de faire fonctionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécurité de la navigation, un service de pilotage efficace. En exécutant son mandat, elle est tenue de fixer des droits de pilotage équitables et raisonnables, en tenant compte du fait que l'Administration devra en tirer un revenu qui, avec les revenus provenant d'autres sources, devra lui permettre le financement autonome de ses opérations.
Le rôle de l'Office, en vertu du mandat qui lui est dévolu aux termes de la Loi sur le pilotage, consiste à établir si les droits de pilotage proposés vont à l'encontre de l'intérêt public. Ce faisant, l'Office doit établir si l'Administration a calculé ses coûts en fonction de la rentabilité économique et si les redevances proposées sont équitables et raisonnables.
Au moment de choisir une méthode d'enquête sur le projet de tarif de l'Administration, l'Office a conclu qu'il serait utile de tenir une audience des parties pour déterminer si la proposition tarifaire est équitable et raisonnable. Le 30 août 1995, l'Office a informé les parties au dossier qu'une audience ferait partie de l'enquête sur le projet de tarif. Le 14 septembre 1995, l'Office a publié un avis d'audience indiquant que cette dernière se tiendrait à Halifax (Nouvelle-Écosse) à compter du 18 octobre 1995. L'Office a publié des directives procédurales concernant la conduite de l'audience des parties le 5 octobre 1995.
Par l'arrêté no 1995-W-305 du 17 juillet 1995, l'Office a ordonné à l'Administration de lui fournir une justification tarifaire et certains renseignements, certaines précisions et certains documents relatifs aux finances, aux activités et à la gestion de l'Administration. L'arrêté précisait que ces données devaient être déposées auprès de l'Office au plus tard le 16 août 1995. L'Administration était tenue de faire parvenir la justification tarifaire aux parties au dossier et de leur fournir, sur demande, les renseignements, précisions et documents, à l'exception des données confidentielles.
Après le dépôt de la justification tarifaire et des documents connexes par l'Administration, l'Office a donné aux parties au dossier l'occasion de formuler des observations sur la justification tarifaire et, à l'Administration, de présenter une réplique aux observations formulées. La Fédération maritime du Canada a été la seule partie à formuler des observations concernant la justification tarifaire et l'Administration y a répondu.
POSITION DES PARTIES
La Fédération a fait valoir que les augmentations tarifaires proposées ne devraient pas être mises en oeuvre d'un seul coup, mais plutôt être étalées sur plusieurs années. La Fédération a fait remarquer que puisque ses sociétés membres étaient les principaux usagers des services de pilotage de la région Atlantique, elle devrait avoir une plus grande influence dans l'établissement des niveaux et des coûts des services de pilotage, chose possible si de plus nombreuses consultations avaient lieu entre l'Administration et la Fédération.
La Fédération a signalé que l'Administration devrait envisager le recours aux services de pilotes à contrat plutôt qu'à des pilotes employés étant donné que ces services dans les zones de pilotage non obligatoire sont rentables. Par ailleurs, la Fédération a allégué qu'il est possible de réduire les coûts des bateaux-pilotes dans le district de St. John's et que les droits proposés pour les déplacements dans quatre ports étaient beaucoup trop élevés.
Enfin, la Fédération a recommandé que l'Administration augmente les droits minimums des petits navires étant donné que les services actuels sont offerts à un coût inférieur au coût de leur prestation.
La Commission a fait valoir que l'augmentation proposée au port de Halifax nuit aux efforts déployés par d'autres intérêts pour réduire les coûts à ce port. Par ailleurs, l'augmentation tarifaire au port de Halifax générera des profits qui seront utilisés pour interfinancer d'autres ports plus petits. La répartition des frais généraux de l'Administration d'après le nombre d'unités pénalise le port de Halifax étant donné qu'il accueille un plus grand nombre de gros navires que les autres ports. La répartition devrait se faire d'après les dépenses directes. Selon la Commission, les subventions versées à l'Administration de pilotage des Laurentides constituent une forme de concurrence déloyale envers le port de Halifax.
L'Association a fait valoir que l'augmentation tarifaire prévue pour le port de Halifax nuira à la compétitivité du port et entraînera un interfinancement des plus petits ports. La méthode de répartition des frais généraux devrait être modifiée de façon à réduire les coûts au port de Halifax. L'octroi continu de subventions aux opérations de l'Administration de pilotage des Laurentides est carrément injuste pour le port de Halifax qui voit sa compétitivité minée par rapport à celle du port de Montréal.
Kent Line était d'avis que les augmentations tarifaires ne sont pas justifiées compte tenu de l'augmentation de 7 p. 100 approuvée par l'Office en 1994, et qu'elles sont beaucoup plus importantes que les augmentations des coûts de l'industrie qui se chiffrent à environ 1,5 à 2 p. 100 par année.
North Atlantic Refining Limited souligne que la hausse des droits pour un déplacement occasionnera des augmentations de coûts pour les navires allant de 185 à 690 p. 100. Ces augmentations sont injustes et inacceptables dans le contexte économique actuel. Elle indique également que les droits perçus des navires à Come-by-Chance sont beaucoup plus élevés que les droits perçus à d'autres ports quand on les compare d'après le nombre d'affectations et qu'ils sont donc inacceptables. De plus, elle estime que les frais généraux de l'Administration sont trop élevés.
La Société du port de Halifax a fait valoir que l'augmentation tarifaire prévue pour le port de Halifax va à l'encontre de tous les efforts déployés pour réduire au minimum les coûts du port et qu'elle sera utilisée pour interfinancer de plus petits ports. Elle a ajouté que la répartition des frais généraux devrait se faire selon le nombre d'affectations.
La Fédération, la Commission, l'Association et Kent Line se sont présentées à l'audience pour étoffer leurs mémoires. Les intérêts de la région du port de Halifax ont mis l'accent sur la répartition des frais généraux administratifs. La répartition des frais administratifs indirects est actuellement fondée sur les unités de pilotage, ce qui reflète le concept selon lequel les ports qui accueillent les gros navires sont mieux en mesure de payer. La Commission et l'Association ont prié instamment l'Office de recommander que les frais généraux soient fondés sur le nombre d'affectations, étant donné qu'à leur avis, la taille d'un navire n'a rien à voir avec les éléments de frais administratifs indirects. Selon la Commission, même si le port de Halifax représentait 27 p. 100 des dépenses de fonctionnement totales de l'Administration et a effectué 38 p. 100 de l'ensemble des affectations de l'Administration en 1994, il a dû assumer 45 p. 100 du total des frais administratifs de l'Administration. Les opposants se sont unis pour dire que la répartition actuelle des coûts constitue un fardeau indu et injuste pour le port de Halifax.
La Commission et l'Association ont formulé une mise en garde : le port de Halifax est extrêmement sensible aux augmentations tarifaires en raison de la concurrence qu'il livre aux ports du nord-est des États-Unis. Certaines des augmentations proposées sont minimes sur le plan du pourcentage des coûts d'exploitation totaux des navires, mais la compétitivité du port de Halifax pourrait être gravement touchée par ces petites augmentations.
La Commission, l'Association et Kent Line ont réitéré que les profits générés aux ports de Halifax et de Saint John ne devraient pas être utilisés pour combler les pertes subies aux autres ports de l'Administration. La Commission a mentionné la décision de l'Office no 195-W-1994 du 29 avril 1994 relativement à la proposition tarifaire précédente de l'Administration dans laquelle l'Office avait refusé un niveau d'augmentation qui aurait généré des profits qui auraient pu être utilisés pour combler les pertes des autres ports.
La Fédération a fait valoir son argument selon lequel le droit minimum au port de Halifax ne couvre pas les coûts et devrait par conséquent être rajusté. La Fédération s'est dite d'avis que le coût des nouveaux bateaux-pilotes ne devrait pas être récupéré au moyen d'un tarif et que cette question devrait faire l'objet de consultations avec l'industrie.
Les opposants ont laissé entendre que l'Administration pourrait prendre des mesures pour réduire ses coûts, soit en réduisant ou en relocalisant les effectifs de pilotes, en octroyant des contrats pour les services de bateaux-pilotes, en utilisant des technologies modernes, ou encore en concluant des conventions collectives plus favorables et plus souples. La Commission s'est dite d'avis que puisque l'Administration obtenait des augmentations tarifaires à intervalles réguliers, rien ne l'incitait à envisager des mesures de réduction des coûts.
QUESTIONS
Les questions suivantes ont été soulevées dans les oppositions et les interventions écrites et font partie de l'évaluation de la proposition tarifaire effectuée par l'Office :
- le calendrier des augmentations compte tenu du climat économique;
- le niveau des coûts de l'Administration et le contrôle qu'elle exerce sur ces coûts;
- l'inefficacité dans les zones de pilotage obligatoire liée aux pilotes employés;
- l'interfinancement de plus petits ports en utilisant les profits générés par le port de Halifax;
- les augmentations des droits pour un déplacement à certains ports;
- la répartition des frais généraux de l'Administration; et
- l'augmentation des coûts des bateaux-pilotes.
Dans sa décision no 195-W-1994, l'Office a indiqué que le coût de la prestation des services de pilotage doit être justifiable et fondé sur une exploitation économique et efficace, et que les profits réalisés par le port de Halifax ne devraient pas servir à interfinancer d'autres ports. L'Office a conclu en disant que, compte tenu de l'incertitude caractérisant les prévisions de trafic, il ne pouvait déterminer avec certitude si l'augmentation tarifaire de la deuxième année était juste et raisonnable. Par ailleurs, l'Office a réitéré son opinion selon laquelle l'Administration devrait faire en sorte que chaque district soit autonome financièrement et a précisé que les propositions tarifaires qui tiennent compte des besoins en recettes de chaque district étaient préférables aux augmentations générales.
Dans la même décision, l'Office a reconnu que l'Administration ne pouvait pas accroître suffisamment ses recettes pour contrebalancer les coûts dans certains ports où la demande était faible, ce qui a pour effet de créer un interfinancement. Par ailleurs, l'Office a reconnu les contraintes imposées à l'Administration dans la Loi sur le pilotage, lesquelles ont une incidence sur ses coûts d'exploitation.
Par conséquent, l'Office a effectué l'évaluation de la proposition tarifaire actuelle dans le contexte des questions soulevées par les opposants et par les intervenants et des conclusions de l'Office dans sa décision no 195-W-1994.
EXAMEN DES ACTIVITÉS ET DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'ADMINISTRATION
L'examen des résultats d'exploitation des activités de pilotage obligatoire au cours de la période allant de 1992 à 1994 et des résultats prévus pour les années 1995 et 1996 a été effectué par l'Office. Il a été déterminé que l'Administration a continué de compter sur les crédits gouvernementaux pour combler ses déficits de 1993 et de 1994, mais elle en a considérablement réduit le montant comparativement à 1992. La perte de 1994 se chiffrait à 772 000 $ par rapport à la perte de 1 436 000 $ en 1992. Le trafic a connu une légère baisse d'environ 4 p. 100 au cours de la période 1992 à 1994.
Entre 1992 et 1994, les recettes de pilotage de l'Administration ont augmenté de 5,3 p. 100 tandis que les dépenses ont diminué de 4,8 p. 100. La croissance des recettes est attribuable à une augmentation tarifaire de 4,7 p. 100 en juin 1992 dans huit ports et d'une augmentation de 7 p. 100 en août 1994 dans tous les ports, à l'exception de Halifax qui a comptabilisé une augmentation de 3 p. 100. De même, la dimension moyenne des navires continue de croître, ce qui génère plus de recettes par affectation. Les réductions de coûts ont été enregistrées principalement au chapitre des frais administratifs; les dépenses liées aux bateaux-pilotes sont demeurées stables au cours de cette période et les salaires et les bénéfices des pilotes ont légèrement augmenté.
Le gel des salaires des pilotes employés par l'Administration et d'autres employés qui était en vigueur en 1993 et en 1994 s'est poursuivi en 1995. L'augmentation de salaire pour les pilotes employés en 1995-1996 est limitée à 2 p. 100 ou la hausse du coût de la vie, en retenant le plus élevé; le plafond est de 3 p. 100. Les paiements des contrats de bateaux-pilotes sont restés gelés en 1995, à l'exception de trois entrepreneurs qui ont eu droit à des augmentations de 2 p. 100 parce que leurs contrats avaient été octroyés avant que l'Administration n'adopte le gel. Les services de bateaux-pilotes au port de St. John's seront assurés par un entrepreneur, ce qui permettra de réaliser des économies.
En préparant ses prévisions de 1995 et de 1996, l'Administration a supposé que le volume de trafic resterait le même pour les deux ans. L'Administration a indiqué qu'elle a préparé ses prévisions d'après des discussions tenues avec des sociétés de transport maritime, des agents, des exploitants de terminaux, des groupes d'intérêts portuaires et l'industrie et des renseignements obtenus de ces derniers; ces organismes ne préparent leurs prévisions qu'une année à la fois. Ces renseignements, combinés aux résultats réels des huit premiers mois de 1995, ont donné une prévision de 7 680 affectations pour 1995 et 1996, ce qui représente une diminution de 4,2 p. 100 par rapport à 1994.
L'Administration prévoit une perte de 269 000 $ en 1995 et un profit de 84 000 $ en 1996 au chapitre des activités dans les zones de pilotage obligatoire en supposant que le projet de tarif soit mis en vigueur le 1er janvier 1996. La réduction du déficit en 1995 est liée à l'effet intégral de l'augmentation de 7 p. 100 en vigueur en 1994 ainsi qu'à l'accroissement de la taille moyenne des navires.
ÉVALUATION DU PROJET DE TARIF PAR L'OFFICE
L'Office a examiné avec soin les mémoires des parties, la justification du tarif et les documents connexes obtenus de l'Administration, de même que la preuve présentée à l'audience des parties.
Le projet de tarif de l'Administration, qui prévoit des augmentations de taux distinctes pour chaque port d'une zone de pilotage obligatoire, est le type de proposition que l'Office a encouragé dans des décisions antérieures sur des hausses de ce genre. L'Office avait signalé dans ces décisions que l'Administration devrait faire en sorte que chaque district soit autonome financièrement et, éventuellement, que chaque port le soit. Pour ce faire, les propositions tarifaires devraient comprendre des taux distincts pour chaque port.
Dans ses décisions antérieures, l'Office a également précisé que, pour que les droits de pilotage soient équitables et raisonnables, ils doivent être fondés sur un service économique et efficient. Au cours de l'examen de la présente proposition tarifaire, l'Office note que l'Administration continue d'ajuster les effectifs de pilotes d'après l'évolution des niveaux de trafic et qu'elle compte actuellement des effectifs qui semblent raisonnables. Bien que la productivité des pilotes du district de St. John's soit encore inférieure à la norme adoptée pour ce district, le fait de desservir quatre ports simultanément pourrait empêcher toute réduction additionnelle de l'effectif. L'Administration a fait remarquer que dans son examen des effectifs de pilotes, elle doit non seulement prendre en considération la charge de travail, mais aussi les absences des pilotes en raison de maladie, de congés annuels, de blessures fortuites et de formation. Les effectifs de pilotes dans tous les autres ports d'une zone de pilotage obligatoire semblent compter des effectifs raisonnables, qui sont nécessaires pour répondre aux besoins du trafic 24 heures sur 24.
Sur le plan de la rentabilité, l'Administration exerce un contrôle sur ses coûts. Le gel des salaires des pilotes qui était en vigueur en 1993 et 1994 s'est poursuivi en 1995; l'augmentation pour 1995-1996 est limitée à 2 p. 100 ou à l'augmentation du coût de la vie, en retenant le plus élévé des deux; le plafond est de 3 p. 100. Le gel des prix des contrats pour les services de bateaux-pilotes a été maintenu en 1995, à l'exception de trois entrepreneurs qui ont reçu une augmentation de 2 p. 100; ces augmentations étaient prévues dans les contrats avant l'entrée en vigueur du gel actuel.
Évaluation des ports et des districts
On prévoit que le district du Cap-Breton devrait devenir financièrement autonome en 1996 grâce aux hausses tarifaires proposées qui se chiffrent en moyenne à 9,3 p. 100 pour Sydney, Bras d'Or et Canso. Outre l'augmentation des droits de base et des droits unitaires pour les voyages, l'Administration propose de modifier le droit pour un déplacement d'un droit fixe à un droit variable composé d'éléments de base et unitaires. L'examen du trafic dans le district révèle qu'environ 7 p. 100 des affectations sont des déplacements. Si l'on applique ce ratio au volume de trafic projeté pour 1996, on obtient approximativement 70 déplacements en 1996. De ce nombre, le profil des navires figurant dans le Rapport des demandes de service par unité de pilotage de l'Administration pour 1994 révèle que deux ou trois navires devraient être assujettis à des droits pour déplacements allant de 1 600 $ à 1 900 $ comparativement au droit actuel de 605 $. Deux ou trois autres navires seraient assujettis à des droits pour déplacements d'environ 1 200 $. Ces augmentations seraient les plus importantes proposées; d'autres navires assujettis à des droits pour déplacements devraient faire l'objet de droits maximums de 900 $ par rapport au droit actuel de 605 $. Par conséquent, les importantes augmentations des droits pour déplacements s'appliquent à une partie minime de l'ensemble du trafic.
Pour ce qui est du district Humber Arm/Stephenville/Bay of Exploits, les augmentations de tarif proposées, qui se chiffrent en moyenne à 16,6 p. 100 pour les trois ports, devraient générer suffisamment de recettes additionnelles pour permettre à ce district d'être financièrement autonome en 1996. Il est possible que l'Administration transfère un pilote de Bay of Exploits au district de St. John's en 1996, possibilité dont on tient compte dans les prévisions. Si l'Administration ne transférait pas le pilote, le district Humber Arm/Stephenville/Bay of Exploits ne serait pas financièrement autonome en 1996, même avec les augmentations tarifaires proposées.
Les augmentations proposées pour le district de St. John's s'élèvent en moyenne à 19 p. 100 pour les quatre ports, ce qui devrait réduire la perte d'exploitation pour 1996. Toutefois, le district enregistrera quand même une perte cette année-là. L'Administration a reconnu qu'il n'était pas possible d'atteindre l'autonomie financière en un an grâce à une seule augmentation tarifaire importante. Outre l'augmentation des droits pour voyages dans le district, l'Administration propose de modifier les droits pour déplacements à Come-by-Chance. L'Administration a fait savoir que le temps nécessaire à un pilote pour mener à bien une affectation de déplacement représente 90 p. 100 du temps nécessaire à un pilote pour effectuer un voyage et que le droit fixe actuel pour un déplacement ne reflète pas le coût réel de ce genre d'affectation. Le droit proposé pour un déplacement, qui a été fixé à 90 p. 100 du droit proposé pour les voyages, vise à correspondre plus exactement aux coûts liés à un déplacement.
L'examen des Rapports des demandes de service par unité de pilotage pour 1993 et 1994 indique qu'environ 20 p. 100 des affectations à Come-by-Chance sont des déplacements. Si l'on applique ce ratio aux prévisions de trafic de 1996 (224 affectations), on obtient une estimation d'environ 45 déplacements en 1996. Le profil des navires à ce port montre que les navires assujettis à des droits pour déplacements feront l'objet d'augmentations de droits allant de 800 $ à 6 200 $ en sus du droit actuel de 523 $. À l'audience, l'Administration a expliqué que ces augmentations beaucoup plus importantes à Come-by-Chance par rapport au Cap-Breton étaient attribuables à l'incidence des économies d'échelle. Les niveaux de trafic sont considérablement plus élevés au Cap-Breton, ce qui fait que les frais peuvent être répartis sur un plus grand nombre d'affectations.
Le profil du trafic laisse entrevoir que quatre ou cinq navires seraient assujettis à des augmentations de 6 200 $; quatre ou cinq autres navires devraient faire l'objet d'augmentations de l'ordre de 4 300 $, tandis que le reste des navires qui sont assujettis à des droits pour déplacements ferait l'objet d'augmentations pouvant aller jusqu'à 2 000 $ en sus du droit actuel de 523 $. Comme c'était le cas dans le district du Cap-Breton, le nombre de navires assujettis aux augmentations maximales des droits pour déplacements est relativement minime.
L'Office prend note du fait que son prédécesseur, la Commission canadienne des transports (ci-après la CCT), a examiné les droits pour déplacements au cours de ses enquêtes de 1977, 1978 et 1979 sur les tarifs. Dans ses décisions, la CCT s'est dite d'avis que les droits fixes pour déplacements constituent une anomalie du tarif, compte tenu du fait que les droits pour voyages étaient fondés sur le principe du coût plus élevé pour les plus gros navires. La CCT estimait que les droits pour déplacements devraient également être fondés sur ce principe. L'Administration a adopté des droits variables pour les déplacements aux ports de Halifax, Saint John et St. John's en 1979. À cette époque, on a choisi ces trois ports parce qu'ils représentaient 60 p. 100 du trafic total. Dans sa décision de 1979, la CCT a indiqué que l'Administration devrait éventuellement adopter un tarif dans lequel tous les droits pour déplacements seraient variables.
L'Office est d'avis que le changement d'un taux fixe à un taux variable pour les droits pour déplacements à Come-by-Chance est conforme à la façon dont les droits pour voyages sont perçus. Bien que l'augmentation des droits pour déplacements soit considérable en dollars, une partie relativement faible du trafic est touchée par celle-ci.
En ce qui a trait à Miramichi et Restigouche, l'Office constate que les fonctions de pilotes sont maintenant partagées en partie entre les deux ports. Ainsi, l'Office estime que les deux ports peuvent être considérés comme un district. Dans ce contexte, les augmentations proposées, qui s'élèvent en moyenne à 15,5 p. 100 pour les deux ports, devraient leur permettre d'être autonomes financièrement en 1996.
Pour ce qui est de Charlottetown et de Pugwash, bien que ces deux ports soient desservis par des pilotes à contrat et qu'ils enregistrent généralement des profits, l'Office estime que les augmentations proposées sont raisonnables. Ces pilotes à contrat ne sont pas couverts par une convention collective; leur revenu est donc directement lié au niveau de trafic et aux augmentations tarifaires.
Au port de Saint John, l'Administration propose une augmentation tarifaire de 2 p. 100 qui devrait maintenir la rentabilité des activités de ce port, mais dans une proportion moindre que ce qui avait été prévu pour 1995. L'Administration a indiqué que les prévisions de trafic pour le port de Saint John étaient ténues. À cet égard, l'Office remarque que si le nombre d'affectations prévues devait être de 4 ou 5 p. 100 inférieur aux prévisions, le port enregistrerait un déficit, même avec l'augmentation de 2 p. 100. L'Office reconnaît que les droits au port de Saint John ont été majorés de 7 p. 100 en 1994, ce qui a généré des recettes additionnelles pour le port. Cependant, ces recettes devraient être affectées aux réparations et remises en état nécessaires aux bateaux-pilotes, travaux que l'Administration avait reportés en raison de sa piètre situation financière.
Les augmentations de tarif prévues au port de Halifax devraient, selon l'Administration, accroître les recettes de 7 p. 100. Il s'agit également des augmentations qui ont suscité le plus d'opposition. Les opposants allèguent qu'en raison de la concurrence féroce que livre le port de Halifax aux ports américains, tous les coûts liés au port, y compris les droits de pilotage, devaient être réduits au minimum. Les opposants ont fait valoir que l'augmentation proposée produirait un profit excédentaire qui pourrait être utilisé pour interfinancer d'autres ports. Les opposants se sont fondés sur des décisions antérieures de l'Office dans lesquelles ce dernier précisait que le port de Halifax ne devrait pas avoir à interfinancer d'autres ports.
L'Office remarque que le port de Halifax devrait être financièrement autonome en 1995, à condition que le niveau d'affectations d'environ 3 200 soit atteint. S'il y avait une réduction d'aussi peu que 30 affectations, le port de Halifax pourrait à nouveau être en situation déficitaire. À l'audience, l'Administration a indiqué que les résultats de 1995 comprenaient une partie du trafic détourné de Montréal au cours de la grève des travailleurs du port, et que cette incidence avait été reportée dans les projections de 1996. L'Administration estime à 60 000 $ les recettes découlant du trafic détourné. Si cette incidence ne se répétait pas, les recettes prévues pour le port de Halifax diminueraient probablement d'environ 64 000 $ (60 000 $ plus l'augmentation de 7 p. 100), ce qui laisserait au port un profit moindre se chiffrant à environ 58 000 $.
L'incidence de cette perte de recettes au port de Halifax sur l'ensemble des résultats projetés pour l'Administration en 1996 serait la réduction de l'excédent de 84 000 $ à 20 000 $. En d'autres mots, les activités de pilotage obligatoire en 1996 s'effectueraient plus ou moins autour du seuil de rentabilité.
Dans l'examen du profit de 122 000 $ prévu au port de Halifax pour 1996, l'Office estime que ce montant devrait être rajusté pour y retrancher l'incidence du trafic détourné de Montréal en 1995. Sinon, cela sous-entend que le détournement de trafic est permanent ou encore que l'on suppose qu'il y aura une autre interruption de travail à Montréal en 1996. L'Office est d'avis que ni l'un ni l'autre de ces scénarios n'est réaliste. Dès lors, l'estimation des recettes pour le port de Halifax devrait être de l'ordre de 2,338 millions de dollars, ce qui donne un profit projeté d'environ 58 000 $.
En ce qui concerne la question de l'interfinancement d'autres ports par les profits enregistrés au port de Halifax, l'Office remarque que même le présent projet de tarif ne réussit pas à sortir le district de St. John's de sa position déficitaire. Pour que ce dernier soit financièrement autonome en 1996, il faudrait adopter des augmentations tarifaires approchant les 40 p. 100, soit un niveau d'augmentation que l'Office juge non raisonnable. Par conséquent, les profits d'autres districts et de grands ports sont nécessaires pour que l'Administration s'autosuffise financièrement en 1996. Si l'on applique de façon rigide le principe selon lequel le port de Halifax ne devrait pas contribuer de ses recettes aux autres districts de l'Administration, alors cette dernière sera encore dans une situation déficitaire en 1996.
Dans l'examen du pour et du contre de cette question, l'Office est d'avis qu'il est dans l'intérêt public que l'Administration s'autosuffise financièrement. Si l'on empêche le port de Halifax de contribuer aux résultats globaux, il faudra alors imposer des augmentations supplémentaires dans les autres districts. L'Office estime que cette option n'est ni souhaitable ni raisonnable à l'heure actuelle. D'après les éléments précédents, l'Office est d'avis que l'augmentation proposée au port de Halifax est raisonnable même si le port devrait réaliser un profit en 1996 avec ces recettes additionnelles.
Répartition des frais administratifs
Cette question continue d'être soulevée par les intérêts du port de Halifax et a d'ailleurs été examinée antérieurement par l'Office et son prédécesseur, la CCT.
L'Office souligne qu'il n'existe aucune méthode comptable normalisée de répartition des dépenses communes entre différents types ou sites d'activité. Il existe diverses méthodes, toutes jugées raisonnables, selon les circonstances. En ce qui a trait à l'Administration, l'Office fait remarquer que la formule Lowery a été élaborée au cours de l'enquête menée par la Commission royale Bernier sur le pilotage. Les services de M. Richard Lowery, membre du Royal Institute of Naval Architects, ont été retenus par la Commission royale Bernier pour préparer un rapport sur les avantages des divers critères utilisés pour calculer les droits de pilotage. M. Lowery a présenté son rapport à la Commission royale Bernier en mars 1965, dans lequel il préconisait que l'on fonde les droits sur des unités de navire où les unités sont une mesure de la taille du navire obtenue en multipliant la largeur, la profondeur et la longueur du navire et en divisant ce total par 10 000. La Commission royale Bernier a ajouté la recommandation de M. Lowery dans son rapport au Parlement le 1er mars 1968.
L'Administration a adopté cette méthode de répartition des droits de pilotage au moment de sa création en février 1972. Cependant, l'Administration n'a pas réparti les frais administratifs en se fondant sur les unités de navires. Au début, l'Administration a réparti ces frais en fonction des affectations en faisant valoir que le nombre d'affectations représente une mesure équitable de l'activité à chaque port. La CTC a examiné cette question lors d'une enquête sur les tarifs en 1977 et a déclaré ce qui suit dans sa décision no WTC 4-77 :
Si l'on accepte le principe de la formule Lowery selon lequel les plus gros navires devraient payer plus, il s'ensuit que non seulement devraient-ils débourser davantage pour les frais directs mais également pour les indirects. Cela est possible en répartissant les frais généraux d'administration non pas par affectation mais par unités de pilotage de manière que les ports recevant les gros navires supportent une plus grande partie des frais généraux d'administration par affectation.
L'Administration a adopté en 1979 la méthode de répartition des frais généraux d'administration selon les unités de navire.
Les usagers des services de pilotage ont accepté le principe Lowery de calcul des droits depuis la création de l'Administration et n'en ont jamais remis en question la pertinence. L'Office estime donc qu'il n'y a pas lieu de changer la méthode de répartition des frais administratifs étant donné que l'unité de navire est cohérente avec la capacité des gros navires de payer plus que les navires plus petits.
Frais des bateaux-pilotes
De nombreux opposants se sont dits inquiets de l'augmentation des frais de bateaux-pilotes engagés en 1995 et de ceux prévus pour le reste de l'année et pour 1996. Les arguments présentés et la discussion menée à l'audience indiquent que l'Administration a modifié en partie ses activités de pilotage en 1995 et s'attend à réaliser des économies à la suite de ces mesures. Le changement le plus important a été le remplacement du service du bateau-pilote de l'Administration au port de St. John's par un service à contrat. L'Administration a transféré le bateau-pilote de St. John's à Come-by-Chance; on s'attend à ce que le service de bateaux-pilotes soit plus efficace avec deux bateaux et que le temps de déplacement des pilotes dans le secteur soit réduit. Par ailleurs, l'Administration a indiqué que la modification au service à contrat à Canso est également entrée en vigueur.
L'Office s'était également laissé dire par l'Administration que les réparations et remises en état nécessaires aux bateaux-pilotes avaient été reportées en raison de la situation déficitaire de l'Administration, mais que certaines réparations devraient être effectuées en 1996 pour veiller à ce que les bateaux-pilotes restent en bon état et qu'ils soient sûrs. À l'audience, les parties ont précisé à l'Office qu'ils estiment que le service offert par l'Administration est bon, sûr et fiable et qu'il doit continuer. Dans ce contexte, l'Office est d'avis que les frais de bateaux-pilotes prévus pour 1996 sont raisonnables et qu'on peut justifier qu'ils peuvent être récupérés auprès des usagers pour assurer le fonctionnement sûr et fiable des bateaux-pilotes.
L'Office fait observer que la question du remplacement éventuel des bateaux-pilotes de l'Administration a été soulevée à l'audience. L'Administration a fait savoir qu'en raison de son fonctionnement déficitaire depuis un certain temps, il n'existe pas de réserve pour faire l'acquisition d'un nouveau bateau dont le coût est estimé à environ 1 750 000 $ en 1995. À cet égard, l'Office remarque que l'Administration de pilotage des Laurentides a récemment accordé un contrat de construction d'un nouveau bateau-pilote, dont le coût sera récupéré des usagers au moyen d'une surtaxe visant précisément à couvrir le coût d'immobilisation du nouveau bateau. Il s'agit d'une façon par laquelle le coût d'un nouveau bateau-pilote pourrait être récupéré; l'Administration pourrait examiner cette possibilité avec les usagers.
RECOMMANDATION
L'Office national des transports, ayant examiné en profondeur le projet de tarif publié dans la Gazette du Canada le 17 juin 1995, recommande par les présentes à l'Administration de pilotage de l'Atlantique d'appliquer les augmentations tarifaires proposées, car elles ne portent pas atteinte à l'intérêt public.
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